CA Rennes, 3e ch. com., 17 novembre 2020, n° 17/07151
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Chiens et Chats Alimentation (SARL)
Défendeur :
Pattes et Compagnie (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Jeorger-Le Gac, M. Garet
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat souscrit le 11 février 2018, la SARL Chiens et Chats Alimentation (la société CCA) concédait à l'EURL Pattes et Compagnie (la société PC) le droit d'exploiter un réseau dit de franchise pour la commercialisation d'aliments de la marque « Husse » pour chiens et chats, la société franchisée bénéficiant ainsi d'une exclusivité dans un périmètre géographique déterminé (en l'occurrence certaines communes du Val d'Oise énumérées au contrat), étant tenue en contrepartie par une clause d'approvisionnement exclusif auprès de la société franchiseuse.
Ce contrat allait faire l'objet de deux avenants, successivement les 18 février 2011 et 8 avril 2013, pour étendre et modifier le secteur géographique ainsi concédé à la société franchisée.
Par lettre du 13 février 2014, la société PC, se disant déçue de ses performances commerciales au regard des perspectives exagérément optimistes que la société CCA lui aurait laissé espérer, écrivait à celle-ci pour lui réclamer des dommages-intérêts.
Par lettre du 13 mars 2014, la société CCA récusait toute tromperie et, finalement, invitait la société PC à respecter ses propres obligations jusqu'au terme du contrat, normalement prévu le 10 février 2017, sauf à encourir le risque d'une résiliation à ses torts.
A partir du mois de juin 2014, la société PC accusait du retard dans le paiement de ses factures d'approvisionnement, sollicitant alors des délais de paiement auprès de la société CCA.
Par assignation du 9 juillet 2014, la société PC saisissait le tribunal de commerce de Nantes d'une action tendant, à titre principal à l'annulation du contrat de franchise, subsidiairement à sa résiliation aux torts exclusifs de la société CCA, la société PC réclamant finalement la condamnation de celle-ci au paiement d'une somme de 211.800 € à titre de dommages-intérêts.
Par lettre recommandée du 14 août 2015, alors que l'instance était pendante devant le tribunal, la société CCA notifiait à la société PC, la rupture immédiate de leurs relations contractuelles aux torts exclusifs de la société franchisée à qui elle reprochait d'avoir cessé son activité, de porter atteinte à l'image du réseau « Husse » en demeurant injoignable par les clients du secteur géographique qui lui avait été concédé, enfin de rester redevable d'une somme de 6.604,93 € TTC à titre de factures d'approvisionnement ; finalement, la société CCA mettait la société PC en demeure de régler cette somme sous huitaine.
Par jugement du 25 septembre 2017, le tribunal :
- recevait la demande de la société PC et la déclarait partiellement bien fondée ;
- déboutait la société CCA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamnait la société CCA à payer à la société PC la somme de 109.350,87 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- condamnait la société CCA à payer à la société PC la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnait la société CCA aux dépens.
A cette fin et dans les motifs de sa décision, le tribunal devait notamment :
- déclarer irrecevable comme prescrite l'action en nullité du contrat de franchise, tant pour dol que pour erreur ;
- recevoir en revanche la société PC en son action en nullité du contrat pour absence de cause ;
- condamner en conséquence la société CCA à payer à la société PC une somme de 115.955,80 € à titre de dommages-intérêts mais, après déduction de celle de 6.604,93 € restant due par la société PC pour solde de ses factures d'approvisionnement, condamner en définitive la société CCA au paiement de la différence entre ces deux sommes, soit 109.350,87 € ;
- débouter la société PC de sa demande indemnitaire formée au titre d'une perte de chance de percevoir des dividendes ainsi qu'un salaire ;
- débouter enfin la société CCA de sa demande reconventionnelle en résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société PC.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 octobre 2017, la société CCA interjetait appel partiel de cette décision dans les termes suivants :
« 1 - le tribunal a prononcé à tort la nullité du contrat pour absence de cause, 2 - le tribunal devait prononcer la résiliation du contrat aux torts de la demanderesse, 3 - à titre subsidiaire, le tribunal a surévalué les préjudices. »
La société CCA notifiait ses dernières conclusions le 11 janvier 2018, la société PC les siennes le 23 mars 2020.
La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 17 septembre 2020.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société CCA demande à la cour de :
Vu les articles 1108 et 1131 du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'irrecevabilité des actions en nullité du contrat de franchise pour dol et erreur ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CCA de ses demandes reconventionnelles, en ce qu'il a prononcé la condamnation de la société CCA au paiement de la somme 109.350,87€, aux dépens et aux frais irrépétibles d'un montant de 2.000 € ;
- constater le caractère non fondé des dommages et intérêts prononcés par le tribunal ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CCA au paiement d'une indemnité de 109.350,87 € ;
A titre reconventionnel et en tout état de cause :
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise à compter du 14 août 2015 ;
- condamner la société PC à payer à la société CCA la somme de 6.604,93 € TTC au titre du solde de son compte impayé à ce jour, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2015 ;
- condamner la société PC à payer à la société CCA une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société PC aux entiers dépens.
Au contraire, la société PC demande à la cour de :
Vu les articles 1110, 1116, 1131, 1134, 1147, 1184, 1315 du code civil et L. 330-3 du code de commerce,
Vu l'article 901 du code de procédure civile,
- déclarer recevable et bien fondée la société PC en son appel incident ;
- débouter la société CCA de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- juger irrecevables les demandes de la société CCA mentionnées au dispositif de ses premières conclusions d'appelant, aux fins d'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la condamnation de la société CCA au paiement de la somme 109.350,87 €, aux dépens et aux frais irrépétibles d'un montant de 2.000 € ; de constatation par la cour du caractère non fondé des dommages et intérêts prononcés par le tribunal ; de condamnation de la société PC à payer à la société CCA la somme de 6.604,93 € TTC au titre du solde de son compte impayé à ce jour, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2015 ;
- confirmer les chefs du jugement annulant le contrat de franchise pour défaut de cause ;
- à titre subsidiaire, réformer les chefs du jugement rejetant l'action en nullité pour dol et/ou erreur au motif tiré de l'irrecevabilité ;
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des contrats de franchise sur le fondement de l'erreur et/ou du dol ;
- à titre infiniment subsidiaire, juger que la résiliation unilatérale du contrat de franchise a été opérée par la société CCA à ses torts exclusifs ;
- confirmer les chefs du jugement quant au principe de condamnation de la société CCA à payer des dommages et intérêts à la société PC au titre de la réparation de ses préjudices ;
- réformer les chefs du jugement quant au montant de 109.350,87 € pour lequel la société CCA a été condamnée en réparation des préjudices de la société Pc ;
- réformer les chefs du jugement déduisant de la somme de 115.955,80 € à laquelle la société CCA a été condamnée à payer à la société PCA celle de 6.604,93 € au titre des factures impayées ;
- et statuant à nouveau :
. condamner la société CCA à payer à la société PC la somme de 363.106 € à titre de dommages et intérêts ;
. à titre subsidiaire, condamner la société CCA à payer à la société PC la somme de 115.955,80 € à titre de dommages et intérêts ;
. à titre infiniment subsidiaire, condamner la société CCA à payer à la société PC la somme de 109.350,87 € à titre de dommages et intérêts ;
- en tout état de cause, condamner la société CCA à payer à la société PC la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande principale de la société PC tendant à la nullité du contrat de franchise pour absence de cause :
La société PC demande la confirmation de la décision sur ce point, la société CCA s'y opposant au contraire puisqu'ayant expressément interjeté appel du jugement « en ce qu'il a prononcé à tort la nullité du contrat pour absence de cause ».
A titre liminaire, la cour observe que la prescription de cette action n'est pas et n'a jamais été soulevée par la société CCA.
Sur le fond, l'article 1131 ancien du code civil dispose que « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».
S'agissant d'un contrat de franchise, les parties conviennent qu'il doit être caractérisé par la réunion de trois éléments :
- d'abord l'existence, préalable à la signature du contrat, d'un savoir-faire identifié, secret et substantiel pouvant être transmis et permettant de réitérer la réussite du franchiseur en assurant au franchisé un avantage substantiel sur la concurrence,
- ensuite une assistance apportée par le franchiseur au franchisé, tant en début de contrat qu'en cours d'exécution de celui-ci,
- enfin l'existence d'une enseigne de nature à attirer une clientèle préexistante.
S'agissant du savoir-faire, le règlement UE n° 330/2010 du 20 avril 2010 le définit comme un « ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci ; dans ce contexte, « secret » signifie que le savoir-faire n'est pas généralement connu ou facilement accessible ; « substantiel » se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels ; « identifié » signifie que le savoir-faire est décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s'il remplit les conditions de secret et de substantialité ».
En l'espèce, le contrat conclu entre les parties mentionne notamment :
- que la chaîne « Husse », du nom de la marque éponyme, fabrique et distribue en Scandinavie des aliments pour chiens et chats depuis 1987 ;
- que la société CCA a été créée en 2007 pour l'implantation et le développement du réseau « Husse » en région parisienne ;
- qu'elle se propose de promouvoir et d'exploiter ce concept de distribution de vente à domicile par l'intermédiaire d'un réseau de franchise ;
- que cette franchise repose sur un concept original de distribution fondée autour de méthodes commerciales spécifiques, d'un savoir-faire substantiel et identifié, résultant d'une expérience dans l'exploitation des points de vente comprenant une formation particulière des franchisés, une méthodologie d'exploitation commerciale et publicitaire éprouvée, d'une politique d'approvisionnement et de distribution performante grâce à la fabrication et à la sélection de produits de qualité adaptés à la demande, à des valeurs de références communes à tous les membres du réseau s'appuyant sur la transparence, la responsabilité, la qualité, la rigueur, la compétence et la convivialité, et soutenue par une politique d'animation interne du réseau relayée par une dynamique de coopération et de croissance et un échange permanent d'expérience, enfin par une logistique d'organisation, de communication externe et d'image sous l'enseigne « Husse ».
Par ailleurs, il résulte des pièces du dossier qu'à la suite de la signature de ce contrat, la société CCA a apporté à la société Pc :
- une formation initiale, la franchisée ayant ainsi bénéficié d'un stage de deux journées consacré à la nutrition des chiens et chats ainsi qu'aux techniques de vente appliquées par le réseau « Husse », en particulier sous la forme du télémarketing ;
- différents outils publicitaires : sacs, guides, échantillons, vêtements aux couleurs de la marque, affiches, tente publicitaire, logos à apposer sur le véhicule du franchisé ; par ailleurs et tout au long de la relation contractuelle, le franchiseur a continué à assurer l'animation publicitaire du réseau sous la forme d'encarts publiés régulièrement dans la presse écrite et électronique, animation dont la franchisée a pu bénéficier à l'instar de tous les membres du réseau ;
- l'enseigne « Husse » et la marque du même nom, lesquels existaient déjà en Europe et en France depuis plusieurs années, étant ici précisé que cette marque a été déposée et enregistrée en France auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 29 avril 1994 ;
- une formation continue dispensée sous la forme de réunions semestrielles des franchisés du réseau, de même que par la remise régulière de manuels de marketing spécifiques à la vente des produits « Husse » ;
- la mise en commun des moyens de livraison des produits « Husse », et ce afin de limiter les coûts supportés individuellement par chacun des franchisés ;
- la mise à disposition, d'une part d'un site internet (www.husse.fr) proposant les produits à la vente et renvoyant directement chaque commande passée en ligne vers le franchisé concerné en fonction de son secteur géographique d'exclusivité, d'autre part d'un site intranet permettant aux franchisés d'accéder à divers documents à caractère commercial ou de gestion.
Ainsi, la société PC ne saurait se plaindre d'une absence d'assistance de la part de son franchiseur, la société CCA lui ayant au contraire apporté un savoir-faire spécifique, substantiel et inaccessible aux non-franchisés, une assistance diversifiée et conséquente, non seulement en début de contrat mais aussi pendant tout le cours de celui-ci, enfin une enseigne de nature à attirer une clientèle préexistante.
De même, en lui garantissant une exclusivité territoriale sur le secteur qui lui était concédé et en lui renvoyant tous les clients résidant dans le secteur dont la franchisée avait la charge, la société CCA a apporté à la société PC un avantage substantiel par rapport à la concurrence, lui ayant ainsi donné tous les moyens d'assurer sa propre réussite commerciale.
C'est encore sans aucune preuve que la société PC affirme que les recettes des aliments « Husse » ne seraient pas originales, voire qu'elles seraient commercialisées à l'identique par d'autres industriels qui les distribueraient sous des marques concurrentes, les pièces qu'elle verse aux débats à l'appui de cette thèse ne permettant pas de déterminer s'il s'agit des mêmes produits.
C'est encore à tort que la société PC reproche à la société CCA de lui avoir imposé une clause d'approvisionnement exclusif, étant en effet rappelé qu'une telle clause, très classique dans les contrats de franchise, peut se justifier par la nécessité d'assurer la qualité uniforme des produits distribués, ainsi qu'il est d'ailleurs indiqué à l'article 3.3 du contrat litigieux.
Quant à la circonstance alléguée que les prix de revente étaient imposés par le franchiseur au franchisé (une telle clause ne figurant d'ailleurs pas dans le contrat), en toute hypothèse et même à la supposer illicite, cette clause ne saurait affecter la validité du contrat lui-même.
C'est encore en vain que la société PC reproche à la société CCA de ne pas avoir suffisamment contrôlé son activité alors qu'elle ne cessait d'être déficitaire, voire de ne pas lui avoir donné tous les avertissements utiles à une meilleure gestion de ses affaires.
En effet et ainsi qu'il résulte de l'article 1.3 du contrat de franchise, « le principe de base de la présente coopération est qu'elle est conclue entre deux parties indépendantes tant au point de vue de leur droit de propriété que de leur responsabilité [...] », ce dont il résulte que le franchiseur n'avait pas à s'immiscer dans la gestion du franchisé.
Ainsi et contrairement à ce que le tribunal a pu retenir, il ne saurait être reproché à la société CCA une insuffisance de contrôle, et finalement un défaut d'assistance qui, selon les premiers juges, caractériseraient une absence de cause au contrat.
Au contraire et ainsi qu'il a été précédemment démontré, la société PC a bénéficié de toute l'assistance et de tous les moyens requis dans le cadre d'un contrat de franchise, le grief tiré d'une absence de cause, au sens de l'article 1131 ancien du code civil, n'étant pas caractérisé.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat sur ce fondement.
Sur la demande subsidiaire de la société PC tendant à la nullité du contrat de franchise pour dol et/ou erreur :
La société PC reproche ici à la société CCA de l'avoir trompée sur ses perspectives de développement en lui présentant, dans le cadre de l'information pré-contractuelle prévue à l'article L. 330-3 du code de commerce, une étude prévisionnelle de rentabilité exagérément optimiste et irréaliste.
De son côté, la société CCA conteste être l'auteur de ce document.
La société PC dénonce aussi une information pré-contractuelle inexistante quant à l'état du marché local sur lequel elle allait s'implanter.
Expliquant que ce n'est tardivement qu'elle a découvert l'ampleur de ces dissimulations puisqu'il lui aurait fallu attendre d'avoir réalisé un exercice complet d'activité après la date de signature des deux avenants au contrat pour se rendre compte qu'elle ne serait jamais en mesure de dégager aucun bénéfice ni de se payer aucun salaire, elle reproche au tribunal d'avoir déclaré son action irrecevable comme prescrite.
Cependant et à l'instar de ce qu'ont justement retenu les premiers juges sur ce point, la cour rappelle :
- qu'en application de l'article 1304 du code civil, le délai de prescription de l'action en nullité d'une convention, d'une durée de cinq ans sauf loi particulière la limitant à un moindre temps, court, dans le cas d'erreur ou de dol, à compter du jour où ils ont été découverts ;
- qu'en l'espèce, le contrat de franchise a été conclu dès le 11 février 2008 ;
- que dès la fin de l'année 2008, la société PC a réalisé une perte d'un montant supérieur à son chiffre d'affaires (respectivement 8.162 et 8.063 €) ;
- que l'année 2009 n'a pas été plus satisfaisante, puisque l'activité de la société PC a généré une perte de 7.269 € pour un chiffre d'affaires de 20.701 € ;
- qu'ainsi, dès la fin de l'exercice 2008 et au plus tard au début de l'année 2009, la société PC avait conscience du caractère déficitaire de son activité, en complet décalage avec les performances indiquées sur le document prévisionnel dont elle se prévaut ;
- que par ailleurs, elle ne soutient pas avoir découvert de nouveaux documents qui lui auraient été dissimulés par la société CCA au moment de la conclusion du contrat, la société PC se prévalant seulement de la fausseté ou de l'insuffisance des informations qui lui auraient alors été remises par le franchiseur dès avant la signature du contrat ;
- qu'or, au lieu de dénoncer cette convention dont elle pouvait déjà mesurer tous les risques et limites dès la fin de sa première année d'activité, la société PC a préféré étendre son activité et payer des droits d'entrée supplémentaires en souscrivant deux avenants, le premier, en date du 18 février 2011, pour étendre sa zone d'exclusivité à de nouvelles communes et bénéficier ainsi d'une clientèle potentielle supplémentaire de quelques 99.000 habitants, le second, en date du 8 avril 2013, cette fois pour échanger quelques communes de son secteur contre d'autres, ayant par là même bénéficié encore de quelques nouveaux clients potentiels.
Il résulte de ce qui précède que l'assignation en nullité du contrat de franchise, délivrée le 9 juillet 2014 seulement, soit plus de cinq ans après que la société PC avait découvert toutes les informations susceptibles de caractériser l'erreur ou le dol dont elle se prétend victime, est tardive.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable comme prescrite.
Sur la demande tendant à la résiliation du contrat de franchise :
Celle-ci est formée à titre principal et reconventionnel par la société CCA aux torts exclusifs de la société PC (la société CCA ayant en effet interjeté appel du jugement en ce qu'il « devait prononcer la résiliation du contrat aux torts de la demanderesse »), et à titre infiniment subsidiaire par la société PC aux torts exclusifs de la société CCA.
A cet égard, il résulte des pièces du dossier que dès le mois de juin 2014, la société PC a accusé un retard dans le paiement de ses factures d'approvisionnement auprès de la société CCA, la franchisée ayant alors sollicité des délais de paiement qu'elle n'a finalement pas respectés.
D'ailleurs, la société PC elle-même ne conteste pas rester redevable d'un solde de factures impayées pour une somme totale de 6.604,93 € TTC.
Pour ce seul motif, qui traduit le non-respect des obligations contractuelles incombant à la société franchisée, la résiliation du contrat est encourue aux torts de celle-ci, et ce par application de l'article 1184 ancien du code civil.
Par ailleurs, c'est à tort que la société PC dénonce une suspension brutale des relations contractuelles, la chronologie du dossier démontrant au contraire que la société CCA a attendu plusieurs mois avant de mettre fin aux approvisionnements de la franchisée, et ce alors même qu'elle était en droit d'exiger le règlement de sa créance avant toute nouvelle livraison, ce que la société PC s'est pourtant abstenue de faire.
Ainsi, la cour observe que ce n'est que par lettre du 14 août 2015 que la société CCA a informé la société PC qu'elle mettait fin à leurs relations, et ce alors même que la société PC l'avait déjà fait assigner devant le tribunal, par acte du 9 juillet 2014, aux fins d'annulation du contrat pour dol.
Dans un tel contexte, la société CCA a même fait preuve de beaucoup de patience, alors que depuis plusieurs mois déjà, la société PC avait cessé d'exécuter le contrat de bonne foi.
La société PC ne saurait donc se prévaloir d'un refus injustifié de délais de paiement ni d'une rupture abusive de son approvisionnement.
Elle ne saurait non plus reprocher à la société CCA de lui avoir « retiré » la clientèle prétendument créée par elle sur un secteur géographique qui ne lui était pas concédé (le « hors secteur ») ni d'avoir permis l'installation d'un autre franchisé sur ce secteur.
En effet, d'une part la société PC n'y avait acquis aucun droit d'exploitation, d'autre part il n'est pas justifié que la société CCA ait fait profiter le nouvel installé du travail prétendument accompli par la société PC.
Enfin et ainsi qu'il a déjà été précédemment démontré, la société CCA a apporté à la société PC toute l'assistance à laquelle celle-ci pouvait prétendre dans le cadre du contrat de franchise, les difficultés rencontrées par celle-ci n'incombant qu'à elle-même.
C'est donc à tort que la société PC impute ces difficultés à une exécution déloyale du contrat ou encore à l'absence d'aide et d'assistance de la part de la société CCA.
