ADLC, 3 décembre 2020, n° 20-D-20
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme
L’Autorité de la concurrence (section V),
Vu la décision n° 18-SO-05 du 10 avril 2018, enregistrée sous le numéro 18/0045 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution en ligne des thés haut de gamme ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et notamment, le premier paragraphe de l’article 101 ;
Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-1 ;
Vu les décisions de secret des affaires n° 19-DSA-131 du 26 avril 2019 et n° 20-DSA-004 du 6 janvier 2020 ;
Vu les observations présentées par la société Dammann Frères et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, les représentants de la société Dammann Frères et le commissaire du Gouvernement, entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 4 mars 2020,
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence sanctionne la société Dammann Frères (ci-après « Dammann Frères ») pour avoir mis en œuvre, d’avril 2015 à juin 2017, des pratiques visant à limiter la liberté tarifaire de ses distributeurs, en fixant directement ou indirectement le prix de vente aux consommateurs des produits de marque Dammann Frères, sur le marché de la vente en ligne de thés haut de gamme, en violation des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Il a été constaté que la société Dammann Frères a diffusé à ses distributeurs des prix dits
« conseillés », par le biais de ses catalogues annuels, qu’elle les a incités à respecter en s’appuyant, notamment, sur ses conditions générales de vente et sur les accords de distribution en ligne conclus avec certains distributeurs.
La société Dammann Frères est en outre intervenue auprès des distributeurs qui refusaient d’appliquer les prix qu’elle imposait et a sanctionné ceux qui persistaient à ignorer ses incitations en supprimant ou réduisant le montant des remises qui leur étaient accordées, en retardant leurs livraisons, en supprimant leurs coordonnées de la liste de distributeurs présentée sur son site Internet ou encore en rompant de façon unilatérale ses relations commerciales avec eux.
Les distributeurs de Dammann Frères qui vendent ses produits en ligne ont adhéré à sa politique en signant des contrats proposés par Dammann Frères qui restreignaient leur liberté tarifaire, en appliquant les prix imposés par Dammann Frères ou encore en dénonçant à Dammann Frères les prix pratiqués par leurs concurrents lorsqu’ils les jugeaient trop faibles.
L’Autorité s’est fondée sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant de la réunion de pièces documentaires et de nature comportementale, pour démontrer l’existence d’une invitation anticoncurrentielle de Dammann Frères et d’un acquiescement de ses distributeurs quant aux prix pratiqués lors de la vente en ligne de ses produits.
Cette entente entre Dammann Frères et ses distributeurs sur les prix de revente en ligne de ses produits a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence intra-marque entre les sites de vente en ligne des produits de marque Dammann Frères. Elle est, à ce titre, prohibée par les articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
L’Autorité a considéré, après avoir examiné l’ensemble des faits du dossier, qu’il convenait de prononcer, au titre de cette entente, une sanction pécuniaire d’un montant de 226 000 euros à l’encontre de la société Dammann Frères. De surcroît, l’Autorité a enjoint à Dammann Frères de publier un résumé de la présente décision sur son site de vente en ligne ainsi que dans une édition électronique et papier du quotidien Le Monde.
I. Les constatations
1. Seront successivement examinés la procédure (A), le secteur (B) et les entités concernés (C), ainsi que les pratiques constatées (D). Les griefs notifiés seront également rappelés (E).
A. LA PROCEDURE
2. Par lettre enregistrée le 21 novembre 2017, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après la « DGCCRF ») a transmis à l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») le résultat des investigations de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (ci-après la « DIRECCTE ») de la région des Pays de la Loire, relatives à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution en ligne des thés haut de gamme2.
3. Par décision n° 18-SO-05 du 10 avril 2018, prise en application de l’article L. 462-5 du code de commerce, l’Autorité s’est saisie d’office de ces pratiques3.
B. LE SECTEUR CONCERNE
1. LES PRODUITS EN CAUSE
4. Les produits concernés par la présente procédure sont les thés haut de gamme, qui se distinguent des thés ordinaires par la qualité des feuilles de thé et les techniques d’aromatisation utilisées, ainsi que par la diversité des variétés proposées. Si les thés « grand public » sont essentiellement constitués de feuilles ou d’écorce broyées4, les thés haut de gamme sont exclusivement composés de feuilles entières ou brisées, issues d’une cueillette fine5, et sont aromatisés, le cas échéant, en ayant recours, à des arômes naturels et des huiles essentielles6. Par ailleurs, ils sont déclinés dans des gammes et des variétés beaucoup plus étendues7, et vendus à des prix plus élevés que les thés de gamme inférieure8.
5. Sur ce point, le directeur commercial de Dammann Frères a lui-même revendiqué son positionnement haut de gamme devant les enquêteurs, en mai 2017 : « Nous nous positionnons sur un segment haut de gamme. […] Nous ne sommes absolument pas sur le même marché que Lipton. […] Les produits Lipton sont des sachets en papier avec de la poussière de thé dedans (CTC9 - thés broyés) et n’ont rien à voir avec les produits que nous proposons. »10.
2. L’ORGANISATION DU SECTEUR
6. Alors que, en France, les thés ordinaires sont vendus en grandes et moyennes surfaces, ou commercialisés via des places de marché en ligne, les thés haut de gamme sont généralement distribués dans des boutiques physiques et sur des sites internet, spécialisés ou non et, plus rarement, sur des places de marché en ligne.
7. Les producteurs de thé haut de gamme ont communément recours à un nombre relativement faible de distributeurs, souvent intégrés au sein d’un réseau de distribution sélective ou exclusive, du fait de l’importance particulière qu’ils accordent à leur image de marque. Ils offrent habituellement un nombre de références plus important et pratiquent des prix plus élevés que les producteurs de thé « grand public »11.
8. Les quatre sociétés Dammann Frères, Mariage Frères, Palais des Thés et Orientis Gourmet
– qui exploite notamment la marque Kusmi Tea – se partagent l’essentiel du marché français des thés haut de gamme. Elles ont toutes développé un site de vente en ligne12.
C. LES ENTITES CONCERNEES
9. La société Dammann Frères est une société par actions simplifiée (SAS) dont le siège social est situé à Dreux et dont le négoce du thé constitue l’activité exclusive depuis 1949. Le groupe italien Gruppo illy en est devenu actionnaire majoritaire en 2007.
10. Depuis 2005, la société Dammann Frères vend du thé sous sa propre marque, qu’elle commercialise à la fois dans ses boutiques en propre – en 2017, elle exploitait directement cinq boutiques en Île-de-France13 et le site www.dammann.fr – ainsi que par l’intermédiaire des boutiques physiques et en ligne de ses distributeurs. Ces distributeurs, au nombre de 1350 environ14, sont généralement de petits distributeurs généralistes, dont environ 31 % disposent d’un site Internet marchand, selon Dammann Frères15.
11. Dammann Frères n’a pas adopté de système de distribution sélective ou exclusive. Toutefois, certains de ses distributeurs bénéficient d’un contrat de licence de marque stipulant que le licencié s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès de Dammann Frères ou auprès de tout autre fournisseur qui lui serait désigné par Dammann Frères16.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
12. Il a été constaté que Dammann Frères a procédé à la fixation d’un prix minimum de revente en ligne de ses produits, que ses distributeurs ont respecté (1). Dammann Frères a, par ailleurs, interdit à ses distributeurs de revendre ses produits par le biais de places de marché tierces en ligne (2).
1. LA FIXATION D’UN PRIX MINIMUM DE REVENTE EN LIGNE DES PRODUITS
DAMMANN FRERES
13. Le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré aux enquêteurs, lors de son audition en mai 201717, que Dammann Frères cherchait à « harmoniser les prix et la qualité des sites de vente en ligne »18 en amenant ses distributeurs à respecter les prix de revente qu’elle pratiquait elle-même dans ses boutiques physiques et sur son site Internet19. Selon lui, l’objectif poursuivi par Dammann Frères était, in fine, de ne pas « perturbe[r] les consommateurs quant à [son] image […] et la qualité des produits vendus »20. Cette stratégie est confirmée par le gérant de la SARL Brûlerie du Périgord, qui a expliqué aux enquêteurs que « concernant la vente en ligne, Dammann veut la contrôler au maximum et faire en sorte que tout le monde vende au même prix. Pour [le fabricant], c’est très important que les prix soient harmonisés entre les différents distributeurs et surtout que les distributeurs ne fassent pas n’importe quoi niveau prix. »21. Le gérant de la SARL Giraphes, qui distribue également des produits Dammann Frères, a par ailleurs déclaré aux enquêteurs que Dammann Frères souhaitait « avoir une uniformité de prix entre tous les distributeurs et [son] propre site de vente en ligne »22.
14. Selon certains distributeurs de Dammann Frères, l’harmonisation des prix mentionnée au paragraphe précédent visait notamment à protéger Dammann Frères de la concurrence de ses distributeurs. La gérante de la SARL Jour de Bon Thé a ainsi indiqué qu’elle savait que Dammann Frères « ne souhait[ait] pas que ses revendeurs vendent en ligne pour ne pas concurrencer [son] propre site de vente en ligne, surtout que, les prix pratiqués sont souvent moins chers en ligne »23. Par ailleurs, le président directeur général de la SA Brûlerie d’Alré a expliqué que les distributeurs devaient « respecter le prix de vente conseillé par Dammann FRERES en ligne, ce afin de ne pas [lui] faire concurrence et également afin que [son] image de marque soit préservée »24.
15. Il a été constaté que la société Dammann Frères a, dans ce but, diffusé à ses distributeurs des listes de prix de revente de ses produits (a), imposé le respect de ceux-ci par le biais de ses conditions générales de vente et d’un régime d’autorisation préalable à la vente en ligne (b), surveillé leur application par les distributeurs, en s’appuyant sur ces derniers (c), et, le cas échéant, mené des interventions et adopté des sanctions à l’encontre des distributeurs récalcitrants (d). Il a par ailleurs été constaté que de nombreux distributeurs avaient accepté d’augmenter les prix qu’ils pratiquaient en ligne ou d’appliquer les prix imposés par Dammann Frères (e).
a) La diffusion de listes de prix de revente des produits Dammann Frères
16. Le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré que ce fabricant « a des prix conseillés depuis une dizaine d’années » et que « C’est rentré culturellement dans la tête de la majorité de [ses] clients que des prix conseillés existent »25.
17. L’intégralité des trente-quatre distributeurs de produits Dammann Frères entendus par les enquêteurs entre le 21 novembre 2015 et le 7 juillet 2017 – à la seule exception du gérant de la SARL Virtual Alchemy – a confirmé avoir reçu des « prix conseillés » de la part de Dammann Frères26. Plusieurs d’entre eux ont précisé que ces prix leur parvenaient par le biais du catalogue annuel de la marque27, qui leur était expédié au mois de septembre de chaque année28. Si le gérant de la SARL Virtual Alchemy n’a pas évoqué expressément l’existence de « prix conseillés », il a néanmoins reconnu avoir reçu ce catalogue29.
18. Lors de leurs auditions de février et juillet 2017, les gérants de la SARL Brûlerie du Périgord et de la SARL Coffee’n co, qui distribuent des produits Dammann Frères, ont déclaré que les « prix conseillés » étaient présentés dans les catalogues du fabricant sous la forme de prix « généralement constaté[s] »30. Par ailleurs, les « prix conseillés » relevés par les enquêteurs entre le 21 novembre 2015 et le 7 juillet 2017 – dont l’existence a été attestée par les distributeurs lors de la signature de leurs procès-verbaux d’audition respectifs31 – correspondent exactement aux prix figurant sous la dénomination de « P vente public généralement constaté - retail price » dans le document de Dammann Frères intitulé « Tarif HT »32. Ce document constitue donc le catalogue par lequel le fabricant diffusait des listes de prix de revente de ses produits à ses distributeurs.
b) Les incitations à appliquer les prix diffusés
19. Il ressort des pièces du dossier que Dammann Frères a incité ses distributeurs à appliquer les prix qu’elle leur communiquait, s’agissant de la revente de ses produits en ligne.
Les déclarations du directeur commercial de Dammann Frères
20. Le directeur commercial de Dammann Frères a reconnu que Dammann Frères considérait les prix conseillés comme des prix vers lesquels les prix des distributeurs en ligne du réseau devaient tendre afin de préserver son image de marque : « On aimerait bien faire un peu de ménage (sic) dans le secteur de la vente en ligne, mais on n’a pas encore de personnel dédié à une veille permanente et efficace pour contrôler ce business. Il y a de vrais problèmes avec des détaillants qui vendent avec 50 % ou 40 % de remise par rapport au prix de vente conseillé en intégrant en plus des frais de port gratuits. Pour moi, ce sont des profiteurs. Souvent, ils ont une activité physique de vente de thé en boutique et il leur prend un jour l’envie de monter un site sans nous en informer. Ils vendent à des prix cassés et avec des visuels dépassés ou proposent des produits qu’on ne vend même plus. C’est notre image qui en pâtit. […] Le prix conseillé est pour nous le prix légitime auxquels nos produits devraient être vendus. Cela ne me choque pas d’être à 50 € le kilo au lieu de 55 € ou 60 €. Être à - 40 % est complément anormal et choquant. Depuis quelques années, on travaille donc avec nos distributeurs pour qu’ils remontent un peu leurs prix vers un niveau plus cohérent avec notre image et la qualité de nos produits »33 (soulignement ajouté).
21. Sur ce point, il a également déclaré, en mai 2017, travailler depuis « quelques années » avec ses distributeurs « pour qu’ils remontent un peu leurs prix […] pour se rapprocher des prix conseillés ». Il a souligné que « les prix sont libres » mais a reconnu que « si le revendeur est vraiment trop bas, [Dammann Frères doit] réveiller son bon sens pour lui faire remonter ces prix »34 (soulignement ajouté).
22. Ces propos illustrent le fait que l’intéressé considérait l’intervention des commerciaux auprès des distributeurs récalcitrants comme naturelle, même s’il préfère mettre cette démarche sur le compte de la persuasion et de la pédagogie : « Nous essayons d’harmoniser les prix et la qualité des sites de vente en ligne mais c’est compliqué à réguler car nous n’avons pas les moyens de payer un cabinet d’avocat pour lutter contre les revendeurs malveillants en ligne. Nous comptons beaucoup sur la pédagogie, le bon sens et la formation pour faire passer notre message selon lequel le site Internet ne doit surtout pas venir dévaloriser nos produits. […] Le rôle des commerciaux est de maintenir une présence auprès des revendeurs. […] Ils doivent également sensibiliser les clients pour essayer de les positionner au plus près des prix conseillés et pour respecter la logique de prix Dammann »35 (soulignement ajouté).
Les conditions générales de vente
23. Les conditions générales de vente de Dammann Frères étaient portées à la connaissance des distributeurs par le biais du catalogue annuel diffusé par le fabricant36 (voir les paragraphes 17 et suivants ci-dessus). Les contrats d’enseigne signés par certains distributeurs comportaient une clause selon laquelle « Le Licencié reconnait […] avoir pris connaissance des Conditions Générales »37, et les accords de distribution en ligne signés par d’autres distributeurs portaient mention des clauses de ces conditions relatives à la vente par Internet et l’utilisation de la marque Dammann Frères38. Enfin, plusieurs courriers du directeur commercial de Dammann Frères attestent que ce fabricant rappelait l’existence de ces clauses aux distributeurs39, notamment à ceux dont il constatait qu’ils ne les respectaient pas40.
24. Ces conditions générales de vente stipulaient : « Le client s’oblige à faire en sorte que les ventes pratiquées à partir de son site revêtent à tout moment les caractéristiques d’une vente usuelle pratiquée dans un point de vente réel »41. Les « caractéristiques d’une vente usuelle » visées étaient « l’étiquetage, le zoning (la présentation des assortiments de produits) et bien sûr les prix »42, selon le directeur commercial, qui a également précisé aux enquêteurs que « l’objectif est que les prix soient les mêmes en boutiques qu’en ligne »43, ainsi que : « Quand un consommateur achète en ligne, il doit retrouver les mêmes produits, avec la même présentation et aux mêmes prix qu’en boutique. »44.
25. Les conditions générales de vente de Dammann Frères disposaient par ailleurs : « Le client devra permettre à DAMMANN Frères de visualiser son site internet au moins 30 jours avant sa mise en ligne et DAMMANN Frères sera en droit d’exiger des modifications commandées par la protection de son image ou de sa marque »45. En outre, les factures du fabricant indiquaient que les distributeurs devaient également recueillir son « autorisation écrite » et qu’à défaut « Aucun produit portant les marques appartenant à la société DAMMANN Frères ne pourra[it] être commercialisé sur internet »46.
Les accords de distribution
26. Dammann Frères invitait également ses distributeurs à signer des accords de distribution. Son directeur commercial a confirmé, en mai 2017, que, « depuis quelques temps (2 ou 3 ans) », Dammann Frères faisait signer de tels accords aux distributeurs qui l’informaient de leur intention d’ouvrir une boutique en ligne. Il a également indiqué qu’il rappelait aux distributeurs qui vendaient en ligne sans en avoir informé Dammann Frères que la demande d’autorisation était prévue dans les conditions générales de vente47. Sur ce point, il ressort du dossier que Dammann Frères a invité plusieurs distributeurs à signer un accord de distribution après avoir constaté qu’ils revendaient ses produits en ligne48. À cet égard, la gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise a déclaré aux enquêteurs : « Quand le commercial a appris qu’on vendait en ligne, il m’a dit qu’il fallait demander une autorisation pour cela. J’ai donc envoyé un courrier à DAMMANN qui m’a demandé de signer un contrat. Je l’ai donc signé »49.
27. Deux accords de distribution, signés respectivement par le gérant de la SARL Objectif Zen50 et par un représentant de la SARL Torréfaction du Haut-Doubs51, bien que ce dernier ait déclaré aux enquêteurs qu’il n’avait signé aucun contrat de distribution avec ses fournisseurs, ont été versés au dossier52. Figurent également au dossier des accords adressés par Dammann Frères, pour signature, à la gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise53 et à l’exploitant du site www.tea-discount.com54. La gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise a répondu à cette transmission, par courrier électronique55 : « Les modifications vont être effectuées »56. Elle a, par la suite, déclaré aux enquêteurs avoir signé ce « contrat »57. Au contraire, l’exploitant du site www.tea-discount.com a indiqué avoir « toujours refusé de signer l’attestation que [Dammann Frères] v[oulait] qu[’il] signe »58.
28. Ces quatre accords rappellent la clause mentionnée au paragraphe 24 ci-dessus : « Le client s’oblige à faire en sorte que les ventes pratiquées à partir de son site revêtent à tout moment les caractéristiques d’une vente usuelle pratiquée dans un point de vente réel ». Deux d’entre eux accompagnent cette clause de la mention : « Document de référence : Tarif en vigueur »59, qui renvoie explicitement, en vertu de ce qui précède, aux prix diffusés par Dammann Frères (voir le paragraphe 18 ci-dessus).
29. Trois de ces accords contiennent, en outre, une clause additionnelle : « Ne pratiquer aucune offre promotionnelle, ni remise tarifaire sans accord préalable »60, à propos de laquelle le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré aux enquêteurs qu’elle constituait « une mise en garde pour qu[e les distributeurs] prennent conscience que (sic) ne pas faire tout et n’importe quoi avec les prix en ligne » et qu’elle avait été supprimée « sur les conseils de [l’]avocat [de Dammann Frères] »61. Un courrier électronique, par lequel le directeur commercial de Dammann Frères qualifiait de « remise[s] permanente[s] » les écarts entre les prix de vente du site www.tea-discount.com et les « prix conseillés »62 atteste, par ailleurs, que l’intéressé assimilait la pratique de prix inférieurs aux prix conseillés à une « remise tarifaire ».
30. L’exploitant du site www.tea-discount.com, dont l’accord contient les deux clauses citées aux paragraphes 28 et 29 ci-dessus, a indiqué à la DIRECCTE Pays de la Loire, dans un courrier du 15 octobre 2015, que l’accord transmis par Dammann Frères lui « demand[ait] de respecter les prix de vente »63.
31. Enfin, l’accord communiqué à la SARL Bonnin Praud Gourmandise contient la clause suivante, outre les deux clauses citées ci-dessus : « Dans la mesure du possible, s’engager à suivre les prix de vente généralement constatés », également accompagnée de la mention « (Document de référence : Tarif mai 2015) »64. Sur ce point, la gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise a déclaré : « il est prévu dans le contrat que j’ai dû signé (sic) que je m’engage à suivre les prix conseillés et à ne pas faire de promotion. Je ne fais donc jamais de promotion sur le thé »65.
32. D’autres distributeurs de Dammann Frères ont évoqué la signature de tels accords. L’exploitante du site www.torrefactiondauron.fr a ainsi déclaré avoir « dû informer DAMMANN de l’ouverture de [s]on site et signer un accord de distribution »66, et l’exploitant du site www.tea-discount.com a précisé que le président général de la SA Cafés Marc, dont il avait acquis le site Internet en 2015, avait « accepté de signer l’attestation exigée par Dammann car il [avait] eu peur de ne plus être livré »67.
33. Par ailleurs, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré que Dammann Frères avait autorisé une cinquantaine de sites Internet et a communiqué, en juin 2017, une liste de dix-neuf distributeurs ayant signé des accords de distribution, où figuraient notamment la SARL Objectif Zen, la SARL Bonnin Praud Gourmandise – qui exploite la boutique « C. DUBON » et le site www.epicerie-vendee.fr – ainsi que la SARL Torréfaction du Haut- Doubs68.
Les déclarations des distributeurs
34. De façon générale, en présence ou en l’absence d’un tel accord écrit, Dammann Frères posait comme condition à l’ouverture et à l’exploitation de la vente en ligne de ses produits le respect des prix conseillés, ainsi qu’il ressort de neuf déclarations versées au dossier.
35. Par ailleurs, les déclarations de trois distributeurs parmi ceux cités dans le tableau ci-dessus attestent que Dammann Frères tentait de dissuader ses distributeurs de pratiquer des prix inférieurs aux prix qu’elle leur communiquait.
36. Il ressort enfin du dossier que Dammann Frères est intervenue directement auprès des distributeurs pratiquant des prix inférieurs aux prix qu’elle diffusait, afin que ceux-ci les augmentent (voir les paragraphes 46 et suivants ci-dessous).
c) La surveillance des prix de revente des distributeurs
37. Le gérant de la SARL Giraphes a déclaré aux enquêteurs que Dammann Frères effectuait « un contrôle et une surveillance des produits vendus en ligne et des prix qui y sont pratiqués »82. Par ailleurs le président de la SAS Cafés Nadal a rapporté les propos d’un commercial de Dammann Frères, selon lequel, « En ligne, la surveillance est plus aisée et Dammann n’a pas besoin des commerciaux pour surveiller ce qu’il s’y passe »83. Cette pratique de surveillance répondrait, selon le gérant de la SARL Brûlerie du Périgord, au souhait de Dammann Frères de « contrôler au maximum » la vente en ligne afin que « les prix soient harmonisés entre les différents distributeurs »84.
38. De surcroît, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré aux enquêteurs : « Les commerciaux nous font remonter les cas où les prix pratiqués sont particulièrement bas »85, ce qui est attesté par un courrier électronique du service commercial de Dammann Frères l’informant des prix de certains distributeurs dont un de leurs membres avait eu écho86. Le service client de Dammann Frères était également à l’origine de remontées d’informations vers son directeur commercial, comme l’atteste la transmission à son attention de deux courriers électroniques de clients de Dammann Frères87.
39. Si Dammann Frères était très attentive aux prix pratiqués en ligne, elle pouvait également compter sur la surveillance opérée par une partie de ses revendeurs, qui l’informaient lorsqu’ils constataient que les prix conseillés n’étaient pas suivis par certains de leurs concurrents.
40. Sur ce point, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré aux enquêteurs, que
« Dans 90 % des cas, les remontées d’information sur les prix viennent toutefois du réseau de revendeurs qui [l’]alerter (sic) des prix pratiqués par certains de leur concurrents ». Selon lui, « Certains revendeurs sont en effet très vigilants sur les prix de leurs concurrents […] car ils ne comprennent pas pourquoi eux jouent le jeu et suivent les prix conseillés et que d’autres cassent les prix »88.
41. Certains distributeurs, tels que le gérant de la SARL Objectif Zen, le président directeur général de la SA Brûlerie d’Alré et le directeur général de la SAS Maxibay – qui ont déclaré aux enquêteurs, en juin 2017, adhérer à la politique de prix de Dammann Frères (voir les paragraphes 110, 112 et 113 ci-dessous) – ont explicitement reconnu surveiller les prix pratiqués par les autres revendeurs. Sur ce point, le directeur général de la SAS Maxibay a précisé qu’il avait développé un outil ad hoc lui permettant de suivre les prix pratiqués sur certains sites Internet concurrents, et d’informer, le cas échéant, Dammann Frères des écarts constatés par rapport aux « prix conseillés »89. Par ailleurs, le gérant de la SARL Société Lorraine de Torréfaction, qui n’appliquait pas systématiquement les « prix conseillés », a par ailleurs déclaré que, « Lorsque les commerciaux Dammann v[enaient] en boutique, […] [ils pouvaient] leur faire remarquer que certains prix sont parfois cassés sur internet, notamment chez les pure players [distributeurs qui ne pratiquent qu’une activité de distribution en ligne], qui ont besoin de moins d’immobilier et de personnel. »90.
42. Enfin, plusieurs courriers électroniques, communiqués par le directeur commercial de Dammann Frères attestent de la surveillance exercée par sept distributeurs de la marque et des remontées d’informations qu’ils ont effectuées à destination du fabricant, entre septembre 2014 et mars 201791, étant précisé, au surplus, que le directeur commercial a indiqué s’être « limité à quelques exemples » lors de sa transmission des courriels concernés aux enquêteurs92. L’un de ces sept distributeurs, l’exploitant du site www.si-le-the.com, qui a créé ce site marchand en avril 201593, vendait des produits de marque Dammann Frères en ligne à des prix correspondant globalement aux prix conseillés, ainsi qu’en attestent les relevés réalisés par les enquêteurs94. Ce distributeur avait signé, selon le fabricant, un accord de distribution en ligne avec Dammann Frères95.
43. S’agissant de l’intensité de la surveillance exercée sur les différents canaux de distribution, le président de la SAS Cafés Nadal a expliqué que, selon son commercial : « en magasin, [il] pouvai[t] faire à peu près ce [qu’il] voulai[t] car la surveillance des prix est plus compliquée parce qu’elle nécessite la venue régulière des commerciaux [alors que] En ligne, la surveillance est plus aisée et Dammann n’a pas besoin des commerciaux pour surveiller ce qu’il s’y passe. C’est donc sur internet que se posent les problèmes »96. Un représentant de la SARL Emmynais, le président directeur général de la SA Brûlerie d’Alré et le gérant de la SARL Le Comptoir du thé ont par ailleurs déclaré, lors de leurs auditions respectives par les enquêteurs, que leurs prix en boutiques étaient « libres », tandis qu’en ligne, les « prix conseillés » devaient être respectés97. Le gérant de la SARL Stokbox a enfin indiqué : « Dammann doit être la seule marque pour laquelle les prix sont différents en magasin et en ligne, […] à cause de leurs sollicitations pour que nous augmentions nos prix en ligne »98.
d) Les interventions et les sanctions de Dammann Frères à l’encontre des distributeurs dont les prix de revente étaient inférieurs aux prix imposés
44. Un distributeur de Dammann Frères auditionné par les enquêteurs a évoqué la position de force dans laquelle le fabricant se trouvait vis-à-vis de ses distributeurs, position qui lui permettait de faire appliquer sa politique de prix sans craindre de réaction de leur part. Ainsi, dans un courriel au directeur commercial du fabricant, le gérant de l’entreprise Thé Caramel & Chocolat a indiqué : « Pensez-vous sérieusement que tout (sic) vos clients iront voir ailleurs ? Non ! Vous nous tenez par "les couilles" (désolé du terme graveleux) (sic), et vous le savez bien, aucun d’entre nous ne changera de marque (trop risqué), vous avez cette force pour faire appliquer les règles »99.
45. Plusieurs éléments du dossier attestent que Dammann Frères intervenait auprès des distributeurs pratiquant des prix inférieurs aux prix qu’elle diffusait, allant jusqu’à leur imposer des sanctions.
Les interventions auprès des distributeurs pratiquant des prix de revente inférieurs aux prix imposés
46. Il a été constaté que, par des remontrances et des menaces, des représentants de Dammann Frères sont intervenus auprès des distributeurs qui vendaient ses produits à des prix inférieurs aux prix diffusés, afin que ceux-ci les augmentent.
47. Sur ce point, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré aux enquêteurs, en mai 2017, travailler depuis « quelques années » avec ses distributeurs « pour qu’ils remontent un peu leurs prix […] pour se rapprocher des prix conseillés ». Il a souligné que « les prix sont libres » mais a reconnu que « si le revendeur est vraiment trop bas, [Dammann Frères doit] réveiller son bon sens pour lui faire remonter ces prix »100.
48. Le directeur général de la SAS Maxibay, qui distribue des produits Dammann Frères, a indiqué que Dammann Frères avait pu intervenir auprès d’un de ses concurrents qui pratiquait des prix bas : « En ce qui concerne nos prix de vente pour les produits Dammann, nous suivons globalement les prix de ventes conseillés mais nous essayons aussi de suivre le marché et nous surveillons les prix pratiqués par nos concurrents. Si les prix baissent fortement sur un site concurrent, nous informons notre fournisseur […] Ils nous expliquent que nous ne devons pas nous inquiéter et que les prix vont remonter. En effet, on constate que c’est vrai et que les prix finissent toujours par remonter. Il y a par exemple le cas d’un distributeur de la région parisienne qui vend en ligne et qui a pu pratiquer des prix agressifs et qui a déconné (sic) sur cette question pendant un moment mais aujourd’hui, c’est fini. Il a remonté ses prix. Je suppose que la marque est intervenue pour qu’il arrête de casser les prix. »101.
49. Par ailleurs, douze distributeurs entendus lors de l’enquête ont déclaré, entre novembre 2016 et juillet 2017, que Dammann Frères leur avait demandé d’augmenter leurs prix car ils étaient inférieurs aux prix qu’elle diffusait.
50. Ainsi qu’il ressort des extraits reproduits ci-dessus, les demandes de Dammann Frères ont pris diverses formes. Certains distributeurs ont déclaré aux enquêteurs avoir été destinataires de courriers de représentants de Dammann Frères114. D’autres distributeurs ont indiqué aux enquêteurs avoir reçu la visite d’un commercial de Dammann Frères115 ou avoir été contactés par téléphone116, à l’instar du gérant de la SARL Stokbox, qui a exposé : « Tout s’est fait par téléphone oralement, il n’y a jamais eu d’écrit. Ils n’ont pas eu besoin de nous envoyer un recommandé pour que je comprenne que je devais remonter mes prix en ligne si je voulais continuer à travailler avec eux »117.
51. Si quatre distributeurs ont déclaré ne pas avoir fait l’objet de remontrances de la part de Dammann Frères après avoir pratiqué des prix inférieurs aux prix communiqués par le fabricant pour certaines références, ils ont souligné que c’est, à leur sens, en raison de la faible visibilité de leur site, de la faiblesse de leurs volumes de ventes en ligne, de l’implantation géographique de leur point de vente physique ou de la circonstance que leurs prix n’étaient que très légèrement inférieurs à ceux communiqués.
52. Ainsi, le gérant de la SARL D.A. PRO a déclaré : « Le commercial de chez DAMMANN passe régulièrement au magasin. […] Il ne nous parle pas particulièrement des prix que nous appliquons » (soulignement ajouté). Il a cependant précisé : « DAMMANN ne nous a jamais fait d’observations particulières sur les prix que nous pratiquons car nous sommes proches des prix conseillés » et « d’une façon générale, nous essayons d’être au niveau des prix conseillés »118 (soulignement ajouté). De même, le gérant de la SARL Arômes et Gourmandises, a déclaré pratiquer des prix qui ne sont que « légèrement plus bas que les prix conseillés »119, mais a également souligné que ses ventes en ligne « représent[aient] une part infime d[e son] chiffre d’affaires »120.
53. L’exploitant du site www.bruleriedebernay.fr a exposé : « Les prix restent toutefois moins élevés que les prix conseillés par DAMMANN. […] Je n’ai jamais eu de remarques particulières de DAMMANN sur les prix que je pratique qui sont environ 30 % en dessous des prix conseillés. ». Il a cependant justifié l’absence d’intervention de Dammann Frères à son encontre notamment par le volume marginal de ses ventes en ligne et la faible visibilité de son site Internet : « Pour les prix en ligne, je pense que DAMMANN ne m’embête pas car ces ventes restent très marginales. Je ne suis même pas sûr qu’ils sachent que j’ai un site de vente en ligne car je suis très mal référencé sur les moteurs de recherche. Je n’apparais en effet pas dans les premières pages de Google. Je ne pense pas que le commercial soit au courant de l’existence de mon site car je ne fais une publicité ou référence à mon site dans ma boutique (sic) […] Je pense que DAMMANN, notamment le commercial, me connaît bien et sait que s’il me demande de respecter les prix conseillés, ils peuvent reprendre leurs boites et trouver un nouveau distributeur dans l’Eure. Ils savent que je l’ai déjà fait avec LOVORGANIC. »121 (soulignement ajouté).
54. Le gérant de la SARL Cafés de la Major a indiqué : « Les prix que je pratique seront toujours inférieurs aux prix de vente conseillés par Dammann Frères, j’ai choisi de marger moins sur ces produits que ne le font certains de mes confrères. Bien que je sois significativement parfois en dessous du prix conseillé par Dammann Frères, je n’ai jamais eu de retour négatif sur ce point de la part de mon fournisseur. »122 (soulignement ajouté). Il a justifié la latitude dont il disposait par la circonstance qu’il permettait à Dammann Frères de disposer d’un point de vente physique dans une ville caractérisée par un « contexte économique difficile »123.
55. Enfin, si le gérant de la SARL LPEJ a indiqué ne pas avoir été contacté par Dammann Frères au sujet du niveau de prix pratiqué en ligne, il ressort de ses déclarations qu’il a néanmoins fait l’objet d’une intervention de Dammann Frères s’agissant de la vente via les plateformes tierces en ligne : « Je ne peux plus vendre de thé sur les plate-formes, car la direction générale de Dammann m’a indiqué son refus dans un mail il y a trois ans. [...] Dès lors, pensant que Dammann agissait dans son bon droit, j’ai cessé de commercialiser sur les plates-formes dans la semaine qui a suivi. [ …] Mes tarifs sont un peu inférieurs aux prix conseillés, que je reçois tous les ans en septembre, de Dammann Frères. Je n’ai jamais eu de retour de la part du fournisseur sur le niveau des tarifs que j’applique »124 (soulignement ajouté).
Les sanctions prises à l’encontre des distributeurs pratiquant des prix de revente inférieurs aux prix imposés
56. Les distributeurs qui n’ont pas tenu compte des consignes et des interventions de Dammann Frères relatives à la nécessité de respecter les « prix conseillés » ont dû faire face à des sanctions qui ont pris des formes diverses, telles que la suppression ou la modification des remises qui leur étaient accordées, le retardement ou la suppression de leurs livraisons, la suppression de leurs coordonnées de la liste de distributeurs présentée sur le site Internet de Dammann Frères ou encore la rupture unilatérale de leurs relations commerciales avec Dammann Frères.
. Les sanctions prises à l’encontre de la SARL Cafés Reck
57. Il a été constaté que Dammann Frères a adopté des sanctions à l’encontre de la SARL Cafés Reck, sous la forme d’une suppression, à compter du 23 mai 2016, de la remise de 20 % dont elle bénéficiait, ainsi qu’en attestent les factures versées au dossier125.
58. Lors de son audition par les enquêteurs, le gérant de la SARL Cafés Reck a déclaré : « Par courrier du 28 décembre 2015, Dammann [l’a] inform[é] qu’il [n’] accordera[it] plus de remises commerciales et de réductions de prix autres que celles figurant aux CGV, et par conséquent bien inférieures à ce qu’elles étaient avant » et a « invoqué le non-respect des prix de vente conseillés pour justifier la réduction du taux de remise ». Ce distributeur a précisé que, « en ce qui concerne la politique de prix, les échanges n’ont eu lieu qu’oralement, par téléphone »126.
59. Les prix relevés par les enquêteurs entre mars 2016 et juin 2017 sur le site www.reck.fr étaient sensiblement inférieurs aux prix diffusés par le fabricant127.
60. Toutefois, le directeur commercial de Dammann Frères a indiqué au gérant de la SARL Cafés Reck, dans un courrier du 3 décembre 2015, que la réduction du taux de remise accordé à ladite société était directement liée à l’évolution de son chiffre d’affaires128. Il a par ailleurs démenti, lors de son audition, l’existence de tout lien de causalité entre le niveau de prix pratiqué par la SARL Cafés Reck et la suppression des remises129.
. Les sanctions prises à l’encontre de la SA Cafés Marc
61. La société SA Cafés Marc, qui distribue également des produits Dammann Frères, a également dû faire face à une sanction du fabriquant qui a pris la forme d’une suppression de remises. À compter du 12 décembre 2003, Dammann Frères a supprimé sa remise commerciale de 14 % sur les sachets et ne lui a plus fait la remise de 3 %, qui était alors accordée dès le premier kilo de thé en vrac acheté par ce distributeur, qu’à partir du cinquième kilo130. Ceci ressort à la fois des déclarations de ce distributeur aux enquêteurs131, et des factures figurant au dossier132.
62. Les motifs à l’origine de ces modifications ont fait l’objet de déclarations discordantes. Tandis que le président directeur général de la SA Cafés Marc a soutenu qu’un commercial de Dammann Frères imputait cette suppression au niveau « beaucoup trop bas » de ses prix de vente en ligne, qu’il assimilait à du « dumping »133 car ils étaient « bien inférieurs » aux « prix conseillés »134, le directeur commercial de Dammann Frères a, de son côté, soutenu, dans un courriel adressé à la DIRECCTE Pays de la Loire, que la remise dont bénéficiait l’intéressé avait été supprimée car le distributeur concerné « n’avait plus d’activité grossiste, qui justifiait le maintien de cette remise »135. Il a toutefois ajouté, lors de son audition par les enquêteurs, qu’il est « tout à fait possible » que des revendeurs l’aient prévenu des prix pratiqués en ligne sur le site de cette société136.
63. Mais cette explication ne résiste pas à l’examen. Les factures versées au dossier permettent d’attester que la SARL Reva Développement et la Torréfaction d’Auron, dont les clientèles respectives étaient essentiellement composées de particuliers137, ainsi que les SARL D.A. Pro138 et Jour de Bon Thé139 qui, à l’instar de la SA Cafés Marc, n’avaient pas d’activité de grossiste, bénéficiaient néanmoins d’une remise de 14 % sur les boîtes de sachets cristal140. Il ressort par ailleurs des déclarations des gérants des trois premières sociétés que leurs ventes en ligne étaient insignifiantes141 et que, contrairement à la SA Cafés Marc, leurs prix convergeaient vers les « prix conseillés »142, en raison, s’agissant de deux d’entre eux, d’une intervention de Dammann Frères143.
64. Enfin, les représailles de Dammann Frères à l’encontre de la SA Cafés Marc ont contraint le président directeur général de cette société à rehausser ses prix : « j’ai bien été obligé d’augmenter mes prix de vente, d’autant plus que j’avais peur qu’ils ne bloquent mon compte si je continuais à pratiquer des prix inférieurs aux prix conseillés », a-t-il expliqué aux enquêteurs144. L’exploitant du site www.tea-discount.com a confirmé que la SA Cafés Marc, dont il avait acquis le site Internet en 2015, avait « connu des difficultés similaires aux [s]iennes avec Dammann » et « accepté de signer l’attestation exigée par Dammann car il a[vait] eu peur de ne plus être livré »145. Selon le président directeur général, cette hausse des prix a été préjudiciable à la SA Cafés Marc car elle a occasionné une baisse des vente des produits Dammann Frères146.
. Les sanctions prises à l’encontre de la SAS Cafés Nadal
65. Des mesures de sanction ont aussi été prises à l’encontre de la SAS Cafés Nadal, exploitant une boutique à Nîmes et un site de vente en ligne.
66. Cette société, ainsi que l’a expliqué son président, avait mis en place une stratégie commerciale consistant à « travailler avec de faibles marges […] mais faire du volume pour que les produits tournent et soient toujours frais, ce qui ne plait pas à Dammann »147. Le directeur commercial de Dammann Frères a confirmé que la SAS Cafés Nadal « vend[ait] à des prix très bas », et ce, selon lui, « uniquement pour concurrencer la boutique sous licence » de Nîmes148.
67. La SAS Cafés Nadal a fait à ce titre l’objet de dénonciations de la part de ses concurrents eu égard à ce positionnement tarifaire. Le gérant de la boutique Dammann Frères de Nîmes a ainsi appelé l’attention du directeur commercial de Damman Frères sur les prix pratiqués en ligne par la SAS Cafés Nadal149. Il a par ailleurs déclaré aux enquêteurs, en 2017 : « Tant que les prix de Cafés Nadal seront aussi bas sur internet, je ne lâcherai pas Dammann » car « cela me pose des soucis vis-à-vis de mes clients qui me font régulièrement remarquer qu’ils sont moins cher que moi et ne comprennent pas pourquoi il existe une telle différence de prix »150.
68. Le président de la SAS Cafés Nadal a déclaré aux enquêteurs en juillet 2017 : « DAMMANN me pose des problèmes récurrents depuis 2 ans et m’accuse de casser les prix »151. Il a par ailleurs fait état de deux visites d’un commercial de Dammann Frères pour lui demander d’augmenter ses prix, d’abord concomitamment à l’ouverture d’une boutique sous licence de marque Dammann Frères à Nîmes, en 2016, puis à la suite du lancement de son propre site Internet, en 2017152. Il a déclaré aux enquêteurs n’avoir pas tenu compte des consignes communiquées par le commercial de Dammann Frères lors de sa première visite, et avoir, en conséquence, fait face à « des problèmes de livraisons, notamment d’importants retards ». Il a, en revanche, expliqué avoir décidé d’augmenter ses prix après la seconde visite, par crainte de subir à nouveau des mesures de rétorsion, ses prix étant néanmoins restés inférieurs à ceux diffusés par le fabricant. En retour, Dammann Frères lui a indiqué que son compte client avait été bloqué, l’empêchant alors de passer commande, et lui a rappelé que l’utilisation de la marque Dammann Frères et des noms des thés en vrac sur un site Internet était conditionnée au respect des « prix conseillés »153.
69. Selon le président de la SAS Cafés Nadal, ce n’est qu’après avoir cessé d’utiliser les noms des thés Dammann Frères lors de la vente de ceux-ci en vrac sur son site Internet qu’il a été en mesure de passer à nouveau commande et d’être livré154, sa société ayant néanmoins été supprimée de la liste des distributeurs référencés sur le site de Dammann Frères155.
70. Cette intervention de Dammann Frères a eu, selon le président de la SAS Cafés Nadal, des conséquences sur l’activité de sa société, celle-ci ne vendant « quasiment plus de thés car les clients ne s’y retrouv[ai]ent pas, ne reconnaiss[ai]ent pas les produits Dammann et donc ne command[ai]ent plus »156.
. Les sanctions prises à l’encontre de l’exploitant du site www.tea-discount.com
71. Il a été constaté que Dammann Frères a également adopté des sanctions à l’encontre de l’exploitant du site www.tea-discount.com.
72. Les prix pratiqués sur le site www.tea-discount.com étaient inférieurs aux prix conseillés, ainsi que l’ont relevé à la fois l’exploitant du site157 et le directeur commercial de Dammann Frères158. Ces prix ont été signalés à Dammann Frères par plusieurs distributeurs159.
73. Le directeur commercial de Dammann Frères a alors fait parvenir à l’exploitant du site www.tea-discount.com un courrier électronique rappelant le contenu des conditions générales de vente de Dammann Frères, notamment la clause selon laquelle les ventes par Internet devaient revêtir les caractéristiques d’une vente en boutique, et demandant, que l’accord de distribution en ligne évoqué au paragraphe 27 ci-dessus lui soit retourné signé :
« Merci de me retourner l’attestation en pièce jointe avec la mention « bon pour accord sans réserve ». Par ailleurs, avez-vous reçu notre dernière tarification en vigueur ? […]. J’attire votre attention sur les points suivants prévus dans nos CGV :
1/ Ne pratiquer aucune offre promotionnelle, ni remise tarifaire sans notre accord préalable ;
2/ Le client s’oblige à faire en sorte que les ventes pratiquées à partir de son site revêtent à tout moment les caractéristiques d’une vente usuelle pratiquée dans un point de vente réel (document de référence : tarif en vigueur). Je vous demanderai de mettre immédiatement votre site aux conditions prévues dans nos CGV »160.
74. Selon l’exploitant du site, le directeur commercial de Dammann Frères lui a par ailleurs expliqué par téléphone que son site Internet perturbait la stratégie de Dammann Frères du fait de ses prix bas : « Par téléphone toujours, [le directeur commercial de Dammann Frères] m’a alors expliqué que sa politique commerciale était de maintenir la marque dans le haut de gamme et que mon site internet www.tea-discount.com perturbait cette stratégie du fait de ses prix bas. Il m’a demandé de revoir mes prix à la hausse afin de m’aligner sur la concurrence et de renvoyer l’attestation sous peine de ne plus être livré »161.
75. L’exploitant du site www.tea-discount.com a enfin déclaré : « le directeur commercial de Dammann Frères, m’a par ailleurs indiqué avoir fait signer cette attestation à tous les distributeurs qui avaient des prix inférieurs aux prix conseillés. Il aurait été contacté par différents distributeurs qui ont signé cette fameuse attestation pour se plaindre de mes tarifs en ligne jugés trop bas »162.
76. Dammann Frères a alors conditionné la reprise des livraisons, suspendues du fait de la mise en vente de produits Dammann Frères sur des places de marché en ligne tierces (voir paragraphe 131 ci-dessous), à un engagement de sa part d’augmenter les prix pratiqués sur son site Internet163.
77. À la suite de l’intervention de Dammann Frères mentionnée ci-avant, l’exploitant concerné n’a pas signé le document transmis par le fabricant et en a signalé l’existence à la DIRECCTE Pays de la Loire, par un courrier électronique précisant que Dammann Frères lui « demand[ait] de respecter les prix de vente »164. Il a ensuite fait parvenir à Dammann Frères une lettre signée par son avocat165, et a enfin, assigné la société en référé devant le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon166.
78. Ce n’est, selon lui, qu’après avoir accepté d’abandonner ses poursuites judiciaires et d’augmenter ses prix qu’il a été de nouveau livré, plus d’un mois après l’enregistrement de sa dernière commande, alors que le délai habituel serait de 48 à 72 heures167. Il a ainsi déclaré aux enquêteurs ne pas avoir été livré entre le 15 octobre 2015 et le 10 décembre 2015, en dépit, notamment, d’une commande passée le 6 novembre 2015168. Cette suspension des livraisons a été confirmée par le directeur commercial de Dammann Frères169.
79. Selon l’exploitant concerné, la reprise des livraisons s’est accompagnée d’un certain nombre d’incidents sans précédent, jusqu’à ce que Dammann Frères décide unilatéralement de rompre leurs relations commerciales170. Il a ainsi constaté que de nombreuses références manquaient dans les livraisons reçues, notamment celles constituant ses « meilleures ventes » ou « les volumes les plus importants » de ses commandes171.
80. Les bons de livraison communiqués aux enquêteurs attestent que, pendant la durée du préavis relatif à la rupture des relations commerciales avec Dammann Frères, la société a été confrontée à l’indisponibilité de nombreux produits, dont les références proposées par Dammann Frères à partir de l’été 2016, telles que les thés Pop-corn, Citron Caviar ou Cacao Jalapeño. Le nombre de références manquantes pour chacune des onze commandes évoquées par le distributeur ou attestées par un bon de livraison est précisé dans le tableau ci-dessous.
81. Par ailleurs, les bons de livraisons versés au dossier attestent qu’un certain nombre de produits qui n’ont pas été livrés à l’exploitant concerné ont pourtant été livrés à d’autres distributeurs lors de la même période, ce qui démontre leur disponibilité.
82. Ainsi, le 24 octobre 2016, Dammann Frères s’est abstenue de livrer les thés Touareg et Citron Caviar Rose à l’exploitant du site www.tea-discount.com172, qui en avait commandé respectivement 2 kg et 1 kg. Néanmoins, le fournisseur a livré à la SARL Jour de Bon Thé 5 kg de thé Touareg le même jour et 2 kg de thé Citron Caviar Rose le 31 octobre 2016173. Il a par ailleurs livré à la SARL Reva Développement 2,5 kg de thé Touareg le lendemain174.
83. De même, le 6 décembre 2016, Dammann Frères n’a livré aucune des quatre boîtes de cinquante sachets de thé Touareg et des quatre boîtes de cinquante sachets de thé Earl Grey Yin Zhen commandées par l’exploitant du site www.tea-discount.com175, alors qu’il a livré ces mêmes produits, dans les mêmes quantités et le même jour, à la SARL Brûlerie du Périgord176.
84. Interrogé sur ce dossier par la BIEC de Nantes, le directeur commercial de Dammann Frères a confirmé les déclarations de l’exploitant du site www.tea-discount.com. Il a expliqué que ce site lui « a été signalé en 2012 ou 2013 par différents revendeurs dont MaxiCoffee qui [l’]a alerté sur de nombreux problèmes liés à la présentation de ce site (visuels obsolètes, site mal construit avec arborescence incompréhensive, ...) et surtout les prix pratiqués qui étaient particulièrement éloignés des prix conseillés. » et a ajouté : « En novembre [2016], [Dammann Frères a] décidé de rompre [se]s relations commerciales avec lui avec un préavis de 13 mois. Il a réalisé avec nous un chiffre d’affaires d’environ 10 000 € en 2015 et 12 000 € en 2016. Il vend aussi des produits Compagnie Coloniale et Kusmi avec d’importantes remises permanentes, ce qui n’est plus possible. Il ne respecte rien : ni les prix conseillés, ni notre image de marque. Son nom de domaine tea-discount nous porte également préjudice. On ne peut pas commercialiser des produits Damman sur un site avec un tel nom. Il porte réellement atteinte à notre nom et à notre image »177 (soulignement ajouté).
e) Le respect des prix de revente communiqués par Dammann Frères
85. La quasi-totalité des distributeurs de Dammann Frères réalisant des ventes en ligne entendus lors de l’enquête ont déclaré avoir appliqué les prix que le fabricant leur communiquait ou avoir modifié les prix qu’ils pratiquaient pour les faire converger vers ces prix. En outre, les relevés de prix réalisés par les enquêteurs de la BIEC de Nantes entre mars 2016 et juin 2017, afin de suivre l’évolution des prix des produits Dammann Frères vendus par des distributeurs sur Internet, permettent de constater que le taux de respect des prix imposés n’a cessé de croître au cours de cette période.
La convergence des prix pratiqués par les distributeurs vers les prix de revente communiqués par Dammann Frères
86. Tous les distributeurs ayant déclaré avoir fait l’objet d’une intervention ou de sanctions de Dammann Frères (voir les paragraphes 44 et suivants ci-dessus), à l’exception du gérant de la SARL Cafés Reck, ont indiqué, entre novembre 2016 et juillet 2017, avoir augmenté leurs prix à la suite des actions entreprises par le fabricant à leur encontre.
87. Ainsi, la gérante de la SARL Reva Développement a expliqué : « Dammann […] envoie des prix conseillés que je respecte aujourd’hui aussi bien en magasin que sur internet. Auparavant, je proposais leurs produits un peu en dessous du prix conseillé en magasin. La différence de prix en magasin pouvait aller jusqu’à 1 €. Sur internet, je proposais des prix beaucoup plus compétitifs. Depuis quelques temps, environ 6 ou 7 mois il me semble, Dammann nous demande de respecter les prix conseillés et nous a d’ailleurs envoyer (sic) des courriers en ce sens. C’est pour cette raison que j’ai remonté mes prix en ligne. Certaines références comme par exemple le thé Charlotte au Chocolat est passé d’un coup de 6,9 à 15 € »178 (soulignement ajouté).
88. Le représentant de la SARL Emmynais a indiqué que l’augmentation des prix de vente en ligne faisait suite à la visite du commercial de Dammann Frères : « [Les prix de revente en ligne des produits de marque Dammann Frères] ne sont pas encore véritablement imposés mais le commercial Dammann nous a annoncé qu’ils le seraient prochainement et nous a donc suggéré de nous aligner sur les prix conseillés en prévision, ce que nous avons fait. Ainsi, nous sommes aux mêmes prix que le site internet de Dammann. [...] Nous n’avons pas essayé de discuter avec Dammann qui nous a de toute façon prévenus que toutes les boutiques en ligne étaient concernées par cette augmentation »179 (soulignement ajouté).
89. Le gérant de la SARL Torréfaction du Haut-Doubs a précisé : « En boutique, nous ne faisons pas les même prix que Damman, nos produits sont moins chers et le commercial ne nous a jamais alerté (sic) sur ce point. Sur internet, ce sont les prix pratiqués sur le site de Dammann […] En discutant avec le représentant de la société Dammann, nous l’avons informé que nous vendions du thé sur internet, il a juste constaté et indiqué que nous étions moins cher. J’ai changé les prix des thés sur internet en novembre pour les aligner sur les prix Dammann »180 (soulignement ajouté).
90. L’exploitante du site www.brulerie-flers.com a déclaré que « pour pouvoir vendre ces thés en ligne, le commercial nous a suggéré de les vendre au tarif conseillé par Damman. ». Elle n’a, dans un premier temps, pas tenu compte de ce conseil. Il lui a ensuite été « rappelé de respecter les tarifs conseillés » et elle a augmenté ses prix de vente en ligne entre mars 2016 et mai 2017181.
91. La gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandises a indiqué : « Au début de mon activité, je faisais mes thés moins chers que les prix conseillés. […] J’ai ensuite décidé de faire évoluer mes prix pour [m]’aligner sur les prix conseillés à l’occasion de la venue d’un commercial de Dammann. Il m’a fait des remarques sur mon niveau de prix et m’a incitée à appliquer les prix conseillés. »182.
92. La gérante de la SARL Cymoko a souligné : « La société DAMMAM FRERES nous communique des prix conseillés. Ces prix me semblent adaptés à la vente sur PARIS mais me paraissent élevés pour être pratiqués dans mon magasin. Ainsi, j’avais fixé pour des thés verts parfumés en vrac un prix de 52 € le kilo au lieu de 65 € en prix conseillé. À la demande du commercial à Noël 2014, j’ai majoré progressivement mes prix en 2015 et 2016, soit en moyenne une augmentation d’environ 5 € au kilo. »183 (soulignement ajouté).
93. Le gérant de la SAS Le Comptoir Irlandais a précisé : « [l]e sujet [des prix de revente des produits de marque Dammann Frères] a été abordé plusieurs fois [avec Dammann Frères] ; il y a 2 ou 3 ans ce sujet était régulièrement abordé, notre fournisseur nous reprochait parfois de pratiquer des prix de vente trop bas par rapport à leurs prix conseillés. C’est plus rarement le cas aujourd’hui, sûrement car l’écart entre nos prix de vente et les prix conseillés par Dammann est faible. »184 (soulignement ajouté).
94. Le gérant de la SARL Stokbox a exposé : « Très rapidement après la mise en ligne des produits, le commercial de la marque, M. Y..., nous a appelé (sic) pour nous rappeler que nous avions pris des engagements quant aux prix de vente des produits et qu’il serait bien de les respecter et augmenter nos prix en ligne. Nous avons donc remonté nos prix en ligne au niveau de leurs prix conseillés pour être tranquille. »185.
95. Le gérant de la SARL Brûlerie du Périgord a déclaré : « Comme je vendais moins cher que les prix conseillés, ils m’ont donc demandé de remonter mes prix surtout sur les boites. Un responsable de DAMMANN m’a adressé un mail assassin en m’accusant de dévaloriser leurs produits en les vendant moins chers que les prix conseillés. Je n’ai toutefois pas conservé ce courriel. Suite à ça, j’ai un peu remonté mes prix mais sans pour autant les mettre aux prix conseillés. »186 (soulignement ajouté).
96. L’exploitante du site www.torrefactiondauron.fr a exposé : « Comme je suis un peu en- dessous des prix de vente conseillés DAMMANN, je remonte mes prix petit à petit pour essayer de m’en rapprocher autant que possible comme ils me le demandent. »187 (soulignement ajouté).
97. L’exploitant du site www.tea-discount.com a indiqué : « Finalement, un accord verbal a été trouvé entre mon avocate et celle de Dammann Frères : ils reprennent les livraisons et me remboursent les frais d’huissier et en échange, je remonte un peu mes prix de vente. Je suis donc actuellement en train de remonter mes prix d’environ 10 % »188.
98. Le président de la SAS Cafés Nadal a déclaré : « face à ces problèmes [de livraison], j’ai alors augmenté mes prix sur les sachets. […] Les livraisons ont alors repris. »189.
99. Enfin, le président directeur général de la SA Cafés Marc, qui avait fait l’objet de mesures de représailles sans intervention préalable, a expliqué : « j’ai bien été obligé d’augmenter mes prix de vente, d’autant plus que j’avais peur qu’ils ne bloquent mon compte si je continuais à pratiquer des prix inférieurs aux prix conseillés »190.
100. Il a par ailleurs été constaté que trois distributeurs ont justifié l’augmentation de leurs prix de revente constatée par les enquêteurs par la hausse de leurs prix d’achat auprès de Dammann Frères.
101. Ainsi, la gérante de la SARL Jour de Bon Thé a indiqué : « J’ai augmenté mes prix de vente de thés DAMMANN en septembre suite à des augmentations chez mon fournisseur sur certains produits. Je me suis alignée sur les prix conseillés pour la plupart des références, pour les autres, je me suis mises (sic) juste un peu en dessous. »191 (soulignement ajouté).
102. Le gérant de la SARL D.A.PRO a déclaré : « D’une façon générale, nous essayons d’être au niveau des prix conseillés que nous modulons en fonction des références. Les prix conseillés pour certains produits sont en effet très élevés et nous ne les vendrions pas à un tel prix, nous les proposons donc bien moins chers que le prix conseillé. Nous appliquons un coefficient de 2.7 sur le vrac vendu en 50 et 100 grammes et de 3.3 sur le vrac vendu en 20 grammes, auquel il faut ajouter 20 centimes d’€ pour l’emballage. […] Nous avons augmenté nos prix en ligne et en magasin en début d’année pour les réajuster par rapport à notre prix d’achat. En effet, les prix d’achat ont en effet augmenté donc nous avons aussi augmenté nos prix de vente pour maintenir notre marge de 2.7 sur les 100 grammes. »192 (soulignement ajouté).
103. Enfin, le gérant de la SARL Société Lorraine de Torréfaction a également exposé aux enquêteurs : « L’augmentation de mes tarifs sur internet est liée à une hausse tarifaire chez la Société DAMMANN. »193.
104. Toutefois, il convient de souligner, à cet égard, que pour ces trois distributeurs, les prix d’achat de l’édition 2016 du « tarif » de Dammann Frères194 étaient globalement identiques à ceux de l’édition 2015 pour les références qu’ils commercialisaient195.
L’application par les distributeurs des prix de revente communiqués par Dammann Frères
Les relevés de prix réalisés par les enquêteurs sur les sites Internet des distributeurs
105. Les enquêteurs ont réalisé des relevés de prix sur les sites de vente en ligne de cinquante-quatre distributeurs de Dammann Frères établis sur l’ensemble du territoire national au cours de trois périodes successives : mars 2016, septembre 2016, ainsi que mai - juin 2017. Des tableaux récapitulatifs, réalisés par les enquêteurs, présentant 3589 relevés de prix réalisés sur les sites desdits distributeurs, s’agissant des quatre-vingt-deux références les plus communément commercialisées en ligne, ont été annexés à leur rapport196.
106. Il ressort de ces relevés de prix que, entre mars 2016 et mai-juin 2017, le taux d’application moyen, par les cinquante-quatre distributeurs considérés, des prix diffusés par Dammann Frères, au centime d’euro près, est passé de 34 % à 52 % et que le taux d’application moyen, par ces mêmes distributeurs, des prix diffusés par Dammann Frères à 10 % près est passé de 57 % à 73 % (voir les données détaillées présentées dans le tableau 2 ci-dessous).
Les déclarations des distributeurs de produits Dammann Frères en ligne
107. Deux tiers des distributeurs de la marque entendus par les enquêteurs entre novembre 2015 et juillet 2017 qui réalisaient des ventes en ligne (vingt sur trente) ont déclaré suivre les prix diffusés par Dammann Frères s’agissant de ces ventes.
108. Parmi ces vingt distributeurs, quatorze ont déclaré appliquer les prix diffusés par le fabricant car ils considéraient que ces prix devaient être respectés.
109. Sur ce point, outre les déclarations de la gérante de la SARL Reva Développement, des représentants de la SARL Emmynais et de la SARL Torréfaction du Haut-Doubs, de l’exploitante du site www.brulerie-flers.com, des gérantes de la SARL Jour de Bon Thé, de la SARL Bonnin Praud Gourmandise et de la SARL Stokbox, ainsi que du président directeur général de la SA Cafés Marc (voir les paragraphes 87 à 101 ci-dessus), il convient de prendre en compte les déclarations figurant aux paragraphes 110 à 114 ci-dessous.
110. Ainsi, le directeur général de la SAS Maxibay a indiqué : « Au début de notre activité, nous proposions des prix plus bas qu’aujourd’hui sur les produits DAMMANN car il n’y avait pas de prix conseillés. Quand ils ont sorti leurs prix conseillés, ils nous ont incité (sic) à les respecter. Au début, nous ne l’avions pas fait mais nous avons rapidement vu que de nombreux distributeurs les appliquaient. Nous les avons alors suivis surtout augmenter (sic) notre marge même si cela faisait une augmentation importante pour notre clientèle »198 (soulignement ajouté).
111. Le gérant de la SARL Giraphes a expliqué : « Nous pratiquons les prix de vente conseillés, ce qui nous garantit une marge intéressante. DAMMANN ne veut pas que je vende leurs produits en dessous du prix qu’ils pratiquent eux-mêmes sur leur site et qui sont les prix conseillés qui figurent sur leur catalogue que nous recevons chaque année. »199 (soulignement ajouté).
112. Le gérant de la SARL Objectif Zen a énoncé : « Sur les prix, [Dammann Frères] nous [a] demandé, pour garder [son] standing, de ne pas casser l’image de marque et donc de suivre les prix qu’ils nous conseillent. On a donc la même tarification qu’ils appliquent sur leur propre site. J’estime que c’est normal de respecter les prix conseillés. »200 (soulignement ajouté).
113. Le président directeur général de la SA Brûlerie d’Alré a précisé : « Nous sommes libres de fixer nos prix de vente en boutique, par contre nous devons respecter le Prix de Vente Conseillée (sic) par Dammann Frères en ligne, ce afin de ne pas leur faire concurrence et également afin que leur image de marque soit préservée. L’accord sur le prix de vente n’est qu’oral. Il nous paraît normal de respecter les prix de vente de DAMMANN Frères, car c’est leur image de marque et nous ne voulons pas courir le risque d’un déréférencement »201 (soulignement ajouté).
114. Enfin, le gérant de la SARL Le Comptoir du Thé a déclaré : « C’est sur le site internet que Dammann est le plus rigoureux avec moi. J’ai la recommandation de coller au maximum aux prix conseillés mais je reste libre de faire des promotions ponctuelles. […] Pour ma part, les prix constatés de DAMMANN constituent une facilité, un point de repère pour fixer mes propres prix. Personne ne m’a encore interdit de faire des prix inférieurs à ces prix conseillés. Il m’a été simplement demandé de ne pas descendre trop bas et encore, de façon orale et non formelle ou menaçante »202 (soulignement ajouté). Il a d’ailleurs été constaté que les prix que ce distributeur pratiquait en ligne, s’agissant des boîtes métalliques et des sachets, étaient identiques aux « prix conseillés », seul le thé en vrac étant vendu par ce distributeur à des prix inférieurs203.
115. Cinq autres distributeurs, parmi les vingt distributeurs mentionnés au paragraphe 107 ci-dessus, ont indiqué appliquer les prix diffusés par Dammann Frères, au moins pour certaines des références, pour des motifs liés à la cohérence tarifaire de la marque, en référence aux prix pratiqués par Dammann Frères sur son propre site, ou pour répondre à leur volonté de s’assurer un certain niveau de marge.
116. Ainsi, le gérant de la SARL de Pau’s Café a déclaré : « sur le site internet, je pratique les prix conseillés par les fournisseurs, il s’agit d’une question de cohérence avec la marque qui a son propre site internet et pratique les mêmes prix »204 (soulignement ajouté).
117. La gérante de la SARL Imaginez a indiqué : « En ce qui concerne les prix de vente des thés DAMMAN, je suis les prix conseillés diffusés par le fournisseur annuellement. […] D’une manière générale, nous suivons les tarifs conseillés par tous nos fournisseurs, même lorsque les marges sont basses. Pour les produits DAMMAN la marge pratiquée est l’une des plus importantes. Le respect des prix conseillés permet de ne pas casser le marché. »205 (soulignement ajouté).
118. Le gérant de la SARL Coffee n’Co a expliqué, en référence aux prix de revente diffusés annuellement par Dammann Frères : « J’applique, volontairement, ces prix de vente conseillés, car ils correspondent à mes taux de marge souhaité (sic) sur ces produits. Sur le site Internet, je pratique exactement les mêmes prix »206 (soulignement ajouté).
119. Le gérant de la SARL Société Lorraine de Torréfaction a déclaré : « Il m’arrive d’appliquer, lorsqu’ils sont cohérents, les prix conseillés de DAMMANN, mais ça n’est pas une règle absolue. Si je m’aperçois que le prix que je souhaitais fixer est beaucoup plus haut, je le fixe au prix du marché. Il m’arrive parfois de baisser les prix sur des produits que j’apprécie, pour entrer dans une logique de gamme et pouvoir le présenter plus facilement au consommateur. »207 (soulignement ajouté).
120. Par ailleurs, selon le gérant de la SARL Virtual Alchemy : « Il est plus simple de faire des prix uniformes. De plus comme je fais des marchés, je fais plutôt des prix ronds pour faciliter la gestion. Il arrive que je sois dans certaines situations à plus ou moins 50 cts d’euros maximum par rapport à Dammann. Je n’ai pas une politique d’alignement systématique sur les prix Dammann »208 (soulignement ajouté).
121. Un seul des vingt distributeurs mentionnés au paragraphe 107 ci-dessus, le gérant de la SARL D.A. PRO, n’a fourni aucune justification, se contentant de déclarer : « D’une façon générale, nous essayons d’être au niveau des prix conseillés que nous modulons en fonction des références. » 209 (soulignement ajouté).
122. Enfin, quatre distributeurs, sur les trente entendus réalisant des ventes en ligne, ont expressément indiqué pratiquer des prix inférieurs aux prix diffusés par Dammann Frères pour certaines références sans pour autant que ce dernier les ait contactés à ce sujet. Ils ont souligné bénéficier d’une telle latitude en raison de la faible visibilité de leur site, de la faiblesse de leurs volumes de ventes en ligne, de l’implantation géographique de leur points de vente physique ou de la circonstance que leurs prix n’étaient que très légèrement inférieurs à ceux communiqués (voir les paragraphes 51 et suivants ci-dessus).
L’écart entre les prix pratiqués par les distributeurs dans leurs points de vente physiques et leurs points de vente en ligne
123. Huit distributeurs en ligne, sur les trente entendus, ont déclaré pratiquer des prix différents en boutique et sur Internet210, six d’entre eux attribuant cette différence à la politique commerciale de Dammann Frères, qui laissait aux distributeurs une plus grande latitude s’agissant des prix en boutique211.
124. De fait, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 43 ci-dessus, un représentant de la SARL Emmynais, le président directeur général de la SA Brûlerie d’Alré et le gérant de la SARL Le Comptoir du thé ont expliqué que leurs prix en boutique étaient « libres », tandis qu’en ligne, les « prix conseillés » devaient être respectés212. L’exploitante du site www.brulerie-flers.com a indiqué : « En boutique, nous n’appliquons pas le prix conseillé. […] En revanche, pour pouvoir vendre ces thés en lignes (sic), le commercial nous a suggéré de les vendre au tarif conseillé par Dammann »213. Le président de la SAS Cafés Nadal a expliqué que « [s]on commercial [lui avait] en effet dit qu’en magasin, [il] pouvai[t] faire à peu près ce [qu’il] voulai[t] car la surveillance des prix est plus compliquée parce qu’elle nécessite la venue régulière des commerciaux. ». Selon ce distributeur, « En ligne, la surveillance est plus aisée et DAMMANN n’a pas besoin des commerciaux pour surveiller ce qu’il s’y passe. C’est donc sur internet que se posent les problèmes »214. Le gérant de la SARL Stokbox a enfin indiqué : « Dammann doit être la seule marque pour laquelle les prix sont différents en magasin et en ligne, […] à cause de leurs sollicitations pour que nous augmentions nos prix en ligne »215.
2. L’INTERDICTION DE LA REVENTE DES PRODUITS DAMMANN FRERES SUR LES PLATEFORMES INTERNET TIERCES
125. Dammann Frères a formellement interdit à ses distributeurs de recourir aux places de marché en ligne tierces pour commercialiser ses produits et est intervenue auprès des distributeurs qui ne respectaient pas cette interdiction.
126. Les conditions générales de vente, diffusées aux distributeurs par le biais des catalogues annuels de Dammann Frères, prévoyaient que « Le client s’interdira de proposer, d’offrir à la vente, d’accepter des commandes ou de vendre en ligne, directement ou indirectement à partir du site internet d’un tiers non agréé par DAMMANN Frères »216, étant précisé que, selon le directeur commercial de Dammann Frères, « Les market places [places de marché en ligne] sont pour [Dammann Frères] des sites tiers »217. Les conditions générales de vente étaient par ailleurs rappelées dans les accords de distribution en ligne figurant au dossier218, étant rappelé que Dammann Frères avait signé de tels accords avec au moins dix-neuf de ses distributeurs (voir les paragraphes 26 à 33 ci-dessus).
127. Par ailleurs, la surveillance des conditions de distribution évoquée aux paragraphes 37 à 43 ci-dessus s’étendait également à la vente de produits de marque Dammann Frères sur des plateformes tierces. Le directeur commercial du fournisseur a ainsi indiqué aux enquêteurs : « Dès qu’un produit se retrouve sur Cdiscount, j’ai tout le réseau de revendeurs qui m’alerte. Ce sont en effet les revendeurs qui font la veille sur ce type de site »219.
128. Enfin, Dammann Frères intervenait auprès des distributeurs qui ne respectaient pas cette interdiction. Sur ce point, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré être intervenu auprès de six distributeurs – à savoir « Objectif zen », « Cafés and co torréfaction », « Saveurs spirituelles », « Chez Tante Edith », « E-Délices » et « VDC / Vie De Châteaux » – qui vendaient les thés Dammann Frères sur les places de marché d’Amazon et de Cdiscount220.
129. Quatre de ces distributeurs ont confirmé aux enquêteurs, entre novembre 2015 et juin 2017, avoir été contactés par le directeur commercial de Dammann Frères par courrier ou par téléphone221. Les deux courriers parvenus respectivement au gérant de la SARL Giraphes, en avril 2015, et à l’exploitant du site www.tea-discount.com, en octobre 2015, attestent du fait que Dammann Frères « s’oppos[ait] formellement » à la vente de ses produits par le biais de places de marchés tierces. Le directeur commercial de Dammann Frères y indiquait, après avoir rappelé la clause des conditions générales de ventes mentionnées au paragraphe 126 ci-dessus, que sa « décision [était] de mettre un terme définitif à toutes les ventes internet effectuées par le site internet d’un tiers non agréé par DAMMANN Frères » et demandait au destinataire « de rompre tout lien commercial » avec la plateforme concernée222. Dans le courrier adressé à l’exploitant du site www.teadiscount.com, il ajoutait que « Toute vente réalisée directement ou indirectement à partir du site internet d’un tiers non agréé par Dammann Frères est totalement illégale » (soulignement et gras dans le texte)223. Dans ces derniers courriers, le directeur commercial de Dammann Frères a indiqué avoir « mené une action » auprès de deux distributeurs autres que ceux mentionnés au paragraphe 128 ci-dessus224.
130. La plupart de ces interventions ont été fructueuses. Le directeur commercial de Dammann Frères a ainsi reconnu que les six distributeurs auprès desquels elle était intervenue avaient « progressivement retiré [se]s produits de ces sites »225. Cette déclaration est corroborée par les déclarations de quatre des distributeurs entendus par les enquêteurs226. Le directeur commercial a par ailleurs indiqué, dans un des courriers mentionné au paragraphe précédent, que les deux autres sociétés qui avaient fait l’objet d’une « action » avaient procédé « au retrait des références 2014/2015 et [s’étaient] engagées au retrait définitif de toutes les places de marché dès épuisement des stocks résiduels »227.
131. Certaines interventions n’ont pas entraîné de modification immédiate du comportement du distributeur concerné. Ainsi, l’exploitant du site www.tea-discount.com n’a pas retiré les produits Dammann Frères des places de marché tierces sur lesquelles il les commercialisait228. Toutefois, il a déclaré aux enquêteurs avoir « fermé [son] espace de vente en ligne sur Cdiscount.com229 le jour où Dammann Frères l’a informé, par un courriel figurant au dossier230, que ses livraisons étaient suspendues231 à la suite de son refus d’obtempérer. Dammann Frères a alors conditionné la reprise des livraisons à l’augmentation des prix pratiqués sur le site www.tea-discount.com (voir le paragraphe 76 ci-dessus).
132. Les résultats de l’ensemble des actions entreprises par Dammann Frères ont été commentés de la manière suivante par son directeur commercial : « Aujourd’hui [en mai 2017], il reste juste un client encore sur Amazon qui est basé au Portugal. C’est le client d’un client. On essaie actuellement de sensibiliser notre client pour qu’il sensibilise à son tour ce vendeur »232. Les relevés effectués par les enquêteurs attestent d’ailleurs qu’à la date du 11 octobre 2018, seul un faible nombre de distributeurs mettaient leurs produits en vente sur les plateformes Amazon et Cdiscount233.
133. L’objectif poursuivi par Dammann Frères, par le biais de cette interdiction de vente sur des plateformes tierces, est pleinement revendiqué par le fabricant. Le directeur commercial de Dammann Frères a ainsi indiqué, par courriel, à un distributeur sa « décision de mettre un terme définitif à toutes les ventes internet effectuées par le site internet d’un tiers non agréé par DAMMANN Frères »234. Il a par ailleurs déclaré aux enquêteurs, que les places de marché en ligne, telles que celles opérées par Amazon, eBay ou Cdiscount, « ne ressembl[aient] en rien à ce que [Dammann Frères] v[oulait] pour [sa] marque », étant précisé que le fournisseur souhaitait « contrôler autant que possible [sa] distribution »235.
134. S’agissant, d’une part, de l’image de marque de Dammann Frères, il a déclaré aux enquêteurs que, sur de telles plateformes, « c’est monsieur Toutlemonde (sic) qui vend des produits de toutes sortes et sans aucun conseil ni effort de présentation » alors que Dammann Frères « a besoin d’être commercialisé par des spécialistes du thé qui valorisent [ses] produits dans leur présentation »236. Il a également indiqué : « Il faut que nos produits fassent rêver et je ne vois pas comment on peut rêver en allant sur Amazon »237. Dans un courrier électronique adressé en avril 2015 au gérant de la SARL Giraphes, il a souligné que la vente par le biais de telles plateformes serait à l’origine d’un « déficit d’image » pour Dammann Frères et « entacherait considérablement [sa] notoriété »238, ce qu’il a également exprimé par téléphone au gérant de la SARL Objectif Zen, selon les déclarations de ce dernier aux enquêteurs239.
135. S’agissant, d’autre part, des prix pratiqués en ligne, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré aux enquêteurs que « les prix pratiqués sur ces sites [sont] évidemment aussi une raison pour laquelle [Dammann Frères] ne v[oulait] pas que [se]s produits se retrouvent sur ces plateformes ». Dans le courrier électronique évoqué au paragraphe précédent, il a soutenu que la vente par le biais de ces plateformes « [allait] susciter des vocations chez [le]s détaillants [de Dammann Frères] qui pratiqu[aie]nt nécessairement une guerre des prix au moins-disant » ce qui, in fine, « affaiblirait [la] volonté [de Dammann Frères] de faire respecter [sa] politique de prix »240. Le gérant de la SARL Objectif Zen a expliqué aux inspecteurs, en juin 2017, que l’hypothèse d’une guerre des prix avait également été portée à son attention lors d’un appel téléphonique du directeur commercial de Dammann Frères « Le problème de ces sites est qu’ils poussent aux prix bas et aux promotions […] C’est en effet la guerre des prix sur ces sites »241.
136. Le directeur commercial de Dammann Frères a, par ailleurs, établi un lien entre l’image de marque du fabriquant et les prix pratiqués par les distributeurs, soulignant à cet égard que « Le respect de la cohérence des prix de vente aux clients finaux est importante (sic) car cela fait partie intégrante de notre image »242.
E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
Grief n° 1
137. « Il est fait grief à Dammann Frères, société par actions simplifiée déclarée au registre des commerces et des sociétés de Chartres sous le numéro 451 570 519 et dont le siège social est situé 1 rue de Réveillon à Dreux (28100), de s’être entendue, depuis au moins décembre 2013 jusqu’à aujourd’hui, avec certains de ses distributeurs sur le prix de vente en ligne des thés de sa marque.
Cette pratique, qui a pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur le marché, est prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce et par l’article 101 TFUE.
Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »
Grief n° 2
138. « Il est fait grief à Dammann Frères, société par actions simplifiée déclarée au registre des commerces et des sociétés de Chartres sous le numéro 451 570 519 et dont le siège social est situé 1 rue de Réveillon à Dreux (28100), d’interdire à ses distributeurs, depuis au moins 2014, notamment par le biais de ses conditions générales de vente, de proposer, d’offrir à la vente, d’accepter des commandes ou de vendre à partir de places de marché en ligne, directement ou indirectement.
Cette pratique, qui a pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur le marché, est prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce et par l’article 101 TFUE.
Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »
II. Discussion
139. Seront successivement examinés la procédure (A), l’applicabilité du droit de l’Union (B), le marché pertinent (C), le bien-fondé des griefs notifiés (D), l’imputabilité des pratiques (E) et les sanctions (F).
A. SUR LA PROCEDURE
140. Dammann Frères soutient, sur le fondement de l’article D. 450-3 du code de commerce, que la procédure, fondée sur une décision de saisine d’office entachée d’illégalité, encourt la nullité, au motif qu’il s’est écoulé un délai de plus de deux mois entre la transmission du rapport administratif d’enquête et la décision de saisine d’office de l’Autorité, de sorte que ladite décision aurait été adoptée à une date à laquelle le rapporteur général n’avait plus compétence pour la proposer, ni l’Autorité pour la rendre. Selon la société mise en cause, ce vice de procédure a nécessairement influencé le sens de la décision et porté atteinte à ses droits en la privant du bénéfice des décisions, plus favorables, que peut prendre le ministre243.
141. Le deuxième alinéa de l’article L. 450-5 du code de commerce énonce que « Le rapporteur général est informé sans délai du résultat des investigations menées par les services du ministre. Il peut, dans un délai fixé par décret, proposer à l’Autorité de se saisir d’office ». En application de ce texte, le II de l’article D. 450-3 du code de commerce prévoit que « II.- Le ministre chargé de l’économie informe le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence du résultat des investigations auxquelles il aura fait procéder et lui transmet l’ensemble des pièces de la procédure. Le rapporteur général peut proposer à l’Autorité de la concurrence de se saisir d’office des résultats de l’enquête ; l’Autorité dispose d’un délai de deux mois pour se prononcer à compter de la réception par le rapporteur général des pièces de la procédure. Dans l’hypothèse où le rapporteur général écarte cette possibilité ou si l’Autorité ne donne pas suite à sa proposition dans le délai mentionné ci-dessus, le rapporteur général en informe le ministre. À défaut de notification par le rapporteur général de la décision de l’Autorité dans un délai de soixante-cinq jours suivant la transmission des pièces de la procédure, le ministre chargé de l’économie peut prendre les mesures prévues aux articles L. 462-5 et L. 464-9, ou classer l’affaire ».
142. Sur ce fondement, l’Autorité s’est saisie d’office, par décision du 10 avril 2018, de pratiques décrites dans un rapport administratif d’enquête transmis par le ministre de l’économie le 21 novembre 2017, soit à l’expiration d’un délai de près de cinq mois, excédant celui de 65 jours mentionné ci-dessus.
143. L’objet de l’article susmentionné est de prévoir l’information de l’Autorité sur les enquêtes de concurrence menées par le ministre, afin de lui permettre de s’en saisir en priorité, si elle l’estime justifié, et de coordonner les actions respectives de ces deux administrations.
144. Il y a lieu de rappeler que l’Autorité détient une compétence générale pour connaître de toutes les pratiques anticoncurrentielles susceptibles d’affecter le marché national, y compris celles qui peuvent relever de la compétence subsidiaire du ministre en vertu de l’article
L. 464-9 du code de commerce, à savoir celles qui « affectent un marché de dimension locale, ne concernent pas des faits relevant des articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et sous réserve que le chiffre d’affaires que chacune d’entre elles a réalisé en France lors du dernier exercice clos ne dépasse pas 50 millions d’euros et que leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d’euros ».
145. Selon l’article D. 450-3 du code de commerce, le ministre ne peut prendre une décision concernant ces « micro-pratiques anticoncurrentielles » que si l’Autorité ne juge pas opportun de s’en saisir en priorité. Cette disposition ne prévoit aucunement que l’Autorité est dessaisie d’office à expiration du délai de soixante-cinq jours qu’elle prévoit.
146. Dans ce cadre, ce délai, dont le non-respect n’est assorti d’aucune sanction, vise seulement à garantir le traitement effectif de toutes les affaires communiquées, y compris celles pour lesquelles l’Autorité aurait omis de manifester son choix de ne pas les traiter elle-même.
147. Dès lors, son écoulement ne saurait dessaisir l’Autorité et la rendre incompétente pour connaître des pratiques litigieuses, qui relèvent de l’article 101 TFUE244 et que le ministre n’a pas le pouvoir de traiter sur le fondement de l’article L. 464-9 du code de commerce, ce dont il n’a d’ailleurs jamais manifesté le souhait après la transmission du rapport à l’Autorité et qui a été confirmé en séance par le commissaire du Gouvernement.
148. Parallèlement, l’entreprise concernée ne saurait tirer de l’écoulement de ce délai un droit à voir ses pratiques traitées par le ministre et se plaindre d’avoir été privée d’un traitement plus favorable, voire d’un classement implicite des poursuites.
149. Comme l’a relevé le Conseil d’État dans son arrêt du 31 mars 2017, Altice Luxembourg, à propos du délai imparti à l'Autorité pour sanctionner l’inexécution des injonctions, prescriptions et engagements en matière de concentrations, prévu par le IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, celui-ci n’est pas prescrit à peine de dessaisissement ou d'irrégularité de la procédure245. Dans ses conclusions, le rapporteur public relevait, à cet égard, que la jurisprudence du Conseil d’État « est orientée en ce sens que les délais impartis à l’administration par des dispositions législatives ou réglementaires pour prendre une décision ne sont pas, en principe, impartis à peine d’illégalité de sa décision (CE 15 novembre 2006, Syndicat des membres de l’inspection générale des affaires sociales, n° 294420, aux tables du Recueil ; CE 6 mars 2006, Union des industries utilisatrices d’énergie, n° 267976, inédite au Recueil). » et qu’il n’en va différemment qu’« en présence d’une garantie (voir par exemple CE section, 27 avril 2011, M. J…, n° 335370, au Recueil, à propos du délai imparti à l’administration pour accepter une démission) »246.
150. Or, la société Dammann Frères ne démontre pas en quoi l’expiration du délai prévu par l’article D.450-3 du code de commerce l’aurait privée d’une garantie.
151. Par conséquent, en application des principes rappelés par le Conseil d’État dans l’arrêt suscité, l’écoulement du délai prévu par l’article D. 450-3 du code de commerce ne saurait constituer un vice de procédure. C’est donc à tort que Dammann Frères soutient que la procédure est irrégulière pour ce motif.
B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION
1. LE RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
152. Ainsi que l’expose la Commission dans ses lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE, il ressort du libellé de ces articles, ainsi que de la jurisprudence des juridictions de l’Union, que la démonstration de l’affectation sensible du commerce impose la réunion de trois éléments : l’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et, enfin, le caractère sensible de cette affectation247.
153. S’agissant du premier élément, le point 19 des lignes directrices précise que : « [l]a notion de «commerce» n’est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l’établissement »248.
154. S’agissant du deuxième élément, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu Tribunal de l’Union européenne, ci-après le « Tribunal ») a jugé, dans le cas d’ententes s’étendant à l’intégralité ou à la vaste majorité du territoire d’un État membre, « qu’il existe, à tout le moins, une forte présomption qu’une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l’ensemble du territoire d’un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d’affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l’analyse des caractéristiques de l’accord et du contexte économique dans lequel il s’insère démontre le contraire »249. Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à ce propos : « le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le [TFUE] »250.
155. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait donc pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter », énoncés par les articles 101 et 102 TFUE, « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce [entre États membres] » 251.
156. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt, que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »252.
157. En outre, le point 53 des lignes directrices précitées indique que si un accord ou une pratique sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, il est présumé que l’affectation du commerce est sensible lorsque la part de marché des parties sur le marché affecté par l’accord est supérieure au seuil de 5 %253.
158. Sur ce point, la cour d’appel de Paris, a relevé, dans un arrêt du 16 mai 2003, Kontiki, qu’un ensemble d’accords portant sur la commercialisation et, en particulier, les prix de vente au détail des produits, ainsi que sur certaines modalités d’entrée ou de sortie des revendeurs dans le réseau de partenaires commerciaux d’un fabricant sur le territoire français était, eu égard à sa nature, à son ampleur géographique et à son économie, susceptible d’affecter sensiblement les échanges entre États membres254.
2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPECE
159. En l’espèce, Dammann Frères soutient que la délimitation exacte du marché pertinent, qui devrait, selon elle, être celui des thés « grand public » et haut de gamme, vendus en ligne à destination des consommateurs, et sur lequel elle détiendrait une part inférieure à 5 %, exclut que l’affectation alléguée des échanges entre États membres puisse être considérée comme sensible255.
160. Toutefois, le caractère sensible de l’affectation du commerce ne peut être utilement contesté en l’espèce. En effet, les pratiques visées par les griefs notifiés concernaient les ventes en ligne des produits Dammann Frères, étaient de nature à affecter directement le prix acquitté par le consommateur final et ont été mises en œuvre par Dammann Frères et l’ensemble de ses distributeurs – répartis sur tout le territoire national ainsi que sur le territoire d’autres États membres (voir le paragraphe 132 ci-dessus et le site internet de Dammann Frères256) – pratiquant la vente en ligne de ses produits.
161. Si les parts de marché de Dammann Frères et de ses distributeurs sur le marché concerné n’ont pas fait l’objet d’une évaluation précise, il sera rappelé que Dammann Frères est l’un des principaux fabricants de thés haut de gamme en France (voir le paragraphe 8 ci-dessus), qui peut se prévaloir d’une marque notoirement connue, et que plus de 400 sites Internet257
– qui sont, par nature, accessibles depuis tout le territoire de l’Union – distribuent ses produits.
162. Ainsi, en vertu de la jurisprudence rappelée au paragraphe 158 ci-dessus et eu égard à leur nature, à leur économie et à leur ampleur géographique, les pratiques en cause dans la présente affaire sont susceptibles d’avoir affecté de manière sensible le commerce entre États membres. Elles doivent, par conséquent, être analysées tant au regard des règles de concurrence de l’Union que des règles nationales.
C. SUR LE MARCHE PERTINENT
1. LE RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
163. Il résulte de la jurisprudence du Tribunal que « l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article [101 TFUE] s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun »258.
164. Ainsi, le Conseil puis l’Autorité, lorsque « les pratiques […] sont recherchées au titre de la prohibition des ententes », estiment qu’« il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre »259.
165. Dans sa communication sur la définition du marché en cause, la Commission rappelle qu’ « un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »260.
166. L’Autorité estime que « Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. […]. Une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, [l’Autorité] regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »261.
2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPECE
167. En l’espèce, la dimension nationale du marché n’est pas contestée par Dammann Frères, qui soutient, en revanche, que les thés « standard » et « haut de gamme » sont substituables de sorte que le marché pertinent doit être entendu comme celui de la vente de thés en ligne en France en vue de leur consommation à domicile262.
168. En particulier, Dammann Frères s’appuie sur une étude dite « exploratoire » de l’institut OpinionWay263, réalisée auprès des acheteurs et consommateurs de thés et infusions « premium », qui constate que la majorité des consommateurs qui ont acquis pour leur usage personnel ou pour l’offrir, du thé de marque Dammann Frères au cours d’une période de douze mois, ont également acquis, pour leur usage personnel ou pour l’offrir, du thé des marques Lipton et Twinings lors de cette même période. Cette étude relève également qu’en moyenne, près de la moitié des consommateurs qui ont consommé personnellement du thé de marque Dammann Frères au cours d’une période de douze mois, ont également consommé personnellement du thé des marques Lipton et Twinings lors de cette même période264.
169. Toutefois, en premier lieu, et contrairement à ce qu’affirme Dammann Frères, les différences constatées entre les thés haut de gamme et les thés standards en ce qui concerne leurs modalités de fabrication, leurs qualités respectives, leurs modes de distribution ainsi que leurs prix permettent de conclure à l’absence de substituabilité entre les produits appartenant respectivement à ces deux catégories de thés, et donc à l’existence de deux marchés distincts (voir les paragraphes 4 à 8 ci-dessus). En outre, les ventes de thés haut de gamme connaissent une croissance importante tandis que celles des autres thés stagnent, ce qui constitue un autre indice de l’existence d’une demande différenciée entre ces deux types de produits265. Enfin, le directeur commercial de Dammann Frères a lui-même indiqué aux enquêteurs : « Nous ne sommes absolument pas sur le même marché que Lipton »266 et a souligné sa position de numéro un sur le marché du thé haut de gamme, au regard du nombre de distributeurs et de la représentativité de la marque, et de numéro trois en terme de chiffre d’affaires267.
170. En second lieu, les résultats de l’étude OpinionWay ne sauraient démontrer que les thés de marque Dammann Frères seraient substituables à ceux des marques Lipton et Twinings qui sont disponibles dans toutes les grandes surfaces268. En effet, les conclusions de l’étude ne permettent pas d’exclure que des consommateurs qui achètent, pour eux-mêmes, du thé Lipton ou Twinings, n’achètent du thé Dammann Frères que dans le but de l’offrir, et que ceux qui consomment personnellement du thé Lipton ou Twinings ne consomment du thé Dammann Frères qu’en d’autres occasions. Dans cette hypothèse, les thés Dammann Frères et les thés Lipton et Twinings satisfont bien deux types de demandes différents et ne sauraient être considérés comme substituables.
171. De surcroît, l’étude ne renseigne pas sur les circonstances dans lesquelles les produits sont consommés (à domicile, dans un restaurant, dans un café etc.), de sorte qu’il ne peut être exclu que le choix d’un thé de marque Lipton ou Twinings plutôt qu’un thé Dammann Frères lors d’un achat donné ne puisse être imputable, par exemple, à l’indisponibilité de ce dernier dans le lieu de consommation considéré.
172. Ainsi, le fait que certains consommateurs aient acheté des thés Dammann Frères et des thés
« standard » au cours d’une période de douze mois ne saurait constituer un indicateur utile de la substituabilité de ces deux produits, un même consommateur pouvant acheter des thés des deux types sans pour autant les considérer comme interchangeables.
173. En tout état de cause, au regard de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle citées aux paragraphes 163 et 164 ci-dessus, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, comme c’est le cas en l’espèce, il suffit que le secteur soit déterminé avec assez de précision pour permettre d’apprécier l’incidence des pratiques en cause sur la concurrence.
174. En l’espèce, les pratiques seront examinées sur le marché national des thés haut de gamme vendus en ligne.
D. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
1. SUR LA FIXATION D’UN PRIX MINIMUM DE REVENTE DES PRODUITS DAMMANN FRERES (GRIEF N° 1)
175. Sera abordée ci-après l’existence, en l’espèce, d’un accord de volontés (a) et d’une restriction de concurrence (b) revêtant un caractère continu entre avril 2015 et juin 2017 (c).
a) Sur la démonstration de l’accord de volontés
En droit
176. Il ressort d’une jurisprudence constante, tant en droit de l’Union qu’en droit français, que, pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée269.
177. Selon le Tribunal, la preuve d’un tel accord « doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l’élément subjectif qui caractérise la notion même d’accord, c’est-à-dire d’une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »270.
178. La démonstration de l’accord de volontés peut ainsi se faire par tout moyen, étant rappelé que le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale271. Sur ce point, la Cour de justice a qualifié de « preuves documentaires directes » des éléments suffisamment explicites, tels que des notes internes, des déclarations, des comptes rendus de réunion, des projets d’ordre du jour ou encore des notes prises lors de réunions272.
179. La cour d’appel de Paris s’est inscrite dans la droite ligne de cette jurisprudence, en soulignant, dans un arrêt Société Canna France, que la démonstration de l’accord de volontés peut se faire par tout moyen. Dans ce même arrêt, la cour a également rappelé qu’en présence de preuves directes ou explicites résultant de documents ou de clauses contractuelles, « il n’est pas nécessaire de recourir à des preuves indirectes ou comportementales, constitutives d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, impliquant la caractérisation d’une application significative ou effective par les distributeurs des prix conseillés par le fournisseur »273.
180. Ainsi que l’a par ailleurs jugé la cour d’appel de Paris, dans son arrêt Epsé Joué Club, il appartient néanmoins à l’Autorité, pour démontrer le concours de volontés, d’établir « l’invitation d’une partie à l’accord à mettre en œuvre une pratique illicite et l’acquiescement de l’autre à cette invitation » (soulignement ajouté)274.
181. Les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales précisent, à cet égard, que la forme sous laquelle l’intention commune des parties est exprimée « n’est pas importante, pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celle-ci ». Selon la Commission, en l’absence d’accord explicite exprimant la volonté concordante des parties, il convient de prouver que la stratégie unilatérale d’une partie reçoit l’acquiescement de l’autre. L’existence d’un acquiescement tacite peut alors être démontrée, en vertu de la jurisprudence du Tribunal275, dès lors que, « premièrement, […] une partie exige, explicitement ou implicitement, la coopération de l’autre partie à la mise en œuvre de sa stratégie unilatérale et, deuxièmement, […] l’autre partie se plie à cette exigence en mettant cette stratégie unilatérale en œuvre ».
182. Par ailleurs, la Commission indique, s’agissant d’accords verticaux, que l’acquiescement tacite « peut être déduit du niveau de la coercition exercée par une partie pour imposer sa stratégie unilatérale à l’autre ou aux autres parties à l’accord, en liaison avec le nombre de distributeurs qui mettent effectivement en œuvre la stratégie unilatérale du fournisseur dans la pratique. Par exemple, un système de suivi et de pénalités instauré par un fournisseur pour sanctionner les distributeurs qui ne respectent pas sa stratégie unilatérale dénote un acquiescement tacite à cette stratégie si ce système permet au fournisseur de mettre en œuvre sa stratégie dans la pratique »276.
183. S’agissant plus particulièrement d’une entente verticale sur les prix, d’une part, l’invitation faite par une tête de réseau à ses distributeurs de participer à une pratique de prix imposés est généralement démontrée par la diffusion auxdits distributeurs des prix de revente conseillés et par la mise en œuvre d’une surveillance des prix, qui permet d’établir que les prix dits » conseillés » sont en réalité des prix imposés. D’autre part, l’acquiescement des distributeurs est généralement démontré par l’application effective desdits prix, la Cour de cassation ayant précisé que « l’application significative des prix est une donnée de fait qui se prouve par tout moyen, notamment par des éléments quantitatifs, tels que des relevés de prix, mais aussi par des éléments qualitatifs, tels que des déclarations du distributeur ou par des pièces établissant sans conteste cette application »277.
