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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 26 novembre 2020, n° 19/06686

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison Le Marquier (SAS)

Défendeur :

Forge Adour Distribution (SARL), Forge Adour (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Patrie

Conseillers :

M. Braud, Mme Vallée

T. com. Bordeaux, du 3 déc. 2019

3 décembre 2019

Le groupe FORGE ADOUR est spécialisé dans la fabrication et la commercialisation d'appareils de cuisson sur plaque de type « planchas » et d'une gamme d'accessoires vendus sous la marque FORGE ADOUR. Les planchas FORGE ADOUR et leurs accessoires sont imaginés et créés par la société FORGE ADOUR, fabriqués en Espagne par l'usine FORGE ADOUR IBERICA et distribués par FORGE ADOUR DISTRIBUTION.

Les produits FORGE ADOUR sont vendus sur l'ensemble du territoire français et à l'international.

La société MAISON LE MARQUIER SAS fabrique et commercialise en France des appareils de cuisson de type planchas et des barbecues sous la marque LE MARQUIER.

Ces deux sociétés sont en situation de concurrence.

Se plaignant d'actes de concurrence déloyale et parasitaires, la société FORGE ADOUR SAS et la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION SARL ont, par acte du 17 septembre 2019, fait assigner la société MAISON LE MARQUIER SAS devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir, en substance, ordonner des mesures permettant de faire cesser au plus vite les pratiques dénoncées.

Par ordonnance du 3 décembre 2019, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a :

- rejeté les exceptions d'incompétence territoriale et matérielle,

- ordonné à la société MAISON LE MARQUIER de faire disparaître de tous ses supports promotionnels toute allusion à « l'invention » de la plancha, celle du « barbecue vertical », la détention du label et leur statut de n°1 national, ce sous astreinte de 250 € par jour à compter du 10ème jour après signification de la présente ordonnance, ladite astreinte limitée à un mois passé lequel il sera de nouveau fait droit,

- réservé la liquidation de l'astreinte,

- invité les sociétés FORGE ADOUR SAS et FORGE ADOUR DISTRIBUTION SARL, à mieux se pourvoir sur le retrait du marché des modèles litigieux,

- condamné la société MAISON LE MARQUIER à verser une indemnité provisionnelle de 10 000 € à la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION SARL,

- rejeté la demande d'indemnité formée par la société FORGE ADOUR SAS,

- condamné la société MAISON LE MARQUIER à verser la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MAISON LE MARQUIER aux dépens.

Par déclaration en date du 18 décembre 2019, la société MAISON LE MARQUIER a interjeté appel de la décision.

Par conclusions déposées le 11 mars 2020, la société MAISON LE MARQUIER demande à la cour de :

Réformer l'ordonnance en date du 3 décembre 2019 en ce qu'elle a :

- Retenu sa compétence territoriale en violation des dispositions dc l'article 46 du code de procédure civile ;

- Retenu sa compétence matérielle en violation des dispositions des articles L. 331 1 et L. 521 3 1 du code de la propriété intellectuelle.

- Evincé l'évidente contestation sérieuse (tant des chefs d'incompétence que de la contestation des faits eux-mêmes) interdisant à la formation des référés de statuer en application de l'article 872 du code de commerce ;

- Omis de statuer sur la demande subsidiaire d'application de l'article 78 du code de procédure civile ;

- Ordonné à la société MAISON LE MARQUIER de « faire disparaitre » de ses supports promotionnels toute « allusion à l'invention de la plancha », « celle du barbecue vertical », « la détention du label » et « leur statut de n°1 national » sous astreinte ;

- Condamné la société LE MARQUIER à verser une indemnité provisionnelle de 10 000 euros à la societe FORGE ADOUR DISTRIBUTION Sarl ;

- Condamné la société LE MARQUIER à verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Statuant à nouveau,

- Relever l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Bordeaux au profit des juridictions du ressort de DAX,

- Subsidiairement, relever l'incompétence matérielle du tribunal de commerce au profit du tribunal de grande instance spécialisé,

- Subsidiairement, déclarer irrecevable l'action et les demandes formées devant la formation des référés,

En conséquence,

- Débouter les sociétés FORGE ADOUR de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner solidairement la société FORGE ADOUR et la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION à payer à la société MAISON LE MARQUIER la somme de 50 000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement la société FORGE ADOUR et la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION à payer à la société MAISON LE MARQUIER la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entier dépens.

Par conclusions déposées le 14 février 2020, la société FORGE ADOUR SAS et la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION demandent à la cour de :

- Infirmer l'ordonnance rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce de Bordeaux le 3 décembre 2019 en ce qu'elle a invité les sociétés FORGE ADOUR et FORGE ADOUR DISTRIBUTION à mieux se pourvoir sur le retrait du marché des modèles litigieux et rejeté la demande d'indemnité formée par la société FORGE ADOUR ;

- Confirmer l'Ordonnance rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce de Bordeaux le 3 décembre 2019 en toutes ses autres dispositions ;

- Débouter la société MAISON LE MARQUIER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, les rejeter ;

En conséquence :

- Déclarer le Tribunal de commerce de Bordeaux compétent territorialement et matériellement pour juger l'action menée par les intimées ;

- Dire et juger les sociétés FORGE ADOUR et FORGE ADOUR DISTRIBUTION recevables et bien fondées en leur action ;

- Dire et juger qu'en faisant usage dans sa communication d'allégations fausses et mensongères de nature à induire en erreur le consommateur, la société MAISON LE MARQUIER s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés FORGE ADOUR et FORGE ADOUR DISTRIBUTION ;

- Dire et juger qu'en commercialisant un modèle reproduisant, sans nécessité absolue, de nombreuses caractéristiques des planchas FORGE ADOUR, leur valeur économique, apportant une valeur ajoutée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un effort intellectuel et d'investissements la société MAISON LE MARQUIER s'est rendue coupable d'agissements parasitaires fautifs au préjudice des sociétés FORGE ADOUR et FORGE ADOUR DISTRIBUTION ;

- Débouter la société MAISON LE MARQUIER de toutes ses demandes formulées à titre principal, subsidiaire et reconventionnelle.

- Ordonner à la société MAISON LE MARQUIER de retirer du marché en ce compris chez tous ses revendeurs, tous les catalogues papiers et notamment le catalogue intitulé « Collection PLEIN AIR 2019 » et « Collection PLEIN AIR 2020 », sur lesquels il est fait référence à tout ou partie de ses allégations trompeuses en lien avec l'invention de la plancha, l'invention du barbecue vertical, le label Origine France Garantie et/ou le statut de leader sur le marché de la plancha, et d'avoir à en justifier, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;

- Ordonner à la société MAISON LE MARQUIER de supprimer de son site Internet toute référence à tout ou partie de ses allégations trompeuses en lien avec l'invention de la plancha, l'invention du barbecue vertical, le label Origine France Garantie et/ou le statut de leader sur le marché de la plancha, et d'avoir à en justifier, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;

- Ordonner à la société MAISON LE MARQUIER de retirer du marché ses modèles litigieux, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;

- Ordonner à la société MAISON LE MARQUIER de cesser toute publicité (physique, papier ou numérique) faisant la promotion de ses modèles litigieux et de supprimer tout support de communication faisant la promotion de ses modèles litigieux, et d'avoir à en justifier, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;

- Condamner la société MAISON LE MARQUIER à verser à la société FORGE ADOUR et à la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION, la somme provisionnelle de 10 000 euros chacune à valoir sur leur préjudice, au titre des actes de concurrence déloyale ;

- Condamner la société MAISON LE MARQUIER à verser à la société FORGE ADOUR et à la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION, la somme provisionnelle de 10 000 euros chacune à valoir sur leur préjudice, au titre des agissements parasitaires ;

- Condamner la société MAISON LE MARQUIER à verser à la société FORGE ADOUR et à la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION la somme de 9.510 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL M. AVOCATS.

