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Décisions

CA Limoges, ch. économique et soc., 30 novembre 2020, n° 18/01211

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Promo Art Distribution (Sté), Promo Art (Sté), Centre de gestion et d'études AGS de Bordeaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebreton

Conseillers :

M. Colomer, Mme Valleix

Cons. prud'h. La Rochelle, du 28 juin 20…

28 juin 2011

EXPOSE DU LITIGE :

Mme B., Mme B., M. B., M. B., Mme C., M. D., Mme D., Mme F., M. G., Mme I., M. Le G., Mme M., M. M., Mme S., Mme T., Mme T., M. T. et Mme F. (les litisconsorts) étaient liés à la société Promoart par un contrat de franchise exploité sous l'enseigne Les couleurs du temps.

Étaient commercialisés des articles d'art plastique, le contrat de franchise étant par ailleurs lié à un contrat d'approvisionnement avec la société Promoart distribution.

Par un jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence en date du 2 octobre 2008, la société Promoart et la société Promoart distribution (PA/PAD) ont été placées en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de La Rochelle en date du 18 mai 2010, avec confusion des patrimoines. La SCP X a été désignée en qualité de mandataire liquidateur et il a été mis fin aux contrats de franchise par Maître Y, administrateur de la société, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 janvier 2009, avec mention d'un préavis de trois mois.

Par jugement du 7 avril 2015, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif.

Le 12 octobre 2009 et le 1er avril 2011 pour Mme F., les litisconsorts ont saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle aux fins de voir reconnaître le statut de gérants de succursales prévu par l'article L. 7321-2 du code du travail dans leurs rapports avec la société Promoart ainsi que la condamnation de celle-ci au versement de diverses sommes au titre du paiement des salaires et d'indemnités.

Les instances introduites le 12 octobre 2009 ont fait l'objet d'un jugement de caducité le 6 avril 2010 puis ont été réintroduites le 14 avril 2010.

Par jugement du 28 juin 2011, le conseil de prud'hommes de La Rochelle :

- a ordonné la jonction des différentes instances ;

- a constaté le désistement de M. T. ;

- n'a pas reconnu aux demandeurs le statut de gérant de succursale ;

- a mis hors de cause Maître Y, en qualité d'administrateur judiciaire, Maître Z, en qualité de représentant des créanciers, et l'AGS-CGEA de Marseille ;

- a condamné les demandeurs aux dépens.

Les litisconsorts, en dehors de M. T., ont formé le 5 juillet 2011 au greffe du conseil de prud'hommes un contredit et ont, parallèlement, interjeté appel de la décision rendue par le conseil des prud'hommes de La Rochelle par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juillet 2011.

Deux appelants se sont désistés de leur appel, Mmes I. et T., par courrier en date du 7 août 2012.

En date du 2 novembre 2011, la cour d'appel de Poitiers a ordonné la radiation de ces affaires pour défaut de diligences, réinscrites en date du 22 mai 2012 et à nouveau radiées le 16 octobre 2012 pour être remises au rôle le 13 novembre 2012.

Par un arrêt en date du 29 mai 2013, la cour d'appel de Poitiers a prononcé le retrait du rôle à la demande conjointe des parties avant un nouvel audiencement pour l'audience du 30 octobre 2013.

Par un arrêt en date du 11 décembre 2013, la cour d'appel de Poitiers a joint les recours et a, sur le contredit, dit celui-ci irrecevable, puis a déclaré l'appel nul.

Les appelants ont formé un pourvoi devant la Cour de Cassation contre l'arrêt rendu.

Par un arrêt n° 1273 en date du 9 juillet 2015, la Cour de Cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il a constaté que M. T. n'était pas appelant et que l'AGS-CGEA de Marseille avait été mise hors de cause par le jugement déféré et qu'elle n'était pas intimée, l'arrêt rendu le 11 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; en conséquence remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Limoges, aux motifs suivants :

« Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 91 du code de procédure civile ;

Attendu que pour refuser d'instruire et juger la cause selon les règles applicables à l'appel, la cour d'appel retient qu'il n'y a pas lieu à application de la passerelle prévue par l'article 91 du code de procédure civile qui prévoit que lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée, par la voie du contredit devait l'être par celle de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie dès lors que cette règle, qui a vocation à empêcher l'impossibilité d'exercer un recours, et à pallier les conséquences dommageables d'une erreur, n'a pas vocation à s'appliquer lorsque parallèlement au contredit, les demandeurs ont, comme en l'espèce, formé un appel, qui est dans cette hypothèse autonome et a vocation à saisir la cour ;

Attendu cependant qu'il résulte du premier alinéa de l'article 91 du code de procédure civile que lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par la voie du contredit devait l'être par celle de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie et que rien ne permet de restreindre la mise en œuvre de ce texte, qui doit être appliqué chaque fois que le contredit a été emprunté par erreur au lieu de l'appel ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

Les appelants ont effectué une déclaration au greffe de la cour d'appel de Limoges en date du 27 novembre 2015.

Le 26 juin 2017, la cour d'appel de Limoges a ordonné le retrait du rôle de cette affaire inscrite sous le RG 15/1466 conformément à l'article 382 du code de procédure civile.

L'affaire a été remise aux rôles sur conclusions de reprise d'instance des litisconsorts. Après plusieurs renvois l'affaire a été examinée à l'audience du 12 octobre 2017, l'ensemble des parties et leur conseil y étant dûment appelé par lettres recommandées avec accusé de réception.

Aux termes de leurs conclusions de reprise d'instance en date du 14 décembre 2018, réitérées par des conclusions déposées le 1er octobre 2020, soutenues à l'audience, les déclarants demandent à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris et se déclarer compétent ;

- de dire et juger que les concluants doivent bénéficier des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail ;

- de dire et juger que la convention collective du commerce de détail non alimentaire est applicable ;

- de dire et juger que les requérants devaient bénéficier du salaire minimum conventionnel de 2 650 € brut correspondant à la qualification de cadre niveau 8 ;

Vu les dispositions de l'article 1289 du code civil

- de dire et juger qu'il ne saurait y avoir compensation entre les sommes versées par les sociétés commerciales signataires des contrats de franchise à leur dirigeant et le salaire dû, aux concluants, par les sociétés PA/PAD, au titre de l'application des dispositions de l'article 7321 du code du travail ;

- de fixer au passif des sociétés PA/PAD, représentées par maître R., ès-qualités, les sommes suivantes :

- pour M. G., 161 120 € au titre des salaires, 16 112 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour M. B., 173 398 € au titre des salaires, 13 339 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour M. M., 145 750 € au titre des salaires, 14 575 € au titre des congés payés et 1 060 € d'indemnité de licenciement ;

- pour M. B., 64 748 € au titre des salaires, 6 474 € au titre des congés payés et 530 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme B., 188 945 € au titre des salaires, 18 894 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme S., 202 901 € au titre des salaires, 20 290 € au titre des congés payés et 1 590 € d'indemnité de licenciement ;

- pour M. D., 177 638 € au titre des salaires, 17 763,80 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme D., 177 638 € au titre des salaires, 17 763 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme C., 172 603,33 € au titre des salaires, 17 260 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme F., 167 745 € au titre des salaires, 16 774 € au titre des congés payés et 1 325 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme B., 153 258 € au titre des salaires, 15 325 € au titre des congés payés et 1 060 € d'indemnité de licenciement ;

- pour M. L., 125 080 € au titre des salaires, 12 508 € au titre des congés payés et 795 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme T., 64 748 € au titre des salaires, 6 474 € au titre des congés payés et 530 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme M., 32 948 € au titre des salaires, 3 294 € au titre des congés payés et 265 € d'indemnité de licenciement ;

- pour Mme F., 312 258,33 € au titre des salaires, 31 258 € au titre des congés payés et 2 385 € d'indemnité de licenciement ;

- de fixer au passif des sociétés PA/PAD la somme de 3 000 € par requérant pour travail dissimulé et la somme de 3 000 € en réparation du préjudice moral ;

