Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-21.248
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
ODC technologies (SARL)
Défendeur :
Voileries du Sud Ouest (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Douvreleur
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 avril 2018), la société ODC technologies (la société ODC), qui a conçu un gazomètre agricole transformant les déchets organiques en méthane, s'est rapprochée de la société Voileries du Sud-ouest (la société VSO) pour lui confier la fabrication de ce type de produits, qu'elle entendait commercialiser elle-même. Les parties ont, à cet effet, conclu un contrat le 20 juin 2008.
2. Les relations entre les parties ont pris fin le 23 septembre 2013, dans des conditions faisant l'objet du litige.
3. Revendiquant le statut d'agent commercial et, à défaut, celui de mandataire d'intérêt commun, la société ODC a assigné la société VSO en paiement d'indemnités pour rupture abusive du contrat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis
Enoncé des moyens
5. La société ODC fait grief à l'arrêt, écartant la qualification de mandat d'intérêt commun relativement à sa relation avec la société VSO, de rejeter l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts, alors :
« 1°) qu'est un mandataire d'intérêt commun le mandataire qui partage avec son mandant un intérêt commun à l'essor de l'entreprise de ce dernier par la création et le développement de la clientèle ; qu'en l'espèce, en excluant l'existence d'un mandat d'intérêt commun entre la société ODC et la société VSO sans rechercher si la société ODC, qui vendait les produits fabriqués par la société VSO au nom et pour le compte de cette dernière, ne partageait pas avec elle un intérêt commun à son essor par la création et le développement de la clientèle, la cour d'appel a violé l' article 1984 du code civil.
2°) que la qualification de mandataire d'intérêt commun, qui suppose seulement qu'il existe un intérêt commun avec le mandant à l'essor de l'entreprise de ce dernier par la création et le développement d'une clientèle commune, ne requiert pas que ce mandataire soit privé de tout pouvoir de négociation ; qu'en l'espèce, en retenant, au regard de ce que la société ODC avait procédé à des négociations, que la relation contractuelle la liant avec la société VSO ne pouvait être qualifiée de mandat d'intérêt commun, la cour d'appel a violé l'article 1984 du code civil.
3°) que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, le courriel de la société ODC du 12 juillet 2013, en ce qu'il indiquait, après avoir mentionné « qu'a priori (…) VSO serait favorable à résilier la convention », qu' « ODC Technologies (…) n'y serait pas opposée à condition d'être indemnisée des dommages passés et à venir », se bornait à envisager la possibilité, pour la société ODC, d'accepter, en présence d'une indemnisation offerte par la société VSO, une résiliation du contrat ; qu'en énonçant, au regard du courrier 23 septembre 2013 de la société VSO indiquant « prendre acte de la volonté ainsi clairement exprimée par ODC de mettre un terme à ce partenariat », que cet échange de courriers devait s'interpréter comme la manifestation d'une volonté commune de mettre fin aux relations, la cour d'appel a dénaturé le courriel de la société ODC du 12 juillet 2013 en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis, ensemble de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt constate que l'accord du 20 juin 2008 portait sur la commercialisation d'un produit appartenant non pas à la société VSO mais à la société ODC qui en avait toujours revendiqué la conception et la propriété, même si le produit était présenté sous l'enseigne VSO. Il retient que ce point à lui seul suffit à exclure la qualification d'agent commercial, celui-ci ayant pour mission de commercialiser les produits de l'entreprise qui le mandate et non ses propres produits. Il relève en outre que la société ODC, qui se présentait à la clientèle comme son unique interlocuteur, revendiquait l'exclusivité du pouvoir de négociation dont elle disposait. De ces seuls motifs faisant ressortir que la société ODC ne négociait pas pour le compte de la société VSO, de sorte qu'elle n'était pas son mandataire, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, déduit à bon droit que la relation litigieuse ne pouvait être qualifiée de mandat d'intérêt commun.
7. Les moyens, pour partie inopérant, ne sont donc pas fondés pour le surplus.
PAR CES MOTIFS,
La Cour :
REJETTE le pourvoi.