En conséquence, il sera fait droit à la demande reconventionnelle de la société CCA tendant à la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société PC, laquelle sera simultanément déboutée de sa demande subsidiaire tendant à une résiliation aux torts de la société CCA.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société PC à l'encontre de la société CCA :
La société PC ne pouvant se prévaloir ni d'une annulation du contrat ni d'une résiliation aux torts de la société CCA, sa demande indemnitaire est dépourvue de fondement.
A cet égard, c'est en vain que la société PC soutient que la société CCA serait irrecevable à réclamer l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 109.350,87 € à titre de dommages-intérêts, au motif que la société CCA n'aurait pas expressément interjeté appel de cette disposition.
En effet, d'une part la société CCA a interjeté appel du jugement d'abord en ce qu'il « a prononcé la nullité du contrat pour absence de cause », ensuite en ce « qu'il devait prononcer la résiliation du contrat aux torts [de la société PC] », ce qui impliquait que la société CCA ne puisse être tenue à de quelconques dommages-intérêts, une telle condamnation ne pouvant découler que de l'une ou l'autre de ces dispositions (annulation ou résiliation).
D'autre part, la société CCA a également interjeté appel du jugement en ce que le tribunal a « surévalué les préjudices », ce dont il résulte qu'elle a contesté sa condamnation au paiement de dommages-intérêts.
Dès lors, déboutée de ses deux demandes en annulation et en résiliation, la société PC sera déboutée de sa demande indemnitaire, par là même privée de tout fondement.
Sur la demande de la société CCA tendant à voir condamner la société PC au paiement du solde de factures impayées :
Ici encore, c'est à tort que la société PC soutient que la société CCA serait irrecevable à réclamer cette condamnation au motif qu'elle n'aurait pas interjeté appel de ce chef.
En effet, le tribunal a fait droit à cette demande de la société CCA puisqu'après avoir fixé à la somme de 115.955,80 € le montant des dommages-intérêts dus par la société CCA à la société PC, il en a expressément « déduit la somme de 6.604,93 € au titre des factures restées impayées », les premiers juges ayant finalement condamné la société CCA au paiement de la différence entre ces deux sommes (109.350,87 €).
Ainsi, ayant obtenu gain de cause sur ce point, la société CCA n'avait pas d'intérêt à interjeter appel de cette disposition.
En conséquence et faute pour la société PC de justifier en quoi elle devrait être dispensée du paiement de ces factures, il sera fait droit à la demande en paiement de la société CCA, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
C'est toujours à tort que la société PC fait valoir que la société CCA serait irrecevable à contester sa condamnation au titre des frais irrépétibles de première instance au motif qu'elle n'aurait pas interjeté appel de ce chef.
En effet et par application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément « et de ceux qui en dépendent ».
Ainsi et dès lors qu'une condamnation au titre de l'article 700 du même code ne saurait être prononcée qu'à l'encontre d'une partie perdante ou tenue au dépens, la société CCA, qui a interjeté appel de toutes les condamnations principales prononcées à son encontre, conteste également sa condamnation au titre des frais irrépétibles qui en dépend.
En conséquence et dans la mesure où la société PC échoue en toutes ses demandes, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société CCA à lui payer une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.
Il en sera de même de la condamnation de la société CCA aux dépens de première instance, lesquels seront supportés par la société PC, partie perdante.
Également perdante en appel, la société PC supportera les dépens y afférents.
Enfin, les deux parties seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- infirme le jugement ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise pour absence de cause ;
- infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Chiens et Chats Alimentation à payer à la société Pattes et Compagnie une somme de 109.350,87 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Chiens et Chats Alimentation de sa demande en résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Pattes et Compagnie ;
- infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Chiens et Chats Alimentation à payer à la société Pattes et Compagnie une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance ;
- le confirme pour le surplus de ses dispositions, notamment en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Pattes et Compagnie en nullité du contrat de franchise pour dol ou erreur, de même qu'en ce qu'il a mis à la charge de la société Pattes et Compagnie une somme de 6.604,93 € au titre d'un solde de factures impayées restant dû à la société Chiens et Chats Alimentation ;
- statuant à nouveau et y ajoutant :
. prononce la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Pattes et Compagnie ;
. déboute les parties du surplus de leurs demandes, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel ;
. condamne la société Pattes et Compagnie aux entiers dépens de première instance et d'appel.