- de la condamner à remettre à chacun des concluants les documents suivants :

- bulletins de paie pour toute la durée de leur relation contractuelle avec PA/PAD ;

- attestation ASSEDIC ;

- solde de tout compte ;

- de la condamner à garantir les concluants de leurs cautionnements bancaires ;

Subsidiairement, de :

- désigner tel expert qui lui plaira aux fins de déterminer le montant des rappels de salaires, le nombre et le montant des heures supplémentaires en tenant compte des rémunérations effectivement perçues par les demandeurs ;

- désigner un expert afin de calculer le préjudice résultant de la non-affiliation régime de retraite et de sécurité sociale des salariés ;

- la condamner au paiement de la somme de 3 000 € par requérant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- inscrire les créances des demandeurs sur le relevé des créances salariales et rendre le jugement commun au CGEA de Bordeaux ;

- condamner le CGEA de Bordeaux à fournir sa garantie pour l'intégralité des demandes et à faire l'avance de toutes les sommes dues par la SCP R., ès-qualités ;

- condamner les AGS de Bordeaux à garantir le paiement des sommes mises à la charge de la SCP R..

S'agissant de la nullité de l'acte d'appel invoquée par le CGEA de Bordeaux, les appelants font valoir qu'en tout état de cause, la cour d'appel a été saisie d'un contredit, celui-ci valant appel et que les mentions requises par l'article 58 du code de procédure civile telles que les lieux ou date de naissance ne sont prescrites à peine de nullité que si la partie qui s'en prévaut apporte la preuve d'un grief, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ils indiquent que les sociétés PA/PAD sont valablement représentées dans la procédure, Maître R. ayant reçu par le jugement de clôture des opérations de liquidation judiciaire la qualité de mandataire ad hoc avec le pouvoir de suivre la procédure prud'homale.

Sur le fond, les appelants soutiennent qu'ils sont bien salariés des sociétés PA/PAD, l'article L. 7321 du code du travail leur étant applicable, les quatre conditions mentionnées se suffisant à elles-mêmes et aucune preuve d'un lien de subordination ou d'un état de dépendance économique n'étant exigée.

Ils indiquent en effet que le contrat contenait bien une clause d'exclusivité, notamment au regard de ses articles 5, 7-1, 9 et 18, que leurs locaux devaient être agréés par le fournisseur comme le précisent les articles 6-3 et 7-6 du contrat mentionnant un cahier des charges relatif à l'aménagement du local, que les prix étaient imposés en violation de l'article 5 du contrat prévoyant une possible modification informatique irréalisable dans les faits, et des conditions d'exploitation imposées par le fournisseur, notamment concernant les horaires et jours d'ouverture ou la possibilité pour le franchiseur d'inspecter à tout moment les points de vente.

En conséquence, les appelants font valoir qu'ils sont fondés à demander réparation de la résiliation sans cause réelle et sérieuse de ces contrats valant contrat de travail. En effet, la rupture des contrats est intervenue le 8 avril 2009 à l'initiative de Maître Y, ès-qualités, il convient dès lors de prononcer la résiliation judiciaire des contrats pour non-paiement des salaires.

Par ailleurs, ils indiquent que la convention collective applicable en l'espèce est celle du commerce de détail non alimentaire et qu'au regard de leurs fonctions, ils ont le statut de directeur de magasin, cadre niveau 8.

Ils soutiennent donc être en droit de solliciter des indemnités de licenciement en plus des rappels de salaires et de congés payés afférents ainsi que du préjudice résultant de l'absence de cotisation aux organismes de prévoyance et de retraite. Ils précisent à cet effet que les salaires dus ne se compensent pas avec les éventuelles rémunérations versées par la société dans laquelle ils exerçaient leurs fonctions et que la rémunération mensuelle brute devant servir de base au calcul correspond à 2 650 €. Enfin, ils sollicitent la réparation des torts subis par le versement de dommages et intérêts mais également par l'indemnisation des sommes qu'ils seront condamnés à payer au titre de leur engagement de caution. Ils précisent enfin que l'ensemble de ces créances devra être garanti par le CGEA, toutes étant en lien avec les fonctions exercées.

Aux termes de ses écritures du 29 avril 2020, le CGEA de Bordeaux demande à la Cour :

- de lui donner acte de ce qu'il est appelé en déclaration d'arrêt commun, conformément aux dispositions de l'article L. 625-3 du code de commerce et d'en tirer toutes conséquences de droit ;

- de lui donner acte de ce qu'il ne peut être condamné au paiement d'une somme quelle qu'elle soit ;

- de lui donner acte de ce qu'il ne peut être tenu au-delà des limites légales de sa garantie, conformément aux dispositions des articles L. 3253-6, L. 3253-8, L. 3253-13 et suivants, L. 3253-17 et D. 3253-1 à D. 3253-5 du code du travail ;

- de lui donner acte de ce qu'il ne peut être amené à avancer le montant principal des créances, constatées et fixées, appréciées éventuellement avec des intérêts de droit obligatoirement arrêtés au jour du jugement d'ouverture, qu'entre les mains du mandataire liquidateur et dans la limite des articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

Sur le fond, de :

- déclarer Mme B. et les 14 autres demandeurs initiaux irrecevables et mal fondés en leurs demandes au visa des articles 932, 933 et 58 du code de procédure civile ;

- les déclarer en tout état de cause mal fondés en leurs demandes ;

En tout état de cause, de :

- surseoir à statuer après avoir ordonné la communication de la déclaration d'appel et des pièces visées dans le corps des conclusions permettant d'établir la relation contractuelle et commerciale des sociétés PA et PAD avec des sociétés dont les demandeurs semblent avoir été les gérants statutaires ;

- enjoindre en tout état de cause aux demandeurs de produire tous documents qu'ils auraient directement et personnellement signés avec les sociétés PA et PAD ;

- rejeter leur demande d'expertise, mal fondée, compte tenu de l'absence de preuve de leur part ;

- rejeter leur demande comme étant mal fondée en droit et inexacte sur le plan mathématique ;

- les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- exclure de la garantie de l'AGS à titre infiniment subsidiaire les dommages et intérêts qui seraient accordés en réparation du préjudice moral ou pour travail dissimulé ;

- opposer aux demandeurs les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail ;

- statuer sur la détermination du plafond de garantie vis-à-vis de chaque demandeur en fonction de l'ancienneté de sa relation contractuelle par rapport au jugement déclaratif et ce conformément aux dispositions de l'article D. 3253-5 du code du travail ;

- condamner chaque demandeur à verser au CGEA de Bordeaux la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En réponse, le CGEA indique que les conclusions saisissant la Cour font apparaître 18 appelants dont Mme I., Mme T. et M. T. qui se sont préalablement désistés, M. T. devant le CPH de La Rochelle, sa présence en appel étant donc irrecevable. Relativement à Mmes I. et T., bien que l'affaire soit replacée dans la situation dans laquelle elle se trouvait préalablement à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, le CGEA précise qu'elles avaient exprimé le souhait de se désister, la Cour devant dès lors constater le caractère définitif du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle à leur égard.

Par ailleurs, le CGEA fait valoir le caractère irrecevable de l'appel formé, la déclaration d'appel, au-delà de son irrégularité formelle et des erreurs manifestes qu'elle contient, ne lui ayant été ni transmise, ni communiquée. Un sursis à statuer en vue de la communication de cet acte s'avère donc nécessaire.

En réponse sur le fond, le CGEA de Bordeaux fait valoir qu'aucune condamnation ne peut être directement prononcée à son encontre et qu'en l'absence de fonds, le mandataire judiciaire reste l'intermédiaire obligé de toute mise en œuvre de la garantie. De même il précise que la garantie est limitée, conformément aux dispositions des articles D. 3253-1 à D. 3253-5 du code du travail, aux plafonds qui y sont déterminés ; ainsi qu'aux créances couvertes par la garantie conformément aux dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-13, L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 et suivants du code du travail ; le CGEA précise également que le plafond applicable est déterminé de manière différente selon l'ancienneté des salariés et sous réserve que la relation contractuelle des appelants soit requalifiée en contrat de travail.

