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Décisions

Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-23.725

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Cofigex (SARL)

Défendeur :

Mme Pacaud-Bizouarne, Plein Cap Expertise Comptable (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nouméa, ch. com., du 19 juill. 2018

19 juillet 2018

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 19 juillet 2018), la société d'expertise comptable Cofigex (la société Cofigex) a eu pour associés M. Chevallier, qui détenait 85 % du capital, et Mme Pacaud-Bizouarne, qui en détenait 15 %. A la suite de dissensions, Mme Pacaud-Bizouarne a informé son associé, par une lettre du 25 octobre 2012, de sa décision de quitter la société pour créer son propre cabinet. Elle a démissionné de sa fonction de co-gérante le 31 décembre 2012 et a créé la société Plein cap expertise comptable (la société Plein cap), immatriculée le 11 janvier 2013.

2. Reprochant à Mme Pacaud-Bizouarne et à la société Plein cap des actes de concurrence déloyale, la société Cofigex les a assignées en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Cofigex fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :  « 1°) que commet un acte de concurrence déloyale l'associé d'un cabinet d'expertise-comptable qui, cessant d'y travailler à la fin d'un exercice fiscal, crée son propre cabinet d'expertise comptable en emportant avec lui la comptabilité déjà saisie des clients qu'il suivait au sein du cabinet qu'il a quitté ; qu'en retenant, pour débouter la société Cofigex de ses prétentions sur le fondement de la concurrence déloyale, que celle-ci ne démontrait pas un détournement frauduleux de données par Mme Pacaud-Bizouarne, quand elle avait pourtant constaté, d'une part, que la clef USB conservée par celle-ci comportait une partie de la comptabilité des clients de la société Cofigex, c'est-à-dire le travail réalisé pour le compte de cette société, et, d'autre part, que les clients n'avaient pas eux-mêmes personnellement demandé à la société Cofigex que leur dossier soit transféré à la nouvelle structure de Mme Pacaud-Bizouarne, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil, désormais article 1240 dudit code ; 2°) qu'en se bornant à retenir, pour débouter la société Cofigex de ses prétentions sur le fondement de la concurrence déloyale, que celle-ci ne rapporte pas la preuve que les éléments figurant sur la clef USB suffisaient à Mme Pacaud-Bizouarne pour établir les comptes de fin d'année et qu'ils étaient ainsi à l'origine du départ de la clientèle dont s'occupait l'associée minoritaire, outre que celle-ci s'était par ailleurs fait remettre par certains clients leurs grands livres et leurs états financiers, sans rechercher si, compte-tenu des explications données par la présidente de l'ordre des experts-comptables et des comptables libéraux agréés de Nouvelle Calédonie dans un courrier régulièrement produit aux débats par la société Cofigex dont celle-ci se prévalait, il n'était pas impossible que Mme Pacaud-Bizouarne ait pu ressaisir toute la comptabilité de dizaines de clients en pleine saison fiscale et très improbable que ces derniers aient pu lui communiquer leurs grands livres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, désormais article 1240 dudit code. »

Réponse de la Cour  

4. Après avoir énoncé que le démarchage de la clientèle d'autrui n'est fautif que s'il est réalisé par des procédés déloyaux, et relevé que le départ de Mme Pacaud-Bizouarne avait été précédé de négociations en vue d'une cession d'une partie de la clientèle, lesquelles avaient échoué, et que certains clients avaient décidé de la suivre, en souhaitant qu'elle conserve leurs dossiers, comme ils en étaient libres en raison du fort intuitu personae caractérisant les relations d'un client avec son expert-comptable, l'arrêt retient que la conservation par Mme Pacaud-Bizouarne d'une clé USB, dont elle se servait pour travailler à domicile et contenant une partie de la comptabilité des clients qu'elle suivait au sein de la société Cofigex, ne constitue pas un détournement frauduleux de données confidentielles appartenant à celle-ci, les fichiers relatifs aux données comptables des clients appartenant à ces derniers, qui étaient en droit de réclamer leurs dossiers à la société Cofigex. Il retient encore que rien n'établit que ces fichiers suffisaient à Mme Pacaud-Bizouarne pour établir les comptes de fin d'année et que leur conservation par elle était à l'origine du départ de ces clients.

5. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour, qui n'a pas constaté, contrairement à ce que prétend le moyen en sa première branche, que les clients n'avaient pas eux-mêmes personnellement demandé le transfert de leurs dossiers, et qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la seconde branche, que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir que les actes reprochés à Mme Pacaud-Bizouarne et de la société Plein cap ne constituaient pas des actes de concurrence déloyale.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi.