Cass. com., 18 novembre 2020, n° 19-13.479
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Puma France (SAS)
Défendeur :
Lidl (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Buk Lament-Robillot, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 janvier 2019), la société Lidl exerce une activité de commerce de détail de tous types de produits alimentaires et de bazar. La société Puma France (la société Puma) conçoit et produit des articles de sport et de loisirs, commercialisés sous la marque éponyme par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective, auquel n'appartient pas la société Lidl.
2. Se prévalant de la vente, par cette société, de chaussures et de sacs à dos sous la marque Puma, dans le cadre d'une opération promotionnelle annoncée par de vastes moyens de communication et dans des conditions constitutives, selon elle, d'une concurrence déloyale et parasitaire, la société Puma l'a assignée en réparation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Puma fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que si le fait pour un revendeur de s'approvisionner sur un marché parallèle ne constitue pas en soi une pratique anticoncurrentielle, il en va autrement lorsque le revendeur vend les produits dans des conditions dévalorisantes portant atteinte à leur notoriété ; qu'en se fondant, pour dire que les tracts publicitaires ne présentaient pas de façon dévalorisante les produits Puma, sur la circonstance, inopérante, que ces produits étant isolés dans les tracts des autres produits vendus, aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents produits, au lieu de rechercher, ainsi que les conclusions d'appel de la société Puma l'y invitaient, si ces prospectus publicitaires n'étaient pas dévalorisants eu égard à leur très médiocre qualité et au fait qu'ils représentaient, en plus des produits Puma, des produits alimentaires, du vin et des produits bas de gamme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
5. Pour rejeter la demande de la société Puma fondée sur la concurrence déloyale, l'arrêt retient que les tracts publicitaires isolaient bien les articles Puma des autres produits vendus, de sorte qu'aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents biens.
6. En se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les tracts constituant la campagne publicitaire incriminée ne présentaient pas les produits en cause sur des supports et dans un environnement portant atteinte à leur notoriété aux yeux du consommateur, peu important l'absence de confusion entre les différents produits faisant l'objet de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. La société Puma fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le fait que ses produits aient été vendus sans conseils prodigués par un personnel compétent et qualifié avait également contribué à porter atteinte à sa notoriété ; qu'en retenant qu'il n'était pas établi que les produits Puma aient été présentés à la vente dans des conditions dévalorisantes, sans répondre à ses conclusions de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour rejeter la demande de la société Puma, l'arrêt retient qu'en magasin, les produits Puma étaient exposés dans des racks ou sur leur boîte, à même le sol, sans que ces conditions puissent être jugées dévalorisantes pour la marque, s'agissant d'une opération publicitaire isolée.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Puma qui faisait également valoir que l'absence de conseil prodigué aux clients était de nature à porter atteinte à la notoriété de ses produits, la cour d'appel, qui n'a pas examiné le moyen pris de ce que les conditions de commercialisation n'étaient pas conformes à la nature alléguée des produits, pouvant requérir un conseil approprié, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
11. La société Puma fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que commet un acte de concurrence déloyale le revendeur qui se place dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété ; qu'en se fondant, pour dire que la société Lidl ne s'était pas placée dans le sillage de la société Puma et n'avait pas utilisé sa notoriété sans bourse délier, sur la circonstance que la campagne en cause, portant sur deux cents trente-deux articles, avait été « ponctuelle », circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure que les produits Puma aient fonctionné comme des produits d'appel, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
12. Pour rejeter la demande de la société Puma fondée sur la concurrence parasitaire, l'arrêt retient que la campagne en cause, ponctuelle, portait sur deux cent trente-deux articles et qu'il n'était pas établi que les produits auraient fonctionné comme des produits d'appel, pour en déduire que la société Lidl n'a pas utilisé la notoriété de la société Puma sans bourse délier et ne s'est donc pas placée dans son sillage.
13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la concurrence parasitaire alléguée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième grief,
La Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré que les produits critiqués avaient été licitement acquis par la société Lidl, l'arrêt rendu le 9 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.