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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 septembre 2020, n° 17/18674

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Davyco (SAS)

Défendeur :

ITM Alimentaire International (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

Avocats :

Me de La Taille, Me Delplanque Bataille de Mandelo, Me Olivier, Me Beaumont

T. com. Paris, du 2 oct. 2017

2 octobre 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Davyco est une société spécialisée dans la confection d'articles de bonneterie et de sous-vêtements pour homme et enfants qui sont fabriqués en Asie et particulièrement, en Chine, en Inde et Bangladesh et qu'elle vend en France à la grande distribution.

Dans le cadre de son activité, la société Davyco a initié des relations commerciales avec la société Linge de Maison, entité appartenant au réseau de commerçants indépendants dénommé « Groupement des Mousquetaires » dont l'activité consistait à sélectionner des fournisseurs par famille de produits afin d'approvisionner les points de vente de réseau, et aux droits de laquelle est intervenue, durant le mois d'octobre 2012, la société ITM Alimentaire International, qui est une centrale d'achat du groupe Intermarché.

Les relations d'affaires entre les sociétés Davyco et Linge de Maison ont été formalisées par la conclusion de contrats annuels dénommés « conventions d'affaires » et « contrat cadre circuit entrepôt ».

Ayant constaté une baisse significative des commandes de la part de la société ITM Alimentaire International à compter de l'année 2011 jusqu'à l'arrêt complet de la collaboration en 2013, s'analysant selon elle comme une rupture brutale partielle de ses relations commerciales au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et considérant avoir subi un préjudice du fait d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du même code, la société Davyco a, par courrier en date du 18 février 2015, sollicité de la part de sa cocontractante la réparation de ses préjudices.

La société ITM Alimentaire International a répondu par un courrier en date du 13 mars 2015, en sollicitant un délai supplémentaire afin d'étudier le dossier.

Après avoir adressé une nouvelle mise en demeure par courrier en date du 24 mars 2015, n'ayant pas abouti à un règlement amiable, la société Davyco a, par acte d'huissier de justice en date du 8 juin 2015, assigné la société ITM Alimentaire International ainsi que Monsieur le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la réparation de ses préjudices.

Par décision du 18 janvier 2016, le tribunal de commerce de Paris a pris acte du désistement de la société Davyco à l'encontre du ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique.

Par jugement contradictoire du 13 mars 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce s'applique à l'ensemble des commandes passées par la société ITM Alimentaire International à la société Davyco, y compris celles réalisées en application de la convention du 30 décembre 2008 ;

- dit que l'action en responsabilité en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce est prescrite pour les approvisionnements réalisés antérieurement au 26 juin 2009 et recevable pour les opérations réalisées postérieurement à cette date ;

- débouté la société ITM Alimentaire International de sa demande d'irrecevabilité ;

- dit que la société ITM Alimentaire International a imposé à la société Davyco un cadre contractuel dépourvu d'une négociation préalable ayant mené à des concessions réciproques équilibrées qui contenait des obligations créant un déséquilibre significatif qui engage sa responsabilité ;

- condamné la société ITM Alimentaire International à verser à la société Davyco la somme de 10 000 euros au titre du préjudice créé par le déséquilibre significatif ;

- dit que les parties entretenaient des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

- dit que la société ITM Alimentaire International a brutalement et partiellement rompu des relations commerciales établies ;

- dit que la société ITM Alimentaire International aurait dû accorder un préavis de 6 mois ;

- dit que le préavis se rapportant à 40 % du chiffre d'affaires réalisé en marque de distributeur aurait dû bénéficier d'un préavis doublé ;

- condamné la société ITM Alimentaire International à verser à la société Davyco la somme de 55 008 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l'insuffisance de préavis pondéré ;

- condamné la société ITM Alimentaire International à verser à la société Davyco la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société ITM Alimentaire International aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 216,36 euros dont 35,62 euros de TVA.

Aux termes d'une requête adressée le 20 avril 2017, la société ITM Alimentaire International a demandé la rectification d'une erreur matérielle entachant cette décision.

Par jugement du 02 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a rectifié l'erreur matérielle contenue dans son jugement du 13 mars 2017 et a modifié le dispositif de ce jugement rédigé comme ci-dessus pour le modifier de la façon suivante :

- dit que l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce s'applique à l'ensemble des commandes passées par la société ITM Alimentaire International à la société Davyco, y compris celles réalisées en application de la convention du 30 décembre 2008 ;

- dit que l'action en responsabilité en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce est prescrite pour les approvisionnements réalisés antérieurement au 26 juin 2009 et recevable pour les opérations réalisées postérieurement à cette date ;

- débouté la société ITM Alimentaire International de sa demande d'irrecevabilité ;

- dit que la société ITM Alimentaire International a imposé à la société Davyco un cadre contractuel dépourvu d'une négociation préalable ayant mené à des concessions réciproques et équilibrées qui contenait des obligations créant un déséquilibre significatif qui engage sa responsabilité ;

- condamné la société ITM Alimentaire International à verser à la société Davyco la somme de 10 000 euros au titre du préjudice créé par le déséquilibre significatif ;

- dit que les parties entretenaient des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

- dit que la société ITM Alimentaire International aurait dû accorder un préavis de 6 mois ;

- dit que le préavis se rapportant à 40 % du chiffre d'affaires réalisés en marque de distributeur aurait dû bénéficier d'un préavis doublé ;

- condamné la société ITM Alimentaire International à verser à la société Davyco la somme de 48 132 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l'insuffisance de préavis pondéré ;

- condamné la société ITM Alimentaire International à verser à la société Davyco la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société ITM Alimentaire International aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 216,36 euros dont 35,62 euros de TVA.

La société Davyco a, par déclaration du 10 octobre 2017, interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 16 octobre 2019, la société Davyco, appelante, demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu l'article 56 du code de procédure civile,

Vu l'article 860-2 du code de procédure civile,

Vu l'article 1154 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence susvisée,

Vu les pièces versées aux débats,

- réformer le jugement rendu le 13 mars 2017 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que la société ITM Alimentaire International a rompu de manière brutale les relations commerciales établies avec la société Davyco ;

- dire et juger que la société ITM Alimentaire International engage sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de la société Davyco et devra en indemniser le préjudice subi, conformément aux dispositions des articles L. 442-6 du code de commerce et 1382 du code civil ;

- condamner la société ITM Alimentaire International à payer à la société Davyco la somme de 158 979 euros, en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait de la brutalité de la rupture ;

- dire et juger que les clauses et conditions imposées par la société ITM Alimentaire International à Davyo sont abusives et créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de Davyco ;

- condamner la société ITM Alimentaire International à indemniser le préjudice subi des pratiques illicites et de déséquilibre significatif à payer à la société Dav0yco une somme de 75 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour avoir imposé à Davyco des clauses abusives caractérisant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

- condamner la société ITM Alimentaire International au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- dire que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter de l'assignation avec anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 26 septembre 2019, la société ITM Alimentaire International, intimée, demande à la cour de :

Sur le déséquilibre significatif,

Vu l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable aux faits de l'espèce,

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement rendu le 13 mars 2017 par le tribunal de commerce de paris tel que rectifié par le jugement rendu le 2 octobre 2017 ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger que la société Davyco ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce instituant le « déséquilibre significatif », introduites par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (« LME »), à l'égard de l'accord « circuit entrepôt » signé le 30 décembre 2008 soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, de la LME ;

- dire et juger que l'action de la société Davyco est prescrite concernant sa critique de l'accord « circuit entrepôt » signé le 30 décembre 2008 ;

En outre,

- constater que les conventions visées par la société Davyco au titre de sa demande sur le fondement du déséquilibre significatif ne produisent plus aucun effet ;

- constater que les clauses critiquées par la société Davyco au titre de sa demande sur le fondement du déséquilibre significatif n'ont jamais été appliquées par la société Linge ;

En conséquence,

- dire et juger que la société Davyco est irrecevable à former des demandes sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce ;

En toute hypothèse,

- dire et juger que les clauses critiquées par la société Davyco ne sont pas constitutives d'un déséquilibre significatif ;

A titre subsidiaire,

- constater que la société Davyco ne justifie d'aucun préjudice ;

En conséquence,

- dire et juger que les conditions d'application de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ne sont pas réunies ;

En conséquence,

- débouter la société Davyco en l'ensemble de ses demandes formées au visa de l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce ;

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, applicable aux faits de l'espèce,

- infirmer le jugement rendu le 13 mars 2017 par le tribunal de commerce de Paris tel que rectifié par le jugement du 02 octobre 2017 ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que les relations commerciales nouées entre la société Davyco et la société Linge ne constituaient pas des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce ;

En conséquence,

- débouter la société Davyco en ses demandes formées au visa de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce ;

A titre subsidiaire,

- constater que la baisse de commandes dont se plaint la société Davyco au titre de l'année 2010 ne constitue pas une rupture brutale partielle de relations commerciales établies imputables à la société ITM Alimentaire International venant aux droits de la société Linge ;

En conséquence,

- dire et juger qu'il n'incombait pas à la société Linge d'accorder un délai de préavis à la société Davyco ;

En conséquence,

- débouter la société Davyco en ses demandes formées au visa de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce ;

A titre encore plus subsidiaire,

- dire et juger que la société Davyco est mal fondée à réclamer un préavis de 12 mois ;

- fixer ce préavis à 3 mois ;

- dire et juger qu'il n'y pas lieu de procéder au doublement du préavis ;

En conséquence,

- débouter la société Davyco en ses demandes formées au visa de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce ;

A titre encore plus infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la part que représenterait les produits à marque de distributeur dans le chiffre d'affaires réalisé par la société Davyco ne saurait être supérieur à 40 % ;

En conséquence,

- débouter la société Davyco en ses demandes formées au visa de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce ;

En toute hypothèse : sur les autres demandes de Davyco et l'article 700 et les dépens,

- débouter la société Davyco en l'ensemble de ses autres demandes, fins et prétentions, y compris au visa des articles L. 442-6, I, 3° et 4° du code de commerce, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable aux faits de l'espèce ;

- infirmer le jugement rendu le 13 mars 2017 par le tribunal de commerce de Paris tel que rectifié par le jugement du 02 octobre 2017 notamment en ce qu'il a condamné la société ITM Alimentaire International à verser une somme de 10 000 euros à la société Davyco au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Davyco à verser la somme de 15 000 euros à la société ITM Alimentaire International en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Davyco aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Charles Hubert Olivier, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 octobre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Davyco fait valoir :

- Le flux continu d'affaires entre Davyco et Scalinge / ITM depuis au moins 2001 ;

- L'existence de ces relations commerciales reconnue par les conventions rédigées par ITM et signées entre les parties à compter de 2009 ;

- Le respect des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce prévu dans les conventions ;

- L'inopposabilité des consultations sur le prix après référencement ;

- L'absence de référence à la pratique des appels d'offres dans des conventions cadres imposées par ITM antérieures à 2011 et l'absence de mise en concurrence réelle (les prétendus appels d'offres ne sont que des consultations sur les prix apparus à partir de la rupture) ;

- Aucun délai de préavis pour la fin de la relation prévue dans la notification d'appel d'offre ;

- Le caractère insuffisant du recours à des consultations sur les prix concomitantes ou postérieures à la rupture et à la cessation des magasins Vetimarché à Kiabi, pour justifier la rupture brutale intervenue en 2010 ;

- L'absence des conditions jurisprudentielles pour reconnaître l'existence et la qualification d'un appel d'offres ;

- L'application de la prescription de droit commun ;

- La reconnaissance d'ITM sur le fait que la rupture de la relation commerciale à la fin de l'année 2010 était liée à la décision stratégique du groupe ITM de céder les magasins Vêtimarché au groupe KIABI ;

- La chute brutale des commandes intervenue à l'issue de l'exercice 2010 sans aucun préavis ni explications de la part d'ITM ;

- La non prise en considération d'éléments extérieurs et postérieurs à la rupture, tels que la baisse d'activité de l'auteur de la rupture, pour évaluer l'imputabilité de la rupture brutale et le préjudice ;

- La nécessité d'un préavis de 12 mois compte tenu de l'ancienneté avec le doublement du préavis sous marque de distributeurs ;

- les produits commercialisés par Davyco sont des produits d'habillement, qui évoluent pour partie en fonction des tendances de la mode ;

ITM allègue :

- La sélection de ses produits par le biais d'appels d'offres s'imposant à la SCA Linge ;

- L'adhésion de Davyco à la technique des appels d'offres mise en place par la SCA Linge ;

- La baisse de commandes, intervenue entre 2009 et 2010, ne constitue pas une rupture brutale partielle imputable à la SCA Linge ;

- L'absence d'engagement de volumes de la part de la SCA Linge, comme expressément stipulé en préambule des conventions annuelles conclues entre les parties ;

- que Davyco a choisi de ne pas répondre à certains appels d'offres ;

- que Davyco a décidé de réduire le niveau de sa collaboration avec la SCA Linge en refusant de prendre des commandes de produits ;

- La cession des magasins sous enseigne Vétimarché (appartenant au groupe de Mousquetaires) sous l'enseigne Kiabi (appartenant au groupe Auchan) ;

- que la SCA Linge n'a fait que répercuter la baisse de ses propres commandes en produits textiles ;

- L'absence de relations antérieures à l'année 2004 ;

- le document intitulé « Cahier des charges » dont se prévaut Davyco ne constitue nullement un cahier des charges au sens technique ;

- les produits de Davyco ne répondent à aucun critère spécifique imposé par l'acheteur ;

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné [...]. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

Davyco justifie par la production d'une attestation de son expert-comptable en date du 20 juin 2016 des chiffres d'affaires annuels suivants avec ITM :

2001 ................................................ 152 494 euros

2002 ................................................ 322 579 euros

2003 ................................................ 165 145 euros

2004 ................................................ 160 754 euros

2005 ................................................ 117 609 euros

2006 ................................................ 312 839 euros

2007 ................................................ 261 166 euros

2008 ................................................ 492 872 euros

2009 ................................................ 394 367 euros

2010 ................................................ 130 988 euros

2011 .................................................. 66 238 euros

2012 .................................................. 97 384 euros

2013 .................................................. 56 984 euros

Le volume régulier de commandes à compter de l'année 2001 et sans interruption durant plusieurs années caractérise le caractère établi des relations commerciales entre Davyco et ITM qui a succédé à la SCA Linge.

ITM conteste le caractère établi des relations commerciales en invoquant l'existence d'appels d'offres annuels et Davyco réplique que ce n'est qu'à partir de la convention d'affaires 2011, qui date du 20 décembre 2010, qu'il est fait référence pour la première fois à la possibilité de mise en place d'« appels d'offres » », sans que cela soit une pratique systématique et précise que les emails produits par ITM faisant référence à cette nouvelle pratique imposée d'« appels d'offres » sont tous soit concomitants, soit postérieurs à la cession des magasins Vetimarché à Kiabi intervenue courant 2009.

Il ne peut exister de relations commerciales établies lorsque plusieurs sociétés sont mises en concurrence par le biais d'appels d'offres qui présentent de par leur nature un caractère de précarité.

Un appel d'offres est une procédure par laquelle un responsable de marché choisit parmi plusieurs offres proposées, celle qui est la plus avantageuse selon les critères qu'il a préalablement établis.

ITM justifie avoir adressé à Davyco au mois d'avril 2009, au mois de septembre 2009, puis au mois de novembre 2009, des courriels de transmission d'appels d'offre pour les commandes de l'année 2010. Dès lors que Davyco justifiait de l'existence d'un courant d'affaires régulier, continu avec ITM depuis 2001, le recours à l'appel d'offres à compter des collections 2010 imposait à ITM de lui accorder un préavis pour éviter une rupture brutale des relations commerciales.

Pour être valide, la résiliation doit être expresse, dépourvue d'ambiguïté et ne pas suggérer que le contrat est susceptible de se poursuivre.

Force est de constater que ITM qui se prévaut du recours à l'appel d'offres pour les commandes 2010, n'a pas notifié la rupture des relations commerciales.

La responsabilité de la rupture des relations commerciales ne peut être imputée à Davyco aux motifs qu'elle n'a que partiellement soumissionné aux appels d'offres alors que seule ITM est à l'origine de la modification de la nature des relations contractuelles en ayant fait le choix de recourir à l'appel d'offres ce qui a mis fin à la relation contractuelle antérieure.

De même, la cession des magasins Vetimarché à Kiabi intervenue courant 2009 et la signature d'un protocole d'accord entre ITM et Kiabi le 4 mai 2009, ne dispensait pas ITM d'aviser Davyco de la modification de la nature des relations commerciales, la cession portant sur 102 magasins ayant été nécessairement précédée de pourparlers compte tenu de son ampleur.

ITM verse aux débats la lettre de l'Autorité de la concurrence du 23 juillet 2009 aux termes de laquelle elle répond à son courrier du 25 juin 2009 lui notifiant son projet de cessions de 102 points de vente afin de lui demander s'il est soumis à la législation sur les concentrations, ce qui démontre l'existence de démarches antérieures permettant d'anticiper la rupture des relations.

Compte tenu des divers courriels adressés par ITM à Davyco, à des dates différentes en fonction de la nature des articles achetés afin de notifier le recours à l'appel d'offres, tout au long de l'année 2009 pour les commandes 2010, il y a lieu de fixer la rupture au 1er janvier 2010, date à laquelle la modification des relations commerciales est intervenue quant aux commandes.

Davyco justifiant au moment de la rupture d'une relation continue d'une durée de 9 ans, il y a lieu de fixer la durée du préavis à 5 mois, la nature des prestations consistant principalement en la fourniture de sous-vêtements avec des commandes régulières ne justifiant pas contrairement à ce que soutient Davyco un allongement du préavis.

Davyco invoque la fourniture de produits sous marque de distributeur pour obtenir un doublement du délai de préavis ce que conteste ITM.

Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis doit être le double de celle qui serait applicable si le produit n'est pas fourni sous cette marque en application de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ; un produit est considéré comme vendu sous marque de distributeur lorsque ses caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprise qui en assure la vente au détail et qui est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu.

Davyco n'invoquant et ne justifiant l'établissement d'un cahier des charges qu'en 2012, dans le cadre d'appels d'offres, soit postérieurement à la rupture des relations commerciales, il n'y a pas lieu de doubler la durée de préavis.

Le seul conditionnement personnalisé des produits est insuffisant à en faire des produits sous marque de distributeur. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu qu'une partie des ventes avait été réalisée sous marque de distributeur.

Aucune rupture n'a été formalisée. Si en 2010, les parties ont poursuivi leurs relations, pour éviter la brutalité de la rupture, ITM devait signifier à Davyco la fin des relations telles qu'elles se déroulaient antérieurement et assurer à son cocontractant le même volume d'activité durant la durée du préavis soit cinq mois.

L'indemnisation du préjudice sera calculée sur la marge brute.

Il sera tenu compte des trois derniers chiffres d'affaires précédant l'année 2010 :

2007 ................................................ 261 166 euros

2008 ................................................ 492 872 euros

2009 ................................................ 394 367 euros

moyenne annuelle sur trois ans : 382 801 euros

Sera déduit de cette somme le chiffre d'affaire de l'année 2010 qui s'élève à 130 988 euros ce qui fait un total de 251 813 euros.

Au vu de l'attestation en date du 30 mars 2015 du commissaire aux comptes de Davyco, il sera appliqué sur ce chiffre d'affaires une marge brute de 28 % soit :

251 813 euros X 28 % = 70 507,64 euros/12 = 5 875,63 euros X 5 = 29 378 euros

ITM versera à Davyco au titre de la rupture brutale des relations commerciales la somme de 29 378 euros.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt compte tenu du caractère indemnitaire de la somme allouée avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.

Sur les demandes de la société Davyco sur le fondement du déséquilibre significatif et des pratiques abusives

L'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.

Le déséquilibre significatif est le plus souvent caractérisé par une absence de réciprocité des prérogatives contractuelles ou par une disproportion entre les droits et obligations des parties.

Le déséquilibre significatif, doit être examiné au regard de l'analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées, et de l'équilibre économique de l'opération.

Si la structure d'ensemble du marché de la grande distribution peut constituer un indice de rapports de forces déséquilibrés, se prêtant difficilement à des négociations véritables entre distributeurs et fournisseurs, cette seule considération ne peut suffire à démontrer l'élément de soumission ou de tentative de soumission d'une clause du contrat signé entre eux.

L'existence d'un contrat d'adhésion ne suffit pas à caractériser la preuve de l'absence de pouvoir réel de négociation de celui qui se prétend victime d'une soumission ou d'une tentative de soumission à un déséquilibre significatif mais il doit le prouver, par exemple en démontrant l'exclusion de toute possibilité de négociation.

Les conventions sur la base desquelles la société Davyco fonde ses demandes sont les suivantes :

- l'accord « circuit entrepôt » 2009 prévoit à son article 7 qu'il « s'applique à compter de sa date de signature [qui est intervenue le 30 décembre 2008] et jusqu'au 31 décembre de l'année en cours » et qu'en tout état de cause « il s'éteindra de plein droit dans l'hypothèse où les Parties mettraient un terme à leurs relations commerciales ».

- la convention d'affaires 2012 prévoit à son article 4.5 que « la présente convention est conclue pour l'année civile 2012 »,

- l'accord « circuit entrepôt » 2012 prévoit à son article 7 qu'il « s'applique à compter de sa date de signature [qui est intervenue le 27 décembre 2011] et jusqu'au 31 décembre de l'année en cours » et qu'en tout état de cause « il s'éteindra de plein droit dans l'hypothèse où les Parties mettraient un terme à leurs relations commerciales. »

Sur l'application de la convention en date du 30 décembre 2008

ITM invoque l'inapplication de l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce qui a institué le «déséquilibre significatif» en ce qu'il est issu de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (« LME ») entrée en vigueur le 1er janvier 2009 ; elle précise que l'accord « circuit entrepôt » a été signé le 30 décembre 2008, que la LME n'étant pas rétroactive, l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce ne saurait donc être applicable à des faits antérieurs à son entrée en vigueur.

Davyco fait valoir que l'article L. 442-6- I-2° du code de commerce est applicable depuis le 06/08/2008, date d'entrée en vigueur de la notion de « déséquilibre significatif » dans notre ordre juridique et donc applicable au contrat conclu entre ITM et la société DAVYCO le 30 décembre 2008.

La loi de modernisation de l'économie (LME) dans sa version issue du 4 août 2008, instaurant la sanction de la pratique du déséquilibre significatif, s'applique à tous les contrats conclus postérieurement au 1er janvier 2009.

En l'espèce, les demandes au titre du déséquilibre significatif, sont relatives aux clauses mêmes de la convention ; or, la sanction de la pratique du déséquilibre significatif est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2009 et ne pouvait sanctionner des contrats signés antérieurement sans qu'il y ait lieu de prendre en compte le renouvellement tacite de la convention.

Davyco ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce pour l'accord « circuit entrepôt » signé par les parties le 30 décembre 2008, dans la mesure où il n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'application des conventions de 2012

L'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce vise tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ; en conséquence, l'action peut être initiée directement par la personne ou l'entité s'estimant victime de ces pratiques.

Contrairement à ce que soutient ITM, la pratique n'a pas à être prise en considération et l'application ou non des clauses est sans incidence sur la recevabilité de la demande de Davyco.

Il a été retenu que l'accord cadre « circuit entrepôt » 2009 signé le 30 décembre 2018 ne pouvait être pris en considération car préexistant à la loi.

Davyco dénonce la clause suivante insérée dans l'accord cadre « circuit entrepôt » 2012 signé le 27 décembre 2011 entre les parties et prévoyant en son article 1er « Objet de l'accord » : « Le Fournisseur reconnaît que, compte tenu de la particularité de sa relation commerciale avec la Catégorie, le présent accord prévaudra sur les dispositions contraires de ses conditions générales de vente, établies unilatéralement par le Fournisseur » en invoquant que cette clause serait contraire aux dispositions de l'article L. 441-6 I. du code de commerce qui dispose que « les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale ».

Davyco dénonce cette clause générale sans démontrer les clauses qui seraient contraires à ses conditions générales de vente, à l'origine du processus de soumission.

Davyco ne démontre pas davantage que par cette clause, ITM impose ses conditions générales puisque les parties décident de faire prévaloir les clauses contractuelles négociées contraires aux conditions élaborées par le fournisseur seul.

Davyco ne peut pas davantage se plaindre de l'absence d'annexion à la convention de ses conditions générales de vente sans en démontrer l'incidence alors que l'article 2 de la convention d'affaires 2011 intitulé « produits spécifiques Mouquetaires » « Résultat de la négociation en vue de déterminer le prix » rappelle que « Conformément aux dispositions légales, cette négociation a été menée sur la base des conditions générales de vente communiquées par le Fournisseur, et établies unilatéralement par ce dernier.

Il est ajouté au paragraphe suivant que « [...] les Parties pourraient et/ou non convenir d'un « accord cadre circuit entrepôt » et/ou d'un « accord cadre circuit DDD », qui font le cas échéant partie de la présente convention ; les dispositions de l'ensemble de ces accords venant modifier et/ou compléter les conditions générales de vente du Fournisseur [...]

Cette dernière disposition possible pour les parties et nécessitant un accord de celles-ci ne modifie pas d'emblée l'article 2 qui prévoit la prise en compte des conditions générales de vente communiquées par le Fournisseur dès lors qu'il produit celles-ci.

Cet article 2 mentionnant expressément que la négociation a été basée sur les conditions générales de vente communiquées par le fournisseur, il y a lieu d'en déduire que les articles contestés par Davyco sont le résultat de discussions entre les cocontractants pour prendre en compte l'intérêt de chacune des parties lors de l'élaboration du contrat, Davyco n'apportant aucun autre élément sur les conditions dans lesquelles le contrat a été signé.

ITM se fonde sur des mentions manuscrites sur les bons de commande pour tenter de démontrer l'existence de négociations. Cependant, la simple prise de rendez-vous ne justifie pas de la teneur des rendez-vous fixés permettant de conclure à des rencontres de négociation.

Néanmoins, le premier élément caractéristique de la pratique restrictive de déséquilibre significatif soit la soumission n'est pas démontrée étant précisé que les conventions signées sont relatives à tous les aspects commerciaux de la relation notamment les tarifs et pénalités contestés par Davyco.

La demande d'indemnisation de la société appelante fondée sur l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce sera rejetée.

Sur les baisses de prix imposées en dépit de la hausse du prix du coton

Aux termes des dispositions des paragraphes 3° et 4° de l'article L 442-6 du code de commerce :

« I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

3° D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ;

4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. »

Davyco expose que par le biais d'une prétendue mise en concurrence, la société ITM a tenté de lui imposer un avantage, à savoir une baisse de prix abusive, sans s'engager sur un volume d'achat proportionné et sous la menace d'une rupture brutale de la relation commerciale en lui demandant à plusieurs reprises de revoir ses prix à la baisse, en prétextant que face à une augmentation du cours du coton de 30 %, ses concurrents auraient proposé une hausse maximale de 10 %.

ITM réplique qu'aucune des pratiques visées aux articles L. 442-6 I 2°, 3° et 4° (anciens) du code de commerce n'a vocation à s'appliquer à l'égard de la SCA Linge, qu'en 2010, la société Davyco a indiqué qu'elle entendait procéder à une augmentation du prix des produits en raison de la hausse du prix du coton ce qui a provoqué une négociation sur les tarifs.

ITM justifie par la production d'un courriel du 20 janvier 2010 que ces discussions sur les tarifs sont fondées sur l'appel d'offres émis par la SCA Linge (auquel a succédé ITM), Davyco ayant soumissionné en janvier 2010.

Le 23 avril 2010, Davyco adressait le courriel suivant à la SCA Linge :« Ces cotations vous ont été proposées le 20/02/2010 et aujourd'hui nous ne pouvons plus tenir ces tarifs dû à l'incidence de la hausse du prix du coton qui a presque doublé en 3 mois et ce, quelques soit la provenance du pays en Asie (Chine Inde ou Bangladesh). Nous vous faisons donc parvenir une nouvelle cotation qui tient compte de la nouvelle situation économique »

Des courriels ont été échangés entre les parties quant aux commandes et aux prix pratiqués.

C'est dans ce contexte que la SCA Linge s’est adressée à Davyco le 1er juin 2010 : « Merci de revoir le prix à la baisse car nous ne pouvons pas accepter une telle hausse (36 % vs. votre proposition initiale). Le cours a certes augmenté de 30 % depuis le début de l'année mais la matière ne représente pas 100 % du prix du produit final. Nous sommes d'accord pour accepter une hausse mais tous les acteurs doivent l'absorber (industriel, centrale, PDV et consommateur). Pour information, la hausse maximale que j'ai pu recevoir est de 10 %.»

La société Davyco écrivait à ITM le 15 juin 2010 : « Nos différents fournisseurs nous refusent les commandes si les MOQ (Minimum Order Quantity) pas respectés. Merci de revoir ce point, car au total, on arrive à plus de 3000 pièces à la réf. Vos MOQ sont-ils valables par variante »[…] Je fais de mon mieux pour tirer les prix mais c'est très difficile avec les quantités que nous vous avez proposées. Les fournisseurs demandent des volumes pour faire des efforts importants, soit de 15 000 à 20 000 lots au modèle […].

Il résulte de l'échange de ces mails que Davyco est à l'origine des négociations sur les tarifs dont elle a sollicité une augmentation à laquelle ITM a répondu. Si Davyco invoque le faible volume de commandes d'ITM pour justifier ses diffficultés à négocier, elle n'établit sur ce plan aucune attitude d'ITM contraire aux pratiques commerciales imposées.

Compte tenu du contexte dans lequel les négociations tarifaires sont intervenues, les produits de Davyco ayant déjà été sélectionnés dans le cadre d'un appel d'offres, et alors qu'elle tente de rénégocier ces tarifs, les discussions qui s'ensuivent entre les parties ne caractérisent pas la tentative d'obtenir un avantage avant passation de commandes ou la tentative d'obtenir des conditions manifestement abusives concernant les prix.

Davyco ne démontre donc pas que les conditions de l'article L. 442-6 3° ou 4° du code de commerce sont remplies et elle sera déboutée de sa demande de ce chef avec l'ajout de cette décision au dispositif de l'arrêt.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel et de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a retenu que la société Davyco justifie avoir entretenu avec la société ITM Alimentaire International des relations commerciales établies, sur les frais irrépétibles et les dépens,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT que la société Davyco a subi une rupture brutale des relations commerciales,

DIT que la société Davyco aurait dû bénéficier d'un préavis de cinq mois,

CONDAMNE la société ITM Alimentaire International à payer à la société Davyco la somme de 29 378 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales,

DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil,

DIT que la société Davyco ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce instituant le « déséquilibre significatif », introduites par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (« LME »), à l'égard de l'accord « circuit entrepôt » signé le 30 décembre 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, de la loi,

DIT que la société Davyco ne démontre pas que la société ITM Alimentaire International ait tenté de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif,

DÉBOUTE la société Davyco de sa demande d'indemnisation au titre du déséquilibre significatif,

Y ajoutant,

DIT que la société Davyco ne démontre pas que la société ITM Alimentaire International ait tenté de lui imposer des baisses de prix de manière abusive, au visa des articles L. 442-6 I, 3° et 4° du code de commerce, dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, et la déboute de sa demande de ce chef,

REJETTE toute autre demande,

DIT que les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles d'appel et leurs dépens d'appel.