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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 24 novembre 2020, n° 19/08662

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

TLE Lunetterie (SARL)

Défendeur :

Franfinance Location (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Brière

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

T. com. Nanterre, du 26 juill. 2019

26 juillet 2019

Le 8 avril 2016, la société TLE Lunetterie (la société TLE), anciennement dénommée Optic Masséna, a conclu avec la société Leasecom un contrat de location d'un équipement de vidéo surveillance installée par la société IPS Group pour une durée de soixante mois et un loyer mensuel hors taxes de 240 euros.

Le matériel a été réceptionné le 8 avril 2016 par la société TLE.

La société Leasecom a cédé ce contrat à la société Franfinance location (la société Franfinance) le 1er janvier 2017.

Par courriel en date du 4 juillet 2018, la société TLE a informé la société Franfinance de sa volonté de résilier par anticipation le contrat en raison de ses difficultés économiques.

Selon lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 août 2018, la société Franfinance a notifié à la société TLE la résiliation anticipée du contrat à la date du 4 juillet 2018 et l'a mise en demeure, d'une part, de lui payer la somme de 11 634,40 euros, soit :

- 2 922,40 euros TTC au titre des loyers impayés du 1er octobre 2017 au 1er juillet 2018 et 42,40 euros au titre des intérêts dus depuis le 4 juillet 2018,

- 8 712 euros hors taxes au titre de l'indemnité de résiliation en ce compris l'indemnité de 10 %, et, d'autre part, de lui restituer le matériel.

Après l'avoir de nouveau mise en demeure, en vain, de lui régler la somme de 11 634, 40 euros TTC, par lettre recommandée avec avis de réception du 12 octobre 2018, la société Franfinance a fait assigner la société TLE devant le tribunal de commerce de Nanterre, qui, par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire rendu le 26 juillet 2019, a :

- condamné la société TLE à payer à la société Franfinance la somme de 2 922, 40 euros TTC au titre des loyers impayés et des accessoires du contrat n° 001422776800, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2018 ;

- condamné la société TLE à payer à la société Franfinance la somme de 8 712 euros HT au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation du contrat n° 001422776800, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2018 ;

- condamné la société TLE à restituer à la société Franfinance à compter de 15 jours après la signification du jugement, l'installation de vidéo surveillance, telle que désignée dans la facture n° 20163 émise par la société IPS Group en date du 11 avril 2016 ;

- condamné la société TLE à payer à la société Franfinance la somme mensuelle de 240 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation du matériel à compter de 15 jours après la signification du jugement jusqu'à restitution du matériel à la société Franfinance ;

- autorisé la société Franfinance à appréhender ledit matériel objet du contrat de location n° 0014227768-00, en quelque lieu et quelques mains qu'il se trouve, au besoin avec le recours à la force publique ;

- ordonné la capitalisation à compter de la signification du jugement ;

- condamné la société TLE à payer la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société TLE aux entiers dépens.

La société TLE a interjeté appel de cette décision le 16 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 février 2020, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- sur les loyers impayés,

- constater que la société Franfinance a manqué à ses obligations ;

- juger que les loyers réclamés sur la période du 1er octobre 2017 au 1er juillet 2018 ne sont pas dus ;

À titre subsidiaire,

- constater que les intérêts ne peuvent être pris en compte dans le montant des loyers réclamés ;

- juger que le montant à devoir au titre des loyers impayés échus est de 2 880 euros ;

- sur l'indemnité de résiliation,

- constater que l'article 8 des conditions générales constitue une clause abusive ;

- juger que la société Franfinance devra être condamnée à verser la somme de 8 712 euros au titre des dommages et intérêts ;

- dire que les sommes à devoir se compenseront entre elles ;

À titre subsidiaire,

- constater que le montant réclamé au titre de l'indemnité de résiliation correspondant à trente-trois loyers de 288 euros toutes taxes comprises + 10 % est manifestement excessif ;

- constater que l'intégralité du matériel a été restituée depuis le 25 novembre 2019 alors que le contrat prenait fin au 1er avril 2021 ;

- constater que la société Franfinance peut de nouveau utiliser ce matériel en location ;

En conséquence,

- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité de résiliation ;

À titre infiniment subsidiaire ;

- juger que la somme forfaitaire de 10 % est excessive ;

- dire n'y avoir lieu à ajouter une somme forfaitaire au montant de l'indemnité contractuelle de résiliation ;

- dire n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Franfinance à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

À titre subsidiaire, si le jugement était confirmé ;

- réformer le jugement sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger qu'en l'état de l'équité et des sommes perçues par la partie adverse, il n'y a lieu au versement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Franfinance de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Franfinance aux entiers dépens.

