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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 décembre 2020, n° 16/15706

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GTMS (SARL)

Défendeur :

KDI (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Paris, 13e ch., du 17 mai 2016, …

17 mai 2016

La société [...] GMTS, est une société qui exploite en location-gérance, depuis le 30 décembre 2006, un fonds de commerce de transport routier de marchandises créé en 1972 par M. X.

La société KDI est une société de distribution de produits métallurgiques.

M. X a passé un contrat de location de camion avec mise à disposition d'un chauffeur le 28 février 1978 avec la société Hardy-Tortuaux qui par le truchement de regroupements successifs de sociétés est entré dans le groupe allemand Klöckner, désormais dénommé KDI.

Une relation commerciale a également existé entre la société KDI et la société GTMS à compter du mois de janvier 2007, date à laquelle M. X a donné son fonds de commerce en location-gérance à cette dernière société.

En novembre 2007, un litige est né entre les sociétés KDI et GTMS, la société KDI reprochant à la société GTMS d'être responsable de la détérioration d'un lot de tôles de zinc qui lui avait été confié pour transport. La société GTMS a déclaré le sinistre à son assurance.

En l'absence d'indemnisation par l'assureur, la société KDI a émis une facture d'un montant de 6 153,74 euros à destination de la société GTMS, que celle-ci a refusé de régler. Les relations commerciales ont cessé en juin 2009.

Considérant avoir été victime d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie, la société GTMS a attrait la société KDI devant le Tribunal de commerce de Bobigny sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, par acte extrajudiciaire du 21 mai 2012.

Par jugement d'incompétence du 6 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Bobigny a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris.

C'est dans ces conditions que par jugement du 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SAS KDI de son exception de nullité de l'assignation ;

- dit que la relation commerciale entre la SARL GTMS et la SAS KDI est établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ;

- dit que la rupture de la relation commerciale a été brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- dit que la SAS KDI aurait dû accorder un préavis de trois mois ;

- condamné la SAS KDI à payer à la SARL GTMS la somme de 7 200 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de relations commerciales ;

- condamne la SAS KDI à payer à la SARL GTMS la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- condamne la SAS KDI aux dépens.

La société GTMS a interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la présente Cour le 18 juillet 2016.

Par arrêt infirmatif du 8 janvier 2020, rendu sur le déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 mai 2019, la Cour a débouté la SAS KDI de son incident aux fins de préemption d'instance et d'irrecevabilité des conclusions d'appelant du 15 mars 2019 et a condamné la SAS KDI à payer à la SARL GTMS une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées et déposées par la voie électronique le 15 mars 2019, la société GTMS demande à la Cour d'appel de Paris de :

- vu l'article L. 442-6 du code du commerce,

- vu le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003,

- déclarer l'appel régulier, recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité à trois mois la durée du préavis de rupture des relations commerciales établies et en ce qu'il lui a alloue' la somme de 7 200 euros seulement de dommages et intérêts,

- en conséquence,

- dire que la SAS KDI a rompu brutalement les relations commerciales avec elle,

- condamner la SAS KDI à lui payer les sommes de :

74 400 euros de dommages-intérêts au titre de sa perte financière,

50 000 euros de dommages-intérêts au titre de la désorganisation de son activité,

52 106,16 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

Soit la somme totale de 176 506,16 euros de dommages-intérêts en réparation de ses divers chefs de préjudice,

- rejeter toutes les prétentions de la SAS KDI,

- condamner la SAS KDI à lui payer la somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en outre aux entiers dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées et déposées par la voie électronique le 22 mars 2019, la société KDI demande à la Cour d'appel de Paris de :

- vu les articles 6, 9, et 117 du CPC,

- vu les articles L. 123-2, L. 144-1 et s., L. 237-2, R. 123-66, R. 123-69, et R. 123-105 du code de commerce,

- vu les articles 1165, 1315, 1382 anciens et 1844-7 2° du code civil

- vu les dispositions de loi LOTI du 30 décembre 1982 applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants et du décret n° 2003-1295 du 26 décembres 2003,

- vu l'article 26 de l'annexe II de l'article D. 3222-1 du code des transports,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 mai 2016 en l'ensemble de ses dispositions et statuant 0 nouveau,

- constater l'extinction de l'objet social de la société GTMS,

- à titre liminaire :

- dire nulle pour irrégularité de fond l'assignation délivrée par la société GTMS à la société KDI le 21 mai 2012 ;

- à titre principal :

- Débouter la société GTMS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société KDI faute de brusque rupture des relations commerciales, faute de préjudice, et faute de lien de causalité.