184. La réunion de ces trois indices, qualifiée de « faisceau à trois branches », ne constitue que le mode de preuve le plus généralement utilisé du concours de volontés des deux parties, lorsqu’il s’agit de démontrer une entente verticale sur les prix. La cour d’appel de Paris a par exemple jugé, dans son arrêt Beauté Prestige International, qu’« il y a entente collusoire lorsqu’il résulte des engagements de ce distributeur ou des comportements des parties (application par le distributeur des prix communiqués et mise en place, par le fournisseur, de mécanismes de contrôle des prix pratiqués) que ces prix sont en réalité considérés comme des prix imposés »278.
185. Sur ce point, si la Cour de justice a rappelé, dans son arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, qu’un accord interdit par l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne suppose pas nécessairement qu’il existe un système de contrôles a posteriori et, de sanctions279, la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, précité, a jugé que la preuve de l’acquiescement des distributeurs à l’entente peut néanmoins être rapportée par tout moyen, notamment par la mise en place d’une surveillance intra-marque par ces derniers280.
186. En vertu de ce qui précède, l’Autorité ne saurait être tenue, en toute espèce, contrairement à ce que soutient Dammann Frères281, de réunir ce faisceau d’indices articulé en trois branches, lorsqu’elle dispose d’indices documentaires ou comportementaux qui viennent établir, d’une part, l’invitation du fabricant, et d’autre part, l’acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse282.
187. S’agissant, enfin, du niveau de preuve exigé de la part de l’Autorité, la Cour de cassation a jugé que la démonstration d’une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés reprochée à un fournisseur n’exige pas l’identification de tous les distributeurs ayant participé à l’entente, mais suppose seulement « que soit établi, à l’égard de chacun des distributeurs individualisés ou d’un nombre significatif d’entre eux, que les parties ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter de cette manière sur le marché »283 (soulignement ajouté).
188. En outre, la cour d’appel de Paris a jugé « Qu’il n’est pas incompatible avec l’existence d[’une] entente [verticale généralisée] que quelques entreprises aient refusé d’y adhérer et n’aient pas fait l’objet de mesures de rétorsion, dès lors que [le fournisseur] [lui]-même ne conteste pas que des pressions ont été exercées sur les détaillants récalcitrants […] afin de les inviter à se plier à la discipline commune, qui ont été suivies d’effet »284.
Application au cas d’espèce
189. Il convient d’examiner si les pièces du dossier permettent de démontrer que l’invitation de Dammann Frères, faite à ses distributeurs vendant ses thés en ligne, d’adopter un certain niveau de prix pour la revente de ses produits a été acceptée par ces derniers, ainsi qu’il est soutenu dans le grief notifié.
190. Dammann Frères – qui ne conteste pas que le grief qui lui a été notifié vise tous ses distributeurs en ligne285 – remet en cause les indices qui lui sont opposés à l’appui de celui-ci, s’agissant tant de l’invitation de Damman Frères que de son acceptation par ses distributeurs.
L’invitation de Dammann Frères à adopter un certain niveau de prix pour la revente de ses produits
191. Dammann Frères conteste avoir invité ses distributeurs à s’entendre sur les prix de revente en ligne de ses produits, une telle invitation ne pouvant, selon l’entreprise mise en cause, résulter d’une prétendue police des prix qu’elle aurait mise en œuvre ou de l’interprétation des déclarations de ses représentants286.
192. À titre liminaire, il sera rappelé que la démonstration de l’accord de volontés peut se faire par tout moyen (voir le paragraphe 178 ci-dessus), en ce compris les déclarations des représentants de l’entreprise mise en cause et celles de ses distributeurs.
193. Il ressort des éléments qui figurent au dossier et sera démontré ci-après que, sous couvert de la communication de prix conseillés, les prix communiqués par Dammann Frères revêtaient le caractère de prix imposés, dont le non-respect était parfois sanctionné par Dammann Frères par l’exercice de représailles à l’encontre des distributeurs récalcitrants.
. La volonté d’harmoniser les prix des sites de ventes en ligne
194. Il se déduit, de manière non-équivoque, des déclarations du directeur commercial de Dammann Frères en fonction pendant la période au cours de laquelle les pratiques en cause ont été mises en œuvre, ainsi que de celles de plusieurs distributeurs, que le fabricant cherchait à aligner les prix de tous les sites de vente en ligne commercialisant ses produits sur ceux qu’il pratiquait sur son propre site Internet287, afin de préserver ce dernier de la concurrence des autres sites288 (voir le paragraphe 14 ci-dessus). Dammann Frères poursuivait également, selon son directeur commercial, « l’objectif […] que les prix soient les mêmes en boutiques qu’en ligne. Quand un consommateur achète en ligne, il doit retrouver les mêmes produits, avec la même présentation et aux mêmes prix qu’en boutique. »289 (voir le paragraphe 24 ci-dessus).
195. Afin d’atteindre cet objectif, Dammann Frères a notamment contrôlé les modalités de vente en ligne, notamment la vente par le biais de plateformes tierces, afin que cette modalité particulière n’ait pas pour effet de « suscit[er] des vocations chez [le]s détaillants [de Dammann Frères] [et] […] une guerre des prix au moins-disant » qui « affaiblirait [la] volonté [de Dammann Frères] de faire respecter [sa] politique de prix »290 (voir le paragraphe 135 ci-dessus). Dammann Frères avait en effet pris la « décision de mettre un terme définitif à toutes les ventes internet effectuées par le site internet d’un tiers non agréé par DAMMANN Frères »291 (voir le paragraphe 133 ci-dessus), et son directeur commercial souhaitait, selon ses propres termes, « faire un peu de ménage (sic) dans le secteur de la vente en ligne ». Ce dernier « travaill[ait] donc avec [se]s distributeurs pour qu’ils remontent un peu leurs prix vers un niveau plus cohérent avec [l’]image et la qualité de[s] […] produits [de Dammann Frères] »292 (voir le paragraphe 20 ci-dessus). Selon lui, bien que « les prix so[ie]nt libres », « si le revendeur est vraiment trop bas, [Dammann Frères doit] réveiller son bon sens pour lui faire remonter ces prix »293 (voir le paragraphe 47 ci-dessus).
196. Ainsi, comme évoqué au paragraphe 22 ci-dessus, le directeur commercial de Dammann Frères considérait comme naturelle l’intervention des commerciaux auprès des distributeurs qui pratiquaient des prix jugés trop bas par rapport aux prix souhaités par le fournisseur, même s’il préférait parler, à cet égard, de persuasion et de pédagogie294.
. La communication de prix conseillés
197. La quasi-totalité des trente-quatre distributeurs entendus par les enquêteurs295 ont déclaré que Dammann Frères diffusait des « prix conseillés », ce qui est confirmé par la direction commerciale du fabricant elle-même296 (voir les paragraphes 16 et 17 ci-dessus). Ces prix dits « conseillés » étaient diffusés par le biais de catalogues communiqués annuellement par Dammann Frères à ses distributeurs, sous l’appellation « P vente public généralement constaté - retail price »297 (voir le paragraphe 18 ci-dessus), ce qui a été corroboré par plusieurs distributeurs298.
. Les incitations au respect des prix conseillés
198. Il a été constaté que Dammann Frères incitait ses distributeurs à appliquer les « prix conseillés » par le biais de ses conditions générales de vente et d’accords de distribution en ligne (i). Par ailleurs, si Dammann Frères soutient qu’elle n’a mis en place aucun système de police des prix299, il ressort de l’enquête qu’elle s’est appuyée sur les informations communiquées par les consommateurs finals et les distributeurs pour identifier les détaillants qui ne respectaient pas les prix qui leur étaient diffusés et leur enjoindre d’appliquer ces prix (ii), voire leur infliger des sanctions (iii).
i. Les incitations de nature contractuelle
199. Il a été établi que Dammann Frères a cherché à soumettre l’ouverture des sites de vente en ligne de ses distributeurs à son approbation préalable et, à cette occasion, à faire signer à ceux-ci des accords de distribution en ligne restreignant leur liberté de déterminer leurs prix de vente.
200. À cet égard, les conditions générales de ventes de Dammann Frères imposaient à ses distributeurs de l’avertir avant de débuter leur activité de vente en ligne300. Ces conditions générales de vente étaient portées à la connaissance des distributeurs par le biais des catalogues annuels diffusés par le fabricant301. Par ailleurs, les accords de distribution en ligne signés par certains distributeurs portaient mention des clauses de ces conditions générales relatives à la vente par Internet et à l’utilisation de la marque Dammann Frères302. Enfin, l’existence de ces clauses était rappelée aux distributeurs par le directeur commercial de Dammann Frères lorsqu’il constatait qu’elles n’étaient pas respectées303, ou bien au cours de négociations commerciales304 (voir le paragraphe 23 ci-dessus).
201. En outre, les factures émises par Dammann Frères à l’attention de ses distributeurs précisaient qu’aucun produit de Dammann Frères ne pouvait être commercialisé sur Internet sans une autorisation écrite de sa part305 (voir le paragraphe 25 ci-dessus).
202. Selon le directeur commercial de Dammann Frères, à compter de 2015, lorsqu’un distributeur informait le fabricant de son intention d’entreprendre une activité de vente en ligne, ou lorsque le fabricant constatait par lui-même l’existence d’une telle activité, ce dernier invitait le distributeur concerné à signer un accord de distribution306. Les courriers électroniques et les déclarations des distributeurs versés au dossier attestent de cette pratique à compter de 2015307 (voir les paragraphes 26 et suivants ci-dessus).
203. Sur le fondement de cette consigne, le directeur commercial de Dammann Frères a déclaré avoir autorisé une cinquantaine de sites Internet à distribuer ses produits308. Il a par ailleurs communiqué aux enquêteurs une liste de dix-neuf distributeurs ayant signé, avec Dammann Frères, un accord de distribution en ligne. Ces distributeurs étaient établis dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Normandie, Hauts-de-France, Grand Est, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté et leurs sites Internet étaient accessibles à l’ensemble des internautes.
204. Figurent dans cette liste trois distributeurs qui ont été auditionnés par les enquêteurs (voir le paragraphe 33 ci-dessus)309. Un quatrième distributeur, également entendu par les enquêteurs, l’exploitant du site www.tea-discount.com, a reçu un accord de distribution mais a refusé de le signer (voir les paragraphes 73 à 77 ci-dessus). Les quatre accords correspondants, qui ont été versés au dossier310, sont des contrats-types aux libellés différents, mais qui possèdent des caractéristiques communes.
205. Chaque accord rappelle ainsi la clause des conditions générales de vente de Dammann Frères selon laquelle les ventes en ligne des distributeurs devaient revêtir « à tout moment les caractéristiques d’une vente usuelle pratiquée dans un point de vente réel »311. Dans deux de ces accords, la clause précitée est accompagnée de la mention : « Document de référence : Tarif en vigueur »312, qui renvoie explicitement, en vertu des stipulations précédentes, aux prix diffusés par Dammann Frères (voir les paragraphes 28 et suivants ci-dessus).
206. Par ailleurs, trois des quatre accords mentionnés engagent les distributeurs à « Ne pratiquer aucune offre promotionnelle, ni remise tarifaire sans accord préalable »313. Les courriers314 et les déclarations315 du directeur commercial de Dammann Frères attestent que la pratique de prix inférieurs aux prix diffusés par le fabricant était assimilée à une « remise tarifaire » et que cette clause, supprimée « sur les conseils de [l’]avocat [de Dammann Frères] »316, constituait « une mise en garde pour qu[e les distributeurs] prennent conscience que (sic) ne pas faire tout et n’importe quoi avec les prix en ligne »317 (voir le paragraphe 29 ci-dessus). L’exploitant du site www.tea-discount.com a indiqué à la DIRECCTE Pays de la Loire, dans un courrier du 15 octobre 2015, que l’accord transmis par Dammann Frères lui « demand[ait] de respecter les prix de vente »318 (voir le paragraphe 77 ci-dessus).
207. En outre, l’un des accords en cause invite directement le distributeur signataire, la SARL Bonnin Praud Gourmandise, « Dans la mesure du possible, [à] s’engager à suivre les prix de vente généralement constatés » 319. Si Dammann Frères soutient que cette clause ne constitue qu’une invitation non contraignante320, la gérante de la SARL précitée n’en a pas eu la même compréhension. Selon elle, en effet, ladite clause « engage à suivre les prix conseillés et à ne pas faire de promotion »321 (voir le paragraphe 31 ci-dessus).
208. En vertu de ce qui précède, il s’infère des conditions générales de vente de Dammann Frères et des accords de distribution susvisés une invitation de Dammann Frères à appliquer, lors de la vente en ligne de ses produits, les prix qu’elle diffusait et, en tout état de cause, à pratiquer, lors de cette vente, les mêmes prix qu’en boutique.
209. Enfin, les déclarations de près d’un tiers des distributeurs en ligne de Dammann Frères, entendus par les enquêteurs (neuf sur trente), attestent que le fabricant posait comme condition à l’ouverture et à l’exploitation de la vente en ligne de ses produits le respect des prix conseillés322et ce, qu’un accord de distribution ait été ou non conclu (voir les paragraphes 34 à 36 ci-dessus).
ii. Les interventions de Dammann Frères visant à inciter les distributeurs à respecter les prix communiqués
210. Certains distributeurs ont déclaré que Dammann Frères surveillait les prix pratiqués par ses distributeurs323. Plusieurs courriels d’employés du service client324 et du service commercial325 de Dammann Frères attestent que ces services ont porté à l’attention du directeur commercial de l’entreprise des informations relatives au niveau des prix pratiqués par certains distributeurs (voir les paragraphes 38 et suivants ci-dessus).
211. Par ailleurs, douze distributeurs sur les trente entendus au cours de l’enquête et qui réalisaient des ventes en ligne ont déclaré que Dammann Frères leur avait demandé, par courrier, par téléphone, ou à l’occasion de la visite d’un commercial, d’augmenter leurs prix car ils étaient inférieurs aux prix diffusés326. Sur ce point, l’un d’entre eux a indiqué qu’un commercial
« [l’]a appelé pour [lui] rappeler qu[’il] av[ait] pris des engagements quant aux prix de vente des produits et qu’il serait bien de les respecter et augmenter [se]s prix en ligne ». Il a précisé que Dammann Frères n’a « pas eu besoin de [lui] envoyer un recommandé pour qu[’il] comprenne qu’[il] devai[t] remonter [s]es prix en ligne s[’il] voulai[t] continuer à travailler avec eux »327 (voir le paragraphe 49 et suivants ci-dessus).
212. Ainsi, les interventions de Dammann Frères ont incité les distributeurs qui pratiquaient des prix inférieurs aux prix que le fabricant diffusait à appliquer ces derniers. La plupart d’entre eux ont obtempéré (voir les paragraphes 227 et suivants ci-dessous).
iii. Les représailles de Dammann Frères visant à contraindre les distributeurs au respect des prix communiqués
213. Dammann Frères a infligé des sanctions à la SARL Cafés Reck, à la SA Cafés Marc, à la SAS Cafés Nadal et à l’exploitant du site www.tea-discount.com, qui ne respectaient pas les « prix conseillés », en supprimant ou modifiant les remises qui leur étaient accordées328, en retardant ou suspendant leurs livraisons329, en les supprimant de la liste des distributeurs présentés sur son site Internet330, voire en rompant unilatéralement les relations commerciales avec eux331 (voir les paragraphes 56 et suivants ci-dessus).
214. S’agissant de la suppression des remises accordées à la SA Cafés Marc, Dammann Frères soutient qu’elle résulterait de la perte d’activité de grossiste de ce distributeur332. Mais, plusieurs éléments du dossier permettent d’établir que cette modification est, de manière non équivoque, liée au niveau des prix dudit distributeur.
215. En effet, le président directeur général de la SA Cafés Marc a déclaré qu’un commercial de Dammann Frères lui avait indiqué que la pratique de prix de vente en ligne « beaucoup trop bas », qu’il assimilait à du « dumping », était à l’origine de la suppression des remises qui lui étaient précédemment accordées (voir le paragraphe 62 ci-dessus)333. Le directeur commercial de Dammann Frères a indiqué aux enquêteurs qu’il était « tout à fait possible » que le niveau de prix pratiqués par la SA Cafés Marc ait été porté à son attention334 (voir le paragraphe 62 ci-dessus). L’exploitant du site www.tea-discount.com a confirmé que la SA Cafés Marc, dont il s’est porté acquéreur du site en 2015, avait « connu des difficultés similaires aux [s]iennes avec Dammann », puis « accepté de signer l’attestation exigée par Dammann car [son président directeur général] a[vait] eu peur de ne plus être livré »335 (voir le paragraphe 64 ci-dessus).
216. Par ailleurs, si certains grossistes bénéficiaient d’une remise de 14 % sur les sachets, ainsi que le soutient Damman Frères336, il convient de relever que certains distributeurs, contrairement à la SA Cafés Marc, ont continué à bénéficier d’une telle remise, alors qu’ils ne pratiquaient pas la vente en gros337. La disparition de l’activité de grossiste de la SA Cafés Marc, si elle était avérée, ne permettrait donc pas, en tout état de cause, de justifier cette différence de traitement. Il est exact, en revanche, que le volume et le niveau de prix des ventes en ligne permettent de distinguer ces distributeurs de la SA Cafés Marc, dans la mesure où les ventes en ligne des premiers intéressés étaient insignifiantes338, et où leurs prix convergeaient vers les « prix conseillés » de Dammann Frères339 – à la suite de l’intervention de Dammann Frères s’agissant de deux d’entre eux340 (voir le paragraphe 63 ci-dessus) – contrairement aux prix pratiqués par la SA Cafés Marc, « bien inférieurs » aux « prix conseillés »341 (voir le paragraphe 62 ci-dessus).
217. Enfin, et en tout état de cause, Dammann Frères a également cessé d’accorder des remises à la SARL Cafés Reck, en justifiant cette décision auprès des enquêteurs par l’évolution du chiffre d’affaires de ce distributeur, alors qu’elle avait indiqué à ce dernier que cette suppression était liée au niveau des prix qu’il pratiquait (voir, notamment, les paragraphes 57 à 60 ci-dessus).
218. S’agissant des ruptures ou des retards de livraisons, Dammann Frères considère que les ruptures ponctuelles des livraisons à l’exploitant du site www.tea-discount.com résultent des aléas liés à ses propres conditions d’approvisionnement342. Elle soutient par ailleurs que rien n’établit les ruptures de livraisons à la SAS Cafés Nadal343.
219. Toutefois, Dammann Frères ne produit aucun élément à l’appui de ses allégations, de nature à mettre en cause les déclarations du président de la SAS Cafés Nadal344 et de l’exploitant du site www.tea-discount.com345, selon lesquelles le directeur commercial de Dammann Frères avait conditionné la reprise des livraisons au respect des prix communiqués (voir les paragraphes 68, 69 et 78 ci-dessus).
220. En outre, la circonstance que d’autres distributeurs que l’exploitant du site www.tea-discount.com aient pu connaître des difficultés de livraison, qui a été soulignée par Dammann Frères dans ses écritures346, ne permet pas de démontrer que les difficultés rencontrées par ce distributeur n’étaient pas liées au niveau des prix qu’il pratiquait.
221. Enfin, les motifs avancés par Dammann Frères dans ses écritures pour justifier les mesures prises à l’encontre de certains distributeurs (la « rupture de matières premières » ou la qualité insuffisante des produits)347 ne permettent pas de justifier la différence de traitement dont ont fait l’objet les distributeurs en question. En effet, les références qui ne parvenaient pas à l’exploitant du site www.tea-discount.com étaient parfois livrées simultanément, et dans les mêmes quantités, à d’autres distributeurs qui n’avaient pas fait l’objet de dénonciations de la part de leurs concurrents s’agissant des prix qu’ils pratiquaient (voir les paragraphes 81 et suivants ci-dessus).
222. S’agissant de la rupture unilatérale des relations commerciales avec l’exploitant du site www.tea-discount.com, Dammann Frères soutient qu’elle serait imputable à la dégradation des relations avec ce distributeur348 ; mais il ressort sans équivoque des déclarations du directeur commercial de Dammann Frères lui-même que c’est bien le niveau de prix pratiqué par ce distributeur qui était à l’origine de cette mesure (voir le paragraphe 84 ci-dessus).
223. Si, comme le soutient Dammann Frères349, certains distributeurs n’ont pas indiqué avoir été contactés s’agissant de la détermination de leurs prix de vente en ligne, l’absence d’une telle prise de contact peut s’expliquer par les caractéristiques objectives de leurs ventes ainsi que par les intérêts commerciaux de Dammann Frères et n’est pas de nature à démontrer l’absence d’invitation du fabricant à pratiquer des prix conseillés.
224. En effet, la plupart de ces distributeurs ont indiqué avoir appliqué les prix diffusés par le fabricant350 (voir les paragraphes 101, 116 et 118 ci-dessus), s’agissant au moins de certaines références351 (voir les paragraphes 103 et 119 ci-dessus), ou avoir appliqué des prix proches352 (voir les paragraphes 52, 55, 120 et 121 ci-dessus). Sur ce point, le gérant de la SARL D.A. PRO a déclaré : « Le commercial de chez DAMMANN passe régulièrement au magasin. […] Il ne nous parle pas particulièrement des prix que nous appliquons mais il y jette un coup d’œil et comme il voit que nos prix sont cohérents par rapport aux prix conseillés, il n’aborde spécialement pas (sic) le sujet. […] DAMMANN ne nous a jamais fait d’observations particulières sur les prix que nous pratiquons car nous sommes proches des prix conseillés »353 (soulignement ajouté) (voir le paragraphe 52 ci-dessus).
225. Seuls deux distributeurs, l’exploitant du site www.bruleriedebernay.fr et le gérant de la SARL Cafés de la Major, pratiquaient des prix significativement plus faibles que les prix diffusés par Dammann Frères et n’ont pas fait l’objet de mesures de représailles de la part du fabricant. Sur ce point, toutefois, l’exploitant du site www.bruleriedebernay.fr a déclaré : « Pour les prix en ligne, je pense que DAMMANN ne m’embête pas car ces ventes restent très marginales. »354 (soulignement ajouté), et précisé que le fabricant n’avait probablement pas connaissance de son activité en ligne car il restait discret sur cette activité et était mal référencé sur les moteurs de recherche (voir le paragraphe 53 ci-dessus). Cet exploitant, ainsi que le gérant de la SARL Cafés de la Major ont par ailleurs expliqué qu’ils n’avaient pas subi de représailles de la part de Dammann Frères car ils permettaient au fabricant de disposer d’un distributeur dans la zone géographique où ils étaient implantés355 (voir les paragraphes 53 et 54 ci-dessus).
226. Il résulte ainsi de ce qui précède que Dammann Frères a invité ses distributeurs en ligne à respecter les prix de revente qu’elle leur communiquait.
L’acceptation par les distributeurs
227. Dammann Frères soutient que la preuve de l’acquiescement des distributeurs à la pratique alléguée n’est pas rapportée356. Mais cet acquiescement ressort d’un ensemble d’éléments, de nature documentaire et comportementale. Il se déduit, en particulier, de la signature, par certains distributeurs, d’accords de distribution retreignant leur liberté de fixer leurs prix de vente en ligne, de la modification, par certains distributeurs, de leurs prix de revente, en réponse à la demande de Dammann Frères, et de la surveillance, par certains distributeurs, des prix de leurs concurrents.
. L’acceptation de l’encadrement contractuel des prix de revente en ligne
228. Ainsi qu’il a été précisé au paragraphe 33 ci-dessus, le directeur commercial de Dammann Frères a communiqué aux enquêteurs l’identité de dix-neuf distributeurs ayant signé un accord de distribution en ligne.
229. À cet égard, figurent au dossier deux accords signés respectivement par la SARL Objectif Zen357 et la SARL Torréfaction du Haut-Doubs358, ainsi qu’un accord transmis, avant signature, à la SARL Bonnin Praud Gourmandise359. Si ce dernier ne comporte pas la signature du distributeur, la gérante de cette société a précisé : « DAMMANN sait que je vends en ligne. Quand le commercial a appris qu’on vendait en ligne, il m’a dit qu’il fallait demander une autorisation pour cela. J’ai donc envoyé un courrier à DAMMANN qui m’a demandé de signer un contrat. Je l’ai donc signé »360 (soulignement ajouté) et a communiqué la correspondance électronique et l’accord évoqués361 (voir les paragraphes 27 et 31 ci-dessus). Le directeur commercial de Dammann Frères a d’ailleurs confirmé la signature de cet accord.
230. Figure également au dossier une copie de l’accord de distribution envoyé pour signature à l’exploitant du site www.tea-discount.com, que ce dernier a refusé de signer et qu’il a signalé à la DIRECCTE Pays de la Loire362 (voir les paragraphes 27 et 77 ci-dessus).