Au visa de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a fait l'objet le 15 janvier 2020 d'une ordonnance de fixation à bref délai à l'audience du 28 mai 2020.

L'affaire a ensuite fait l'objet d'un avis de nouvelle fixation à l'audience du 15 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les exceptions d'incompétence

Sur la compétence territoriale

L'appelante soulève in limine litis l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Bordeaux sur le fondement des articles 42 et 43 du code de procédure civile, considérant qu'au regard de l'adresse de son siège social, seules les juridictions du ressort de Dax sont compétentes.

Cependant, aux termes de l'article 46 du code de procédure civile, « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : (...)

- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ».

Or, en l'espèce, la publicité dénoncée comme mensongère et préjudiciable est diffusée sur le site internet de la société MAISON LE MARQUIER et est donc accessible sur l'ensemble du territoire national. S'agissant des actes parasitaires, il est reproché la mise sur le marché national d'un modèle de plancha qui reprendrait les caractéristiques de plusieurs modèles FORGE ADOUR.

En conséquence, le préjudice allégué par les sociétés FORGE ADOUR l'est sur l'ensemble du territoire français, de sorte que les sociétés FORGE ADOUR pouvaient valablement saisir les juridictions bordelaises en application de l'article 46 précité.

L'exception d'incompétence territoriale sera donc rejetée et l'ordonnance confirmée de ce chef.

Sur la compétence matérielle

L'appelante invoque ensuite l'incompétence matérielle du tribunal de commerce de Bordeaux au profit du tribunal judiciaire au motif que l'action menée contre elle serait une action en contrefaçon.

Cependant, il doit être observé que les sociétés FORGE ADOUR reprochent à la société MAISON LE MARQUIER, non pas des actes de contrefaçon d'un dessin ou modèle, mais des actes de concurrence déloyale en raison, d'une part, de pratiques commerciales trompeuses au sens des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation et, d'autre part, d'actes parasitaires, dont la connaissance relève du tribunal de commerce s'agissant d'un litige entre sociétés commerciales.

L'exception d'incompétence matérielle doit donc être rejetée et l'ordonnance confirmée de ce chef.

Sur la recevabilité de l'action

L'appelante soulève le défaut d'intérêt à agir des intimées aux motifs que celles-ci, d'une part, ne seraient pas titulaires de droits sur les produits commercialisés et d'autre part, ne pourraient se prévaloir des dispositions du code de la consommation.

Cependant, ainsi qu'il a été vu ci-avant, les sociétés FORGE ADOUR reprochent à la société MAISON LE MARQUIER non pas des atteintes à des droits de propriété intellectuelle mais des actes de concurrence déloyale. En outre, il est constant que les faits de pratiques commerciales déloyales, dont se prévalent les sociétés FORGE ADOUR, sont régies par les articles L. 120-1 et suivants du code de la consommation.

En conséquence, l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée.

Sur le trouble manifestement illicite et les demandes de provision

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés FORGE ADOUR invoquent tout à la fois l'urgence de l'article 872 du code de procédure civile et le trouble manifestement illicite de l'article 873 du même code.

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873 du même code dispose que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

Le trouble manifestement illicite résulte quant à lui de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Dans cette hypothèse, le dommage est réalisé, le juge des référés est invité à prendre une mesure répressive destinée à mettre fin à une situation provoquant une atteinte dommageable et actuelle aux droits ou aux intérêts légitimes du demandeur.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

L'article L121-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dispose que :

« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7. »

Aux termes de l'article L. 121-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

(...)

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

(...)