Après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles le contrat a été signé, elle conteste tout d'abord devoir des loyers en raison du dysfonctionnement du matériel. Elle prétend ensuite que le montant réclamé est erroné en ce que les loyers sont de 2 880 euros et non de 2 922,40 euros, cette somme comprenant 42,40 euros au titre des intérêts. Elle fait valoir également que les conditions générales du contrat qui ne sont ni paraphées ni signées ne lui sont pas opposables de sorte qu'elle ne peut pas être condamnée au paiement d'une indemnité de résiliation anticipée. Invoquant en outre les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, elle soutient que les dispositions contractuelles, qui prévoient que le contrat est prévu pour une durée irrévocable de soixante mois et qui obligent le preneur à payer les loyers jusqu'au terme du contrat alors qu'il n'exerce plus son activité et à payer une indemnité, créent un déséquilibre significatif justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

Elle allègue encore du caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation et de la somme forfaitaire de 10 %, notamment au regard de la possibilité pour le bailleur du fait de la restitution du matériel intervenue le 25 novembre 2019 de relouer le matériel, pour solliciter la réduction de la première en application de l'article 1231-5 du code civil et le rejet de la seconde.

Elle considère, enfin, que la capitalisation des intérêts n'est pas justifiée.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 juin 2020, la société Franfinance demande à la cour de :

- débouter la société TLE de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner la société TLE à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Elle fait observer tout d'abord que ni la société Leasecom ni le fournisseur de matériel n'ont été mis en cause et que la société TLE n'a jamais fait auparavant de réclamation à propos du matériel. S'agissant de l'erreur de calcul invoquée, elle conteste l'existence d'un 'doublon' concernant les intérêts qui sont dus après tout retard de paiement par application de l'article 11 du contrat. Elle fait observer ensuite que la société TLE produit le contrat en son intégralité ce qui démontre qu'elle a eu connaissance des conditions générales, ce qui est également établi par la mention figurant juste au-dessus de sa signature, observant en outre que la signature des conditions générales ne constitue qu'une modalité de preuve de leur connaissance. Elle soutient également que l'article L. 442-6 du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer au litige, que la clause prévoyant une indemnité de résiliation n'est pas abusive et qu'en l'absence de faute de sa part il n'y a pas lieu à dommages et intérêts. Elle considère que l'appelante ne rapporte pas la preuve du caractère excessif de l'indemnité de résiliation qui représente d'une part l'amortissement des sommes avancées par le bailleur en achetant les matériels mais aussi d'autre part le préjudice financier subi par celui-ci, et qui est constitué par le manque à gagner causé par l'inexécution du contrat par le locataire.

Si elle reconnaît que la pénalité de 10 % peut être analysée en une clause pénale, elle considère qu'il n'est pas démontré le caractère excessif de cette majoration. Elle rappelle enfin que la capitalisation des intérêts est prévue par l'article 1343-2 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement des moyens.

Le contrat de location litigieux est signé par la locataire, qui a apposé son timbre humide, en dessous de la mention par laquelle elle a reconnu avoir reçu, pris préalablement connaissance et accepté les conditions générales du contrat. Nonobstant l'absence de paraphe sur ces conditions qui figurent au verso de la page signée, les conditions générales de la location sont opposables à la société TLE.

