CCE, 18 février 2009, n° M.5411
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Johnson & Johnson Consumer France/ Vania - Laboratoires Polivé
Messieurs, Mesdames,
Objet : Affaire n° COMP/M.5411 Johnson & Johnson Consumer France/ Vania - Laboratoires Polivé
Votre notification du 14 janvier 2009 conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139/2004.
I. LES PARTIES ET L'OPERATION
(1) Le 14 janvier 2009, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139/2004 (ci-après "le Règlement Concentrations"), d'un projet de concentration par lequel la société Johnson & Johnson Consumer France ("JJCF"), filiale de la société américaine Johnson & Johnson ("JJ"), acquiert le contrôle exclusif de l'ensemble des sociétés Vania Expansion SNC ("Vania") et laboratoires Polivé SNC ("Polivé"), ainsi que de l'activité Belgique et Luxembourg de Georgia Pacific France SAS ("GP", France). Avant l'opération, JJCF détenait 50% de Vania et 50% de Polivé sous forme de deux sociétés communes avec GP, filiale du groupe Georgia Pacific.
(2) JJCF est une société industrielle spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques et d'hygiène en France. JJCF est détenue par JJ qui est active sur les marchés (i) des produits pharmaceutiques, (ii) des dispositifs à usage médical et pour diagnostic et (iii) des produits cosmétiques et d'hygiène pour le grand public.
(3) Vania est une société spécialisée dans la commercialisation de produits de protection féminine et de produits cosmétiques, principalement en France.
(4) Polivé est une société spécialisée dans la commercialisation de produits de protection féminine, de produits cosmétiques, de produits de traitement des plaies et d'accessoires de puériculture, principalement en France.
(5) Conformément à l'accord d'acquisition conclu le 5 décembre 2008 entre JJCF et GP, JJCF procèdera à l'acquisition de l'intégralité du capital et des droits de vote de Vania et de Polivé.
(6) L'opération a une dimension communautaire au sens de l'article 1(2) du Règlement Concentrations, le chiffre d'affaires agrégé mondial des parties excédant 5 milliards d'euros (en 2007, JJ a réalisé 48,488 milliards d'euros de chiffre d'affaires et Vania et Polivé ont réalisé cumulativement 306,1 millions d'euros) et le chiffre d'affaires agrégé au niveau communautaire d'au moins deux des sociétés concernées est supérieur à 250 millions d'Euros (soit […] milliards d'euros pour JJ et cumulativement […] millions d'euros pour Vania et Polivé). JJ n'a pas réalisé plus des deux-tiers de son chiffre d'affaires au niveau communautaire dans un Etat membre.
II. LES MARCHES EN CAUSE
Marché de produits
(7) Les parties sont actives sur les marchés des produits cosmétiques (hygiène dentaire, soin de la peau du visage et hygiène intime), les produits de traitement des plaies et les produits de protection féminine (les tampons). Toutefois, seuls certains marchés de produits de protection féminine sont affectés par la transaction.
(8) Sur l'activité de la protection féminine, la Commission1 a considéré que les marchés suivants étaient distincts: (i) les protège-slips, (ii) les tampons et (iii) les serviettes hygiéniques.
Tampons
(9) Le principal marché affecté par l'opération est le marché des tampons. Ils sont utilisés pour les cycles mensuels des femmes. Les tampons, constitués d'une fibre compressée à effet absorbant, peuvent être introduits manuellement ou bien à l'aide d'un applicateur.
(10) En réponse à l'enquête de marché de la Commission, plusieurs entreprises ont souligné qu'il était pertinent de distinguer d'une part les tampons avec applicateur et d'autre part les tampons sans applicateur – également appelés "digitaux". En tout état de cause, cette distinction peut être laissée ouverte car elle n'a pas d'incidence sur l'analyse de cette affaire.
(11) Par ailleurs, il ressort également de l'enquête de marché que les tampons vendus par les distributeurs (sous marques de distributeurs, "MDD") seraient largement substituables aux tampons de grandes marques. Cette question peut être également laissée ouverte.
(12) Enfin, une dernière distinction peut être envisagée, en fonction du canal de distribution: grandes et moyennes surfaces d'une part, pharmacies et parapharmacies d'autre part. En ce qui concerne le marché français, ainsi que l'a confirmé l'enquête de marché, ces deux canaux correspondent à des contextes d'achat bien distincts, la pharmacie constituant pour les consommatrices un circuit d'achat de dépannage. En effet, les prix pratiqués en pharmacies et parapharmacies sont, pour des produits similaires, bien supérieurs à ceux des grandes et moyennes surfaces. Ces ventes en pharmacie et parapharmacie représentent moins de 5% des ventes de tampons en France. Par ailleurs, il faut constater que les marques de tampons sont en général exclusivement présentes dans l'un ou l'autre canal. Ainsi, les tampons "Ob" (JJCF) ne se vendent qu'en pharmacie alors que les tampons "Vania" et "Nett" (Vania) ne se trouvent qu'en grandes et moyennes surfaces. Il faut également noter que les tampons vendus sous marques de distributeurs, dont les ventes sont en augmentation constante, représentent [20-30]% des ventes en grandes et moyennes surfaces, alors qu'elles sont absentes des pharmacies et parapharmacies. Pour toutes ces raisons, il ressort que les conditions de concurrence diffèrent très sensiblement entre le marché des tampons vendus en pharmacies et parapharmacies d'une part et le marché des tampons vendus en moyenne et grande surface d'autre part.
(13) Ceci est confirmé par la variation des parts de marché des principaux producteurs de tampons entre les deux canaux. Alors que les ventes de JJCF (tampons "Ob") représentent [90-100]% des ventes en pharmacies et parapharmacies, JJCF ne vend pas de tampons en grandes et moyennes surfaces. De même, le premier acteur sur le marché des tampons vendus en grandes et moyennes surfaces – Procter & Gamble avec une part de marché de [40-50]% - ne détient que [0-5]% du marché en pharmacies et parapharmacies. La Commission conclut donc que le marché français des tampons vendus en pharmacies et parapharmacies d'une part et le marché français des tampons vendus en moyennes et grandes surfaces d'autre part constituent deux marchés distincts. Cette distinction par canal de distribution peut être laissée ouverte en ce qui concerne la Belgique et le Luxembourg.
Protège-slips
(14) Toujours dans la décision M.430, la Commission n'a pas opéré de distinction au sein du marché des protège-slips. Toutefois, de même que pour les tampons, une distinction suivant le canal de distribution peut être envisagée, et laissée ouverte pour l'appréciation de cette affaire.
Marché géographique
(15) Dans la décision M.430 précitée, la Commission a considéré que le marché géographique en cause pour les produits de protection féminine était national, au moins pour ce qui concernait l'Espagne et l'Allemagne. L'enquête de marché a très largement confirmé une délimitation nationale pour ces marchés.
III. ANALYSE CONCURRENTIELLE
A. Marché des tampons en France
(16) Dans la mesure où JJCF n'est présent qu'en pharmacies et parapharmacies alors que Vania vend exclusivement ses produits en grandes et moyennes surfaces, ce marché n'est pas affecté par la transaction.
B. Marché des protège-slips en Belgique/Luxembourg
(17) JJ est présent sur ce marché avec les produits sous marque Carefree. L'activité de GP, qui sera rachetée par JJ, est très récente et concerne la marque Kotydia. GP ne vend ses produits qu'en grandes et moyennes surfaces. Le chevauchement entre les activités des parties est minimal (en grandes et moyennes surfaces - JJ: [10-20]%; GP: [0-5]%). Les parties devront toujours faire face à des concurrents importants comme Procter & Gamble ([50-60]% - marque Alldays) ainsi qu'aux marques de distributeurs ([20-30]% au total).
C. Marché des tampons en Belgique/Luxembourg
(18) JJ est présent sur ce marché avec les produits sous sa marque Ob. L'activité de GP, qui sera rachetée par JJ, est très récente et concerne la marque Body Adapt. GP ne vend ses produits qu'en grandes et moyennes surfaces. Le chevauchement entre les activités des parties est minimal (en grandes et moyennes surfaces - JJ: [30-40]%; GP: [0-5]%). Les parties devront toujours faire face à des concurrents importants comme Procter & Gamble ([50-60]% - marque Tampax) ainsi qu'aux marques de distributeurs ([5-10]% au total).
IV. CONCLUSION
(19) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun et avec l'accord EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 139/2004.
1 Affaire n° COMP / M430 Procter & Gamble /VP Shickedanz, décision du 21 juin 1994