CA Poitiers, 2e ch. civ., 24 novembre 2020, n° 19/02311
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Dynamite Games Concept (SARL)
Défendeur :
RPG Geek (SARL), Selarl Ekip (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Brieu, M. Chiron
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL Dynamite Games Concept (la société Dynamite), ayant pour gérant M. X, est titulaire de la marque française semi-figurative « Dynamite Games » actuellement déposée en classe 35 à l'INPI pour la « vente au détail et en gros, en ligne et en magasin de jeux vidéo neufs et d'occasion, de consoles de jeu ; démonstration de jeux vidéo et de consoles de jeux. »
Selon acte sous seing privé en date du 7 octobre 2014, la société Dynamite a conclu pour une durée de dix ans avec la Sarl RPG Geek un contrat intitulé « contrat de licence de marque », en vue de l'exploitation d'un magasin de jeux vidéo sous la marque Dynamite Games à Saintes, moyennant le paiement de redevances convenues à l'article 4 du contrat.
Ce contrat comporte une clause obligeant le licencié à s'approvisionner à titre exclusif auprès du concédant ou auprès du ou des fournisseurs choisis par ce dernier.
Par acte en date du 16 février 2015, la société DGS, ayant pour gérant M. X, a cédé à la société RPG GEEK au prix de 8 000 euros un fonds de commerce d'achat, vente, location et échange de tout produit neufs ou d'occasion dans les domaines de la culture et les loisirs, notamment de jeux vidéo, logiciels, informatiques et tous produits dérivés, exploité sous l'enseigne Dynamite Games <adresse>
Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 septembre 2016, la Sarl Rpg Geek a rompu unilatéralement ce contrat avec effet immédiat.
Elle a cessé de payer les redevances tout en poursuivant son activité dans sa boutique.
La Sarl Dynamite Games Concept a réclamé le paiement des redevances échues puis par sommation interpellative en date du 9 février 2017, elle a rappelé à la Sarl Rpg Geek la clause de non- concurrence figurant au contrat du 7 octobre 2014.
Conformément à une ordonnance sur requête délivrée par le président du tribunal de commerce de Saintes, la Sarl Dynamite Games a fait dresser le 27 avril 2017 un constat d'huissier dans les locaux de la Sarl RpgGeek, visant à établir que celle-ci poursuivait la vente de jeux consoles et accessoires.
La Sarl Dynamite Games Concept a obtenu du président du tribunal de commerce de Saintes le 1er mars 2017 une ordonnance enjoignant à la Sarl Rpg Geek de lui payer les sommes de 1.760,56 euros (facture impayée), 169,99 euros au titre de frais accessoires et 80 euros au titre d'une clause pénale.
La Sarl Rpg Geek a formé opposition à cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 25 avril 2017.
Par jugement en date du 28 mai 2018, le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a :
- reçu l'opposition de la société RpgGeek en la forme et au fond,
- dit que le contrat intitulé contrat de licence de marque signé entre la société Dynamite Games Concept et la société RpgGeek en date du 7 septembre 2014 est un contrat de franchise,
- dit que le contrat intitulé contrat de licence de marque est un contrat de franchise, sans cause pour la société RpgGeek.
- dit que le contrat intitulé contrat de licence de marque est nul et de nul effet.
- débouté la société Dynamite Games Concept de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- dit que la société RPG Geek est en son principe bien fondée en sa demande indemnitaire mais sera limitée en son montant à l'euro symbolique.
- condamné la société Dynamite Games Concept à payer à la société Rpg Geek la somme symbolique d'un euro (1,00 euros).
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la société Dynamite Games Concept à payer à la société RPGGeek la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dynamite Games Concept aux entiers dépens et frais de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de greffe liquidés à la somme de 66,70 euros.
Le tribunal a considéré que le contrat conclu entre les parties incluait l'ensemble des éléments d'un contrat de franchise, et en particulier la transmission d'un savoir-faire fondé sur l'expérience acquise par M. X dans le cadre de l'exploitation de son magasin de Challans, et que les stipulations contractuelles imposaient à la société Geek une situation de quasi-exclusivité relevant d'application de l'article L. 330-3 du code de commerce, en la contraignant à solliciter l'autorisation de la société Dynamite pour exercer une activité complémentaire.
Se fondant sur les dispositions de l'article 1131 du code civil ancien, le tribunal a ensuite retenu que le contrat était nul, pour défaut de cause, dès lors que la société Geek n'avait jamais bénéficié de la transmission d'un quelconque savoir-faire substantiel et spécifique, apportant une vraie utilité au franchisé. Il en résulte selon lui une absence de tout fondement à la demande en paiement des redevances.
Par déclaration du 5 juillet 2019, la Sarl Dynamite Games Concept a relevé appel de cette décision.
Par jugement en date du 5 septembre 2019, le tribunal de commerce de Saintes a placé la société Geek en liquidation judiciaire, la Selarl Ekip étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Celle-ci est intervenue devant la cour, es-qualités, sur assignation en intervention forcée.
La SARL Dynamite a déclaré sa créance entre ses mains par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 octobre 2019, pour un montant de 119 585 euros.
Par ordonnance en date du 8 juin 2020, le conseiller de la mise en état a :
- débouté la SARL Geek et la Selarl Ekip es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Geek de leurs demandes tendant à voir constater la caducité de la déclaration d'appel,
- déclaré en conséquence recevable l'appel formé par la SARL Dynamite le 5 juillet 2019 à l'encontre du jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon,
- condamné la SARL Geek et la Selarl Ekip ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Geek aux dépens de l'incident.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 16 mars 2020, la société Dynamite Games Concept demande à la cour :
Vu le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 relatif aux restrictions verticales,
Vus les articles 699, 700 et 902 du code de procédure civile,
- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,
- de débouter la société RPGGeek de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En conséquence :
In limine litis,
- de constater le respect par la société Dynamite Games Concept des prescriptions de l'article 902 du code de procédure civile ;
par conséquent, constater la recevabilité de la déclaration d'appel du 5 juillet 2019,
Au fond,
- d'infirmer le jugement dont appel,
Statuant à nouveau :
- de constater les manquements de la société RPG Geek à ses obligations issues du contrat du 7 octobre 2014,
- de fixer la créance de la société Dynamite Games Concept à hauteur des sommes ci-après au passif de la liquidation judiciaire de la société RPG Geek :
- A titre principal, en réparation des conséquences de la résiliation fautive du contrat du 7 octobre 2014 :
- 29.585 euros au titre de la perte des redevances dues de septembre 2016 à octobre 2024 (97 mois) à raison de 305 euros HT (article 4) par mois,
- 80.000 euros au titre de la violation de l'obligation pour le licencié d'exploiter son magasin de jeux sous l'enseigne Dynamite Games, à l'exception de toute autre, jusqu'au terme contractuel,
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour considérait que la résiliation unilatérale du contrat par la société RPGGeek a valablement mis fin à son obligation d'exploiter son magasin de jeux sous l'enseigne Dynamite Games, à l'exception de toute autre, jusqu'au terme contractuel,
- 80.000 euros en application de l'article 9 du contrat du 7 octobre 2014,
- en tout état de cause, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la Selarl S. associés, avocats au barreau de Paris.
Elle fait principalement valoir :
- que le contrat du 7 octobre 2014 ne pouvait pas être qualifié de contrat de franchise, car il ne prévoit pas la transmission d'un savoir-faire au sens juridique du terme, répondant aux trois caractéristiques visées par l'article 1 g) du règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 relatif aux restrictions verticales (à savoir secret, substantiel et identifié) et qu'il ne met pas à sa charge une obligation d'assistance continue découlant de la transmission du savoir-faire,
- que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce, elle a respecté l'ensemble des obligations mises à sa charge en mettant à disposition la marque Dynamite et en dispensant à M. Y la formation convenue à l'article 14 du contrat,
- qu'en toute hypothèse, le défaut de transmission d'un savoir-faire constituerait au plus une inexécution contractuelle ouvrant le droit à la résolution du contrat, et non à son annulation,
- qu'en l'espèce, la société RPG Geek a résilié de manière fautive le contrat du 7 octobre 2014 à défaut de mise en demeure préalable, conformément aux stipulations de l'article 9.
Elle sollicite en conséquence l'indemnisation de son préjudice sur les deux postes suivants :
- la perte de redevances entre septembre 2016 et octobre 2024 à raison de 305 euros hors-taxes par mois, soit la somme de 29 585 euros,
- l'indemnisation du préjudice résultant de la violation par le licencié de son obligation d'exploiter son magasin de jeux sous l'enseigne Dynamite Games, à l'exception de tout autre, jusqu'au terme contractuel, évaluée à 80 000 euros par analogie avec la sanction de la violation de la clause de non-concurrence (poste contractuel prévu à l'article 9).
En réponse aux demandes formées par les intimés dans le cadre de leur appel incident, elle fait valoir :
- que la preuve n'est pas rapportée d'un vice du consentement résultant de manquements à l'obligation d'information précontractuelle,
- qu'il n'existe aucune preuve d'un manquement de sa part au titre de l'approvisionnement ou de la formation,
- que la résiliation du contrat est fautive car non-conforme aux stipulations de l'article 9, en l'absence de toute mise en demeure préalable,
- que de même, rien n'établirait que la société Geek se soit vu imposer une charte qualité avec des normes très strictes d'exploitation,
- que le préjudice invoqué n'est nullement justifié tant dans son principe que dans son montant,
- que la société RPG Geek ne peut utilement se prévaloir de la situation patrimoniale de son gérant M. Y, tiers à la procédure.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 19 décembre 2019, la Sarl RPG Geek et la Selarl Ekip ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Geek, forment appel incident et demandent à la cour :
In limine litis,
Vu l'article 902 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile,
- de dire que lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification par le greffe, l'appelant qui ne procède pas à la signification de sa déclaration d'appel dans le mois de l'avis adressé par le greffe, encourt la caducité de sa déclaration d'appel.
- de constater qu'alors même qu'elle avait constaté que l'intimée n'avait pas pu constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification par le greffe, la société Dynamite Games Concept s'est dispensée de procéder à la signification de sa déclaration d'appel par acte extra-judiciaire, de sorte que la caducité de celle-ci, est désormais acquise,
- que la déclaration d'appel n'a été notifiée à l'intimée que par courrier électronique du 10 décembre 2019, soit largement plus de quatre mois après la date de la lettre de notification du greffe, et en dehors du formalisme requis par la loi ;
- de prononcer en conséquence la caducité de la déclaration d'appel inscrite en date du 5 juillet 2019 par la société Dynamite Games Concept contre le jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.
Subsidiairement,
- Vu l'article 1-g du règlement communautaire n° 330/2010 du 20 avril 2010 ;
- Vu les articles L. 330-3 & R. 330-1 du code de commerce ;
- Vu l'article 1131 (ancien) du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
- Vu les articles 1224 à 1230 du code civil, anciennement article 1184,
- Vu l'article 515 du code de procédure civile,
- Vu l'article 902 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile,
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- de déclarer la société Dynamite Games Concept irrecevable et mal fondée en son appel et l'en débouter ;
- de confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a octroyé un euro symbolique à la société RPG Geek en réparation de son préjudice et dit qu'il n'y avait lieu à exécution provisoire ;
Evoquant et statuant à nouveau :
- de dire que les agissements de la Société Dynamite Games Concept ont causé un grave préjudice à la société RPGGeek, laquelle a été contrainte au dépôt de bilan, nonobstant ses meilleurs efforts pour redresser un commerce au titre duquel elle n'avait reçu, en totale violation du contrat de franchise :
- ni l'information précontractuelle (DIP) impérative en cas de contrat conclu avec accord d'exclusivité,
- ni l'accompagnement et la formation initiale contractuellement prévue,
- ni le savoir-faire auquel s'était engagé le franchiseur,
- ni même l'approvisionnement exclusif en stock d'occasions de jeux vidéo dont dépendait pourtant l'activité de la société RPGGeek au regard du contrat du 7 octobre 2014 ;
- de constater qu'à cause de cette situation, le gérant de l'EURL RPGGEK n'a désormais plus pour seul revenu que le RSA, alors que le franchiseur lui avait fait miroiter des revenus substantiels pour cette activité ;
En conséquence,
- de condamner la société Dynamite Games Concept à payer à la société RPG Geek une indemnité de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, les frais de celle-ci restant à la charge de la société Dynamite Games Concept, par application des dispositions de l'article L. 111-8, alinéa 1 er du code des procédures civiles d'exécution, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel (sic)
- de condamner la société Dynamite Games Concept aux entiers dépens.
Elle fait principalement valoir :
- que la société Dynamite Games Concept s'est dispensée de procéder à la signification de sa déclaration d'appel par acte extra-judiciaire, de sorte que la caducité de celle-ci, est désormais acquise,
- que les trois obligations caractéristiques du contrat de franchise sont bien réunies
- un savoir-faire,
- une assistance technique et commerciale (article 14),
- des signes distinctifs de ralliement de la clientèle ;
- que le contrat litigieux était dépourvu de cause et encourait à ce titre la nullité, dès lors que le savoir-faire, présenté dans le contrat comme obligatoire, n'était ni substantiel, ni spécifique. La société franchisée n'a pas été en situation de bénéficier de l'accompagnement indispensable et nécessaire à l'exploitation de la marque concédée, conformément à la loi des parties. Aucun manuel opératoire formalisant le savoir-faire de M. X n'a été délivré afin que le franchisé s'imprègne de la méthode du franchiseur.
- que le franchiseur s'est très vite montré défaillant à remplir le rôle de centrale d'achat, de sorte que le franchisé a dû s'approvisionner en jeux vidéo et accessoires auprès d'un fournisseur tiers pour tenir ses engagements d'approvisionnement et de gestion de stock, en l'absence d'offres promotionnelles ou d'évènements organisés par l'enseigne pour faire vivre la marque, tenu dans le même temps d'appliquer une politique tarifaire particulièrement inadaptée au regard de l'obsolescence du catalogue de jeux vidéo proposé. Le chiffre d'affaires de la société Games se serait en conséquence effondré.
- qu'il convient de constater la résolution du contrat du 7 octobre 2014, du fait du manquement de M. X à ses obligations contractuelles, et de confirmer une nouvelle fois le jugement attaqué, en ce qu'il a débouté la société Dynamite Games Concept de l'ensemble de ses demandes de ce chef,
- que la clause de non-concurrence est nulle, du fait d'une insuffisance de limitation dans le temps, dans l'espace, et quant à l'activité concernée, et porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce. Cette extension géographique à l'ensemble du territoire national ne serait pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur dès lors que celui-ci était propriétaire du fonds de commerce qu'il exploitait dans le périmètre de la zone d'exclusivité concédée (commune de Saintes). Une limitation territoriale aussi générale est incontestablement illégitime et abusive, au regard de l'objet du contrat de franchise.
- que la société Dynamite Games Concept a manqué à son devoir d'information car le document d'information précontractuel remis par la société appelante ne serait pas conforme aux prescriptions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2020.
Sur autorisation donnée à l'audience, la société appelante a produit durant le délibéré la lettre de résiliation du contrat, en date du 23 septembre 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'appel principal :
1- Concernant la caducité de la déclaration d'appel :
Il n'y a plus lieu de statuer sur ce point, puisque par ordonnance en date du 8 juin 2020, qui n'a pas donné lieu à déféré, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel au regard des dispositions de l'article 902 du code de procédure civile, et a déclaré recevable l'appel formé par la société Dynamite Games Concept le 5 juillet 2019 à l'encontre du jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon.
L'ordonnance a sur ce point autorité de chose jugée au principal, en application de l'article 914 dernier alinéa du code de procédure civile et c'est à tort que les parties ont maintenu leur argumentation devant la cour par conclusions au fond.
2- Sur le fond :
Compte tenu de la date de conclusion du contrat, le 7 octobre 2014, il y a lieu d'appliquer les dispositions du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Concernant la qualification du contrat :
Il convient de déterminer si le contrat litigieux est une simple licence de marque ou un contrat de franchise.
Un contrat de franchise doit comporter la mise à la disposition du franchisé, par le franchiseur, d'un nom commercial, de sigles et symboles, d'une marque ainsi que d'un savoir-faire et d'une collection de produits et services offerts d'une manière originale et spécifique, exploités suivant des techniques commerciales uniformes, préalablement expérimentées et constamment mises au point et contrôlées.
La franchise se distingue de la licence de marque en ce que le licencié n'a pas droit, comme le franchiseur, à l'utilisation de l'enseigne, à la transmission d'un savoir-faire, et à la fourniture continue d'une assistance technique ou commerciale.
Selon l'article 1-g) du règlement (UE) n° 330/2010 de la commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, on entend par «savoir-faire», un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci; dans ce contexte, «secret» signifie que le savoir-faire n'est pas généralement connu ou facilement accessible; «substantiel» se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels; «identifié» signifie que le savoir-faire est décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s'il remplit les conditions de secret et de substantialité.
L'importance du savoir-faire se déduit de ses caractères. Il doit, en effet, être original et spécifique, éprouvé, actualisé, identifié. Il doit fournir un avantage concurrentiel.
Le contenu du savoir-faire est fonction de la branche d'activité ou du produit, objet de la franchise.
Il a été retenu que lorsque le « savoir-faire » se limite à la sélection des produits et des fournisseurs par le concédant, il s'agit d'éléments sans originalité que n'importe quel professionnel peut acquérir seul. De plus, la sélection d'articles ne présente pas un caractère technique ou spécifique permettant la mise en évidence d'un réel savoir-faire.
En l'espèce, l'article 14 du contrat conclu entre les parties stipule expressément (chapitre Transmission de savoir-faire) :
« M. X accepte de communiquer à M. Y son savoir-faire et son assistance technique en vue de l'exploitation d'un magasin d'achat, d'échange et de vente de jeux vidéo et d'accessoires que la société RPG Geek doit ouvrir prochainement à Saintes <adresse>.
Pour ce faire, M. X assurera à M. Y au moins trois semaines de formation à son magasin de Challans (formation obligatoire) portant notamment sur la comptabilité, la gestion des stocks et l'argus des jeux vidéo et accessoires ainsi que notamment sur les points suivants :
- communication de l'assortiment type du stock nécessaire et conseil pour son adaptation au marché local, en vue de la passation de la première commande,
- assistance et conseils pour la préparation et la mise en place de l'ouverture,
- conseil publicitaire de lancement,
- comportement psychologique à respecter face aux clients. »
En première page du contrat, M. X, gérant de la SARL Dynamite Concept, rappelle qu'il dispose d'un savoir-faire dans l'achat, l'échange et la vente de jeux vidéo et accessoires par une expérience de plusieurs années dans l'exploitation de son propre magasin situé <adresse>, et précédemment à Challans,<adresse> et <adresse>.
Toutefois, les parties n'avaient pas convenu que le savoir-faire devait faire l'objet d'un document détaillé et opératoire remis lors de la conclusion du contrat, comme il est d'usage en matière de contrat de franchise, mais qu'il devait être transmis dans le cadre d'une formation obligatoire d'une durée de trois semaines.
En outre, il ne peut être considéré que les conseils sur le stock à constituer, son adaptation au milieu local, la préparation de l'ouverture et l'attitude à adopter face aux client puissent constituer un savoir-faire substantiel ou secret, il s'agit en réalité d'une simple formation à la technique de vente, à la gestion des stocks, non spécifique et que le contractant aurait pu acquérir lui-même par l'expérience.
Par ailleurs, la société Dynamite Games Concept ne s'est pas engagée à une obligation d'assistance continue.
C'est donc à tort que le tribunal de commerce a procédé à une requalification du contrat, et il convient d'infirmer de ce chef le jugement.
Statuant à nouveau, la cour dira que les parties étaient liées par un contrat de licence de marque avec clause d'exclusivité.
Concernant la nullité du contrat :
Sur l'existence d'une cause :
Les intimées ne sollicitent que la confirmation du jugement, qui a prononcé la nullité sur le seul fondement de l'absence de cause.
Selon les dispositions de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »
La cause s'apprécie au jour de la conclusion du contrat et même en considérant comme acquis le fait est qu'il n'y ait pas eu de formation au profit du gérant de la société RPG Geek, il ne s'agirait pas là d'une cause de nullité mais d'un défaut d'exécution des obligations contractuelles à la charge de la société Dynamite, ouvrant la voie éventuellement à la résiliation en application des dispositions de l'article 1184 du code civil ancien.
Le moyen tiré de l'absence de cause doit donc être écarté.
Sur l'existence d'un vice du consentement :
La Selarl Ekip es-qualités et la société RPG Geek soutiennent que la société Dynamite Games Concept a manqué à son devoir d'information, en remettant un document d'information précontractuelle qui n'était pas conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, de sorte que le consentement de M. Y, gérant de la société RPG Geek, a de ce fait été vicié.
Dans la mesure où elles n'ont pas précisé la nature du vice allégué, ni le fondement légal de la demande en nullité, il convient d'examiner si celle-ci peut être fondée sur le dol par réticence, au regard des dispositions de l'article 1116 ancien du code civil. La preuve devait donc être rapportée que la société Dynamite Games Concept a gardé intentionnellement conservé le silence sur un fait, qui, s'il avait été connu de M. Y, l'aurait empêché de contracter, entraînant ainsi pour ce dernier une erreur déterminante de son consentement.
Selon les dispositions de l'article L. 330-3 du code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en toute connaissance de cause.
Selon les dispositions de l'article R. 330-1 du code de commerce, le document prévu à l'article L. 330-3 alinéa 1er doit contenir notamment les informations suivantes :
La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitant, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexé à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices.
Le document prévu et le projet de contrat sont communiqués 20 jours minimum avant la signature du contrat ou le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée.
Le document d'information précontractuel paraphé et signé le 2 septembre 2014 par M. Y comporte (pièce 4) une présentation du marché mondial du jeu vidéo, et de son évolution depuis 2011, ainsi que du marché français en juin 2011, la liste des entreprises membres du réseau, celle des entreprises ayant quitté le réseau au cours des douze mois précédents, le développement espéré, les conditions essentielles du contrat de licence de marque et les investissements spécifiques à réaliser.
En revanche, il n'y a pas de présentation de l'état du marché local ni des comptes annuels des deux derniers exercices.
Les intimées font valoir que les bilans comptables n'auraient pas manqué de mettre en évidence la fragilité du modèle économique développé par M. X, et que s'il en eu connaissance de des bilans et de la situation obérée du fonds de commerce, M. Y n'aurait pas contracté, en sa qualité de gérant de la société RGP GEEK.
La cour relève toutefois que la société RGP GEEK a acheté le fonds de commerce de Saintes par acte du 16 février 2015, pour un prix de 8000 euros, en ayant eu connaissance du résultat négatif généré pour l'exercice clôturé le 31 octobre 2013 (- 15 402 euros). Au demeurant ce résultat n'avait aucun caractère probant dès lors que la société DGS, cessionnaire, n'avait débuté son activité que le 1er août 2013 et que l'exploitation de la licence de la marque Dynamite Games n'avait commencé dans ces locaux qu'à compter du 15 novembre 2013, selon les indications fournies par le contrat de cession du fonds de commerce (page 5).
Par ailleurs, la société RPG GEEK ne justifie d'aucune plainte auprès du cessionnaire, concernant les chiffres d'affaires résultant de l'exploitation du fonds à compter de son acquisition, et elle n'a au demeurant produit aucun document comptable permettant de connaître l'évolution de son activité sous licence Dynamite Games entre février 2015 et la date de la résiliation unilatérale le 2 septembre 2017.
Le caractère déterminant de l'erreur qui aurait été commise sur la réalité du marché local de la vidéo n'est donc pas démontré.
Il convient donc de dire n'y avoir lieu à nullité du contrat de licence pour vice du consentement.
Concernant la résiliation du contrat :
La société Dynamite Games Concept sollicite l'indemnisation du préjudice consécutif à la résiliation unilatérale du contrat par la société RPG GEEK le 7 octobre 2014.
Il convient de déterminer si cette résiliation a eu lieu de manière fautive.
L'article 9 des conditions générales du contrat stipule que celui-ci sera résilié de plein droit si au cours de son exécution l'une ou l'autre des parties ne respecte pas ses obligations et n'apporte pas de remède à son manquement dans les 30 jours d'une mise en demeure restée sans effet par lettre recommandée avec accusé de réception et précisant l'intention de faire jouer la présente clause. Il pourra notamment être résilié par le concédant à défaut de paiement par le licencié des redevances prévues au présent contrat et un mois après une mise en demeure restée infructueuse.
La société RPG GEEK ne justifie nullement de l'envoi d'un courrier recommandé, mettant en demeure la société Dynamite de respecter ses engagements contractuels ni même d'une quelconque plainte en cours d'exécution du contrat de licence.
Elle a donc procédé de manière fautive à la résiliation à effet immédiat du contrat, par courrier recommandé du 23 septembre 2016.
