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Décisions

Cass. 2e civ., 19 novembre 2020, n° 20-14.240

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

MA Pièces Autos Bretagne (Sasu), Selarl AJ Associés (ès qual.)

Défendeur :

Automobiles Citroën (SA), Automobiles Peugeot (SA), Peugeot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SCP Spinosi et Sureau, SCP Piwnica et Molinié

T. com. Lorient, du 4 sept. 2019

4 septembre 2019

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société MA pièces autos Bretagne (la société MPAB), à la société AJ associés, en sa qualité d'administrateur judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société MPAB, et à la société X , en sa qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société MPAB, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Peugeot.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 janvier 2020), les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont interjeté appel, le 17 septembre 2019, d'un jugement les ayant condamnées sous astreinte à reprendre l'exécution d'un contrat les liant à la société MA pièces auto Bretagne (la société MPAB), placée sous sauvegarde de justice, et ont été autorisées, par ordonnance du 26 septembre 2019, à assigner à jour fixe pour l'audience du 10 décembre 2019.

3. Les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont déposé, le 5 décembre 2019, de nouvelles conclusions ainsi qu'une nouvelle pièce.

4. Les société MPAB, AJ associés, es qualités, et X., es qualités, intimées, ont demandé à la cour d'appel de renvoyer l'affaire et, à défaut, s'il n'était pas fait droit à cette demande, de rejeter des débats les dernières écritures du 5 décembre 2019 ainsi que la pièce communiquée le même jour.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société MPAB, la société AJ associés, es qualités, et la société X, es qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que l'audience initialement fixée suivant la procédure à jour fixe au mardi 10 décembre 2019 soit renvoyée à une prochaine date de plaidoirie, alors « que le juge ne peut refuser un renvoi à une audience ultérieure d'une affaire fixée pour être plaidée, qu'à la condition que les parties aient été mises en mesure d'exercer leur droit à un débat oral ; qu'en rejetant la demande de renvoi formulée par les sociétés intimées, sans répondre au moyen tiré du fait qu'un mouvement de grève nationale générale concernant la réforme des régimes de retraite affectant tous les secteurs d'activité et touchant notamment les transports ainsi que tous les barreaux en France, qui constituait pour les sociétés intimées un obstacle insurmontable à faire valoir oralement leurs observations par l'intermédiaire d'un avocat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble les articles 432 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe du respect des droits de la défense et du droit au procès équitable. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les sociétés Automobile Peugeot et Automobiles Citroën invoquent en défense l'irrecevabilité du moyen au motif qu'aucun chef du dispositif de l'arrêt ne statue sur la demande de renvoi.

7. Aux termes de leurs conclusions de procédure, la société MPAB, la société AJ associés, es qualités, et la société X, es qualités, demandaient à la cour d'appel de renvoyer l'affaire à une prochaine date de plaidoirie et, à défaut, s'il n'était pas fait droit à la demande de renvoi, de rejeter des débats les dernières écritures des sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën du 5 décembre 2019 ainsi que la pièce communiquée le même jour.

8. En retenant l'affaire à l'audience du 10 décembre 2019 et en rejetant, aux termes du dispositif de l'arrêt, la demande tendant à ce que soient écartées des débats les conclusions du 5 décembre 2019 et la pièce n° 54, la cour d'appel a, par là même, rejeté la demande de renvoi.

9. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

10. Les avocats postulants des parties ayant été entendus sur la demande de renvoi et les avocats plaidants mis en mesure d'adresser leurs dossiers, c'est sans méconnaître les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni priver les parties de toute possibilité de faire valoir leurs droits en justice, que la cour d'appel, tenue d'assurer une bonne administration de la justice et de veiller au bon déroulement de l'instance dans un délai raisonnable, a refusé, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. La société MPAB, la société AJ associés, es qualités, et la société [...] , es qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient rejetées des débats les conclusions des sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën en date du 5 décembre 2019 et la pièce n° 54, alors « qu'en se bornant à retenir, pour juger recevables les conclusions et la pièce déposées à deux jours ouvrés de l'audience par les sociétés appelantes, que les trois sociétés intimées disposaient d'un délai suffisant pour y répondre, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, du fait de la grève nationale générale mobilisant notamment l'ensemble de la profession d'avocat entre le jeudi 5 décembre et le mardi 10 décembre 2019, ces dernières avaient été placées en mesure d'analyser et de répondre aux huit nouvelles pages de conclusions ainsi qu'à la pièce supplémentaire produite par les sociétés appelantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 15, 16 et 455 du code de procédure civile :

13. Si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens du premier de ces textes, ils se doivent de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet.

14. Pour rejeter la demande tendant au rejet des débats des dernières écritures des sociétés appelantes du 5 décembre 2019 ainsi que de la pièce communiquée le même jour, l'arrêt relève, d'abord, que le litige dure entre les parties depuis près d'une année, que plusieurs décisions de justice ont été rendues et que les parties ont donc une bonne connaissance du litige, que l'urgence de la situation a conduit à accorder aux sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën une autorisation d'assignation à jour fixe, que l'assignation a été délivrée le 9 octobre 2019, que les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont conclu pour la première fois le 17 octobre 2019, que les sociétés MPAB, AJ associés et X ont attendu le 29 novembre 2019 pour conclure, que les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont répondu à ces conclusions le 5 décembre 2019, que le dispositif de ces conclusions du 5 décembre 2019 est identique à celui des conclusions du 17 octobre 2019, qu'elles ne comportent en pièce nouvelle que la pièce n° 54 qui consiste en un arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019, que les ajouts aux motifs des conclusions du 5 décembre 2019 sont peu nombreux, sont facilement identifiables par des traits verticaux dans la marge et ne font que répondre aux conclusions des intimées en date du 29 novembre 2019 ou développer des arguments déjà exposés précédemment.

15. L'arrêt retient, ensuite, que si les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont été en mesure d'exploiter, dès le 5 décembre 2019, l'arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la Cour de cassation dans le litige opposant les parties, les sociétés MPAB, AJ associés et X disposaient quant à elles de près de cinq jours pour le faire en réponse et qu'il apparaît ainsi que ces dernières disposaient du temps nécessaire pour répondre utilement aux dernières conclusions et à la dernière pièce produite par les société Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën le 5 décembre 2019.

16. En statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée dans les conclusions de procédure du 10 décembre 2019, sur l'incidence de la grève nationale générale mobilisant notamment l'ensemble de la profession d'avocat, le 5 décembre 2019, sur les possibilités dont disposaient les sociétés intimées de répliquer aux nouvelles conclusions et à la nouvelle pièce déposées ce même jour par les sociétés appelantes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. La société MPAB, la société AJ associés, es qualités, et la société X, es qualités, font grief à l'arrêt de dire qu'il n'existait aucun contrat en cours à la date de l'ouverture de la procédure de sauvegarde entre, d'une part, la société MPAB et, d'autre part, les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën et de rejeter la demande d'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise, alors « que, d'une part, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend conformément à l'article 624 du code de procédure civile à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen et/ou le deuxième moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l'arrêt ayant dit qu'il n'existait aucun contrat en cours à la date de l'ouverture de la procédure de sauvegarde. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

18. La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

19. En application de ces dispositions, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a débouté les sociétés intimées de leur demande tendant au rejet des débats des dernières écritures des sociétés appelantes du 5 décembre 2019 ainsi que de la pièce communiquée le même jour, entraîne la cassation, par voie de conséquence, des autres chefs de dispositif de l'arrêt qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.