CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 25 novembre 2020, n° 18/15270
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Eqinox Healthcare France (SAS)
Défendeur :
Astrazeneca (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
Avocats :
Selarl Cambaceres Avocat, LMT Avocat AARPI
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Eqinox Healthcare France (ci-après Eqinox) a pour activité la promotion de produits pharmaceutiques et de matériels médical et pharmaceutique, en France ou à l'étranger.
La SAS Aztrazeneca, a pour activité la fabrication et la vente de produits pharmaceutiques.
Depuis 1996, la société Eqinox est prestataire de la société Astrazeneca pour la promotion de produits pharmaceutiques dans les Drom-Com (Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane et Polynésie).
A partir de 2011 la société Astrazeneca a organisé des appels d'offres pour le marché des « prestations de visites médicales Outre-Mer » auxquels la société Eqinox a participé. Depuis 2011, cette dernière les a remportés.
C'est dans ces conditions que des contrats d'un an ont été conclus entre les parties, sauf le dernier contrat signé pour une durée de 2 ans, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
La société Eqinox a répondu au cinquième appel d'offres lancé le 23 juin 2015 pour les prestations de l'année 2016 mais a été informée le 2 novembre 2015 qu'elle n'était pas retenue.
S'estimant victime d'une rupture brutale des relations, Eqinox, après des vicissitudes procédurales, a saisi le tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2016.
Par jugement du 11 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris :
- Déboute la SAS Eqinox Healthcare France de sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,
- Déboute la SAS Aztrazeneca de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamne la SAS Eqinox Healthcare France à payer à la SAS Astrazeneca la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- Ordonne l'exécution provisoire,
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- Condamne la SAS Eqinox Healthcare France aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 146,33 euros dont 23,96 euros de TVA.
Par déclaration du 18 juin 2018, la société Eqinox Healthcare France a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de la SELARL X prise en la personne de M. X agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France, notifiées et déposées sur le RPVA le 30 juillet 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l'existence de relation commerciales établies
Vu le caractère brutal de la rupture
Vu notamment les articles L. 442-6, I, 5° et L. 420-2 du Code de commerce
Vu l'article 1382 du Code civil
Vu les articles 12 et 378 du Code de procédure civile
Vu la Jurisprudence jointe et citée,
Juger la société Eqinox Healthcare France recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence, infirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal de commerce de Paris et
Statuant à nouveau
Constater la rupture brutale des relations commerciales établies par la société Astrazeneca
Juger que le préavis aurait dû être de 24 mois
En conséquence,
Condamner la société Astrazeneca à payer à la SELARL X, prise en la personne de Maître X, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France, la somme de 751.569,50 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
Condamner la société Astrazeneca à payer à la SELARL X, prise en la personne de Maître X, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France, la somme de 20.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
le tout assorti des intérêts de droit ;
Condamner la société Astrazeneca à payer à la société SELARL X, prise en la personne de Maître X ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Edmond F., commis aux offres de droit en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Astrazeneca, notifiées et déposées le 14 septembre 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l'article L. 442-6, I-5° du Code du commerce.
Vu l'article 1240 du Code civil.
Dire irrecevable la demande présentée par la SELARL X, en la personne de Me X en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France au titre de l'article L. 420-2-2° du code de commerce, et subsidiairement l'en débouter.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 11 juin 2018.
Condamner la SELARL X, en la personne de Me X en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France à verser à la société AstraZeneca la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles.
MOTIFS
Sur le caractère établi des relations commerciales entre la société Eqinox Healthcare France et Aztrazeneca
La société Eqinox par son liquidateur invoque l'existence de relations commerciales établies avec la société Astrazeneca au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et demande l'infirmation du jugement sur ce point. Elle fait grief au tribunal d'avoir opéré une analyse in abstracto en ne prenant en considération qu'un critère formel, tiré de l'existence prétendue d'appel d'offres alors qu'il aurait dû effectuer une analyse in concreto en prenant en compte le critère significatif des échanges et la croyance légitime dans la poursuite des relations. Elle soutient que ni la procédure d'appel d'offres ni la forme des relations par contrat à durée déterminée n'est exclusive du caractère établi des relations commerciales.
La société Aztrazeneca dénie l'xistence de relations commerciales établies avec la société Eqinox au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce faisant valoir que la procédure d'appel d'offres annuelle pour le marché des Dom-Tom, mise en œuvre a précarisé leurs relations, et que les contrats à durée déterminée liant les parties excluaient expressément toute tacite reconduction. Elle invoque aussi des fautes qui auraient été commises par Eqinox dans l'exécution des contrats.
L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
La relation commerciale, pour être établie au sens de cet article, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Le recours à la procédure d'appel d'offres par la société Astrazeneca pour le marché litigieux « prestations de visite médicales Outre-Mer », pour les années 2011, 2012, 2013, 2014 ainsi que pour l'année 2016, procédure à laquelle la société Eqinox a systématiquement participé, donnant lieu à la souscription de contrats à durée déterminée insusceptible de renouvellement automatique, est exclusif de toute pérennité de la relation commerciale entre les parties.
Sont indifférentes au regard du caractère précaire de la relation :
- le fait que la société Eqinox ait remporté tous les appels d'offres depuis 2011 alors que notamment les lettres de mise en compétition envoyées précisaient qu'à l'expiration du contrat remporté une procédure d'appel d'offres serait réitérée ;
- la participation de la société Eqinox au-delà du terme de l'appel d'offres de 2015 à une étude portant sur « la qualité des informations transmises par les réseaux Sepropharm [ex-Eqinox] auprès de la population des médecins visités pour le compte de la société Astrazeneca dans les Dom » alors que cette étude est réalisée en application de la clause d'audit du contrat liant les parties, permettant à la société Astrazeneca de mandater jusqu'à 6 années après l'expiration du contrat, un tiers de son choix pour vérifier le respect des engagements contractuels de la société en cause.
Dès lors, le jugement est confirmé en ce que, considérant que la relation commerciale entre les parties n'était pas établie, il a débouté la société Eqinox de ses demandes sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
Sur les autres demandes
Il sera observé en outre que si la société Eqinox par son liquidateur invoque sa dépendance économique sur le fondement de l'article L. 420-2 du code de commerce, elle ne forme aucune demande à cet égard, se bornant à faire état de sa dépendance comme circonstance aggravante du caractère fautif de la rupture.
En conséquence, la demande de la société Astrazeneca tendant à voir dire irrecevable celle de l'appelante au titre de l'article L. 420-2 2° du code de commerce et subsidiairement à l'en voir débouter, est sans objet.
Eqinox par son liquidateur qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle est condamnée à payer sur ce fondement la somme de 5 000 euros à la société Astrazeneca en sus de la somme allouée à ce titre par le premier juge.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement ;
CONDAMNE la SELARL X prise en la personne de M. X agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eqinox Healthcare France aux dépens dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Astrazeneca la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE toute autre demande.