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Décisions

Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-25.197

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

ADN informatique industrielle (SARL)

Défendeur :

ASPI (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Caen, 2e ch. civ. et com., du 6 sept. 20…

6 septembre 2018

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 septembre 2018), rendu en matière de référés, la société ASPI, reprochant à la société ADN des faits de concurrence déloyale, a saisi le président d'un tribunal de commerce sur requête aux fins d'être autorisée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à procéder au siège social de la société ADN à la saisie de tous documents et fichiers informatiques de nature à établir les pratiques déloyales de celle-ci.

2. Par ordonnance du 11 juillet 2017, le président du tribunal de commerce a fait droit à la demande de saisie et a ordonné le séquestre par l'huissier de justice désigné des pièces appréhendées et leur conservation en son étude jusqu'à mainlevée du séquestre et/ou communication des pièces saisies ordonnée judiciairement. Les mesures ordonnées ont été exécutées le 19 juillet 2017.

3. Le 4 août 2017, la société ASPI a assigné en référé la société ADN, sur le fondement de l'article 872 du code de procédure civile, aux fins de mainlevée et communication des éléments et pièces placés sous séquestre. Reconventionnellement, la société ADN a demandé la rétractation de l'ordonnance du 11 juillet 2017.  

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. La société ADN fait grief à l'arrêt de statuer sur la demande de main-levée du séquestre et de la communication des documents saisis après avoir statué sur la demande de rétractation de l'ordonnance, alors « que l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet ; qu'est dès lors irrecevable la demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre et la communication des documents saisis ; qu'en statuant sur ces demandes de la société ASPI en y faisant droit après avoir statué sur la demande de rétractation dont elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 497 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que le juge des référés avait été saisi par la société ASPI d'une demande de mainlevée du séquestre des documents appréhendés en exécution de l'ordonnance sur requête rendue le 11 juillet 2017 et que la société ADN avait formé, à titre reconventionnel, une demande de rétractation de cette ordonnance, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que cette demande de la société ADN, formée devant un juge qui n'était pas le juge des requêtes, était irrecevable, devait en revanche se prononcer sur la demande de mainlevée dont elle était saisie à titre principal.

6. Le moyen, qui postule le contraire, manque en droit.

Sur le quatrième moyen  

Enoncé du moyen

7. La société ADN fait grief à l'arrêt d'ordonner la main-levée du séquestre et la communication des documents saisis à la société ASPI, alors « que la demande de levée de séquestre ne tend à obtenir du juge qu'une mesure d'instruction complémentaire, destinée à assurer l'efficacité de la mesure ordonnée sur requête ; que, tout comme la mesure ordonnée sur requête, la mesure d'instruction complémentaire doit être nécessaire, proportionnée et ne pas affecter, notamment, le secret des affaires au-delà de ce qui est strictement nécessaire ; qu'en autorisant la mesure de levée du séquestre et la communication en totalité des milliers de documents saisis, sans effectuer de tri ou de filtrage, ni rechercher si n'était pas ainsi donné accès à la société ASPI à des documents susceptibles d'affecter les droits légitimes de la société ADN, relatifs notamment au secret des affaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 872 du code de procédure civile. »  

Réponse de la Cour

8. Il ne résulte ni des conclusions d'appel, dont le dispositif demandait des dommages-intérêts au titre de l'abus qu'aurait constitué la procédure de demande en mainlevée du séquestre, ni de l'arrêt que la société ADN, qui se bornait à demander le rejet de la production de pièces saisies devant la cour d’appel, ait demandé leur tri au regard de l’atteinte du secret des affaires.

9. Nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable.

Mais sur le moyen, relevé d'office

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile :

11. Il résulte de ce texte que l'instance en rétractation d'une ordonnance rendue sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire. Il s'en déduit que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet et que seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci.  

12. Pour rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 11 juillet 2017, l'arrêt retient que la nature des faits dont cette mesure devait concourir à rapporter la preuve excluait le caractère contradictoire de la procédure et justifiait le recours à l'ordonnance sur requête pour prévenir tout risque de disparition des preuves.

13. En statuant ainsi sur le bien-fondé de la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure d'instruction contestée, alors qu'elle était saisie à titre principal d'une demande de la société ASPI de mainlevée des éléments et pièces placés sous séquestre et que la demande de rétractation, qui avait été formée à titre reconventionnel par la société ADN devant elle et non devant le juge des requêtes ayant rendu cette ordonnance, était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation prononcée sur le moyen relevé d'office porte sur le seul rejet de la demande de la société ADN de rétractation de l'ordonnance du 11 juillet 2017.

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur le point atteint par la cassation, en prononçant l'irrecevabilité de la demande de rétractation de l'ordonnance, formée par la société ADN devant le juge des référés.

PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de rétractation de l'ordonnance du 11 juillet 2017, l'arrêt rendu le 6 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme l'ordonnance rendue le 27 décembre 2017 par le juge des référés du tribunal de commerce de Coutances mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en rétractation formée contre l'ordonnance du 11 juillet 2017 ; Déclare irrecevable la demande de rétractation formée contre l'ordonnance du 11 juillet 2017 par la société ADN ; Condamne la société ADN aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond.