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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 23 novembre 2020, n° 19/00086

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maisons Du Monde France (SAS)

Défendeur :

Bazalp (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Harrivelle

TGI Mulhouse, ch. com., 26 nov. 2018

26 novembre 2018

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les sociétés MAISONS DU MONDE FRANCE et FLY, devenue BAZALP, distribuent toutes deux des articles d'ameublement et de décoration de maison. En septembre 2015, la société MAISONS DU MONDE a découvert que la société FLY diffusait un prospectus publicitaire mettant en avant un slogan combinant deux polices de caractères dont elle estimait qu'elles étaient associées à sa propre identité visuelle. Elle estimait que ce comportement était constitutif d'actes de parasitisme et mettait en demeure sa concurrente de cesser la diffusion dudit prospectus.

Devant le refus de la société FLY, la société MAISONS DU MONDE l'a, par acte d'huissier délivré le 2 novembre 2016, fait assigner devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de MULHOUSE en indemnisation pour concurrence parasitaire, au visa de l'article 1382 (ancien) du Code civil.

Par jugement du 26 novembre 2018, le Tribunal de grande instance de MULHOUSE a rejeté les demandes de la société MAISONS DU MONDE, rejeté la demande de dommages et intérêts de la société FLY, condamné la société MAISONS DU MONDE aux dépens, condamné la société MAISONS DU MONDE à payer à la société FLY la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration faite au greffe le 19 décembre 2018, la société MAISONS DU MONDE a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration faite au greffe le 29 janvier 2019, la société FLY s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 17 juin 2019, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société FLY, devenue BAZALP, demande à la cour de déclarer l'appel mal fondé, de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MULHOUSE le 26 novembre 2018, en conséquence, de débouter l'appelante de la totalité de ses chefs de demandes, de la condamner aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel, ainsi qu'à payer lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société FLY conclut à l'inexistence des actes de concurrence parasitaire allégués, soulignant en premier lieu qu'étant elle-même une enseigne bien connue du public, elle n'avait aucun intérêt à tenter de se placer dans le sillage de la société MAISONS DU MONDE pour bénéficier de sa renommée. Elle explique ensuite qu'elle n'a nullement tenté d'imiter l'identité visuelle de sa concurrente, la sienne propre étant parfaitement identifiable sur le prospectus litigieux. Quant aux polices de caractères utilisées, elle rappelle qu'elles sont libres de droits. L'usage du terme « Monde » et la diffusion d'un message de liberté d'expression dans le choix de l'ameublement ne peuvent aucunement, selon elle, être monopolisés par sa concurrente.

Par ses dernières conclusions du 2 juin 2020, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société MAISONS DU MONDE demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MULHOUSE le 26 novembre 2018, en ce qu'il a rejeté ses demandes et l'a condamnée à payer à la société FLY la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, de confirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de la société FLY, et statuant à nouveau, de dire et juger qu'en diffusant le prospectus litigieux, la société BAZALP, anciennement dénommée FLY, a commis des actes de concurrence parasitaire au sens des articles 1240 et suivants du Code civil, de dire et juger la société BAZALP irrecevable et mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ; en conséquence, d'interdire à la société BAZALP de reproduire, d'une quelconque manière, des éléments d'identité visuelle de la société MAISONS DU MONDE, de condamner la société BAZALP à payer à la société MAISONS DU MONDE la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice découlant des actes de concurrence parasitaire, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues de son choix et aux frais de la société BAZALP dans la limite d'un plafond hors taxes global de 15 000 euros pour l'ensemble des trois publications et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires, de condamner la société BAZALP à payer à la société MAISONS DU MONDE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner la société BAZALP aux entiers dépens.

À l'appui de ses demandes, la société MAISONS DU MONDE fait valoir que l'action en concurrence parasitaire est recevable même en l'absence de droit privatif, que la faute de concurrence parasitaire s'apprécie de manière globale et qu'elle est constituée notamment en cas de reprise d'un élément de l'identité visuelle d'un concurrent. Elle ajoute que la notoriété de la société qui parasite une autre entreprise est indifférente. Elle souligne l'importance de la typographie dans l'identité visuelle des enseignes du secteur de la décoration et de l'ameublement. Elle considère que la société FLY a commis des actes de parasitisme en usant de polices d'écriture et du terme « Monde » rattachés à sa propre identité visuelle, ceci pour faire de la publicité à moindre frais. Elle critique la motivation du jugement entrepris, insistant sur le fait que le parasitisme, pour être constitué, ne nécessite pas la preuve d'un risque de confusion. Elle estime que le comportement de son adversaire, qui usurpe indûment ses efforts publicitaires, doit être interdit et qu'elle peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 50 000 euros.

Il est expressément renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2020. L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 7 octobre 2020, à laquelle les parties ont pu développer les moyens à l'appui de leurs demandes.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur les actes de parasitisme :

La société MAISONS DU MONDE reproche principalement à la société FLY de s'être livré à des actes de concurrence parasitaire, en diffusant un prospectus commercial qui reprend partiellement des éléments rattachés à sa propre identité visuelle. Elle vise principalement le slogan mis en avant par le prospectus : « déRANGER SON PETIT MONDE ». Elle expose que la société FLY a fait usage de polices de caractères similaires à celles qu'elle emploie. Ainsi, le terme « MONDE », qui est selon l'appelante étroitement associé à sa propre enseigne « MAISONS DU MONDE », est écrit dans une typographie très spécifique qu'elle emploie depuis une quinzaine d'année pour son enseigne. Elle détaille les spécificités de cette typographie (notamment page 26 de ses conclusions) et souligne que, au sein de la variété quasiment illimitée de polices disponibles, les ressemblances étroites entre celle attachée à son identité et celle employée par sa concurrente sur le prospectus litigieux ne peut résulter du hasard. Elle remarque en outre que si cette typographie est étroitement associée à son identité, elle n'appartient en rien à l'identité visuelle de l'enseigne FLY, bien différente. Par ailleurs, elle reproche également à son adversaire l'usage d'une autre police, celle-ci associée à son slogan « SOYEZ FOUS SOYEZ VOUS », employée par la société FLY pour écrire la syllabe « dé » dans le mot « déRANGER ». L'appelante argue que là encore, outre la proximité des polices alors que le choix est très vaste, le rapprochement opéré est également thématique. Elle explique que sa campagne « SOYEZ FOUS SOYEZ VOUS » promeut l'idée de liberté d'expression personnelle du consommateur dans ses choix d'articles d'ameublement, et que donc le slogan de son adversaire, renvoyant à l'idée de « déranger [le monde de l'ameublement] », joue sur la même idée de liberté tout en reprenant une police similaire. Elle conclut de cet exposé que la société FLY a délibérément et en toute connaissance de cause employé des références à sa concurrente tant typographiques que thématiques, afin de se mettre dans son sillage et profiter de sa notoriété, se livrant, par-là, à des actes de parasitisme répréhensibles.