- à titre subsidiaire :

- fixer le préjudice subi par la société GTMS, en application des dispositions de loi LOTI du 30 décembre 1982 et du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 fixant les usages commerciaux en l'espèce, à la somme totale de 5 865 euros ;

- la débouter du surplus de ses demandes non fondées ;

- à titre très subsidiaire ;

- constater que les sociétés KDI et GTMS ont été en relation à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au mois de juin 2009 ;

- fixer le préjudice subi par la société GTMS à la somme totale de 4 888 euros ;

- la débouter du surplus de ses demandes non fondées ;

- en tout état de cause :

- condamner la société GTMS à payer à la société KDI la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société GTMS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE

LA COUR

- Sur la nullité de l'assignation

Selon la SAS KDI, la cessation d'activité totale depuis le 16 mars 2011 a entrainé l'extinction de l'objet social de GTMS et donc sa dissolution, en vertu de l'article 1844-7, 2° du Code civil, ce qui aurait dû mener à la désignation d'un liquidateur qui a seul pouvoir de représenter GTMS et d'agir en son nom. Or, tel n'a pas été le cas en l'espèce : l'extrait K-Bis de GTMS ne mentionne aucunement la survenance d'une dissolution ni la désignation d'un liquidateur, contrairement aux impositions des articles L. 237-2 et R. 123-105 du Code de commerce.

Toutefois, les moyens soutenus par la SAS KDI au soutien de son appel incident relatif à la nullité de l'assignation, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

La disparition de la personnalité morale prétendue par extinction de l'objet social ne résulte pas de plein droit de la seule cessation d'activité de la société GTMS qui continue d'être représentée par son gérant.

Le défaut de pouvoir invoqué par la SAS KDI n'est pas établi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande en nullité de l'assignation introductive d'instance.

- Sur les manquements contractuels allégués par la société KDI

Le jugement sera également confirmé par adoption de motifs en ce qu'il a dit que l'exception d'inexécution invoquée par la société KDI était mal fondée.

En effet, les parties sont entrées en litige à l'occasion d'une livraison, le 23 novembre 2007 de 4,896 tonnes de tôles alu-zinc effectuées dans les entrepôts de Marignane de la société KDI, la marchandise ayant été prise en charge par le transporteur dans les entrepôts de la Courneuve et ayant été livrées le 26 novembre 2007 chez un client de la société KDI (les Etablissements Z).

Selon la société KDI, la totalité des tôles lui ont livrées mouillées à Marignane, ce qui aurait rendu le produit inutilisable par le client, auquel d'autres tôles ont été livrées en remplacement.

Par lettre du 27 novembre 2007, la société KDI (pièce KDI n° 4) a formé une protestation motivée auprès de la société GTMS, qui a déclaré le sinistre auprès de sa compagnie d'assurance, laquelle a organisé une expertise confiée au technicien amiable M. A.

Le 4 décembre 2007, une réunion d'expertise a eu lieu dans les entrepôts de la société KDI à Marignane. Cependant, une panne de pont roulant a empêché l'examen de deux lots de tôles sur les trois en cause, des traces d'humidité ayant bien été observées sur le lot examiné. L'expert a considéré en outre que le marquage du lot examiné était incohérent avec les indications du bon de livraison. L'expert a noté que ces incohérences ne permettaient pas de rattacher le lot avec celui qui avait été confié à la société GTMS à La Courneuve le 20 novembre 2007.

L'expertise n'a pas été terminée. La société KDI a émis en vain une facture à destination de la société GTMS.

La société GTMS soutient valablement que, le transport réalisé le 20 novembre 2007 par la société GTMS des marchandises livrées le 23 novembre 2007 n'a fait l'objet d'aucune réserve de la société KDI à la réception.

Les conditions de la responsabilité contractuelle du transporteur dénoncées à la société GTMS dans la lettre de protestation de la société GTMS du 27 novembre 2007 s'agissant d'une livraison sans réserve du 20 novembre 2007 ne sont pas caractérisées.

La société KDI ne soutient donc pas valablement que les manquements contractuels de la société GTS ont ôté toute brutalité à la rupture sans préavis.

- Sur la durée de la relation commerciale établie

La société GTMS demande, au titre de l'ancienneté de la relation commerciale en cause, de reprendre la durée de la relation ayant existé depuis 1978 entre M. X, d'une part, et la société Hardy-Tortuaux et les ayants droit de celle-ci jusqu'à la société KDI en 1999, d'autre part, soit la période antérieure au 30 décembre 2006, date à laquelle M. X a donné son fonds de commerce en location-gérance à la SARL GTMS.

La société GTMS affirme en effet que la notion de relation commerciale établie résulte avant tout de l'analyse économique de la situation, la qualité ou la forme juridique des parties pouvant, selon elle, être modifiée sans que cela n'affecte la durée de la relation commerciale.

C'est pourquoi la société GTMS réclame 31 mois de préavis correspondant à 31 ans de relations commerciales établies.

Toutefois, dès lors que rien n'indique en l'espèce que la société GTMS a entendu situer sa relation commerciale avec la société KDI dans la continuation des relations antérieures avec M. X, le tribunal de commerce doit être approuvé d'avoir jugé, par des motifs pertinents que la Cour adopte, que la relation commerciale en cause avait commencé en 2007 et que depuis cette date, par des appels réguliers et continus au service du transporteur, elle avait été stable et établie, étant observé que lorsqu'elle a été interrompue sans préavis par la société KDI, la société GTMS s'attendait légitimement à ce qu'elle se poursuive.

Peu importe à cet égard que cette relation commerciale ait pris la forme d'une succession de contrats ponctuels, dès lors qu'au vu du nombre important des factures et de leurs montant global significatif (plus de 40 000 euros en 2007, en 2008 et plus de 20 000 euros au 30 juin 2009, mois de la rupture, tels que résultant des extraits de compte produits), ils ont été suffisamment nombreux et réguliers pour établir une relation commerciale.

- Sur la durée du préavis et l'indemnisation de la rupture brutale

Le tribunal de commerce doit être approuvé d'avoir retenu en l'espèce, compte tenu de la durée de la relation commerciale et des spécificités de celle-ci, que le préavis aurait dû être de trois mois, durée nécessaire à la SARL GTMS pour réorienter son activité.

Il en va ainsi même si la relation commerciale en cause, dès lors que la société KDI n'est pas transporteur elle-même, ne peut être qualifiée sous l'angle de la sous-traitance en matière de transport, si bien que les dispositions du contrat-type ayant été prévu par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 sont inapplicables en l'espèce.

La société KDI estime que les extraits de compte produits par GTMS pour 2007 (pièces GTMS n° 9 à 11) laissent apparaitre un chiffre d'affaire moyen réalisé avec la société KDI de 36 659,00 euros par an. Il s'ensuit, pour ce défendeur, qu'en retenant une base d'indemnisation égale à la marge brute sur coûts variables, chiffrée à 64 % du chiffre d'affaire par les premiers juges, le montant retenu doit être de 5 865 euros.

Toutefois, le tribunal de commerce a exactement statué, sur la foi des états financiers de la société GTMS, en énonçant justement que l'amortissement des véhicules était un coût variable et que la marge sur coûts variables pour les exercices 2007, 2008 et 2009 était comprise entre 63 % et 66 % du CAHT et en allouant, sur 3 mois de chiffre d'affaires moyen estimé à 11 250 euros une somme de 7 200 euros (11 250 x 64 % = 7 200 euros) au titre de la marge sur coût variable perdue du fait de l'absence de préavis.

La société GTM sera déboutée du surplus de sa demande au titre des pertes financières.

- Sur les autres demandes et les frais

Le préjudice moral et le préjudice de désorganisation de l'entreprise invoqués par la SARL GTM ne sont nullement établis.

La société GTMS sera déboutée de ses demandes à ce titre.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Le sens de l'arrêt conduit à dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel et, en équité, il ne sera pas alloué d'indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute les parties de leurs des demandes plus amples ou contraires,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle aura exposés,

Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.