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Décisions

Cass. com., 25 mars 2020, n° 18-19.460

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Nautech (SARL)

Défendeur :

Saim, Spa (Sté), Méditerranéenne électricité électronique M3E (SARL), Ateliers Louis G. (Sasu), Turtle Marine Ldt (Sté), Kohler Power Systems Kohler & Co (Sté), Saim France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Barbot

Aix-en-Provence, 2e chambre, du 19 avr. …

19 avril 2018

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 19 avril 2018, RG n 15/07947 et RG n 15/09454), la société Turtle Marine Ltd (la société Turtle), propriétaire du navire Tempest WS, a confié à la société Nautical Technologies (la société Nautech) la refonte complète de la salle des machines de son bâtiment, ce qui incluait la fourniture et l'installation de deux groupes électrogènes de la marque Kohler.

4. Ces groupes électrogènes ont fait l’objet de ventes successivement intervenues, d'abord, entre les sociétés Kohler Power Systems Kohler & Co (la société Kohler), fabricant, et la société de droit italien Saim Spa, ensuite, entre cette dernière et la société Saim France, puis entre celle-ci et la société Ateliers G. et, enfin, entre cette société et la société Nautech qui a installé ces matériels sur le navire.

5. Des désordres ayant affecté les groupes électrogènes, un expert judiciaire a été désigné par une ordonnance de référé rendue entre les sociétés Turtle, Nautech, Ateliers G. et Saim France. La mission expertale a été successivement étendue aux sociétés Kohler et Saim Spa. L’expert a déposé son rapport.

6. Estimant avoir subi un préjudice lié à ses interventions pour remédier aux désordres, la société Nautech a assigné en responsabilité la société Ateliers G., tandis que la société Turtle, considérant avoir subi un préjudice lié à l’immobilisation de son navire, a assigné la société Nautech. La société Ateliers G. a appelé en garantie les sociétés Kohler et Saim France, et la société Nautech a appelé en garantie les sociétés Saim Spa, Saim France et Kohler.

7. Un jugement du 27 mars 2015 a joint ces instances et, après avoir jugé la société Saim Spa responsable des dommages résultant de la défaillance des groupes électrogènes, a, notamment, condamné la société Nautech au profit de la société Turtle, condamné la société Saim Spa à garantir la société Nautech de cette condamnation, et dit sans objet les demandes de la société Nautech tendant à la condamnation des sociétés Ateliers G. et Saim France, solidairement ou in solidum avec la société Saim Spa, à la garantir de sa condamnation au profit de la société Turtle et à indemniser son propre préjudice.

8. Ce jugement a fait l’objet de deux appels, l’un formé par la société Saim Spa contre l’ensemble des parties, l’autre par la société Nautech sans intimer les sociétés Saim Spa et Turtle. Les arrêts attaqués ont rejeté la demande de jonction de ces appels et, notamment, confirmé le jugement entrepris en ce qu’il disait sans objet les demandes formées par la société Nautech contre les sociétés Ateliers G. et Saim France.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi n Z 18-19.460, le second moyen du pourvoi n A 18-19.461 et le troisième moyen du pourvoi n Z 18-19.460, ci-après annexés

9. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les premiers moyens des pourvois n Z 18-19.460 et A 18-19.461, pris en leurs premières branches, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

10. La société Nautech fait grief aux arrêts de dire sans objet son action exercée contre la société Ateliers G. et, en conséquence, de rejeter sa demande tendant à la condamnation de cette société, solidairement ou in solidum avec les sociétés Saim Spa et Saim France, à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle au profit de la société Turtle, et à réparer ses propres préjudices, alors « que le vendeur est tenu d’une obligation de délivrance conforme à l’égard de l’acquéreur ; que la société Nautech avait acquis auprès de la société Ateliers Louis G. deux groupes électrogènes de marque Kohler en demandant une modification du régime de neutre, lequel devait être isolé et non pas branché à la terre ; que la société Ateliers Louis G. s’était fournie auprès de la société Saim France, laquelle s’était elle-même fournie auprès de la société Saim spa ; que la circonstance que l’origine du défaut de conformité relatif au régime de neutre était imputable au comportement de la société Saim spa, ne privait pas d’objet l’action en responsabilité contractuelle de la société Nautech contre la société Ateliers Louis G., sa venderesse, pour manquement à l’obligation de délivrance des deux groupes électrogènes comportant les caractéristiques convenues ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1604 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1604 du code civil :

Il résulte du texte susvisé que, dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, l’un des sous-acquéreurs jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenaient à son auteur, de sorte qu'il dispose, le cas échéant, de l'action pour manquement à l’obligation de délivrance conforme dont son vendeur aurait bénéficié s'il avait conservé la propriété de ladite chose.

11. Pour dire sans objet les demandes formées par la société Nautech contre la société Ateliers G., les arrêts relèvent, d’abord, par motifs adoptés, que l’action de la première s’inscrit dans le cadre de la responsabilité contractuelle à l’occasion d’une vente entre professionnels intervenant dans une chaîne contractuelle, la société Nautech intervenant en tant qu’acheteur, la société Ateliers G. comme distributeur, la société Saim Spa en tant qu’importateur et la société Kohler comme fabricant, ce dont ils déduisent que la société Nautech dispose d’un droit d’action contre les sociétés Saim Spa, Saim France et Kohler. Ils retiennent, ensuite, par motifs propres et adoptés, que la responsabilité de la société Saim Spa ayant été démontrée, tandis que celle de la société Louis G. a été exclue par l’expert judiciaire, les actions “croisées” de la société Nautech contre les autres intervenants de la chaîne sont sans objet.

12. En statuant ainsi, alors que la société Nautech, sous-acquéreur, pouvait agir pour manquement à l'obligation de délivrance conforme non seulement à l'égard de la société Saim Spa, vendeur intermédiaire jugé responsable des avaries affectant les générateurs, mais également à l'égard de son propre vendeur, la société Ateliers G., afin de les voir condamnées in solidum à la garantir des condamnations prononcées contre elle au profit de la société Turtle et à l'indemniser de ses propres préjudices, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, ils disent sans objet l’action formée par la société Nautical Technologies (Nautech) contre la société Ateliers Louis G., ils condamnent la société Nautical Technologies (Nautech) à payer à la société Ateliers Louis G. une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ils condamnent la société Saim Spa à garantir la société Nautical Technologies (Nautech) de cette dernière condamnation, les arrêts rendus le 19 avril 2018 (RG : n 15/07947 et RG : n 15/09454), entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ces arrêts et, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée.