Livv
Décisions

Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-20.231

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Robin

Défendeur :

Editions Atlas (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Le Griel, SCP Yves et Blaise Capron

TGI Sens, du 26 août 2015

26 août 2015

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mai 2018), la société Editions Atlas, spécialisée dans l'édition et la commercialisation de produits de loisirs, a conclu avec M. Robin, le 20 décembre 2006, une convention pour lui confier, pour une durée indéterminée, la prospection de ses clients sur un secteur géographique au sein de l'arrondissement de Sens.

2. Après avoir cessé d'exécuter son contrat le 1er juillet 2011 et conclu le 4 juillet suivant un contrat de travail à durée indéterminée d'attaché commercial exclusif avec une société tierce, M. Robin, revendiquant le statut d'agent commercial, a assigné la société Editions Atlas en résiliation du contrat aux torts de celle-ci et en paiement de diverses indemnités.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. Robin fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas le statut d'agent commercial et rejeter ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas le 20 décembre 2006, alors « qu'au sens de l'article L. 134-1 du code de commerce, qui procède de la transposition en droit français de l'article 1er, paragraphe 2 de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, un mandataire indépendant est chargé de négocier dès lors qu'il a pour mission permanente de procurer des affaires pour une autre personne et de promouvoir ses produits auprès des prospects et de la clientèle, quoiqu'il n'ait pas le pouvoir d'en modifier les tarifs ni les conditions contractuelles ; qu'ainsi, en se déterminant par la seule circonstance que, faute de disposer d'un minimum de marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique conclue, s'agissant notamment des prix, des barèmes de remises et des conditions générales de distribution et de vente, tous éléments définis par le mandant, M. Robin ne démontrait pas avoir eu le pouvoir de négocier ni, partant, être en mesure de se prévaloir du statut d'agent commercial, sans rechercher, comme elle y était invitée, ainsi qu'en attestait le "plan de vente" remis à chaque agent, il n'avait pas pour mission de rechercher, parmi l'ensemble des produits des Editions Atlas disponibles, celui qui serait le plus susceptible de séduire le prospect, puis de présenter le produit pour lequel le client a une préférence et le convaincre de l'acheter, enfin de rechercher, dans les différentes formes de commercialisation du produit en question, les modalités financières les mieux adaptées à la situation économique du client et l'acceptation du prix le plus élevé possible, ce qui caractérise un pouvoir de négociation au sens de la directive susvisée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ».

Réponse de la Cour  

Vu l'article L. 134-1 du code de commerce :

4. Aux termes de ce texte, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.  

5. Ces dispositions résultent de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants ayant transposé en droit français la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.

6. L'article premier de cette directive dispose que « l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée "commettant", soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. »

7. Si la directive ne donne pas de définition du terme « négocier », la Cour de cassation a retenu une acception stricte de la notion de négociation, consacrant par là-même une approche restrictive de la qualification d'agent commercial. Afin de pouvoir distinguer l'agent commercial d'autres intermédiaires commerciaux, lesquels ne bénéficient pas du statut protecteur du premier, elle retenait jusqu'à présent que la négociation supposait que l'intermédiaire dispose d'une marge de manœuvre certaine pour influer sur les éléments constitutifs de la convention avant la conclusion du contrat avec le client, de nature à en permettre la réalisation (Com., 14 juin 2005, pourvoi n° 03-14.401 ; Com, 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.290). Elle en déduisait que le terme de négociation ne pouvait se résumer à une simple promotion du produit, ni davantage à la seule prospection de la clientèle ou encore à un rôle d'intermédiaire passif, mais s'entendait de la possibilité offerte à l'intermédiaire de modifier les clauses contractuelles initialement envisagées par le mandant, s'agissant notamment des prix et des conditions de vente des produits.

8. Cependant, par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de cette disposition.

9. Il en résulte que doit désormais être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.  

10. Pour dire que M. Robin n'avait pas le statut d'agent commercial et rejeter ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas, l'arrêt relève qu'il ressort des catalogues des produits et prix de vente de juin à décembre 2011 que M. Robin n'était en mesure de modifier aucun des éléments de l'offre contractuelle des Editions Atlas, s'agissant des quantités, des prix et des modalités de paiement. Il retient que M. Robin ne justifiant pas, dans ces conditions, avoir disposé effectivement d'une quelconque marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique, les prix de cession, les barèmes de remises du mandant et les conditions générales de distribution et de vente étant définis par le mandant, il ne démontre pas qu'il avait le pouvoir de négocier les contrats au nom et pour le compte de son mandant, ce qui exclut toute application du statut d'agent commercial.

11. En statuant ainsi, en se fondant sur l'impossibilité pour M. Robin de négocier les prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé.  

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. Robin n'a pas le statut d'agent commercial, le déboute de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas et statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.