Les conséquences de la résiliation du contrat :
La société Dynamique Games Concept sollicite en premier lieu paiement des redevances de licence de septembre 2016 à octobre 2024 à raison de 305 euros HT par mois : soit 97 mois x 305 = 29585 euros.
Mais l'article 9 du contrat (Résiliation) ne met pas à la charge du licencié le paiement de la totalité des redevances jusqu'au terme normalement prévu du contrat, en cas de résiliation fautive, à titre de clause pénale. Il convient d'ailleurs de relever que dans la requête en injonction de payer, la société Dynamite Games n'avait nullement sollicité cette somme.
L'article 4 (Redevances) est pareillement muet sur la question.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement, pour d'autres motifs, en ce qu'il a débouté la société Dynamite Games de sa demande en paiement de ce chef.
La société appelante réclame également l'indemnisation du préjudice résultant de la violation de l'obligation d'exploiter le magasin jusqu'au terme contractuel, préjudice évalué à 80'000 euros, par analogie avec la sanction de la violation de la clause de non-concurrence post contractuelle prévue à l'article 9.
L'article 9-2° stipule qu' « en cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit ou de résiliation judiciaire, quels que soient les torts et griefs prononcés, Monsieur Y s'engage, tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société RPG GEEK à ne pas participer, sous quelque forme que ce soit, fût-ce comme conseil, directement ou indirectement à une entreprise similaire sur l'ensemble du territoire français et ce pendant une durée de trois ans à compter de la date d'effet de la résiliation.
La résiliation par le fait du licencié et le non-respect de la clause de non-concurrence ci-dessus entraînera le versement de dommages et intérêts fixés forfaitairement à la somme de 80'000 euros à sa charge et au profit du concédant pour réparer les préjudices causés au concédant sauf dans le cas de liquidation judiciaire du licencié. »
L'utilisation de la conjonction de coordination « et » et non « ou » dans l'alinéa précédent conduit la cour à considérer qu'il s'agit de conditions cumulatives et que la résiliation du contrat de licence à l'initiative du licencié ne pouvait entraîner sa condamnation à indemnisation forfaitaire que s'il poursuivait par la suite une activité commerciale concurrente. Or, en l'espèce, si la résiliation du contrat de licence est fautive, il n'est pas pour autant démontré, au vu des pièces communiquées, que la société ait poursuivi son exploitation en violant la clause de non-concurrence.
Il convient donc également de confirmer le jugement déféré, pour d'autres motifs, en ce qu'il a rejeté cette prétention.
Sur l'appel incident
La société RPG GEEK sollicite l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi, par manquement de la société dynamite Games à son obligation d'information pré contractuelle, absence d'accompagnement et de formation, absence de transmission du savoir-faire et manquement à l'obligation d'approvisionnement exclusif.
Mais elle ne produit aucune pièce de nature à prouver des manquements contractuels du franchiseur, ni l'existence d'un lien de causalité avec la cessation de paiement au 29 février 2019 avec nécessité de déposer le bilan.
Aucun justificatif n'est par ailleurs produit concernant l'évaluation du préjudice à la somme de 30'000 euros.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de rejeter toute demande formée de ce chef par les sociétés RGP GEEK et la Selarl Ekip agissant en qualité de mandataire liquidateur.
Sur les demandes accessoires :
Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel dès lors que chaque appelant échoue pour la plus grande partie de ses prétentions.
Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, dès lors que celle-ci n'est pas susceptible de recours suspensif d'exécution.
Chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Constate que l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 8 juin 2020 a autorité de chose jugée, en ce qu'il a déclaré recevable l'appel formé le 5 juillet 2019 par la SARL Dynamite Games concept, et dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel,
Sur l'appel principal :
Infirme partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
Dit que le contrat conclu entre les parties le 7 septembre 2014 est un contrat de licence de marque avec clause d'exclusivité et non un contrat de franchise,
Dit n'y avoir lieu à nullité de ce contrat, pour absence de cause ou pour vice du consentement,
Confirme le jugement, pour d'autres motifs, en ce qu'il a débouté la société Dynamite Games Concept de ses demandes en paiement,
Sur l'appel incident :
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déboute la société RPG GEEK et son mandataire liquidateur, la Selarl Ekip, de leur demande en paiement de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance comme en cause d'appel,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.