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

(...)

f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

(...) »

Les sociétés FORGE ADOUR font valoir que sont trompeuses au sens de l'article L. 121-2 précité les allégations publicitaires de la société MAISON LE MARQUIER qui prétend être :

- Inventeur de la plancha

- Inventeur du barbecue à cuisson verticale

- Le seul fabricant de sa région à avoir obtenu le label Origine France Garantie pour la fabrication de ses barbecues et planchas

- Leader sur le marché de la plancha

Sur l'allégation : inventeur de la plancha

Les sociétés FORGE ADOUR soutiennent le caractère trompeur de l'affirmation selon laquelle la société MAISON LE MARQUIER serait l'inventeur de la plancha.

L'intimée réplique qu'elle ne revendique pas avoir créé la toute première plancha mais uniquement « la plancha telle qu'elle existe aujourd'hui en France », soit une plancha de conception aboutie et industrialisée, à poser ou sur charriot, avec un système de chauffe intégré ou au gaz.

Il est établi que :

- dans les catalogues « collection plein air » 2019 et 2020 de la société MAISON LE MARQUIER, il est mentionné que cette dernière a « inventé la plancha telle qu'elle existe aujourd'hui en France »,

- sur le site internet de la MAISON LE MARQUIER, il est indiqué « 1995 L'invention de la plancha » : l'idée de la plancha est née de l'observation du système de cuisson utilisé dans les fêtes de village de la région (...). La maison LE MARQUIER ne tarde pas à développer ce système de cuisson pour le consommateur et à le faire connaître rapidement sous le nom de « plancha en France »

- dans le cadre d'une émission radiophonique diffusée sur Europe 1, le dirigeant de la MAISON LE MARQUIER a affirmé que celle-ci avait inventé cet appareil de cuisson.

Or, il est constant que la plancha est un appareil de cuisson inventé en Espagne au XIXème siècle.

Dès lors, prétendre être l'inventeur de la plancha constitue une présentation fausse de la réalité de nature à induire en erreur le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif, sur les qualités de la société MAISON LE MARQUIER.

Sur l'allégation : inventeur du barbecue à cuisson verticale

Les sociétés FORGE ADOUR soutiennent le caractère trompeur de l'affirmation selon laquelle la société MAISON LE MARQUIER serait l'inventeur du barbecue à cuisson verticale.

L'intimée réplique qu'elle ne revendique pas avoir élaboré ni la cuisson verticale ni le barbecue mais seulement l'appareil industrialisé de cuisson qui combine ces deux éléments.

Or, s'il est exact que la société MAISON LE MARQUIER fabrique et commercialise en France des barbecues à cuisson verticale, elle ne saurait en revanche prétendre avoir inventé cet appareil de cuisson alors qu'il est constant qu'il s'agit d'une invention turque avec le döner kebab.

Cette allégation doit également être considérée comme trompeuse en ce qu'elle est de nature à induire le consommateur en erreur.

Sur l'allégation : le seul fabricant de sa région à avoir obtenu le label Origine France Garantie pour la fabrication de ses barbecues et planchas

Il résulte de la communication de la société MAISON LE MARQUIER qu'elle est le seul fabricant de sa région à avoir obtenu le label Origine France Garantie pour la fabrication de ses barbecues et planchas.

Le siège social de la société MAISON LE MARQUIER est situé dans le département des Landes (40) à Saint Martin de Seignanx, soit dans la Région Nouvelle Aquitaine.

Or, il sera observé qu'en 2011, la société ENO a obtenu le droit de se prévaloir du label Origine France Garantie pour ses appareils de cuisson (barbecues et planchas).

Dès lors, est fausse l'affirmation selon laquelle la société MAISON LE MARQUIER serait le seul fabricant de sa région à avoir obtenu un tel label.

Sur l'allégation : leader sur le marché de la plancha

Il est constant que sur certains de ses supports de communication, la société MAISON LE MARQUIER se présente comme « leader » français sur le marché de la plancha.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, il est certain que pour le consommateur d'attention moyenne, raisonnablement avisé et normalement attentif, le terme de « leader » renvoie au fait de dominer le marché de la plancha.

Or, il apparaît au vu des pièces versées aux débats que la société MAISON LE MARQUIER réalise un chiffre d'affaires annuel très inférieur à celui de la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION.

Ainsi, la société MAISON LE MARQUIER réalisait :

- en 2017 : un chiffre d'affaires d'environ 7 millions d'euros

- en 2018 : un chiffre d'affaires d'environ 9,5 millions d'euros

Tandis que la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION réalisait :

- en 2017 : un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros

- en 2018 : un chiffre d'affaires de 13 millions d'euros

Dès lors, prétendre être leader sur le marché de la plancha constitue une présentation fausse de la réalité de nature à induire en erreur les consommateurs sur les qualités de la société MAISON LE MARQUIER.

Il résulte de ce qui précède que la société MAISON LE MARQUIER a, à l'évidence, adopté une présentation trompeuse de ses produits, que plusieurs allégations sont fausses, de sorte qu'elle a manqué aux exigences de la diligence professionnelles.

Les allégations trompeuses sont en outre susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé à l'égard des produits considérés.

Il résulte nécessairement de ces pratiques déloyales un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 qu'il convient de faire cesser.

En conséquence, les mesures d'exécution forcée ordonnées sous astreinte par le premier juge seront confirmées.

En revanche, les sociétés FORGE ADOUR, qui sollicitent l'allocation d'une provision à valoir sur leur préjudice résultant des pratiques commerciales trompeuses, ne fournissent devant la cour aucun élément sur l'étendue du préjudice invoqué. Leur demande de provision sera donc rejetée et l'ordonnance infirmée de ce chef.

Sur les actes parasitaires

Les sociétés FORGE ADOUR reprochent à la société MAISON LE MARQUIER un comportement déloyal parasitaire du fait de la mise sur le marché d'un modèle de plancha reprenant les caractéristiques de plusieurs modèles FORGE ADOUR.

Si le principe de la liberté du commerce implique la liberté d'imiter un objet non couvert par un droit de propriété intellectuelle, est en revanche fautif le comportement d'un concurrent qui reproduit servilement un objet, alors qu'aucun impératif technique ne justifie la reprise de sa forme et de sa présentation.

Le parasitisme est caractérisé lorsqu'une entreprise s'accapare, sans bourse délier, le travail de création ou les idées d'autrui, fruit d'investissements intellectuels et financiers.

En l'espèce, il ressort de l'examen visuel de la plancha mise sur le marché en 2020 par la société MAISON LE MARQUIER et des produits FORGE ADOUR, que si certaines caractéristiques communes existent entre les produits, il n'apparaît pas avec l'évidence requise devant le juge des référés que la plancha litigieuse serait une copie servile créant une confusion certaine entre les deux produits.

Dès lors que les sociétés FORGE ADOUR ne justifient pas d'une violation de la règle de droit dont elles se prévalent, elles doivent être déboutées de leurs demandes tendant au retrait du marché des modèles litigieux et à la cessation de toute publicité lesdits modèles.

Partant, leur demande de provision à valoir sur leur préjudice au titre des agissements parasitaires doit également être rejetée.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive

Compte tenu de l'issue de la présente instance, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par la société MAISON LE MARQUIER au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société MAISON LE MARQUIER supportera les dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Sur ce fondement, la société MAISON LE MARQUIER sera condamnée à payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rejette l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut d'intérêt à agir ;

Confirme l'ordonnance du 3 décembre 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a condamné la société MAISON LE MARQUIER à verser une indemnité provisionnelle de 10 000 € à la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION SARL ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Déboute la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION SARL de sa demande de provision sur dommages et intérêts pour pratiques commerciales déloyales ;

Y ajoutant,

Condamne la société MAISON LE MARQUIER à payer, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, la somme de 5 000 euros à la société FORGE ADOUR SAS et la société FORGE ADOUR DISTRIBUTION SARL ;

Condamne la société MAISON LE MARQUIER aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL M. AVOCATS.