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Décisions

Cass. soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.395

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Blanchard

Défendeur :

Luxastore déco (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cathala

Rapporteur :

Mme Ala

Avocat général :

Mme Rémery

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Célice, Texidor, Périer

Riom, 4e ch. soc., du 2 avr. 2019

2 avril 2019

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 2 avril 2019), M. Blanchard, engagé à compter du 26 août 2013 par la société Luxastore déco en qualité de vendeur exclusif, voyageur représentant placier, a été licencié le 21 décembre 2015 pour faute grave.  

2. Contestant son licenciement, il a saisi le 3 février 2016 la juridiction prud’homale de diverses demandes dont une indemnité spéciale de rupture.  

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.  

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en paiement d’une indemnité spéciale de rupture, alors « qu’en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a le droit de percevoir une indemnité légale de clientèle ; que dans cette même hypothèse de rupture, sauf opposition de l'employeur, il peut percevoir une indemnité spéciale de rupture, à la condition d'avoir renoncé à l'indemnité légale de clientèle, au plus tard dans les 30 jours suivant l'expiration du contrat de travail, de sorte que quand le VRP ne pouvait avoir droit à l’indemnité légale, pour avoir été licencié pour faute grave, la condition de renonciation à celle-ci pour bénéficier de l'indemnité spéciale de rupture se trouve sans objet ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a débouté le salarié de sa demande en paiement de l’indemnité spéciale de rupture en se fondant sur la circonstance qu’il n’avait pas renoncé à l’indemnité de clientèle ; qu’en statuant ainsi quand elle avait constaté qu’il avait été licencié pour faute grave, ce qui avait fait obstacle à ce qu’il puisse bénéficier lors de la rupture du contrat de l’indemnité légale, partant à ce qu’il puisse y renoncer, la cour d’appel a violé les articles L. 7313-13 du code du travail et 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. »

Réponse de la Cour  

Vu l’article L. 7313-13, alinéa 1er, du code du travail et l’article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :  

5. Aux termes du premier de ces textes, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

6. Selon le second, lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2 du code du travail, devenu les articles L. 7313-13 et L. 7313-14, alors qu'il est âgé de moins de soixante-cinq ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 16 du présent accord, et sauf opposition de l'employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les quinze jours de la notification de la rupture ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d'avoir renoncé au plus tard dans les trente jours suivant l'expiration du contrat de travail à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L. 751-9 précité, bénéficiera d'une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit dans la limite d'un maximum de dix mois (...).

7. Il résulte de ces textes, que lorsqu'il est jugé que le licenciement prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l'indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l'expiration du contrat de travail.

8. Pour débouter le salarié de sa demande d’indemnité spéciale de rupture, l’arrêt, après avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, retient que le salarié ne justifie pas avoir entrepris la moindre démarche envers l’employeur, dans les trente jours de la rupture du contrat, établissant qu’il entendait renoncer à l’indemnité de clientèle à laquelle il pouvait prétendre.   

9. En statuant ainsi, alors que le salarié licencié pour faute grave ne pouvait renoncer à une indemnité de clientèle à laquelle il ne pouvait pas prétendre au jour de l’expiration du contrat, la cour d’appel a violé les textes susvisés.  

Portée et conséquences de la cassation  

10. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt rejetant l’indemnité spéciale de rupture entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant la société Luxastore à payer à M. Blanchard une somme au titre de l’indemnité légale de licenciement, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.  

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. Blanchard de sa demande en paiement d’une indemnité spéciale de rupture et condamne la société Luxastore à payer à M. Blanchard la somme de 1 549,24 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.