Les conditions générales comportent un article 8, relatif à la résiliation à l'initiative du bailleur, qui stipule notamment que le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur en cas de manquement par le locataire à ses obligations et notamment de non-paiement des loyers ou de dégradation significative de la situation économique du locataire. En sus de l'obligation de restitution du matériel loué prévue à l'article suivant, il y est indiqué que la résiliation du contrat de location entraîne de plein droit le paiement par le locataire d'une indemnité égale au montant des loyers restant à échoir augmentée d'une somme forfaitaire de 10 % et des loyers échus.

La société TLE, qui n'a pas mis en cause la société IPS group, fournisseur du matériel, alors qu'elle disposait d'un mandat du bailleur pour agir à son encontre en cas de difficulté, ne peut utilement prétendre à un dysfonctionnement du matériel alors d'une part qu'il résulte du courriel en date du 4 juillet 2018 qu'elle a pris l'initiative de la résiliation en raison de ses difficultés économiques et d'autre part qu'il n'est pas justifié que le mail qu'elle produit daté du 7 février 2020 de la société Krys group à destination de '[...]' concerne l'installation litigieuse.

Les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce relatives au déséquilibre significatif ne sont pas applicables en l'absence de tout partenariat commercial entre un locataire et un bailleur, simplement cocontractants dans le cadre d'un contrat de location financière. La demande de dommages et intérêts formée par la société TLE ne peut donc qu'être rejetée.

L'indemnité contractuelle de résiliation s'applique du seul fait de la non-exécution par le locataire de ses obligations et ce quel qu’en soit les raisons. Elle a pour objet, par une évaluation forfaitaire et anticipée, de réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de la non-perception des loyers destinés à équilibrer la charge financière résultant de l'acquisition des matériels. Il s'agit donc d'une clause pénale susceptible de réduction lorsqu'elle est manifestement excessive.

Il n'est pas contesté que les loyers du 1er octobre 2017 au 1er juillet 2018 n'ont pas été payés. La société Franfinance est fondée à réclamer à ce titre une somme de 2 880 correspondant à dix loyers de 288 euros TTC. Elle ne l'est pas en revanche s'agissant de la somme de 42,40 euros au titre des intérêts dus depuis le 4 juillet 2018, car si l'article 11 du contrat prévoit que tout retard dans le paiement des sommes dues produira un intérêt moratoire égal à trois fois le taux de l'intérêt légal, la notification de la résiliation valant mise en demeure n'a été adressée à la locataire que le 28 août suivant, l'avis de réception n'étant au demeurant pas versé aux débats.

L'indemnité de résiliation de 7 920 euros, qui correspond à trente-trois loyers hors taxes restant à courir au jour de la résiliation du contrat, n'apparaît pas manifestement excessive eu égard au préjudice subi et à l'économie générale du contrat compte tenu du prix d'achat du matériel (11 433,66 euros HT) et des loyers payés (4 896 soit 17 x 288 euros TTC).

En revanche, la pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation est manifestement excessive au regard de l'indemnité de résiliation accordée qui répare suffisamment le préjudice subi par la société Franfinance, qui a en outre récupéré le matériel loué depuis le 25 novembre 2019. Elle sera en conséquence réduite à 1 euro.

En application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il convient, par conséquent, infirmant le jugement de condamner la société TLE à payer à la société Franfinance la somme globale de 10 801 euros (2 880 + 7 920 + 1) avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2018.

La demande de capitalisation ayant été formée par la société Franfinance dès l'acte introductif d'instance du 1er mars 2019, il convient d'y faire droit, la capitalisation intervenant pour la première fois le 1er mars 2020.

Le jugement sera donc infirmé sauf en ce qu'il a condamné la société TLE Lunetterie au paiement d'une indemnité procédurale et aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société TLE Lunetterie au paiement d'une indemnité procédurale et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société TLE Lunetterie à payer à la société Franfinance Location la somme de 10 801 euros, soit 2 880 TTC au titre des loyers échus, 7 920 euros HT au titre de l'indemnité de résiliation et 1 euro HT au titre de la clause pénale de 10 %, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2018 ;

Déboute la société TLE Lunetterie de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Condamne la société TLE Lunetterie à payer à la société Franfinance Location la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société TLE Lunetterie aux dépens d'appel.