CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 décembre 2020, n° 17/12808
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
AIG Europe (SA) , Electricfil Automotive (SAS)
Défendeur :
Elecor (Sasu) , AXA France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Lignières
FAITS ET PROCÉDURE
La société Electricfil Automotive (ci-après société EFI) est spécialisée dans la fabrication de capteurs pour moteurs automobiles. Elle fournit notamment la société Peugeot Citroen Automobile (PCA).
La société Elecor, anciennement dénommée Orelec, est spécialisée dans le traitement des surfaces.
Le 22 décembre 2005, la société EFI a conclu un contrat-cadre dénommé « contrat de prestation de services » avec la société Elecor afin de lui confier l'étamage des languettes de capteurs qu'elle fabrique.
Le 15 septembre 2006, la société PCA a signalé à la société EFI des dysfonctionnements sur des moteurs en en imputait l'origine à une oxydation des capteurs. La société EFI a alors réalisé un audit au sein de la société Elecor, le 26 septembre 2006, ainsi que différentes analyses.
Le 22 juin 2007, la société PCA a procédé à une campagne de rappel de certains types de véhicules, fabriqués entre le 26 avril et le 15 juin 2006 en raison des dysfonctionnements dénoncés.
Le 4 février 2008, la société PCA, la société EFI et son assureur, la société AIG Europe, ont conclu une transaction aux termes de laquelle la société PCA devait recevoir une somme de 7.281.000 euros HT à titre d'indemnité forfaitaire de son préjudice.
La société Orelec et son assureur, la société AXA, ayant contesté toute responsabilité dans la survenance de ces dysfonctionnements, la société EFI et la société AIG Europe ont, par acte en date du 23 juin 2008, sollicité en référé l'instauration d'une mesure d'expertise aux fins de rechercher les causes et origines des désordres.
Par ordonnance du 5 septembre 2008, le président du tribunal de commerce de Lyon a fait droit à cette demande.
L'expert, M. X, a déposé son rapport le 16 mai 2013.
Par actes en date des 9 et 13 décembre 2013, la société EFI et la société AIG Europe ont assigné la société Orelec, devenue Elecor et la société AXA France devant le tribunal de commerce de Lyon, aux fins d'obtenir le dédommagement de leurs préjudices.
Par jugement du 8 juin 2015, le tribunal de commerce de Lyon a :
- rejeté la demande de la société Orelec de prescription de l'action engagée tant par la société EFI que par AIG Europe ;
- rejeté la demande de la société Orelec quant aux droits et à l'intérêt pour agir de la société AIG Europe ;
- débouté la société AIG Europe et la société EFI de l'ensemble de leurs demandes ;
- débouté la société AXA France de sa demande d'indemnité pour procédure abusive ;
- condamné solidairement les sociétés AIG Europe et EFI à payer à la société AXA France la somme de 78.029,19 euros en remboursement des frais engagés ;
- condamné au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement les sociétés AIG Europe et EFI à payer la somme de 10.000 euros à AXA France la somme de 10.000 euros à la société Orelec ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné solidairement les sociétés AIG Europe et EFI aux entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise.
PROCÉDURE
Appel devant la cour d'appel de Lyon
Par déclaration du 16 juillet 2015, la société AIG Europe et la société EFI ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Lyon.
Par arrêt rendu le 8 juin 2017, la cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel formé contre le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 8 juin 2015, au motif que le recours formé contre le jugement du tribunal de commerce de Lyon, juridiction spécialement désignée sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, devait être porté devant la cour d'appel de Paris, seule dotée du pouvoir juridictionnel pour en connaître.
La société AIG Europe et la société EFI se sont pourvues en cassation contre cet arrêt.
Appel devant la cour d'appel de Paris
Par déclaration du 26 juin 2017, la société AIG Europe et la société EFI ont interjeté un appel du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 8 juin 2015 devant la cour d'appel de Paris.
La société Elecor a saisi le magistrat chargé de la mise en état par conclusions d'incident du 17 novembre 2017 aux fins d'irrecevabilité de l'appel sur le fondement de l'article 528-1 du code de procédure civile, considérant que l'appel avait été interjeté plus de deux ans après le jugement. La société AXA France s'est jointe à cette demande et à titre subsidiaire a demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation.
Par ordonnance du 8 mars 2018, le magistrat en chargé de la mise en état a :
- déclaré recevable l'appel interjeté le 26 juin 2917 par les sociétés AIG Europe Ltf et EFI ;
- prononcé un sursis à statuer sur le fond du litige dans l'attente qu'il soit définitivement statué sur le pourvoi en cassation intenté à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 juin 2017 ;
- dit que la partie la plus diligente devra aviser le greffe de la survenance de l'événement mettant fin au sursis ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens.
Par arrêt rendu le 3 juillet 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 8 juin 2017.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions du 10 janvier 2020, la société AIG Europe venant aux droits de la société AIG Europe et la société EFI demandent à la cour de :
Vus les articles 528-1, 680 et 693 du code de procédure civile,
Vu l'article 2 du code civil,
Vu la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie,
Vu les articles 1231-1 et suivants, 2231, 2239 et 2241 du code civil,
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce,
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances,
- prendre acte que la société AIG Europe SA vient aux droits de la société AIG Europe Ltd ;
Au principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne l'absence de prescription ou de forclusion, l'absence de déséquilibre contractuel, l'intérêt à agir de la société AIG Europe en qualité de subrogée et le rejet de l'indemnité pour procédure abusive ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. débouté la société AIG Europe et la société EFI de l'ensemble de leurs demandes relatives à l'indemnisation de leur préjudice,
. condamné solidairement AIG Europe et la société EFI à payer à AXA France la somme de 78.029,19 euros en remboursement des frais engagés,
. condamné au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement AIG Europe et la société EFI à payer la somme de 10.000 euros à AXA France et la somme de 10.000 euros à la société Orelec,
. condamné solidairement AIG Europe et la société EFI aux entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Elecor (anciennement Orelec) a manqué à ses obligations contractuelles et a engagé sa responsabilité ;
- retenir le montant des préjudices subis suivant rapport déposé par l'Expert, M. X ;
En conséquence,
- débouter les sociétés Elecor et AXA de toutes leurs demandes fins et conclusions ;
- condamner in solidum la société Elecor et son assureur, la société AXA France, à payer les sommes de :
. 6.848.400 euros à la compagnie AIG Europe SA,
. 743.800 euros à la société EFI,
Avec intérêts de droit à compter de l'assignation et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil ;
- condamner in solidum la société Elecor et son assureur, la société AXA France, à verser aux appelantes la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum la société Elecor et son assureur, la société AXA France, aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais et honoraires d'expertise de M. X et de son sapiteur, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 17 novembre 2017, la société Elecor demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 527 et suivants du code de procédure civile,
Vu celles des articles L. 442-6, I 2° et D. 442-3 du code commerce,
Vu les articles 1710, 1779 et 1787 et suivants du code civil,
Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil et 1199 du même code,
Vu les articles 9 du code de procédure civile, 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce,
In limine litis,
Vu les dispositions des articles 525-1 du code de procédure civile,
- dire et juger l'appel des sociétés EFI et AIG Europe irrecevable ;
Subsidiairement,
- dire et juger que la société EFI est forclose en son action en garantie pour ne pas l'avoir engagée dans le délai prévu par l'article 10 du contrat de prestation de services signé le 22 décembre 2005, à savoir douze mois à compter de la livraison des pièces litigieuses ou de la découverte du vice allégué, soit le 26 septembre 2006 ;
- constater que l'action subrogatoire engagée par AIG Europe est prescrite dans les mêmes conditions, ladite société ne justifiant pas, au surplus, avoir interrompu le délai de prescription par une instance en référé à laquelle elle aurait été partie ;
En conséquence,
- déclarer la créance alléguée éteinte par prescription ;
Plus subsidiairement encore,
- dire et juger que la société AIG Europe ne justifie ni de sa qualité ni d'un intérêt pour agir par subrogation dans les droits d'EFI ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les requérantes ne justifient pas d'un manquement contractuel de la part d'Elecor (ex Orelec) ni d'un lien de causalité entre le vice allégué et les dommages dont elles poursuivent la réparation ;
- débouter en conséquence les sociétés AIG Europe et EFI SAS de l'intégralité de leurs fins, moyens et conclusions ;
Sur appel incident de la société Elecor, réformant partiellement la décision déférée,
Reconventionnellement,
Vu les articles 1152 dudit code et L. 442-6, I 2° du code commerce,
- dire et juger les dispositions de l'annexe 5 de l'accord-cadre liant Elecor à EFI nulles et de nul effet, comme engendrant un déséquilibre significatif au préjudice de la concluante,
En conséquence,
- faire interdiction à la société EFI d'appliquer les clauses de responsabilité figurant à ses conditions générales d'achat et la condamner à payer à la société Elecor la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- les condamner à payer à la société Elecor la somme de 75.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de référé, de première instance et d'appel, en ce compris ceux d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître F.-F., Avocat au Barreau de Paris, sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions du 20 novembre 2017, la société AXA France demande à la cour de :
Avant dire-droit,
- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à venir de la Cour de cassation sur le pourvoi formé par les sociétés AIG et EFI à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 8 juin 2017 ;
A titre principal,
- constater que les sociétés EFI et AIG ne rapportent pas la preuve d'un manquement de la société de Elecor à ses obligations, ni d'un lien de causalité entre le manquement allégué et les désordres ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Très subsidiairement,
- constater que les sociétés EFI et AIG ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'elles allèguent ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Plus subsidiairement,
- ramener les demandes des sociétés EFI et AIG à de plus justes proportions ;
- faire application des limites de la police d'assurance souscrite par la société Elecor ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés AIG et EFI à lui rembourser la somme de 78.019,29 euros au titre des frais engagés par elle dans le cadre de l'instruction amiable, puis de l'expertise judiciaire de M. X, le cas échéant en substituant l'article 700 du code de procédure civile au fondement retenu par le tribunal ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés AIG et EFI à lui verser une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés AIG et EFI aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ;
Y ajoutant,
- condamner les sociétés AIG et EFI à lui verser une indemnité de 30.000 euros pour procédure abusive ;
- condamner les sociétés AIG et EFI à lui verser une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d'appel.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2020.
A l'audience du 12 mars 2020, les parties ont été invitées à présenter leurs observations quant à l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller chargé de la mise en état du 8 mars 2018 ayant rejeté la demande des sociétés Elecor et AXA tendant à voir déclarer l'appel interjeté le 26 juin 2017 irrecevable sur le fondement de l'article 528-1 du code de procédure civile et quant à l'intention de la cour de soulever d'office la demande d'irrecevabilité soulevée à nouveau devant elle.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
La société Elecor soulève l'irrecevabilité de l'appel des sociétés EFI et AIG Europe au motif que ce droit de recours n'a pas été exercé dans un délai de deux ans à compter du prononcé du jugement critiqué conformément aux dispositions de l’article 528-1 du code de procédure civile.
Il convient d'observer que la société Elecor a soulevé cette irrecevabilité de l'appel à la fois dans ses conclusions au fond du 17 novembre 2017 et dans des conclusions d'incident du même jour.
Or cette fin de non-recevoir a déjà été tranchée par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état du 8 mars 2018 qui a admis la recevabilité de l'appel interjeté le 26 juin 2017 par les sociétés EFI et AIG Europe. Cette ordonnance revêt l'autorité de la chose jugée en vertu de l'article 914 du code de procédure civile.
En outre, en vertu du même article, les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel l'irrecevabilité de l'appel après la clôture de l'instruction.
En conséquence, la société Elecor est irrecevable à soulever l'irrecevabilité de l'appel tirée de défaut d'exercice du droit d'appel dans le délai de deux ans du prononcé du jugement.
Sur la demande de sursis à statuer
Par arrêt du 3 juillet 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les sociétés EFI et AIG Europe à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 juin 2017.
Dès lors, la demande de sursis à statuer de la société AXA France dans l'attente de cet arrêt sera rejetée.
Sur le déséquilibre significatif
La société Elecor invoque l'article L. 442-6 2° du code de commerce pour exclure l'application des conditions générales d'achat dont se prévaut la société EFI et pour solliciter l'engagement de la responsabilité de cette dernière.
La société EFI répond que l'article susvisé est inapplicable en l'espèce dès lors qu'il est issu des dispositions de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et que cette loi prévoit en son article 21 IV que les modifications des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne s'appliquent qu'aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009.
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a introduit à l'article L. 442-6 2° du code de commerce, au titre des pratiques restrictives de concurrence, le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
Or selon l'article 21 IV de cette loi, « les modifications induites par la présente loi s'appliquent aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009. »
En l'espèce, le contrat litigieux qui renvoie aux conditions générales d'achat de la société EFI a été conclu le 22 décembre 2005 et les prestations de services litigieuses découlant de ce contrat ont été commandées avant le 1er janvier 2009.
Dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 442-6 2° du code de commerce issues de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ne sont pas applicables au litige et la société Elecor ne peut revendiquer ni la nullité des conditions générales d'achat de la société EFI ni l'engagement de la responsabilité de cette dernière. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces chefs de demandes.
Sur la prescription
La société Elecor soutient que l'action engagée à son encontre par les sociétés EFI et AIG Europe est forclose en vertu de l'article 10 du contrat du 22 décembre 2005 qui dispose que : « Les fournitures sont garanties 12 (douze) mois à compter de leur date de livraison, contre tout vice de matière et/ou de fabrication et 6 (six) mois pour les contacts ayant un dépôt étamé, destiné à un process de soudabilité. »
Elle estime en effet que la société EFI ayant été alertée des dysfonctionnements des capteurs au mois de septembre 2006, elle devait introduire son action dans un délai de douze mois, soit avant le 27 septembre 2007, ce qu'elle n'a pas fait.
Les sociétés EFI et AIG Europe prétendent quant à elles que cette limitation de garantie du vendeur ne s'applique pas aux vices cachés ainsi qu'il est prévu aux conditions générales d'achat de la société EFI annexées au contrat du 22 décembre 2005. Ainsi aux termes de ces conditions générales, il est prévu que : « Le Fournisseur a l'entière responsabilité de la conception et/ou de la fabrication suivant les spécifications insérées dans la commande. Le Fournisseur est responsable des choix techniques quelle que soit l'assistance d'EFI au cours du développement et cela même si la Fourniture a été acceptée lors de la procédure d'examen des échantillons initiaux. Le fournisseur garantit 1 an minimum la fourniture contre tout défaut ou vice de fonctionnement apparent ou caché provenant d'un défaut de conception, de matière ou de fabrication. (...) A l'expiration de la garantie contractuelle, le Fournisseur restera tenu de toutes les conséquences directes ou indirectes découlant de vices cachés. Toute exclusion de cette garantie sera réputée non écrite. »
Il ressort de ce qui précède que les conditions générales d'achat de la société EFI annexées au contrat du 22 décembre 2005 sont applicables. Or il résulte de la combinaison des articles 10 dudit contrat et de l'annexe 5 que la limitation à un an de la garantie contre les vices ne concerne que les vices apparents et non les vices cachés.
En outre, il sera observé que l'action des sociétés EFI et AIG n'est pas fondée sur un vice caché résultant d'un contrat de vente mais sur le manquement de la société Elecor aux obligations contractuelles résultant du contrat de prestation de services du 22 décembre 2005.
Par ailleurs, et contrairement à ce que la société Elecor prétend, la société AIG Europe était bien partie à l'instance en référé-expertise introduite par acte du 23 juin 2008. Or cet acte a interrompu le délai de prescription quinquennale issu de l'article L. 110-4 du code de commerce et ce délai a recommencé à courir pour une nouvelle durée de cinq ans à compter du 16 mai 2013, date du dépôt du rapport d'expertise, de sorte que l'action au fond a été introduite par la société AIG Europe, dans les délais requis, par acte des 9 et 13 décembre 2013.
En conséquence, l'action des sociétés EFI et AIG Europe sera déclarée recevable.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'intérêt à agir de la société AIG Europe
Selon l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
En l'espèce, la société AIG Europe produit aux débats une police d'assurance souscrite par la société EFI Maguin, au titre des activités de conception, fabrication et négoce de produits destinés à l'industrie automobile et notamment de capteurs d'allumage, à effet du 1er juillet 2005 au 1er juillet 2006.
En revanche, la société d'assurance, à laquelle incombe la preuve de sa subrogation dans les droits de son assurée, ne justifie pas du paiement subrogatoire dont elle se prévaut. A cet égard, et contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, la production du protocole transactionnel du 4 février 2008 conclu avec la société PCA n'établit aucun paiement de la somme mise à la charge de la société AIG. Il sera ainsi observé que ledit protocole prévoyait que la somme de 6.808.600 euros HT mise à la charge de la société AIG serait payée comptant par virement bancaire à réception d'un document envoyé par la société PCA appelant le règlement de l'indemnité et faisant référence à la transaction. Or la société AIG ne démontre pas s'être acquittée de ce paiement.
En conséquence, la société AIG sera déclarée irrecevable en son action à l'encontre de la société Elecor et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Elecor
Il résulte des débats que la société PCA s'est plainte le 15 septembre 2006 auprès de la société EFI de dysfonctionnements des moteurs équipés de capteurs fournis par cette dernière ; ces dysfonctionnements consistant en des arrêts brutaux liés à des ruptures de l'alimentation en gasoil. L'expertise mécanique interne réalisée par la société PCA a imputé ces désordres à un dysfonctionnement des capteurs qui ne donnaient plus d'indication sur la position du vilebrequin de sorte que l'informatique associée coupait alors l'alimentation du moteur. Encore selon la société PCA, le défaut du capteur proviendrait de l'apparition d'une résistance électrique parasite au niveau de la connexion.
C'est dans ces conditions que la société PCA et la société EFI ont recherché les causes d'un défaut de connexion du capteur.
Or il s'est avéré que certaines languettes des capteurs de moteurs défectueux étaient superficiellement oxydées de sorte que des investigations ont été effectuées au sein de la société EFI et de la société Orelec pour déterminer l'origine de cette oxydation. Une analyse réalisée par le laboratoire Serma Technologies a retrouvé en surface d'une languette oxydée la présence de sulfonates et de sels d'étain qui sont des composants normaux du bain d'étamage. C'est ainsi que la société EFI soutient que les languettes ont été mal rincées et se sont corrodées sous l'effet des résidus d'acide méthane sulfonique et en impute la responsabilité à la société Orelec, ce que cette dernière dénie formellement.
Sur les manquements contractuels
La société EFI reproche à la société Elecor deux types de manquements à ses obligations. Elle prétend d'une part, que cette dernière n'a pas respecté le processus de fabrication contenu dans le dossier de présentation des échantillons initiaux et d'autre part, qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de traitement de surface en continu sur les languettes.
Sur le non-respect du processus de fabrication
Selon l'article 2 du contrat-cadre, il est prévu que : « La fourniture et/ou les prestations doivent être conformes aux plans ou spécifications mentionnées en annexe 1 et au Manuel Assurance Qualité Fournisseur d'EFI dont accusé réception en annexe 2. Toute modification éventuelle de ces documents demandée par l'une ou l'autre des parties ne pourra être appliquée que sur accord écrit des parties, survenant dans un délai de 30 jours à compter de la date de demande. A défaut d'accord écrit, les documents contractuels seront appliqués.
La fourniture et/ou les prestations délivrées doivent avoir été homologuées par les services habilités de l'Acheteur. Cette homologation est prononcée pour une définition technique et un lieu de fabrication déterminés. Tout changement envisagé doit faire l'objet d'un accord de l'Acheteur qui doit en être avisé avec un préavis minimum de 3 mois par rapport à la date d'application envisagée. A défaut d'un tel accord, la fourniture et/ou les prestations restent conformes à la précédente définition. »
La société EFI explique qu'alors qu'elle avait validé, au mois de février 2005, la méthode des bains d'étamage par « Solderon », la société Elecor a remplacé ce bain par un bain « JM3000 » et a modifié l'intensité et la durée du bain en changeant de ligne de fabrication sans recueillir son accord.
Il résulte des éléments versés aux débats que la société Elecor a effectivement modifié le processus de traitement des languettes à compter du 13 février 2006 en passant de la ligne de fabrication n° 9 à la ligne n° 10 A puis à compter du 28 février 2016, à la ligne n° 10 B et en modifiant la composition du bain, initialement « Solderon », par un bain « JM 3000 ».
Le manquement contractuel de la société Elecor à ses obligations est ainsi caractérisé.
Néanmoins, selon le propre rapport d'audit de la société EFI du 29 septembre 2006, le système de rinçage sur les trois lignes de fabrication est similaire et les bains « Solderon » et « JM 3000 » présentent le même principe d'acide méthane sulfonique pour faciliter l'électolyse.
Ce manquement contractuel apparaît donc sans lien de causalité avec les dommages dénoncés.
Sur le non-respect de l'obligation de traitement de surface en continu
La société EFI se prévaut de la présence de souffre retrouvée sur les languettes pour soutenir que la société Orelec n'a pas respecté son obligation de résultat relatif à l'étamage des languettes.
L'oxydation de certaines des languettes traitées par la société Elecor ressort des analyses et rapports produits aux débats et n'est pas contestée par les sociétés intimées.
En outre, au vu des analyses ainsi que du rapport d'expertise, le dépôt de soufre retrouvé provient des bains d'étamage réalisés par la société Elecor.
Toutefois l'expert relève qu'il « (n'a) pu trouver aucune information lui permettant de conclure à la relation entre la présence de soufre et le défaut de fonctionnement des capteurs » même s'il relève que « le dépôt oxydé présente une résistance électrique nettement supérieure à celle d'un contact métallique normal. ».
En effet, les essais réalisés au cours des opérations d'expertise sur les capteurs censés être défectueux n'ont mis en évidence aucun dysfonctionnement que ce soit sur les 25 capteurs provenant de moteurs ayant présenté une panne avec des connexions oxydées, sur les 25 autres capteurs provenant de moteurs ayant présenté une panne sans connexions oxydées ou encore sur les 50 capteurs déposés dans le cadre du rappel des véhicules. En outre, les essais ont démontré que les capteurs testés ne diminuaient pas la qualité du signal transmis par le capteur au calculateur.
L'expert en conclut que : « L'origine chimique des désordres (corrosion des connexions entraînant des défauts de contact) n'a pu être démontrée par les tests réalisés. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus dans les laboratoires de EFI, qui n'a pu mettre en évidence la relation entre connexions corrodées et incidents de fonctionnement des capteurs. (...) En revanche, nous n'avons pas pu vérifier le comportement des connexions femelles (...). La forme, l'élasticité, la pression sur le connecteur male des languettes métalliques constituant ces fiches, peuvent avoir joué un rôle dans les désordres. L'oxydation des fiches males, constituées par les languettes de laiton étamées par Orelec, n'est pas contestable. En revanche, l'action néfaste de ce phénomène de corrosion n'a pas été mise en évidence de façon formelle, même si l'on perçoit bien que la corrosion d'un contact électrique ou électronique est perturbante. »
Néanmoins dans un résumé quelque peu contradictoire avec ses précédentes analyses et conclusions, l'expert ajoute un dernier paragraphe : « Il n'est donc pas prouvé que la corrosion des languettes de laiton traitées par Orelec constitue le facteur déterminant des pannes de moteurs. Mais ce défaut de fabrication constitue très vraisemblablement un élément aggravant de ces désordres, qui a peut-être été l'élément déclenchant. »
En effet, alors même qu'il a précédemment constaté que tous les capteurs testés, y compris ceux oxydés, fonctionnaient et ne présentaient pas de résistance entravant un contact électrique et qu'il a relevé qu'aucun des éléments qui lui avaient été soumis ne lui permettait de conclure que la corrosion des connexions des capteurs était à l'origine des désordres, il affirme que cette oxydation a été à l'origine d'une aggravation des désordres et suspecte qu'elle ait pu être un élément déclenchant.
La cour, chargée de dire le droit en ce qui concerne la causalité entre une faute et un dommage, ne retiendra pas sur ce point l'analyse de l'expert dès lors qu'il ressort de ses investigations qu'aucun lien de causalité n'a pu être établi entre les pannes de moteurs alléguées par la société PCA et l'oxydation des languettes des capteurs traitées par la société Orelec. Il sera à cet égard souligné que l'expert reconnaît qu'il n'a pas pu examiner les connexions femelles qui peuvent être à l'origine des désordres et qu'il n'a pas pu davantage étudier le logiciel de traitement des données en évoquant l'hypothèse d'un réglage électronique de l'injection de carburant trop rigoureux. Enfin il est établi que plus de la moitié des capteurs changés sur des moteurs ayant connu des pannes ne présentaient pas de traces d'oxydation.
Par ailleurs, la société EFI ne saurait se prévaloir des analyses menées par la société PCA sur l'origine des défaillances des moteurs alors même qu'elle ne les verse pas aux débats. En outre, le rapport du laboratoire Serma et celui du laboratoire Science et Surfaces permettent uniquement de détecter la présence de résidus d'acide méthane sulfonique en surface d'une languette de capteur et de reproduire un vieillissement accéléré de languette lié à une insuffisance de rinçage après étamage sans permettre d'établir un lien de causalité entre l'oxydation des languettes et les pannes de moteurs. Les comptes-rendus de visite de la société EFI au sein de la société Orelec pour ajuster les processus de fabrication à la suite des incidents dénoncés par la société PCA ne peuvent davantage établir un lien de causalité entre une oxydation des capteurs et les pannes de moteurs ni constituer une reconnaissance de responsabilité de la part de la société Orelec. Enfin la concordance de dates invoquée par la société EFI n'est pas établie. Il ressort en effet des éléments des débats que le rappel des véhicules par la société PCA a concerné des languettes fabriquées entre le 19 avril 2006 et le 1er juin 2006 et des languettes traitées par la société Elecor entre le 1er février 2006 et le 9 mars 2006. Or aucune panne de moteur n'a été déplorée depuis ces dates alors que le processus de fabrication n'a été modifié au sein de la société Elecor qu'à compter du 25 septembre 2006.
En l'absence de preuve d'un lien de causalité entre l'oxydation présentée par certaines des languettes des capteurs des moteurs défectueux et la panne présentée, la responsabilité contractuelle de la société Orelec ne saurait être retenue. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société EFI de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Aucun abus du droit d'agir en justice de la part des sociétés EFI et AIG Europe n'étant caractérisé, la demande de dommages et intérêts de ce chef sera rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les sociétés EFI et AIG Europe succombent au litige. Elles supporteront en conséquence in solidum les dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise sur lesquels il n'a pas été statué par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon du 5 septembre 2008. Les dépens d'appel pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
La société AXA justifie, par des factures détaillées, avoir exposé une somme de 78.029,19 euros HT au titre d'expert conseil (30.957 euros) et des frais d'avocat (47.072 euros) au cours des opérations d'expertise amiable puis d'expertise judiciaire. Ces frais doivent être indemnisés au titre des frais irrépétibles et s'ajouter à l'indemnité allouée au titre des coûts exposés dans le cadre de l'instance judiciaire. Au vu de ces éléments, il convient d'allouer à la société AXA une somme globale de 85.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel. Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles de la société AXA ainsi que sur la condamnation au remboursement de la somme de 78.029,19 euros seront infirmées.
Le surplus des dispositions du jugement relatives à l'article 700 sera confirmé.
Les sociétés EFI et AIG Europe seront en outre condamnées à payer à la société Elecor une somme de 10.000 euros supplémentaire au titre des frais irrépétibles engagés en appel. Les demandes des sociétés EFI et AIG Europe sur ce fondement seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DIT que la société Elecor est irrecevable à soulever l'irrecevabilité de l'appel tirée du défaut d'exercice du droit d'appel dans le délai de deux ans du prononcé du jugement ;
REJETTE la demande de sursis à statuer de la société AXA France dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi formé par les sociétés EFI et AIG à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 juin 2017 ;
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action subrogatoire de la société AIG Europe et en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés AIG Europe et EFI à payer à la société AXA France la somme de 78.029,19 euros en remboursement des frais engagés et la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE la société AIG irrecevable en son action subrogatoire à l'encontre de la société Elecor ;
Y ajoutant,
REJETTE la demande de la société Elecor tendant à voir déclarées nulles les dispositions de l'annexe 5 de l'accord-cadre la liant à la société EFI comme engendrant un déséquilibre significatif à son préjudice ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts de la société Elecor au titre du préjudice résultant d'un déséquilibre significatif ;
DÉBOUTE la société AXA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE in solidum les sociétés EFI et AIG Europe à payer à la société AXA une somme globale de 85.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
CONDAMNE in solidum les sociétés EFI et AIG Europe à payer à la société Elecor une somme de 10 000 euros supplémentaire au titre des frais irrépétibles engagés en appel ;
DÉBOUTE les sociétés EFI et AIG Europe de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les sociétés EFI et AIG Europe aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise ;
DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.