En réplique, la société FLY réfute toute intention de se placer dans le sillage de la société MAISONS DU MONDE et de bénéficier de sa notoriété. Elle rappelle la notoriété de sa propre enseigne et sa position bien connue des consommateurs sur le marché de l'ameublement et de la décoration de maison. Elle conteste également le reproche qui lui est fait d'usurper l'identité visuelle de sa concurrente, en soulignant que le mot « MONDE » à lui seul, et quelle que soit la typographie utilisée, ne peut renvoyer à l'identité visuelle de la société MAISONS DU MONDE, car il est utilisé par le prospectus litigieux de manière isolée, qui plus est en étant associée à un logo « FLY » très apparent. L'intimée argue également que la police utilisée dans les logos successifs de MAISONS DU MONDE est dite « grizzly » et est libre de droits, n'ayant aucunement été créée par son adversaire. Il en va de même pour la police utilisée pour la graphie du slogan « SOYEZ VOUS SOYEZ FOUS », dite « Levi Brush ». L'intimée rappelle également que l'identité visuelle de la marque FLY comprend, quant à elle, une typographie originale et un code couleur rouge. Le mot « MONDE », ajoute-t-elle, n'a pas été utilisé par FLY comme un élément de sa propre identité visuelle mais exclusivement dans la phrase d'un slogan sur un dépliant et une affiche diffusés environ un mois pour illustrer un événement occasionnel. Elle indique choisir à ce titre ses polices en fonction du message à délivrer ponctuellement, pour telle opération commerciale, c'est pourquoi le mot « MONDE » n'a aucunement la même acception dans la marque « MAISONS DU MONDE ». Selon elle, le slogan « déRANGER son petit MONDE » vise un état d'esprit de renouveau des usages ou de renouvellement des habitudes de décoration, là encore sans rechercher à profiter de la notoriété de sa concurrente mais au contraire en s'inscrivant dans une démarche qui lui est propre, notamment au regard de l'ensemble de la campagne commerciale « VIVE LA DECO LIBRE », déclinée d'avril 2015 à mars 2016 à travers différents supports, chacun portant un slogan différent. Le prospectus « déRANGER SON MONDE » s'inscrit dans le cadre de cette campagne de long terme, dont il n'est qu'une séquence.

Le premier juge a admis la reprise par la société FLY d'éléments visuels et notamment des polices d'écriture et du terme « monde », mais en a déduit que ces éléments ne constituaient pas un ensemble cohérent associé à MAISONS DU MONDE et susceptible d'induire en erreur le consommateur. La société MAISONS DU MONDE reproche au jugement une erreur de droit, en ayant recherché à caractériser un risque de confusion. Il convient de rappeler que, si, ainsi que l'allègue justement la société MAISONS DU MONDE, la qualification d'acte de parasitisme n'est pas soumise à la démonstration d'un risque de confusion, il n'en reste pas moins que, pour établir le parasitisme, la seule imitation ou évocation de l'identité visuelle du concurrent ne suffit pas. Encore faut-il en effet démontrer la volonté, pour la partie à laquelle l'imitation est reprochée, de s'inscrire dans le sillage de son adversaire, en cherchant à évoquer dans l'esprit du public les éléments qui servent à l’identifier afin de profiter indûment des investissements qu'elle a consentis pour établir sa notoriété. La concurrence parasitaire peut ainsi se déduire d'un faisceau de présomptions, d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité.

Au titre d'un tel faisceau d'éléments, la société MAISONS DU MONDE expose : que sa renommée et son identité visuelle sont fortes auprès du public, ce qui n'est pas contesté ; que la partie averse, en reprenant le terme « monde » et les polices d'écritures, créé un effet d'évocation les liant à sa propre identité visuelle ; que de plus le slogan « déranger son petit monde » renvoie à une idée de liberté individuelle ou de monde personnel, évoquant par là son propre slogan « soyez fous soyez vous » ; que le slogan recouvre une importance particulière en matière de publicité, dans la mesure où il est destiné à attirer l'attention de la clientèle ; qu'en outre, les produits commercialisés sont directement concurrents, renforçant le risque d'association et d'évocation ; que le slogan de la société FLY suggère directement un défi lancé à la concurrence, aggravant encore le risque d'évocation et confirmant la reprise non fortuite d'éléments visuels ; que l'existence d'une stratégie commerciale fautive et parasitaire de son adversaire est confirmée par le fait que celui-ci peinait à l'époque à s'imposer sur un marché très concurrentiel.

En premier lieu, s'agissant de l'évocation de l'identité visuelle de la société MAISONS DU MONDE par le prospectus, l'appelante avance les résultats de l'étude d'opinion qu'elle a diligentée et qu'a réalisé la société OPINIONWAY en novembre 2019 (pièce n°33 de l'appelante). Cette étude montre, par exemple, que les personnes interrogées estiment que la police d'écriture employée dans la partie de slogan « RANGER SON PETIT MONDE » ressemble à la typographie du logo « MAISONS DU MONDE » à 64%, ou encore que 44 % des consommateurs habituels de meubles considèrent que la typographie utilisée pour le 'dé' ressemble à celle du slogan « SOYEZ FOUS SOYEZ VOUS ». Ceci va dans le sens d'une proximité visuelle qui peut être constatée à la comparaison, ainsi que l'a fait le premier juge.

Néanmoins, la structure fermée des questions posées aux sondés introduit un biais dans les réponses, dans la mesure où, spécifiquement invité à comparer les deux éléments, le consommateur potentiel est susceptible de constater une proximité dont il n'est pas certain qu'elle lui aurait été apparente en temps normal.

En revanche, les chiffres avancés par l'étude montrent que les associations spontanées à MAISONS DU MONDE sont bien moins importantes. D'ailleurs, elles le sont encore moins lorsque le mot « monde », non plus pris isolément, est inclus dans la formule « déRANGER SON PETIT MONDE » : de 22 % pour le terme « Monde », le chiffre passe à 13 % de consommateurs habituels de meubles associant spontanément le visuel du slogan « déRANGER SON PETIT MONDE » à MAISONS DU MONDE. Qu'aucun d'entre eux ne l'associe à la société FLY est sans emport, dès lors que c'est le risque d'évocation de la société concurrente qui est à rechercher.

En outre, si les polices, comparées et soumises côte-à-côte au consommateur sondé, peuvent apparaître ressemblantes à ses yeux, ceci ne conduit pas pour autant à déduire une banalisation du slogan « SOYEZ FOUS SOYEZ VOUS ». L'intimée relève pertinemment que l'usage qui lui est reproché, limité à deux lettres de la syllabe « dé », est fait en minuscules, tandis que le slogan de la société MAISONS DU MONDE « SOYEZ FOU SOYEZ VOUS » était rédigé en majuscules. Il convient à ce titre de relever que le fait que la police soit la même, ce que ne conteste pas la société FLY, n'enlève rien au constat que l'apparence visuelle est très différente. La cour ne retient pas qu'un consommateur voyant les termes « déRANGER SON PETIT MONDE » ferait nécessairement et spontanément le lien avec le slogan « SOYEZ FOU SOYEZ VOUS », à supposer qu'il en ait connaissance, ceci alors que seules deux lettres, qui plus est en minuscules, sont écrites dans une police similaire.

Les autres éléments avancés par l'appelante, tels que la mise en forme du message, alternant petits et grands caractères, ne convainc pas davantage. Au contraire, la dysmétrie laisse une impression de différence de tailles des polices (telles que comparées à la page 27 des conclusions de l'appelante), qui vient contredire le risque d'évocation.

En second lieu, s'agissant la thématique véhiculée par les slogans, la société appelante ne saurait reprocher à sa concurrente de chercher, comme elle, à véhiculer un message « d'expression personnelle et de pensée individuelle aux consommateurs ». En effet, ces deux idées sont topiques en matière de publicité et d'incitation à la consommation des particuliers, l'objectif étant pour de nombreuses sociétés commerciales de susciter le désir du consommateur en l'invitant à exprimer son individualité et ses choix personnels. Si l'appelante, se référant la presse spécialisée, détaille que cette incitation à la liberté d'expression personnelle serait étroitement corrélée à l'identité de son enseigne, qui revendique un parti pris multi-styles, elle n'en a pas pour autant l'exclusivité.

Au contraire, la société FLY démontre qu'elle a, sur une période d'avril 2015 à mars 2016, déployé une campagne commerciale visant elle aussi à promouvoir une idée de liberté, sous le titre de « Vive la déco libre », chaque prospectus s'y rattachant étant associé à un slogan différent, à chaque fois écrit dans une police distincte. Le slogan litigieux n'est que l'un de ces slogans et s'inscrit donc dans le cadre d'une campagne générale incitant le consommateur à laisser ses envies de décoration s'exprimer. L'intimée ajoute d'ailleurs que la police « Levi Brush » a été utilisée au cours de toute cette campagne pour la graphie du slogan « Vive la déco libre », insistant sur le fait que l'usage de cette police est assez commun dans le monde de la publicité pour évoquer une écriture manuelle, plus personnelle et plus proche du client. Au surplus, le responsable de l'élaboration de la campagne de publicité « Vive la déco libre » explique (pièce n°7 de l'intimée) la démarche intellectuelle qui organisait l'ensemble de la stratégie marketing, qui était pensée pour être cohérente à l'échelle de l'année, le prospectus litigieux n'ayant été diffusé que pendant un mois et s'incluant dans cet ensemble. Ce plan de communication s'inscrivait d'ailleurs dans une période de renouveau de la stratégie commerciale de l'enseigne, suite à sa réorganisation. Ces éléments viennent en contradiction avec les allégations de sa concurrente, selon lesquels la société FLY aurait tenté de parasiter les efforts publicitaires de MAISONS DU MONDE.

S'agissant de la théorie avancée par la société MAISONS DU MONDE, selon laquelle le message porté par le prospectus litigieux, associé à la proximité visuelle, visait à interpeller la concurrence, en lui « lançant un défi », l'intéressée n'est pas fondée à en déduire « à la supposer établie, ce qui est contesté par la partie adverse » un comportement répréhensible, ni une preuve de parasitisme. En effet, le libre jeu de la concurrence, principe cardinal, n'interdit pas d'évoquer un concurrent. Le parasitisme n'est pas pour autant constitué, puisqu'aucune intention de profiter de la notoriété de se concurrent ne pourrait être retenue dans un tel cas, puisque précisément l'idée serait de mettre celle-ci en opposition. La société MAISONS DU MONDE ne peut donc rationnellement soutenir que le message du prospectus était « un message de défi visant à bousculer un concurrent » et que dans le même temps ce slogan visait à usurper sa notoriété au profit de son adversaire. Si un agissement parasitaire ne suppose pas l'existence d'un risque de confusion, il nécessite toutefois la volonté de bénéficier de la reconnaissance du concurrent, de se rattacher à l'image positive attachée à son identité dans l'esprit des consommateurs, or la société MAISONS DU MONDE ne convainc pas en expliquant qu'en cherchant à la défier, la société FLY aurait simultanément bénéficié des investissements réalisés pour promouvoir son identité.

En conclusion, à supposer donc qu'une possibilité marginale d'évocation de la société MAISONS DU MONDE existe à la lecture du prospectus litigieux, il ne peut être analysé comme un acte délibéré opéré en vue de parasiter sa renommée. Il résulte de ces analyses qu'il n'est pas démontré une volonté, pour la société FLY, de faire référence indûment à la notoriété de la société MAISONS DU MONDE, afin de se mettre dans son sillage et de profiter des investissements de cette dernière, tant en termes de marketing/communication commerciale que de création des produits commercialisés. La société MAISONS DU MONDE n'établit en effet aucunement que la société FLY aurait profité à moindre frais des efforts de sa concurrente pour imposer ses propres produits, engendrant une dérive de clientèle. Il apparaît au contraire que la société FLY avait développé sa stratégie propre, qu'elle a décliné à travers plusieurs prospectus composant un ensemble cohérent, au sein duquel s'inscrivait celui en cause.

Aucun acte de parasitisme n'étant caractérisé, il convient de confirmer le rejet de toutes les demandes formées par la société MAISONS DU MONDE à ce titre, tant celle portant sur l'attribution de dommages et intérêts, que celles portant sur les mesures de publicité et d'interdiction de reproduction.

La demande de dommages et intérêts formée en première instance, à titre reconventionnel, par la société FLY, n'est plus soutenue à hauteur de cour. Il n'y donc pas lieu à statuer sur cette demande rejetée par le premier juge.

2. Sur les demandes accessoires :

La société MAISONS DU MONDE, succombante en son appel, sera condamnée aux dépens.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

CONFIRME le jugement rendu le 26 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société MAISONS DU MONDE aux dépens,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.