231. S’agissant du contenu des accords de distribution précités, Dammann Frères soutient que la clause selon laquelle la gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise s’est engagée, « Dans la mesure du possible, […] à suivre les prix de vente généralement constatés », constitue une invitation non contraignante363. Toutefois, ladite gérante a déclaré aux enquêteurs : « il est prévu dans le contrat que j’ai dû signé (sic) que je m’engage à suivre les prix conseillés et à ne pas faire de promotion. Je ne fais donc jamais de promotion sur le thé »364 (voir le paragraphe 31 ci-dessus). Elle a, par ailleurs, confirmé respecter les prix diffusés par Dammann Frères (voir le paragraphe 91 ci-dessus), indiquant ainsi qu’elle avait consenti à une interdiction des promotions et à l’application des prix de revente diffusés par le fabricant.
232. Par ailleurs, l’accord signé par la SARL Objectif Zen365 interdit explicitement à ce distributeur de pratiquer des prix inférieurs aux prix conseillés sans autorisation de la part de Dammann Frères et de pratiquer des prix différents en boutique et sur Internet. Il précise également que le « document de référence » qui mentionne les caractéristiques que doivent revêtir tant les ventes physiques que les ventes en ligne est le catalogue annuel par lequel Dammann Frères diffuse les prix de revente qu’elle entend faire appliquer à ses distributeurs quel que soit le canal de vente utilisé. Sur ce point, le gérant de la SARL Objectif Zen a confirmé aux enquêteurs avoir signé un accord de distribution avec Dammann Frères, et a précisé que le fabricant lui a demandé « de suivre les prix qu’[il] […] conseill[e] », et qu’il « a donc la même tarification qu[e Dammann Frères] appliqu[e] sur [son] propre site »366.
233. Enfin, l’accord signé par la SARL Torréfaction du Haut-Doubs367 rappelle la clause issue des conditions générales de vente de Dammann Frères relative aux caractéristiques des ventes, sans mentionner spécifiquement les prix conseillés. Toutefois, cet accord restreint la liberté commerciale de ce distributeur s’agissant de la détermination du prix de revente des produits Dammann Frères, dès lors qu’il impose que les prix soient les mêmes en boutique qu’en ligne (voir le paragraphe 24 ci-dessus). Sur ce point, le gérant de la SARL Torréfaction du Haut-Doubs a déclaré que, lorsqu’il a informé un représentant de Dammann Frères de l’existence de son activité en ligne, celui-ci lui a indiqué qu’il pratiquait des prix inférieurs aux prix diffusés par le fabricant, ce qui l’a conduit à « chang[er] les prix des thés sur internet […] pour les aligner sur les prix Dammann »368.
234. Les accords de distribution en ligne précités et les déclarations correspondantes, qui revêtent le caractère de preuves documentaires directes, constituent en eux-mêmes la manifestation du concours de volontés entre le fabricant et les distributeurs signataires.
. L’application des prix de revente diffusés par Dammann Frères
235. Dammann Frères soutient que les prix n’ont pas été appliqués de façon significative par les distributeurs. Elle souligne, à cet égard, que les relevés de prix qui figurent dans la notification des griefs n’ont été réalisés que sur cinquante sites369 et ne concernent que douze références sur les quatre-vingt-une dont les prix ont été relevés370. Elle relève, ensuite, que sur les douze références présentées, huit présentent un taux d’application largement inférieur au seuil de 80 % usuellement retenu par la pratique décisionnelle et la jurisprudence et que, pour ces huit références, les prix pratiqués par les distributeurs sont significativement inférieurs aux prix de revente diffusés aux distributeurs371. Elle considère, enfin, que les premiers relevés qui sont synthétisés dans la notification des griefs datent de mars 2016372, ce qui empêcherait de constituer le faisceau d’indices avant cette date373.
236. Il ressort toutefois des relevés de prix évoqués aux paragraphes 105 et 106 ci-dessus, qui portent sur quatre-vingt-deux références374, que le taux de respect, par les distributeurs, des prix diffusés par Damman Frères s’est accru de manière sensible au cours de la période considérée. Lors de la période mai-juin 2017, au cours de laquelle les derniers relevés de prix ont été réalisés, les prix pratiqués par les distributeurs étaient ainsi conformes, au centime d’euro près, aux prix diffusés par Dammann Frères pour plus de 50 % des références étudiées.
237. Par ailleurs, si les relevés de prix ne présentent pas, ainsi que le souligne Dammann Frères dans ses écritures, toutes les caractéristiques suffisantes à une démonstration statistique du respect des prix imposés sur l’ensemble de la période infractionnelle retenue, ils concourent, avec d’autres éléments de nature qualitative et quantitative, à un faisceau d’indices graves, précis et concordants démontrant le respect effectif de ces prix par les distributeurs375. Sur ce point, les relevés sont corroborés par les déclarations de la plupart des distributeurs entendus par les enquêteurs qui pratiquaient la vente en ligne, et attestent de l’application effective des prix par ces derniers (voir les paragraphes 107 et suivants).
238. Enfin, et en tout état de cause, si Dammann Frères soutient qu’aucune des déclarations de ses distributeurs ne permet d’établir l’existence d’un accord de volontés376, il résulte, au contraire, des déclarations des trente distributeurs pratiquant la vente en ligne – répartis sur l’ensemble du territoire – qui figurent au dossier que la quasi-totalité d’entre eux ont acquiescé à l’invitation de Dammann Frères d’appliquer les prix de revente qui leur étaient communiqués.
239. Ainsi, en premier lieu, près des deux tiers des distributeurs (dix-huit sur trente) pratiquant la vente en ligne et entendus par les enquêteurs entre novembre 2015 et juillet 2017, ont déclaré avoir, à la demande expresse de Dammann Frères, augmenté leurs prix en ligne afin de converger vers les prix diffusés par le fabricant ou pratiqué le niveau de prix souhaité par Damman Frères.
240. En effet, premièrement, l’ensemble des distributeurs qui ont déclaré avoir fait l’objet d’interventions ou de sanctions de la part de Dammann Frères ont indiqué avoir augmenté leurs prix de revente en ligne en réponse à ces actions377 (voir les paragraphes 64, 68, 78 et 86 à 99 ci-dessus), à l’exception de la SARL Cafés Reck, qui a continué de refuser d’appliquer les prix communiqués par Dammann Frères en dépit des sanctions dont elle a fait l’objet (voir les paragraphes 57 à 60 ci-dessus).
241. Deuxièmement, certains distributeurs qui n’ont pas mentionné avoir fait l’objet d’interventions ou de représailles de Dammann Frères ont cependant déclaré appliquer les prix diffusés par le fabricant à sa demande378 (voir les paragraphes 110, 111, 112, 113 et 114 ci-dessus).
242. Troisièmement, il a été constaté que certains distributeurs commercialisant des produits Dammann Frères sur Internet ont justifié le fait de pratiquer des prix en ligne supérieurs à leurs prix en boutique379 par la politique tarifaire de Dammann Frères380. L’un d’entre eux a notamment déclaré aux enquêteurs : « Dammann doit être la seule marque pour laquelle les prix sont différents en magasin et en ligne, […] à cause de leurs sollicitations pour que nous augmentions nos prix en ligne »381 (voir le paragraphe 43 ci-dessus).
243. En second lieu, ainsi que le soutient Dammann Frères382, d’autres distributeurs (onze sur trente) n’ont pas déclaré avoir été contactés par le fabricant au sujet de leurs prix de revente.
244. Toutefois, la plupart d’entre eux ont indiqué appliquer les prix diffusés par Dammann Frères383 (voir les paragraphes 101, 116, 117 et 118 ci-dessus), s’agissant au moins de certaines références384 (voir les paragraphes 103 et 119 ci-dessus), ou appliquer des prix proches385 (voir les paragraphes 52 et 120 ci-dessus). Ils ont par ailleurs déclaré que les prix diffusés par le fabricant leur servaient de référence dans la détermination de leurs propres prix de revente et avaient donc eu une influence sur ces derniers386 (voir les paragraphes 52, 101, 116, 117, 118, 119, 120 et 121). Sur ce point, au demeurant, certains ont déclaré qu’ils adhéraient spontanément à la politique tarifaire du fabricant car « il s’agi[ssai]t d’une question de cohérence avec la marque qui a son propre site internet et pratique les mêmes prix »387, car « Le respect des prix conseillés permet[tait] de ne pas casser le marché. »388 ou encore car il était « plus simple de faire des prix uniformes »389 (voir les paragraphes 116, 117 et 120 ci-dessus). Ainsi, contrairement à ce qu’indique Dammann Frères390, ces distributeurs n’ont pas déterminé leurs prix de revente en toute autonomie.
245. Seuls quatre distributeurs qui n’ont pas été contactés par Dammann Frères au sujet de leurs prix de revente ont, au contraire, indiqué avoir déterminé leurs prix sans tenir compte de la politique tarifaire du fabricant391. Mais deux d’entre eux ont déclaré pratiquer des prix proches des prix conseillés392, dont l’un a précisé avoir accepté de retirer ses produits d’une plateforme internet tierce à la demande de Dammann Frères (voir les paragraphes 52 à 55).
. La surveillance par les distributeurs des prix pratiqués par leurs concurrents
246. Il a été constaté que certains distributeurs se sont livrés à une surveillance des prix pratiqués par leurs concurrents, ce qui vient démontrer leur acquiescement à la politique de prix imposés de Dammann Frères.
247. Ainsi, selon le directeur commercial de Dammann Frères, « Dans 90 % des cas, les remontées d’information sur les prix viennent toutefois du réseau de revendeurs qui [l’]alerter (sic) des prix pratiqués par certains de leur concurrents »393 (voir le paragraphe 40 ci-dessus). Par ailleurs, l’enquête a permis d’établir la participation à cette surveillance de cinq distributeurs394 (voir les paragraphes 41 et 42 ci-dessus) dont il a été constaté qu’ils avaient, par ailleurs, appliqué, s’agissant pour le moins de certaines des références qu’ils commercialisaient, les prix diffusés par Dammann Frères395 (voir les paragraphes 42, 110, 112, 113 et 119 ci-dessus).
248. À cet égard, il convient de rappeler que la cour d’appel de Paris a déjà jugé que l’engagement d’une surveillance intra-marque est propice à démontrer l’acquiescement du distributeur à une pratique de prix imposés (voir le paragraphe 185 ci-dessus).
Conclusion sur la démonstration de l’accord de volontés
249. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il existe un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant de la réunion de pièces documentaires et de nature comportementale, démontrant l’existence d’une invitation anticoncurrentielle de Dammann Frères et d’un acquiescement de ses distributeurs quant aux prix pratiqués lors de la vente en ligne, et partant, de la réalité d’une entente entre Dammann Frères et ces distributeurs sur ces prix.
250. En vertu de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 187 et suivants ci-dessus, cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que quelques entreprises aient refusé d’adhérer à cette pratique sans faire l’objet de mesures de rétorsion, dès lors que le directeur commercial de Dammann Frères lui-même a fait état de sa volonté d’exercer des pressions sur les distributeurs récalcitrants afin de les inviter à se plier à la discipline commune (voir le paragraphe 196 ci-dessus), et que les interventions et représailles constatées ont été suivies d’effet (voir les paragraphes 227 et suivants ci-dessus).
b) Sur la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence
En droit
251. De manière générale, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur396. Cette même condition relative à l’objet ou aux effets anticoncurrentiels doit être remplie pour qu’un accord relève de l’article L. 420-1 du code de commerce397.
252. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, la notion de restriction de concurrence « par objet » doit être interprétée de manière restrictive. Elle ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire398.
253. Cependant, ceci n’implique nullement que l’autorité ou la juridiction compétente ne puisse procéder à un tel examen lorsqu’elle l’estime opportun399. En effet, l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un même comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition400.
254. Afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question401.
255. À cet égard, la Cour de justice a déjà jugé que le fait qu’une mesure soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n’exclut pas que, eu égard à l’existence d’un autre objectif poursuivi par celle-ci et devant être regardé, quant à lui, comme illégitime, compte tenu également de la teneur des dispositions de cette mesure et du contexte dans lequel elle s’inscrit, ladite mesure puisse être considérée comme ayant un objet restrictif de la concurrence402.
256. Enfin, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte403.
257. S’agissant des ententes sur les prix, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice qu’elles révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiées de restriction par objet, de sorte que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire404.
258. En particulier, la cour d’appel de Paris a souligné, dans son arrêt Kontiki, que « les pratiques de prix imposés sont considérées par le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 comme des restrictions caractérisées et que, dès lors, un accord ou une pratique concertée ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur est tenu de respecter, est présumé restreindre la concurrence »405.
259. De même, les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales406 définissent les pratiques de prix de vente imposés, comme « les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur est tenu de respecter »407.
Application au cas d’espèce
260. Il résulte des développements qui précèdent que Dammann Frères s’est entendue avec ses distributeurs en ligne sur les prix de revente de ses produits. Cette entente avait pour finalité de permettre à Dammann Frères d’harmoniser les prix de revente de ses produits entre les différents sites de vente en ligne.
261. En vertu de la jurisprudence constante rappelée au paragraphe 257 ci-dessus, la pratique mise en œuvre par Dammann Frères et ses distributeurs révèle un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiée de restriction par objet.
262. Par ailleurs, et bien que l’examen de ses effets ne soit pas nécessaire, il convient de souligner que l’harmonisation des prix de vente en ligne des produits de marque Dammann Frères aux consommateurs finals (voir les paragraphes 235 et suivants ci-dessus), a eu pour effet de limiter la concurrence non seulement entre les boutiques en ligne desdits distributeurs mais également entre ces boutiques et la boutique en ligne de Dammann Frères. Il existe, en effet, une forte proximité concurrentielle entre ces sites de vente en ligne, relevée par certains distributeurs qui expliquent que la politique tarifaire de Dammann Frères visait notamment à protéger sa boutique en ligne de la concurrence de ses distributeurs408 (voir le paragraphe 14 ci-dessus).
263. Il ressort de ce qui précède que la pratique ainsi mise en œuvre a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence intra-marque entre les sites de vente en ligne des produits de marque Dammann Frères.
264. Cette pratique, constituant une restriction caractérisée au sens de l’article 4 du règlement nº 330/2010409, ne peut faire l’objet d’une exemption sur le fondement de l’article 2 de ce même texte. Par ailleurs, dans la mesure où aucune demande en ce sens n’a été formulée par l’entreprise mise en cause, il n’y a pas lieu d’examiner si la pratique en cause peut faire l’objet d’une exemption individuelle, sur le fondement des articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce.
c) Sur la démonstration de la continuité de la pratique
En droit
265. Pour déterminer la durée d’une infraction aux règles de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord en cause et la date à laquelle il y a été mis fin410.
266. Selon une jurisprudence du Tribunal, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction et son caractère continu, l’autorité de concurrence doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises411.
267. Enfin, la suspension d’une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n’empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d’infraction continue dès lors que, après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités412.
Application au cas d’espèce
268. Dammann Frères soutient que la date du début de l’accord généralisé ne saurait être antérieure à la période couverte par le premier relevé de prix réalisé par les enquêteurs, soit le mois de mars 2016. En effet, elle considère que l’accord de volontés avec la SA Cafés Marc, qui aurait fait l’objet d’une mesure de rétorsion d’ailleurs contestée, n’est pas établi dès décembre 2013, dès lors que les déclarations du gérant de cette société seraient trop imprécises et non documentées. Dammann Frères estime, en outre, que le deuxième élément qui pourrait servir de point de départ de l’accord de volontés en cause n’a eu lieu que lors de la période de « Noël 2014 », soit un an plus tard, et reposerait sur des déclarations insuffisantes413.
269. S’agissant du début de la pratique, même si Dammann Frères a élaboré et diffusé des prix conseillés à ses distributeurs depuis 2007 environ, selon son directeur commercial lui-même414, la première date d’acquiescement d’un distributeur à la politique de prix du fabricant résultant du dossier ne saurait, à tout le moins, remonter à décembre 2013, contrairement à ce qui est allégué dans la notification de griefs.
270. En effet, si les factures communiquées par le président directeur général de la SA Cafés Marc attestent que Dammann Frères a mis en œuvre des mesures de représailles à l’encontre de cette entreprise à compter du 12 décembre 2013415 – de sorte que l’existence d’une invitation de Dammann Frères à imposer les prix qu’elle diffuse à ce distributeur, ainsi que l’exercice de mesures de rétorsion à son encontre, sont démontrés à compter de cette date – la déclaration du gérant de la SA Cafés Marc, qui reconnaît avoir augmenté ses prix de vente à la suite de cette mesure, est imprécise sur la date à laquelle il y a procédé. La date du 12 décembre 2013 ne peut donc être retenue comme point de départ de la pratique.
271. En revanche, il a été constaté que, le 8 avril 2015, l’exploitant du site www.si-le-the.com a écrit à Dammann Frères afin de lui demander l’autorisation de pratiquer des prix conformes à ceux du site www.tea-discount.com, qu’il avait précédemment portés à l’attention du directeur commercial du fabricant416. Ce distributeur – dont les prix en ligne correspondaient par ailleurs globalement aux prix conseillés417 et qui avait signé avec Dammann Frères un accord de distribution en ligne418 (voir le paragraphe 42 ci-dessus) – a ainsi manifesté son acquiescement à la politique de Dammann Frères, qui exigeait que ses distributeurs l’informent s’ils souhaitaient pratiquer des prix inférieurs à ceux qu’elle leur diffusait annuellement (voir les paragraphes 206 et suivants ci-dessus).
272. Il a également été constaté que la gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise a sollicité, par courrier, l’accord de Dammann Frères pour la revente de ses produits sur son site internet, conformément à la demande de son commercial, qui lui avait indiqué qu’une autorisation était nécessaire pour la vente en ligne419. Le 16 avril 2015, en réponse à ce courrier, le directeur commercial de Dammann Frères a consenti à l’utilisation de son logo sur le site marchand de la SARL Bonnin Praud Gourmandise, mais a demandé à l’intéressée de bien vouloir mettre à jour le logo Dammann Frères et prendre connaissance du texte d’un accord de distribution420. La gérante de la SARL Bonnin Praud Gourmandise a déclaré aux enquêteurs que ce « contrat » l’engageait à « suivre les prix conseillés et à ne pas faire de promotion »421 (voir les paragraphes 229 et 231 ci-dessus). Le même jour, l’intéressée a répondu, par courriel : « Merci de votre accord. Les modifications vont être effectuées »422, indiquant ainsi qu’elle acquiesçait au contenu du mail. Cet acquiescement a été confirmé par l’intéressée, qui s’est référée, lors de sa déclaration, au « contrat » qu’elle avait dû signer avec Dammann Frères et qui lui interdisait de pratiquer des promotions423. Il a également été corroboré par le directeur commercial de Dammann Frères, qui a fourni aux enquêteurs une liste de dix-neuf distributeurs signataires d’accords de distribution, au sein de laquelle figurait « C DUBON »424, qui est le nom de la boutique exploitée par la SARL Bonnin Praud Gourmandise425 (voir les paragraphes 229 ci-dessus).
273. En conséquence, il est considéré que la pratique d’entente sur les prix mise en œuvre par Dammann Frères et ses distributeurs a pour point de départ le mois d’avril 2015.
274. S’agissant de la date de fin des pratiques, les éléments du dossier permettent de démontrer que la pratique sanctionnée s’est poursuivie jusqu’au mois de juin 2017. En effet, les relevés de prix réalisés en mai et juin 2017 attestent de l’application des « prix conseillés », au centime d’euro près, par plus de 50 % des distributeurs étudiés (voir le paragraphe 236 ci-dessus), En outre, le 22 juin 2017, le gérant de la SARL Stokbox a déclaré : « Au départ, nous les avions proposés à des prix inférieurs aux prix conseillés, identiques aux prix en magasin. […] Très rapidement après la mise en ligne des produits, le commercial de la marque, M. Y..., nous a appelé pour nous rappeler que nous avions pris des engagements quant aux prix de vente des produits et qu’il serait bien de les respecter et augmenter nos prix en ligne. Nous avons donc remonté nos prix en ligne au niveau de leurs prix conseillés pour être tranquille. » Ce distributeur a en outre exposé : « Aujourd’hui nous respectons donc les prix conseillés pour nos ventes en ligne. […] DAMMANN doit être la seule marque pour laquelle les prix sont différents en magasins et en ligne, alors que notre position est normalement de pratiquer les mêmes prix en ligne et en magasin. DAMMANN est une exception à cause de leurs sollicitations pour que nous augmentions nos prix en ligne »426 (soulignement ajouté) (voir les paragraphes 50, 94 et 124).
275. En conséquence, il y a lieu de constater que, au vu des éléments du dossier, la pratique d’entente sur les prix mise en œuvre par Dammann Frères et ses distributeurs a pris fin en juin 2017.
276. S’agissant du caractère continu des pratiques, il se déduit de nombreux éléments du dossier que la pratique sanctionnée a été continue entre avril 2015 et juin 2017.
277. D’une part, plusieurs déclarations des distributeurs et du directeur commercial de Dammann Frères lui-même attestent de la volonté du fabricant de contrôler les conditions de vente en ligne de ses produits (voir les paragraphes 194 à 196 ci-dessus). Par ailleurs, le caractère réitéré, à tout le moins à compter d’avril 2015, de l’invitation de Dammann Frères à ses distributeurs d’appliquer les prix qu’elle leur communiquait ressort des éléments rappelés aux paragraphes 191 et suivants ci-dessus.
278. D’autre part, l’acceptation réitérée par les distributeurs résulte d’un ensemble de pièces. Outre le cas de la SARL Bonnin Praud Gourmandise, évoqué aux paragraphes 272 et suivants ci-dessus, l’acceptation de l’encadrement contractuel des prix de revente en ligne est démontrée par la signature d’accords de distribution au mois de mai et juin 2015427 (voir le paragraphe 229 ci-dessus). Par ailleurs, l’application des prix de revente diffusés par Dammann Frères ressort à la fois des relevés de prix réalisés entre mars 2016 et juin 2017 et des déclarations recueillies par les enquêteurs entre le 2 novembre 2015 et le 19 juillet 2017 (voir les paragraphes 235 et suivants ci-dessus). Enfin, la surveillance par les distributeurs des prix pratiqués par leurs concurrents s’infère notamment de déclarations datées des mois de mai et juin 2017428, ainsi que d’un courriel d’avril 2015429 (voir les paragraphes 246 et 247 ci-dessus).
279. Ainsi, Dammann Frères ne saurait utilement soutenir que les éléments du dossier ne permettent pas de constituer un faisceau d’indices pour la période antérieure au mois de mars 2016430.
280. Il résulte de ce qui précède que la pratique d’entente sur les prix de vente en ligne mise en œuvre par Dammann Frères et ses distributeurs est constituée et a perduré du mois d’avril 2015 au mois de juin 2017.
2. SUR L’INTERDICTION DE LA REVENTE DES PRODUITS DAMMANN FRERES SUR LES PLATEFORMES INTERNET TIERCES (GRIEF N° 2)
a) Sur le standard de la preuve d’une entente verticale sur les modalités de revente des produits
Sur la démonstration de l’accord de volontés
281. S’agissant du standard de preuve d’un accord de volontés, il est renvoyé aux paragraphes 176 à 188 ci-dessus.
Sur la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence
282. S’agissant du standard de preuve d’une restriction de concurrence, il est renvoyé aux paragraphes 251 et suivants ci-dessus.
283. S’agissant spécifiquement de l’interdiction de recourir à des plateformes tierces pour la vente sur Internet, la Cour de justice a déjà jugé que « l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une clause contractuelle […] qui interdit aux distributeurs agréés d’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ces produits de recourir de manière visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits contractuels, dès lors que cette clause vise à préserver l’image de luxe desdits produits, qu’elle est fixée d’une manière uniforme et appliquée d’une façon non discriminatoire, et qu’elle est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi »431.
284. Il ressort néanmoins d’une jurisprudence constante de la Cour de justice, s’agissant de la prise en compte des objectifs poursuivis par une mesure faisant l’objet d’une appréciation au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, que « le fait qu’une mesure soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n’exclut pas que, eu égard à l’existence d’un autre objectif poursuivi par celle-ci et devant être regardé, quant à lui, comme illégitime, compte tenu également de la teneur des dispositions de cette mesure et du contexte dans lequel elle s’inscrit, ladite mesure puisse être considérée comme ayant un objet restrictif de la concurrence »432.
285. Par ailleurs, selon la même jurisprudence, « bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte »433.
286. Enfin, dans sa communication concernant les accords d’importance mineure, la Commission indique qu’elle considère que « les accords entre entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence au sein du marché intérieur ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE […] si la part de marché détenue par chacune des parties à l’accord ne dépasse 15 % sur aucun des marchés en cause affectés par l’accord, lorsque l’accord est passé entre des entreprises qui ne sont des concurrents existants ou potentiels sur aucun de ces marchés (accords entre non concurrents) »434. La Commission précise néanmoins que cette communication ne couvre pas les accords qui ont pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur435, et qu’elle n’est pas non plus appliquée aux accords contenant l’une quelconque des restrictions énumérées parmi les restrictions caractérisées dans un règlement d’exemption par catégorie de la Commission, ce type de restrictions constituant, de manière générale, des restrictions par objet436.
Sur l’exemption de la pratique constatée par catégorie
287. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 330/2010, les accords verticaux bénéficient, par principe, d’une exemption à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE : « Conformément à l'article 101, paragraphe 3, du traité, et sous réserve des dispositions du présent règlement, l'article 101, paragraphe 1, du traité est déclaré inapplicable aux accords verticaux. La présente exemption s'applique dans la mesure où ces accords contiennent des restrictions verticales. ».
288. Il existe plusieurs exceptions à l’application de cette exemption.
289. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 330/2010, cette exemption ne s’applique pas dès lors, notamment, que la part de marché détenue par le fournisseur dépasse 30 % du marché en cause sur lequel il vend les biens ou services contractuels et que la part de marché détenue par l’acheteur dépasse 30 % du marché en cause sur lequel il achète les biens ou services contractuels : « L'exemption prévue à l'article 2 s'applique à condition que la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il vend les biens ou services contractuels et que la part de marché détenue par l'acheteur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il achète les biens ou services contractuels. ».
290. Selon les articles 4 et 5 du règlement nº 330/2010, cette exemption est écartée en présence de restrictions dites « caractérisées », qui comprennent notamment, en vertu de l’article 4, sous b), dudit règlement les restrictions du territoire sur lequel, ou de la clientèle à laquelle, un acheteur partie à l’accord peut vendre les biens ou services contractuels, sans préjudice d’une restriction quant à son lieu d’établissement : « L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet : [ …] b) de restreindre le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, un acheteur partie à l'accord, peut vendre les biens ou services contractuels sans préjudice d’une restriction quant à son lieu d’établissement », sauf lorsqu’il s’agit de certaines restrictions particulières listées à cette disposition.
291. S’agissant de l’interdiction faite aux membres d’un réseau de distribution sélective de produits de luxe, qui opèrent en tant que distributeurs sur le marché, d’avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par Internet, la Cour a déjà jugé qu’elle ne prohibe pas le recours à Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels437.
292. Se fondant, en outre, sur les circonstances propres au cas qui lui était soumis – d’une part, qu’il ne paraissait pas possible de délimiter, au sein du groupe des acheteurs en ligne, les clients de plateformes tierces et, d’autre part, que le contrat de distribution sélective en cause au principal autorisait, sous certaines conditions, les distributeurs agréés à faire de la publicité par l’intermédiaire d’Internet sur des plateformes tierces et à utiliser des moteurs de recherche en ligne – la Cour a jugé qu’une telle interdiction ne constituait pas une restriction de la clientèle des distributeurs, au sens de l’article 4, sous b), du règlement n° 330/2010, ni une restriction des ventes passives des distributeurs agréés aux utilisateurs finals, au sens de l’article 4, sous c), de ce règlement, même si elle restreignait une forme particulière de vente sur Internet438. Elle a donc estimé que cette interdiction ne constituait pas une restriction caractérisée de concurrence, de nature à priver une entreprise du bénéfice de l’exemption, en deçà des seuils de parts de marché de 30 % mentionnés plus haut.
b) L’application au cas d’espèce
293. Dammann Frères conteste la qualification de restriction de concurrence de la pratique consistant à interdire la revente de ses produits sur des plateformes internet tierces. D’une part, selon le fabricant, il convient de prendre en considération, lors de l’examen de l’existence de la restriction de concurrence alléguée, l’objectif qu’elle poursuit. Ainsi, selon le fabricant, l’Autorité devrait conclure que la restriction alléguée est proportionnée à l’objectif de permettre une distribution qualitative des produits de Dammann Frères et remplit également l’ensemble des critères issus de la jurisprudence Métro439, bien qu’elle ne s’inscrive pas dans le cadre d’un réseau de distribution sélective440. D’autre part, Dammann Frères considère que la pratique n’engendre pas d’effets anticoncurrentiels441.
294. En tout état de cause, Dammann Frères soutient que la pratique en cause relève d’un accord d’importance mineure et qu’elle doit également être exemptée sur le fondement du règlement n° 330/2010 précité et de l’article 101, paragraphe 3, TFUE442.
295. S’agissant de l’existence d’un accord de volontés, il convient de relever que les conditions générales de vente de Dammann Frères comportaient une clause interdisant aux distributeurs de recourir à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits du fabricant. Elles étaient diffusées à l’ensemble de ses distributeurs par le biais de catalogues annuels443, rappelées par le directeur commercial aux distributeurs qui ne les respectaient pas444, et insérées dans les accords de distribution en ligne445 (voir les paragraphes 126 et 129 ci-dessus). En outre, les déclarations des distributeurs, les déclarations et les courriels du directeur commercial de Dammann Frères lui-même, ainsi que les relevés effectués par les enquêteurs, attestent que les distributeurs qui ont fait l’objet d’interventions ou de représailles de la part du fabricant ont cessé la vente de ses produits via des plateformes Internet tierces446 (voir les paragraphes 130 à 132 ci-dessus).
296. Il résulte de ce qui précède qu’il existe un faisceau d’indices graves, précis et concordant résultant de la réunion de pièces documentaires et de nature comportementale, démontrant l’existence d’une invitation de Dammann Frères et d’un acquiescement d’un nombre significatif de ses distributeurs et, partant, d’un accord de volontés entre Dammann Frères et ces distributeurs visant à s’abstenir de vendre ses produits par le biais de plateformes internet tierces.
297. Toutefois, sans qu’il soit besoin de déterminer si la pratique mise en œuvre par Dammann Frères au titre du second grief constitue une restriction de concurrence au sens des dispositions précitées, il convient de relever, que cette pratique bénéficie d’une exemption au titre du règlement nº 330/2010.
298. En effet, dans la mesure où les éléments qui figurent au dossier ne permettent pas de dénombrer les clients de plateformes tierces au sein du groupe des acheteurs en ligne et où le fabricant n’interdisait pas à ses distributeurs de vendre par Internet et de se faire connaître par le biais de site internet tiers (publicité et utilisation des moteurs de recherche), l’accord en cause ne constitue pas une restriction de la clientèle des distributeurs, au sens de l’article 4, sous b), du règlement no 330/2010.
299. Par ailleurs, il ressort du dossier que les parts du marché des thés haut de gamme vendus en ligne, détenues par elle-même et par ses distributeurs, sont inférieures à 30 %447.
300. Il n’y a donc pas lieu de poursuivre le grief n° 2.
E. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES
301. Il y a lieu d’imputer les pratiques constatées au titre du premier grief notifié à la société Dammann Frères en tant qu’auteure des pratiques.
F. SUR LES SANCTIONS
1. SUR LA SANCTION PECUNIAIRE
302. Seront successivement abordés :
- les principes relatifs à la détermination des sanctions (a) ;
- la détermination du montant de base des sanctions (b) ;
- la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (c) ;
- les ajustements finaux (prise en compte du maximum légal) (d).
a) Sur les principes relatifs à la détermination des sanctions
303. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et l’article 5 du règlement n° 1/2003448 habilitent l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, ainsi que par les articles 101 et 102 TFUE.
304. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce précité prévoit que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
305. Par ailleurs, aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du même code, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % de montant du chiffre d’affaires mondial hors taxe le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
306. En l’espèce, l’Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, le « communiqué sanctions »).
b) Sur la détermination du montant de base des sanctions
307. Le communiqué sanctions énonce que « Le montant de base est déterminé pour chaque entreprise ou organisme en fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits et sur l’importance du dommage causé à l’économie […] » (point 22).
308. La durée des pratiques constituant un facteur pertinent pour apprécier tant la gravité des faits449, que l’importance du dommage causé à l’économie450, elle fera l’objet d’une prise en compte sous ce double angle, selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué sanctions précité.
Sur la valeur des ventes
309. En application du point 23 du communiqué sanctions, la pratique décisionnelle de l’Autorité retient comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction, la valeur des ventes réalisées par l’entreprise mise en cause pour les biens ou les services qui sont en relation avec l’infraction.
310. Par ailleurs, en application des points 33, 34 et 37 du communiqué sanctions, la valeur des ventes est déterminée par référence au dernier exercice comptable complet de mise en œuvre des pratiques. Toutefois, lorsque ce dernier exercice « ne constitue manifestement pas une référence représentative, l’Autorité retient un exercice qu’elle estime plus approprié ou une moyenne d’exercices, en motivant ce choix ». Enfin, « Les ventes en cause sont toutes celles réalisées en France ».
311. L’infraction sanctionnée au titre du grief n° 1 – qui a débuté, en avril 2015 et s’est poursuivie jusqu’en juin 2017 – concerne la vente en ligne, au consommateur final, de produits de marque Dammann Frères sur le territoire français.
312. Les pratiques sanctionnées au titre du grief n° 1 ont été mises en œuvre sur le marché de la distribution en ligne des thés haut de gamme. Les biens en relation avec l’infraction sont donc les thés haut de gamme vendus, directement ou indirectement, au consommateur final par le biais d’une boutique en ligne. L’assiette de la sanction prononcée sera donc assise sur les valeurs des ventes au consommateur final des thés Dammann Frères réalisées directement par le fabricant grâce à sa boutique en ligne et réalisées indirectement, par ses distributeurs, via leurs propres boutiques en ligne.
313. S’agissant, en premier lieu, des ventes réalisées directement par Dammann Frères via sa boutique en ligne, le fournisseur soutient que la pratique poursuivie au titre du grief n° 1 n’a pu avoir aucun effet sur les prix qu’elle pratiquait en ligne dans la mesure où ces derniers sont alignés sur les prix qu’elle « conseille » à ses distributeurs451. Elle demande donc l’exclusion de ces ventes directes de l’assiette de la valeur des ventes.
314. Or, conformément au point 33 du communiqué sanctions et à la jurisprudence nationale et de l’Union européenne452, il convient de prendre en compte, pour déterminer l’assiette des sanctions pécuniaires, la valeur des ventes des produits ou services « en relation avec l’infraction ». Ainsi, contrairement à ce que soutient la société mise en cause, l’assiette de calcul ne saurait être limitée aux seules ventes directement affectées par l’infraction.
315. Dès lors que les ventes de thés de marque Dammann Frères réalisées par le fabricant via sa boutique en ligne l’ont été sur le marché de la vente en ligne de thés haut de gamme concerné par l’infraction, elles doivent être considérées comme étant en relation avec celle-ci et seront ainsi prises en compte, en l’espèce, pour le calcul de la valeur des ventes.
316. S’agissant en deuxième lieu, des ventes de Dammann Frères à ses distributeurs (hors pure players453), Dammann Frères soutient que la proportion de ces mêmes ventes qui doit être retenue doit refléter la part réelle que représentaient les ventes en ligne de ses thés dans l’ensemble des ventes au détail réalisées par ses distributeurs454. Le fournisseur soutient que seuls 31 % de ses distributeurs disposaient d’un site internet marchand et que les éléments figurant au dossier permettent d’estimer que la part des ventes en ligne de ces derniers était de 6,5 %455.
317. Cette estimation étant corroborée par les éléments figurant au dossier456, elle sera retenue pour le calcul de la valeur des ventes de Dammann Frères en relation avec l’infraction.
318. S’agissant, en troisième lieu, des ventes de Dammann Frères aux pure players, Dammann Frères soutient qu’il conviendrait de ne retenir que celles qui ne correspondent pas à des ventes privées et des ventes de coffrets en ligne au consommateur457.
319. Les ventes de Dammann Frères aux pure players réalisant des ventes privées et des ventes de coffrets en ligne n’étant pas en relation avec l’infraction au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 314 ci-dessus, elles ne seront pas retenues pour la détermination de l’assiette du montant de base pour le calcul de la sanction.
320. L’exercice 2016 correspond au dernier exercice complet de participation de la mise en cause à la pratique sanctionnée au titre du grief n° 1.
321. Au vu des considérations qui précèdent, la valeur des ventes servant d’assiette à la sanction individuelle de Dammann Frères est de […] euros.
Sur la gravité des faits
322. En vertu du point 26 du communiqué sanctions précité, afin d’apprécier la gravité des faits au cas d’espèce, il convient d’examiner successivement la nature de l’infraction, la qualité des personnes susceptibles d’être affectées et les caractéristiques objectives de l’infraction.
323. S’agissant de la nature de l’infraction, ainsi que le soulève Dammann Frères458, selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, les ententes verticales impliquant des entreprises actives à des stades différents de la chaîne de production sont considérées avec moins de sévérité que les ententes horizontales entre concurrents459. Ce constat n’exclut pas, toutefois, que ce type de pratiques puisse être analysé comme présentant un degré certain de gravité460.
324. S’agissant plus spécifiquement des ententes verticales sur les prix, la cour d’appel de Paris a rappelé, dans son arrêt Epsé Joué Club précité, que de telles ententes « même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles »461.
325. En l’espèce, ainsi qu’il ressort des paragraphes 189 à 250 ci-dessus, Dammann Frères s’est entendue avec ses distributeurs pratiquant la vente en ligne afin de limiter leur liberté tarifaire en fixant le prix de vente en ligne aux consommateurs des produits de sa marque. Ainsi, Dammann Frères ne peut utilement soutenir que les pratiques alléguées en l’espèce ne peuvent pas être considérées comme relevant des infractions les plus graves au droit de la concurrence462. En outre, comme rappelé aux paragraphes 249 et 250 ci-dessus, Dammann Frères ne peut pas non plus utilement soutenir, pour atténuer la gravité de la pratique, que le contrôle des prix de vente en ligne n’était pas absolu et que seul un nombre limité de distributeurs a été concerné par la pratique sanctionnée463.
326. S’agissant de la qualité des personnes susceptibles d’être affectées, la pratique sanctionnée a eu pour objet et pour effet d’harmoniser les prix des produits de marque Dammann Frères en ligne et ainsi de réduire la concurrence intra-marque sur le marché de la vente des thés haut de gamme en ligne. Ainsi, les distributeurs ont été empêchés de déterminer librement leurs prix de vente sur Internet. Par ailleurs, les consommateurs finals ont été privés de la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence entre les distributeurs et de bénéficier du meilleur prix, et ce indépendamment du fait que, ainsi que le soutient Dammann Frères, ils ont par ailleurs la possibilité, compte tenu du nombre important de distributeurs de Dammann Frères situés sur le territoire français, d’accéder à un point de distribution physique.
327. S’agissant des caractéristiques objectives de l’infraction, si cette dernière n’est ni sophistiquée, ni secrète, en revanche, Dammann Frères a, contrairement à ce qu’elle soutient464, organisé des rappels auprès des distributeurs qui pratiquaient des prix inférieurs aux « prix conseillés », et infligé des sanctions aux distributeurs qui refusaient d’appliquer ces prix allant jusqu’à des ruptures d’approvisionnement et à la rupture unilatérale des relations commerciales (voir les paragraphes 44 à 84 ci-dessus).
328. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la pratique en cause peut être considérée comme particulièrement grave.
Sur l’importance du dommage causé à l’économie
329. L’importance du dommage causé à l’économie ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s’apprécie en fonction de la perturbation générale qu’elles sont de nature à engendrer pour l’économie465.
330. Dans un arrêt Adecco France, la cour d’appel a précisé, s’agissant du périmètre de cette perturbation générale, que « l’appréciation de l’importance du dommage à l’économie […], qui ne se limite pas, par principe, à la seule atteinte au surplus économique des consommateurs, doit porter sur la perte du surplus subie par l’ensemble des opérateurs du marché, entreprises concurrentes, offreurs ou demandeurs »466.
331. L’existence du dommage à l’économie ne se présume pas467. Elle s’apprécie de manière objective et globale en prenant en compte l’ensemble des éléments pertinents de l’espèce.
332. Cependant, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’Autorité n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l’économie mais doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause468. Toujours selon la jurisprudence, pour apprécier le dommage causé à l’économie, l’Autorité prend en considération les effets tant avérés que potentiels de la pratique469.
333. Enfin, l’Autorité tient notamment compte, pour apprécier l’incidence économique de la pratique en cause, de l’ampleur de l’infraction, telle que caractérisée en particulier par sa couverture géographique ou par la part de marché de l’entreprise sanctionnée sur le marché concerné, de sa durée, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques du secteur en cause470.
334. En l’espèce, s’agissant de l’ampleur géographique et temporelle de la pratique sanctionnée au titre du premier grief, il convient de rappeler que cette pratique a été mise en œuvre sur l’ensemble du territoire français pendant une période de deux années et deux mois.
335. Dammann Frères soutient que les pratiques alléguées se sont cantonnées à un seul canal de distribution, celui de la vente par Internet, où les produits d’épicerie fine sont peu distribués471. Toutefois, plusieurs éléments figurant au dossier attestent de l’importance et du dynamisme du marché de la vente de thés en ligne. Ainsi, les ventes directes de Dammann Frères aux consommateurs finals réalisées en ligne représentaient près de [20-40 %] du total des ventes directes du fabricant en 2018, alors qu’elles n’en représentaient que [15-25 %] environ en 2014472. Par ailleurs, l’essor des ventes de thé haut de gamme n’est pas contesté par Dammann Frères473.
336. S’agissant du degré de concurrence qui caractérise le marché de la vente en ligne des thés haut de gamme en cause, il convient de relever que ce marché est concentré : les ventes de Dammann Frères, Orientis Gourmet, Mariage Frères et Le Palais des Thés représentent près de 90 % des ventes de thés haut de gamme en France. La concurrence que se livrent ces fabricants sur les prix de vente des thés a, de plus, pu être limitée par l’attachement des consommateurs à une marque donnée474.
337. S’agissant des conséquences conjoncturelles de l’infraction, ainsi que l’indique Dammann Frères475, l’écart moyen entre les prix de vente en ligne et les prix de vente en boutique peut être estimé – s’agissant des ventes en ligne des distributeurs de Dammann Frères à l’exclusion de ventes dites « privées » ou de « box » réalisées par les pure players – à moins de 2 % d’avril 2015 à décembre 2016 et à près de 12 % de janvier à juin 2017476. En l’absence de la pratique litigieuse, les détaillants auraient pu, à tout le moins, proposer, sur leurs sites de vente en ligne, des prix identiques à ceux qu’ils pratiquaient dans leurs boutiques.
338. En outre, la pratique sanctionnée a pu freiner le développement des ventes en ligne de détaillants indépendants commercialisant des thés de marque Dammann Frères, en rendant ces ventes moins attractives pour les consommateurs, ainsi qu’il ressort, en particulier, des déclarations de certains distributeurs, selon lesquels la modification des conditions de vente en ligne opérée à la suite des représailles de Dammann Frères a eu pour effet une diminution significative desdites ventes477 (voir les paragraphes 64 et 70 ci-dessus).
339. Pour conclure, la pratique a causé un dommage significatif à l’économie en obligeant certains détaillants à pratiquer un prix en ligne supérieur à celui qu’ils auraient souhaité et, en particulier significativement supérieur à leur prix en boutique lors de l’année 2017, ce qui a contribué à réduire l’intensité de la concurrence par les prix s’agissant de la vente en ligne des produits de marque Damman Frères.
340. Compte tenu de l’appréciation de la gravité des faits et du dommage causé à l’économie dans le secteur concerné, développée aux paragraphes 322 à 339 ci-dessus, une proportion de 9 % de la valeur des ventes sera retenue pour déterminer le montant de base de la sanction infligée à Dammann Frères au titre du grief n° 1.
Sur la durée
341. Le point 42 du communiqué sanctions précité précise que la durée des infractions qui se sont prolongées plus d’une année est prise en compte selon les modalités pratiques suivantes. La proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle aux pratiques de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l’exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de participation suivantes. Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
342. Dans chaque cas d’espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d’entre elles pendant l’exercice comptable retenu comme référence.
343. Au cas présent, ainsi qu’il ressort des paragraphes 268 à 280 ci-dessus de la présente décision, l’infraction a débuté en avril 2015 et s’est poursuivie jusqu’en juin 2017.
344. En conséquence, la durée des pratiques est de deux ans et deux mois, soit un coefficient multiplicateur de 1,58.
Conclusion sur la détermination du montant de base
345. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes liées à la commercialisation des produits en relation avec l’infraction commise par la société en cause, d’une part, et de la durée des pratiques, d’autre part, est de [215 000 – 245 000] euros.
c) Sur l’individualisation des sanctions
346. En vertu du point 43 du communiqué sanctions précité, l’Autorité ajuste le montant de base pour tenir compte de circonstances atténuantes ou aggravantes, s’il y a lieu, et des autres éléments d’individualisation pertinents tenant à la situation des mises en cause. En l’espèce, aucun élément du dossier ne permet d’identifier des éléments d’individualisation pertinents.
d) Sur le maximum légal
347. En vertu du point 56 du communiqué sanctions précité, « conformément au I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. ».
348. En l’espèce, le chiffre d’affaires consolidé le plus élevé connu réalisé par Gruppo illy SpA, société mère consolidant les comptes de Dammann Frères, était de 544 millions d’euros au 31 décembre 2018.
349. Le montant de sanction indiqué au paragraphe 345 ci-dessus étant inférieur à 10 % de ce chiffre, il n’y a pas lieu de le modifier.
2. SUR L’INJONCTION DE PUBLICATION
350. Compte tenu des faits constatés par la présente décision et de la pratique sanctionnée, il y a lieu d’ordonner à Dammann Frères, sur le fondement du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, la publication, à ses frais, du résumé figurant à la page 2 de la présente décision sur son site internet de vente en ligne, ainsi que dans une édition électronique et papier du quotidien Le Monde.
351. Dammann Frères fera spécifiquement publier ce texte dans une édition électronique et une édition papier du journal Le Monde, parmi celles qui paraîtront dans les deux mois à compter de la notification de la présente décision.
352. La publication respectera la mise en forme du texte, qui sera reproduit dans un encadré, en caractères noirs sur fond blanc, sous le titre suivant, en caractères gras de même couleur :
« Décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme ». Les caractères du texte et du titre publiés dans l’édition papier seront d’une hauteur au moins égale à trois millimètres.
353. Dans chaque édition, le texte pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la présente décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.
354. Dammann Frères adressera au service de la procédure de l’Autorité, sous pli recommandé, dès leur parution et au plus tard le 10 février 2021, une copie de l’édition papier et les références permettant d’accéder à l’édition électronique dans lesquelles le texte aura été publié.
355. Par ailleurs, Dammann Frères rendra accessible, sur la page d’accueil du site internet www.dammann.fr, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et pendant une durée de sept jours consécutifs, le texte figurant à la page 2 de cette dernière, par un lien html intitulé « Dammann Frères condamnée par l’Autorité de la concurrence française », dans une police d’écriture de taille 14.
356. Dammann Frères informera le service de la procédure de la mise en ligne de ce texte le jour-même.
357. Ce lien pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.
DÉCISION
Article 1er : Les conditions d’une interdiction au titre de l’article 101 TFUE ne sont pas réunies s’agissant de la pratique d’interdiction de revente, par la société Dammann Frères, de ses produits par le biais de plateformes internet tierces. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003478, les pratiques en cause dans la présente affaire ne peuvent pas non plus être interdites sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, de poursuivre la procédure, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.
Article 2 : Il est établi que la société Dammann Frères a enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre, d’avril 2015 à juin 2017, des pratiques visant à limiter la liberté tarifaire de ses distributeurs, en fixant directement ou indirectement le prix de vente aux consommateurs des produits de marque Dammann Frères, sur le marché de la vente en ligne de thés haut de gamme.
Article 3 : Est infligée, au titre des pratiques visées à l’article 2, une sanction pécuniaire d’un montant de 226 000 euros à la société Dammann Frères.
Article 4 : Il est ordonné à la société Dammann Frères de se conformer en tous points aux injonctions prévues aux paragraphes 351 à 358 de la présente décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cotes 6 à 93.
3 Cote 2.
4 Cote 1813.
5 Cotes 532 et 1209.
6 Cote 210.
7 Cotes 1277.
8 Cotes 6689 et 6690.
9 De l’anglais « Crushing, Tearing, Curling », qui signifie « Broyage, Déchirure, Bouclure ». Il s’agit d’une méthode de fabrication industrielle des thés réputée produire des thés ayant moins de parfum que les thés obtenus par le procédé traditionnel
10 Cote 210.
11 Cote 6404.
12 Cotes 17 à 21.
13 Cote 6695.
14 Cote 7878.
15 Cote 7965.
16 Cote 2818.
17 Sauf mention expresse contraire, les déclarations du directeur commercial de Dammann Frères citées dans la présente décision sont issues du procès-verbal dressé par les enquêteurs au cours de cette audition.
18 Cote 213.
19 Cotes 1277, 1315, 1443, 1729, 1814 et 7980.
20 Cote 214.
21 Cote 1375.
22 Cote 1277.
23 Cote 1209.
24 Cote 1833.
25 Cote 212.
26 Cotes 489, 967, 1019, 1104, 1178, 1210, 1277, 1285, 1315, 1375, 1442, 1514, 1600, 1604, 1729, 1751, 1814,
1833, 1903, 1938, 2105, 2141, 2206, 2267, 2328, 2440, 2450, 2694, 2741, 2807, 2846, 2915 et 2973.
27 Cotes 1277, 1375, 1600, 1729, 1814 et 2440.
28 Cotes 1286, 1600 et 2440.
29 Cote 2659.
30 Cotes 1375 et 2973.
31 Cotes 1211, 1516, 1602, 1753, 2208, 2269, 2443, 2848, 2921, 2922, 2973 et 2974.
32 Cotes 744 à 767.
33 Cote 212.
34 Cote 214.
35 Cote 213.
36 Cotes 744 à 767 et 1509.
37 Cotes 2798, 2818 et 2859.
38 Cotes 445, 458, 1511 et 1732.
39 Cote 1509.
40 Cotes 466 à 467 et 1280 à 1282.
41 Cote 258.
42 Cote 213.
43 Cote 213.
44 Cote 213.
45 Cote 258.
46 Voir, notamment, les cotes 701 à 713, 717 à 723, 971 à 1017, 1035 à 1041, 1133 à 1170, 1225 à 1232, 1270
à 1273, 1307 à 1311, 1345 à 1356, 1386 à 1400, 1478 à 1491, 1543, 1544, 1546 à 1564, 1589 à 1597, 1681,
1683 à 1695, 1735 à 1811, 1818 à 1830, 1836 à 1860, 1912 à 1927, 1973 à 1985, 2119 à 2137, 2182 à 2203,
2214 à 2232, 2309 à 2326, 2335 à 2343, 2355 à 2368, 2444 à 2447, 2535, 2536, 2539, 2541 à 2543, 2546,
2547, 2549, 2550, 2670 à 2691, 2709 à 2717, 2787, 2831 à 2839, 2900 à 2912, 3010, 3011 et 6642 à 6663.
47 Cotes 211 et 212.
48 Cotes 457, 458 et 1728.
49 Cote 1728.
50 Cote 445.
51 Cote 1511.
52 Cote 1443.
53 Cote 1732.
54 Cote 458.
55 Cote 1732.
56 Cote 1731.
57 Cote 1728.
58 Cote 531.
59 Cotes 445 et 458.
60 Cotes 445, 458 et 1732.
61 Cote 214.
62 Cote 473.
63 Cote 457.
64 Cote 1732.
65 Cote 1729.
66 Cote 1605.
67 Cote 532.
68 Cotes 212 et 424.
69 Cote 1277.
70 Cote 1814.
71 Cote 2267.
72 Cote 2451.
73 Cote 2451.
74 Cote 1833.
75 Cote 1444.
76 Cotes 2916 et 2919.
77 Cotes 1314 et 1315.
78 Cote 2694.
79 Cotes 1833 et 1834.
80 Cote 2451.
81 Cote 1315.
82 Cote 1277.
83 Cote 2694.
84 Cote 1375.
85 Cote 214.
86 Cote 430.
87 Cotes 431, 432 et 434.
88 Cotes 214 et 215.
89 Cotes 1815, 1833 et 2451.
90 Cote 2440.
91 Cotes 430 à 435.
92 Cotes 430 à 435.
93 Cote 434.
94 Cote 5629.
95 Cote 424.
96 Cote 2694.
97 Cotes 1314, 1833 et 2916.
98 Cote 2329.
99 Cote 433.
100 Cote 214.
101 Cote 2451.
102 Cote 2329.
103 Cote 1178.
104 Cotes 1314 et 1315.
105 Cotes 1605 et 1606.
106 Cote 1444.
107 Cote 1751.
108 Cote 2267.
109 Cote 1729.
110 Cote 1903.
111 Cote 489.
112 Cote 2694.
113 Cote 1375.
114 Cotes 1178 et 1375.
115 Cotes 1605 et 1729, 2694.
116 Cotes 489, 1606 et 2329.
117 Cote 2329.
118 Cote 1514.
119 Cote 2141.
120 Cote 2141.
121 Cote 1600.
122 Cote 1020.
123 Cote 1020.
124 Cote 1286.
125 Cotes 1151 à 1171.
126 Cotes 1104 et 1105.
127 Cotes 5624, 5631, 5637, 5643, 5647 et 5650.
128 Cotes 425 à 427.
129 Cote 214.
130 Cotes 969 à 1017.
131 Cote 968.
132 Cotes 969 à 1017.
133 Cote 968.
134 Cote 967.
135 Cote 438.
136 Cote 215.
137 Cotes 1177 et 1604.
138 Cotes 1513 à 1515.
139 Cotes 1208 à 1210.
140 Cotes 1199 à 1206, 1687 à 1689, 1543 à 1544 et 1225 à 1232.
141 Cotes 1177, 1604 et 1513.
142 Cotes 1178, 1605 et 1514.
143 Cotes 1178 et 1605.
144 Cote 968.
145 Cote 532.
146 Cote 968.
147 Cote 2694.
148 Cote 212.
149 Cote 431.
150 Cote 2741.
151 Cote 2695.
152 Cote 2694.
153 Cote 2694.
154 Cote 2694.
155 Cote 2695.
156 Cote 2694.
157 Cote 489.
158 Cote 212.
159 Cotes 212, 430, 434 et 2451.
160 Cotes 457, 458 et 473.
161 Cote 489.
162 Cote 532.
163 Cote 531.
164 Cote 457.
165 Cotes 540 et 541.
166 Cotes 534 à 539.
167 Cote 531.
168 Cotes 489 et 531.
169 Cote 428.
170 Cote 689.
171 Cote 532.
172 Cote 939.
173 Cotes 1229 et 1231.
174 Cote 1200.
175 Cote 945.
176 Cotes 1388 et 1390.
177 Cote 212.
178 Cote 1178.
179 Cotes 1314 et 1315.
180 Cotes 1443 et 1444.
181 Cotes 2267 et 2268.
182 Cote 1729.
183 Cote 1751.
184 Cote 1903.
185 Cote 2329.
186 Cote 1375.
187 Cote 1605.
188 Cote 531.
189 Cote 2694.
190 Cote 968.
191 Cote 1210.
192 Cote 1514.
193 Cote 2440.
194 Cotes 744 à 767.
195 Cotes 499 à 521.
196 Cotes 5622 à 5650.
197 Pour chaque période considérée, le nombre de relevés attestant que le prix pratiqué, s’agissant d’une référence donnée, est strictement égal au prix diffusé par Dammann Frères pour cette même référence est rapporté au nombre total de relevés réalisés par les enquêteurs. De même, le nombre de relevés attestant que la différence entre le prix pratiqué, s’agissant d’une référence donnée, et le prix diffusé par Dammann Frères pour cette même référence est inférieure à 10 % du prix pratiqué est rapporté au nombre total de relevés réalisés par les enquêteurs.
198 Cote 2451.
199 Cote 1277.
200 Cote 1814.
201 Cote 1833.
202 Cotes 2916 et 2919.
203 Cotes 2921 et 2922.
204 Cote 2206.
205 Cote 2105.
206 Cote 2973.
207 Cote 2440.
208 Cote 2659.
209 Cote 1514.
210 Cotes 1314, 1443, 1833, 2206, 2267, 2329, 2694 et 2916.
211 Cotes 1314, 1833, 2267, 2329, 2694 et 2916.
212 Cotes 1314, 1833, et 2916
213 Cote 2267
214 Cote 2694
215 Cote 2329
216 Cote 258.
217 Cote 212.
218 Cotes 445, 457, 458, 1511 et 1732.
219 Cotes 212 et 213.
220 Cotes 213 et 436.
221 Cotes 489, 1278, 1286 et 1815.
222 Cotes 466, 467, 1281 et 1282.
223 Cote 467.
224 Cotes 467 et 1282.
225 Cote 213.
226 Cotes 489, 1278, 1286 et 1815.
227 Cote 1282.
228 Cote 489.
229 Cote 489.
230 Cote 467.
231 Cotes 213 et 489.
232 Cote 213.
233 Cotes 6589 à 6591.
234 Cotes 466, 467, 1281 et 1282.
235 Cotes 212 et 213.
236 Cote 213.
237 Cote 213.
238 Cote 1281.
239 Cote 1815.
240 Cote 1281.
241 Cote 1815.
242 Cote 213.
243 Cote 7884 à 7898.
244 Cotes 24 et 69.
245 CE, 31 mars 2017, n° 401059, points 4 et 5.
246 Conclusions de V. Daumas dans l’affaire, n° 401059, p. 4.
247 Commission européenne, Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO C 101 du 27 avril 2004, p. 0081–0096, point 18.
248 Commission européenne, Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO C 101 du 27 avril 2004, p. 0081–0096, point 19.
249Arrêt du 14 décembre 2006, Österreichische Volksbanken et Niederösterreichische Landesbank- Hypothekenbank / Commission, T-259/02 à T–264/02 et T–271/02, EU:T:2006:396, point 181.
250Arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank / Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, EU:C:2009:576, point 38 ; voir aussi arrêt du 4 septembre 2014, API e.a., C-184/13 à C-187/13, C-194/13, C-195/13 et C-208/13, EU:C:2014:2147, point 44 et arrêt de la Cour de cassation du 7 octobre 2014, Kontiki, n° 13-19.476.
251 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, p. 6.
252 Arrêts de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6 et du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745 ; arrêt de la cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 11/18 245.
253 Commission européenne, Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO C 101 du 27 avril 2004, p. 0081–0096, point 53.
254 Décision n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, paragraphes 91 et suivants, arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, n° 2012/01227, page 4 et arrêt de la Cour de cassation du 7 octobre 2014, n° P 13-19.476, page 3.
255 Cote 7034.
256 Sur la page du site Internet de Dammann Frères présentant une carte présentant les revendeurs des produits de la marque, dont le revendeur Dammann Frères Luxembourg, accessible à partir de l’URL : www.dammann.fr/fr/nos-revendeurs/ (consulté le 30 novembre 2020).
257 Cotes 7923 et 7965.
258 Arrêt du 19 mars 2003, CMA CGM e.a. / Commission, T-213/00, EU:T:2003:76, point 206.
259 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 ; Décision n° 10-D-13 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 221 ; Décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 364.
260 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.
261 Décision n° 10-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 à 159.
262 Cote 7904.
263 Cotes 7984 et suivantes.
264 Annexe 13 aux observations de DAMMANN Frères sur le rapport, cote 8000.
265 Cote 6396.
266 Cote 210.
267 Cote 211.
268 Cote 8000.
269 Arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma / Commission, C-41/69, EU:C:1970:71, point 112, et du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242, point 67 ; arrêt de la cour d’appel de Paris, 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, p. 9, devenu définitif après les arrêts de rejet de la Cour de cassation du 7 avril 2010.
270 Arrêt du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242, point 173.
271 Arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services c/ Commission, T-168/01, EU:T:2006:265, points 83-84.
272 Arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a. / Commission, C-204/00, EU:C:2004:6, point 237.
273 Arrêt du 16 janvier 2020, Société Canna France, n° 19/03410, p. 8.
274 Arrêt du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255.
275 Arrêt du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242.
276 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.
277 Arrêt du 7 avril 2010, Puériculture de France, n° 09-11853.
278 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 2010/23945, p. 44, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, n° Y 12-13.961 - B 12-14.401 A 12-14.584 - N 12-14.595 Q 12-14.597 - R 12-14.598 U 12-14.624 - V 12-14.625, C 12-14.632
– V 12-14.648.
279 Arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, C-02/01 P, EU:C:2004:2, point 84.
280 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation Beauté Prestige International précité.
281 Cotes 7907 à 7918.
282 Voir notamment les décisions n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 835 ; n° 19-D-17 du 30 juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphes 141 à 151 et 154 à 160 ; n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats, paragraphes 180 et 181 ; et n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, paragraphes 119 et 120. Voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, 2012/01227, p. 6.
283 Arrêts de la Cour de cassation, du 3 juin 2013, Beauté Prestige International, précité, p. 28 et du 7 janvier 2011, Société Philips France, n° 09-14.316, 09-14.667.
284 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, RG n° 2006/14057, p. 16.
285 Cote 7920.
286 Cote 7922.
287 Cotes 213, 1277, 1315, 1443, 1729, 1814 et 7980.
288 Cotes 1209 et 1833.
289 Cote 213.
290 Cote 1281.
291 Cotes 466, 467, 1281 et 1282.
292 Cote 212.
293 Cote 214.
294 Cote 213.
295 Cotes 489, 967, 1104, 1178, 1210, 1277, 1285, 1315, 1375, 1442, 1514, 1600, 1604, 1729, 1751, 1814,
1833, 1903, 1938, 2105, 2141, 2206, 2267, 2328, 2440, 2450, 2694, 2741, 2807, 2846, 2915 et 2973.
296 Cote 213.
297 Cotes 744 à 767.
298 Cotes 1375 et 2973.
299 Cotes 7063 à 7069.
300 Cote 258.
301 Cotes 744 à 767 et 1509.
302 Cotes 445, 458, 1511 et 1732.
303 Cotes 466 à 467 et 1280 à 1282.
304 Cote 1509.
305 Voir, notamment, les cotes 701 à 713, 717 à 723, 971 à 1017, 1035 à 1041, 1133 à 1170, 1225 à 1232, 1270
à 1273, 1307 à 1311, 1345 à 1356, 1386 à 1400, 1478 à 1491, 1543, 1544, 1546 à 1564, 1589 à 1597, 1681,
1683 à 1695, 1735 à 1811, 1818 à 1830, 1836 à 1860, 1912 à 1927, 1973 à 1985, 2119 à 2137, 2182 à 2203,
2214 à 2232, 2309 à 2326, 2335 à 2343, 2355 à 2368, 2444 à 2447, 2535, 2536, 2539, 2541 à 2543, 2546,
2547, 2549, 2550, 2670 à 2691, 2709 à 2717, 2787, 2831 à 2839, 2900 à 2912, 3010, 3011 et 6642 à 6663.
306 Cotes 211 et 212.
307 Cotes 220, 445, 457, 458, 473, 474, 1509 à 1511, 1728, 1731 et 1732.
308 Cote 212.
309 Cote 424.
310 Cotes 445, 458, 1511 et 1732.
311 Cote 258.
312 Cotes 445 et 458.
313 Cotes 445, 458 et 1732.
314 Cote 473.
315 Cote 214.
316 Cote 214.
317 Cote 214.
318 Cote 457.
319 Cote 1732.
320 Cote 7044.
321 Cote 1729.
322 Cotes 1277, 1314, 1315, 1444, 1804, 1833, 2267, 2451, 2694, 2916 et 2919.
323 Cotes 1277 et 2694.
324 Cotes 431, 432 et 434.
325 Cote 430.
326 Cotes 489, 1178, 1314, 1315, 1375, 1444, 1605, 1729, 1751, 1903, 2267, 2329 et 2694.
327 Cote 2329.
328 Cotes 969 à 1017 et 1151 à 1171.
329 Cotes 428, 489, 531 et 2694.
330 Cote 2695.
331 Cote 689.
332 Cotes 7041 et 7042.
333 Cote 968.
334 Cote 215.
335 Cote 532.
336 Cotes 7041 et 7042.
337 Cotes 1199 à 1206, 1687 à 1689, 1543 à 1544 et 1225 à 1232.
338 Cotes 1177, 1604 et 1513.
339 Cotes 1178, 1605 et 1514.
340 Cotes 1178 et 1605.
341 Cote 967.
342 Cote 7067.
343 Cote 7064.
344 Cote 2694.
345 Cote 531.
346 Cote 7066.
347 Cote 7066.
348 Cote 7069.
349 Cote 7924.
350 Cotes 1209, 2105 et 2972.
351 Cote 2440.
352 Cotes 1286, 1514, 2141 et 2659.
353 Cote 1514.
354 Cote 1600.
355 Cotes 1020 et 1600.
356 Cote 7922.
357 Cote 445.
358 Cote 1511.
359 Cote 1732.
360 Cote 1728.
361 Cotes 1731 à 1733.
362 Cote 457.
363 Cote 7044.
364 Cote 1729.
365 Cote 445.
366 Cote 1814.
367 Cote 446.
368 Cote 1444.
369 Cote 7924.
370 Cote 7059.
371 Cotes 7058 et 7059.
372 Cote 7924.
373 Cote 7058.
374 Thés vendus en vrac, conditionnés en sachets et en boîtes métalliques confondus.
375 Voir, par analogie, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 2010/23945, confirmé sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013 précité.
376 Cote 7045.
377 Cotes 489, 968, 1178, 1314, 1315, 1375, 1444, 1605, 1729, 1751, 1903, 2267, 2329 et 2694.
378 Cotes 1277, 1814, 1833, 2451, 2921 et 2922.
379 Cotes 1314, 1443, 1833, 2206, 2267, 2329, 2694 et 2916.
380 Cotes 1314, 1833, 2267, 2329, 2694 et 2916.
381 Cote 2329.
382 Cote 7924.
383 Cotes 1210, 2105, 2206 et 2973.
384 Cote 2440.
385 Cotes 1514 et 2659.
386 Cotes 1210, 1514, 2105, 2206, 2440, 2659, 2973.
387 Cote 2206.
388 Cote 2105.
389 Cote 2659.
390 Cote 7924.
391 Cotes 1020, 1286, 1600 et 2141.
392 Cotes 1286 et 2141.
393 Cotes 214 et 215.
394 Cotes 434, 1814, 1833, 2440 et 2451.
395 Cotes 1814, 1833, 1451, 2440 et 5629.
396 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 33.
397 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, n° 12/01227.
398 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 54.
399 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 40.
400 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 44.
401 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 51 et jurisprudence citée. 402 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 52 et jurisprudence citée. 403 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 53 et jurisprudence citée. 404 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 36 et jurisprudence citée. 405 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, n° 12/01227.
406 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, p. 1-46.
407 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, point 48.
408 Cotes 1209 et 1833.
409 Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 102 du 23 avril 2010, p. 1-7.
410 Arrêt du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a. / Commission, T-49/02 à T-51/02, EU:T:2005:298, point 185.
411 Arrêts du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger / Commission, T-43/92, EU:T:1994:79, point 79, du 16 novembre 2006, Peroxidos Orgânicos / Commission, T-120/04, EU:T:2006:350, point 51 ; et du 5 avril 2006, Degussa / Commission, T-279/02, EU:T:2006:103, point 153.
412 Arrêts du 20 mars 2002, Dansk Rorindustri / Commission, T-21/99, EU:T:2002:74, points 53 à 56, du 5 avril 2006, Degussa / Commission, T-279/02, EU:T:2006:103, point 178, et du 19 mai 2010, IMI e.a. / Commission, T-18/05, EU:T:2010:202, points 96 à 97 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix signalisation e.a., n° 11/01228, p. 10.
413 Cotes 7925 et 7926.
414 Cote 212.
415 Cotes 969 à 1017.
416 Cote 434.
417 Cote 5629.
418 Cote 424.
419 Cote 1728.
420 Cote 1732.
421 Cote 1729.
422 Cote 1731.
423 Cote 1729.
424 Cote 424.
425 Cote 1727.
426 Cote 2329.
427 Cotes 445 et 1511.
428 Cotes 214, 215, 1815, 1833, 2440 et 2451.
429 Cote 434.
430 Cote 7058.
431 Arrêt du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C‑ 230/16, EU:C:2017:941, point 58.
432 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑ 228/18, EU:C:2020:265, point 52 et jurisprudence citée.
433 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑ 228/18, EU:C:2020:265, point 53 et jurisprudence citée.
434 Commission européenne, Communication concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (communication de minimis), JO C 291 du 30 août 2014, p. 1-4, point 8.
435 Commission européenne, Communication concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (communication de minimis), JO C 291 du 30 août 2014, p. 1-4, point 2.
436 Commission européenne, Communication concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (communication de minimis), JO C 291 du 30 août 2014, p. 1-4, point 13.
437 Arrêt du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C-230/16, EU:C:2017:941, point 65.
438 Arrêt du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C-230/16, EU:C:2017:941, points 66-68.
439 Arrêt du 25 octobre 1977, Metro, affaire 26-76, EU:C:1977:167.
440 Cotes 7931 à 7936.
441 Cote 7944.
442 Cotes 7944 et 7945.
443 Cotes 744 à 767 et 1509.
444 Cotes 466, 467, 1281 et 1282.
445 Cotes 445, 457, 458, 1511 et 1732.
446 Cotes 213, 489, 1278, 1282, 1286, 1815 et 6589 à 6591.
447 Cotes 7082.et 7948.
448 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JO L 1 du 4 janvier 2003, p. 1-25.
449 Arrêts de la Cour de cassation du 28 juin 2003, Domo services maintenance, n° 01-00528, et du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910.
450 Arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge ciments e.a., n° 10-17482 10-17791.
451 Cote 7980.
452 Voir notamment arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 juillet 2018, n° 16/01270, p. 122-124 et arrêt de la Cour de justice du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan / Commission, C-227/14, points 56-59.
453 Distributeurs qui ne pratiquent qu’une activité de distribution en ligne.
454 Cote 7980.
455 Cotes 7965 et 7966.
456 Cotes 488, 489, 1177, 1208, 1285, 1374, 1375, 1443, 1513, 1599, 1604, 1727, 1750, 1751, 1813, 1832,
1833, 1902, 2140, 2141, 22054, 2206, 2267, 2328, 2439, 2658, 2659, 2693 à 2695, 2915, 2972 et 2977.
457 Cotes 7964 et 7965.
458 Cote 7953.
459 Voir, par exemple, décision n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, point 1246.
460 Arrêt du 21 septembre 2006, JCB Service / Commission, C-167/04 P, EU:C:2006:594, point 211 ; Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mars 2008, José Alvarez e.a., n° 2007/00370.
461 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, p. 17.
462 Cote 7954.
463 Cotes 7954 et 7960.
464 Cote 7958.
465 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 07/18040, p. 4.
466 Arrêt du 26 janvier 2010, Adecco France SAS e.a., n° 09/03532.
467 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., n° 09-12984, n° 09-13163 et n° 09-65940.
468 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., n° 09-12984, n° 09-13163 et n° 09-65940.
469 Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04 13910.
470 Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04 13910.
471 Cote 7956.
472 Calculs réalisés à partir des données fournies en annexe de l’analyse économique communiquée par Dammann Frères ; voir cote 8090.
473 Cotes 7833 et 7956.
474 Cotes 210 et 2740.
475 Cotes 7962 à 7968.
476 Rapporté aux ventes de Dammann Frères, l’impact de cet écart de prix pour les consommateurs est accru par la marge de détail réalisée par les revendeurs sur le prix d’achat des produits Dammann Frères, qui peut être de l’ordre de 60 % (cotes 1209, 1286, 1605 et 2330) et de 55 % une fois corrigée de l’écart de prix entre site en ligne et boutique physique de 12 % constaté au premier semestre 2017.
477 Cotes 968 et 2694.
478 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JO n° L 1 du 4 janvier 2003, p. 1-25.