En outre, il soutient que les appelants échouent dans l'administration de la preuve que les conditions d'application à leur profit des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail sont réunies car ils n'apportent pas d'éléments probants sur la fourniture exclusive de marchandise, ni sur celle de la fourniture ou de l'agrément du local, ni sur les conditions et prix de vente qui restaient modifiables ou sur l'organisation des heures d'ouverture selon des horaires fixés.

Enfin, le CGEA précise que les contrats ayant été passés entre personnes morales et ces dernières ne pouvant bénéficier des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail, la qualité de salarié ne pouvant leur être reconnue. En effet, le courrier du mandataire judiciaire indiquait sa volonté de mettre un terme aux contrats de franchise et en rien à une relation de nature salariale, le courrier se référant par ailleurs bien aux personnes morales et non à des personnes physiques, le CGEA ajoutant qu'aucune expertise ne peut pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve.

A titre infiniment subsidiaire, le CGEA précise que la qualification de travail dissimulé ne peut être retenue, la relation salariale ne pouvant éventuellement résulter que d'une décision largement postérieure aux contrats commerciaux librement souscrits.

Les mandataires n'ont pas reconclu après la reprise d'instance, et ne se présentent pas à l'audience à laquelle ils ont été régulièrement convoqués.

Pour un plus ample exposé des faits, procédure, moyens, prétentions et argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Il résulte du premier alinéa de l'article 91 du code de procédure civile, dans sa version applicable en l'espèce que lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par la voie du contredit devait l'être par celle de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie, l'affaire étant alors instruite et jugée selon les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé de contredit, la circonstance qu'une déclaration d'appel ait été ultérieurement formalisée étant sans incidence sur la saisine de la cour.

Il résulte des pièces du dossier que le contredit déposé le 6 juillet 2011 à l'encontre du jugement rendu le 28 juin 2011 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle, était motivé conformément aux dispositions de l'article 82 du même code, toujours dans sa version applicable en l'espèce. Il n'encourt donc aucune sanction et saisit valablement la cour.

Par ailleurs, s'agissant de la déclaration d'appel déposée cette fois le 28 juillet suivant à l'encontre de la même décision, si en application des articles 932 et 933 du code de procédure civile, dans leur version applicable à l'espèce, l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour et comporte les mentions prescrites par l'article 58 1° du même code qui prévoit, dans sa version en vigueur applicable à l'espèce, que la déclaration est datée et signée et contient à peine de nullité, pour les personnes physiques, l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur, la nullité encourue est une nullité de forme qui suppose la justification par celui qui s'en prévaut de l'existence du grief que lui cause l'irrégularité conformément à l'article 114 du code de procédure civile.

Or en l'espèce, le CGEA de Bordeaux, qui se prévaut seul à ce jour de l'irrégularité de la déclaration d'appel, ne justifie pas du grief que lui causerait l'absence de mentions relatives aux dates et lieux de naissance et aux adresses des litisconsorts, notamment dans le développement de ses moyens de défense, d'autant que les écritures des demandeurs à la requalification de la relation contractuelle comportent les mentions requises, à l'exception de la profession de M. L..

Il conviendra par conséquent de déclarer le contredit et la déclaration d'appel réguliers et saisissant valablement la cour, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer pour ordonner la communication des déclarations d'appel.

Sur les désistements

M. Damien T. s'est désisté de son instance devant le conseil de prud'hommes qui en a pris acte. Mesdames Sandrine I. et Catherine T. se sont désistées de leur contredit et de leur appel devant la cour d'appel de Poitiers qui en a pris acte également. Elles n'ont pas formé de pourvoi contre l'arrêt rendu 11 décembre 2013 par la cour d'appel de Poitiers. Elles ne forment aucune réclamation devant la cour d'appel de renvoi.

Aux termes de la décision de la Cour de cassation du 9 juillet 2015, ces désistements sont donc définitifs et restent donc dans la cause M. G., M. B., M. M., M. B., Mme B., Mme S., M. D., Mme D., Mme C., Mme F., Mme B., M. L., Mme T., Mme M. et Mme F., ce qui a été confirmé à l'audience par leur conseil.

Sur la qualité à agir

Il ressort des pièces produites aux débats que si les contrats de franchise intitulés contrats « de distribution et de service », ont été conclus entre la société Promoart et, soit des personnes morales, représentées par certains des litisconsorts, soit certains autres d'entre eux, étant précisé qu'ils pouvaient exercer sous la forme d'une personne morale, les contrats d'approvisionnement qui y sont associés ont été conclus en revanche entre la société Promoart distribution et les personnes physiques ayant contracté le contrat principal soit à titre personnel soit ès qualités.

Par conséquent les personnes physiques agissant en reconnaissance du statut de gérant de succursale ont qualité à agir pour voir requalifier la relation contractuelle qui les lient tant avec la société Promoart qu'avec la société Promoart distribution, le contrat de franchise étant par ailleurs un contrat « intuitu personae », strictement personnel à l'égard du franchisé.

Sur le fond

Selon l'article L. 7321-2 du code du travail, est gérant de succursale toute personne :

1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;

2° Dont la profession consiste essentiellement :

a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;

b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

Il sera observé au préalable que seules les pièces visées au bordereau de communication de pièces des litisconsorts, qui sont réputées avoir été communiquées dans leur intégralité au soutien de leurs prétentions, seront analysées.

En l'espèce, il résulte de l'analyse des contrats de franchise conclus avec la société Promoart que :

- l'article 5 prévoit qu'il est conclu parallèlement au contrat de franchise en contrat d'approvisionnement exclusif auprès du franchiseur ou des fournisseurs désignés par celui-ci ;

- l'article 7.1 prévoit que le point de vente du franchisé sera ouvert au minimum du lundi 15 heures au samedi 19 heures, avec une fermeture possible pouvant aller jusqu'à 1h45, soit entre 12h15 et 14 heures, que les jours de fermeture seront limités à 8 jours ouvrables, non consécutifs, par an et que toute adjonction d'activités nouvelles devrait être agréée par le franchiseur ;

- l'article 7.6 prévoit que le franchisé suivra précisément le cahier des charges imposées par le franchiseur : pour les enseignes extérieures, l'agencement intérieur, la couleur et la matière du sol ainsi que l'éclairage (un descriptif étant joint en annexe) ;

- l'article 8 prévoit que la société de franchise a la mission essentielle de diriger et d'animer le réseau dans le but de maintenir son unité, de sauvegarder les qualités de la marque et d'accroître l'impact de son image sur le marché, à cette fin elle a élaboré un manuel opérationnel à l'intention de ces franchisés valant recommandations et guides au plan technique, commercial et administratif dans les rapports avec la clientèle de la marque, le franchisé étant tenu de satisfaire aux normes que la société franchiseur s'adapte à réviser périodiquement pour améliorer l'exploitation du réseau, le renom de la marque et les services offerts à la clientèle ;

- l'article 9 stipule qu'à tout moment le franchiseur peut de sa propre initiative faire procéder au contrôle de la clause d'exclusivité (le franchisé devant fournir mensuellement des états statistiques et comptables établis sur document agréé et normalisé, communiquer trimestriellement une situation de trésorerie et le franchiseur pouvant entrer dans les locaux, les inspecter en détail, vérifier les méthodes de vente ainsi que l'organisation générale, comptable et administrative au minimum 2 fois par an) ;

- l'article 18 stipule une clause de secret et de non-concurrence pendant toute la durée du contrat et pendant une période de 3 ans à la cessation du contrat, ce qui n'interdit pas aux franchisés de poursuivre l'expression des activités déjà exploitées au jour de la signature de la franchise.

Il résulte par ailleurs de l'analyse des contrats d'approvisionnements conclus avec la société Promoart distribution que :

- l'article 1 prévoit que le franchisé s'engage à réaliser un minimum de 95 % de ses achats auprès de son franchiseur, s'interdit de se procurer sans accord de son franchiseur tout produit qui fait partie du référencement ou produit similaire et que le franchisé ne pourra commander directement ni ouvrir de compte chez un des fournisseurs du franchiseur ;

- l'article 2 prévoit l'implantation d'un stock dont le coût est réduit à 50 % par rapport à l'achat équivalent en indépendant, qu'au cours d'exploitation le franchisé bénéficie avec l'intervention de l'outil informatique commun du réassortiment unitaire quotidien du stock (50 % au moins des articles vendus sont relivrés dans les 3 jours en fonction de l'évolution du référencement, le suivi du stock étant assuré par la centrale) et doit donner des indications pour faire évoluer son stock en fonction des spécificités de sa clientèle ;

- l'article 3 prévoit que le franchisé a l'obligation de saisir sur la caisse tous les mouvements de stock, le contrat d'approvisionnement valant bon de commande pour les marchandises livrées en vertu d'un principe selon lequel un article vendu est un article à relivrer avec une tolérance de 20 % pour permettre l'adaptation du stock ;

- l'article 4 indique que la fonction de centrale d'achat est un service du franchiseur envers son franchisé afin que celui-ci bénéficie à 100 % de la puissance achat de l'ensemble des magasins du réseau ;

- l'article 5 prévoit que le franchiseur propose un tarif prix de vente qui s'inscrit lors des différentes phases d'utilisation du système informatique (encaissement, devis, consultation, facturation, etc.') et qui est applicable par défaut, qu'il reste possible au franchisé commerçant indépendant de garder son autonomie sur ses prix de vente en modifiant ceux-ci en fonction de souhait de marges et de situations locales de concurrence, que le franchiseur s'engage toutefois pour satisfaire les clients qui fréquentent plusieurs points de vente « les couleurs du temps » à respecter la politique commune du groupe pour 80 % des références ainsi que pour les promotions, que la politique des prix est établie en concertation avec l'ensemble des intervenants du réseau, de nombreux produits arrivant prétexter prix de vente dans les magasins, ce qui représente un gain de temps pour le franchisé.

S'agissant de l'approvisionnement exclusif, il ressort du contrat d'approvisionnement que la société Promoart distribution est en réalité positionnée comme une centrale d'achat qui ne fabrique aucun produit et se contente de négocier des prix attractifs pour des produits disponibles sur le marché au bénéfice des membres du réseau afin de pouvoir tenir collectivement une position concurrentielle. Il ressort en outre de l'article 4 du contrat d'approvisionnement que les marchandises sont rétrocédées au meilleur prix moyen pondéré d'achat du groupe sans marge entre le prix d'achat et le prix de rétrocession, avec une tolérance pour un global d'achat mensuel de plus ou moins 0,3 %.

Les litisconsorts produisent cinq attestations établies par les experts-comptables permettant de constater qu'au cours de 3 ou 4 exercices entre 2005 et 2008 les franchisés concernés ont respecté l'article 1 du contrat d'approvisionnement puisque sur le total des achats marchandises ils ont acquis 91 à 99 % des produits auprès de la centrale d'achat.

Néanmoins le contrat d'approvisionnement prévoyait la possibilité pour les franchisés d'acquérir 5 % de leurs marchandises en dehors du contrat d'approvisionnement, mais ne prévoyait aucune sanction au non-respect du quota d'approvisionnement auprès de la centrale d'achat, son objectif étant essentiellement d'obtenir des tarifs les plus concurrentiels possible et d'interdire aux franchisés de se fournir directement auprès des fournisseurs du franchiseur.

Dès lors, il y a lieu de relever que le contrat laissait la possibilité aux franchisés de s'approvisionner en dehors de la centrale d'achat.

Dans ces conditions il ne peut être considéré que le critère relatif à la fourniture exclusive ou quasi exclusive des marchandises vendues est en l'espèce caractérisé.

En ce qui concerne les conditions de mise en vente et la fixation des prix, les stipulations contractuelles et les quelques pièces produites aux débats par les litisconsorts démontrent que les prix de vente (tarif et prix par défaut) et les conditions de mise en vente (promotion, étiquetage) sont définis par la tête de réseau, néanmoins il ressort des termes mêmes du contrat que les prix par défaut sont modifiables par les franchisés en fonction de la marge qu'ils souhaitent dégager et de la concurrence locale, de sorte qu'il s'agit de prix de vente recommandés.

En outre si les litisconsorts démontrent que la libération du champ « prix de vente » sur le système informatique n'a été concrètement mise en œuvre par la tête de réseau qu'à compter du mois de février 2008, afin d'améliorer la performance et la réactivité aux évolutions du marché local, ce qui favorise la maîtrise totale des prix de vente TTC par les franchisés, ils ne justifient pas par les pièces qu'ils produisent aux débats que celle-ci était impossible avant cette modification qui a supposé une révision du système informatique existant initialement entre la centrale d'achat et les franchisés.

Il s'en déduit que le critère imposé sur ce point par les dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail n'est pas davantage caractérisé.

Enfin en ce qui concerne la fourniture ou l'agrément du local et aux conditions d'exploitation imposées par le fournisseur, les franchisés se sont engagés à respecter les normes d'exploitation fixées par le franchiseur.

Parmi ces normes figurent une présentation standardisée des locaux, une unification des critères d'ouverture et de fermeture du point de vente, lesquels sont on ne peut plus ordinaires pour ce type d'activité, qui font partie intégrante de l'image de marque de la franchise ainsi qu'une politique d'audit de la tête de réseau permettant de venir au soutien des franchiseurs, d'adapter les normes en vigueur et de s'assurer du respect des obligations découlant du contrat de franchise.

L'objectif de celui-ci est en effet la transmission et la mise à disposition par le franchiseur d'un savoir-faire technique et commercial afin de contribuer à la réitération d'un modèle de réussite économique, ce qui constitue l'obligation de base du franchiseur dont la contrepartie est de la part du franchisé, notamment, le respect de ces normes et standards.

Quant à l'exclusivité de l'activité et la clause de non-concurrence prévue à l'article 18 elle ne fait pas obstacle à l'exploitation d'une activité exploitée antérieurement à la signature du contrat de franchise ni à l'agrément par le franchiseur de l'inclusion d'une autre activité par le franchisé au sein de l'établissement, de sorte que ces dispositions sont également dans la cohérence et l'esprit de la franchise elle-même.

Par ailleurs il n'est pas contesté que les franchisés sont, soit propriétaires des murs, soit titulaires d'un bail commercial qui leur permettrait d'exercer une activité commerciale indépendamment du contrat de franchise.

Par conséquent l'aménagement du local et, de manière générale, les conditions d'exploitation imposées par le fournisseur étant inhérentes au contrat de franchise, puisqu'elles ont pour vocation de développer et conserver le concept du franchiseur, il ne peut être considéré qu'en l'occurrence les litisconsorts démontrent que les conditions prévues par L7321-2 du code du travail sur ces points sont réunies.

Il se déduit de l'ensemble de ces circonstances et considérations que les litisconsorts devront tous être déboutés de leur demande de reconnaissance du statut de gérant de succursale et de leurs demandes salariales et indemnitaires subséquentes par voie de confirmation du jugement.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Les litisconsorts qui succombent à l'instance seront condamnés aux entiers dépens et à payer au CGEA de Bordeaux la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant dans les limites de sa saisine sur renvoi de cassation,

Déclare la cour valablement saisie par le contredit et la déclaration d'appel formalisés devant la cour d'appel de Poitiers les 6 et 28 juillet 2011,

Constate le dessaisissement de la cour des demandes qui les concernent du fait des désistements d'appel de Mesdames Sandrine I. et Catherine T.,

Constate que le dessaisissement de l'instance M. Damien T. formulé devant le conseil de prud'hommes de la Rochelle est définitif,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de la Rochelle le 28 juin 2011 en toutes ses dispositions,

Condamne M. G., M. B., M. M., M. B., Mme B., Mme S., M. D., Mme D., Mme C., Mme F., Mme B., M. L., Mme T., Mme M. et Mme F. aux dépens et à payer au CGEA AGS de Bordeaux la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.