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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 1 décembre 2020, n° 19/01425

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Conseil Habitat Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Lefort, M. Lecler

TGI Châlons-en-Champagne, du 15 mai 2019

15 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE

Selon bon de commande du 4 septembre 2014 et facture du 29 septembre 2014, M. Michel L. et Mme Annie M. épouse L. ont acquis de la SAS Conseil Habitat Services, exerçant sous l'enseigne « Pil'Poêle », une chaudière à granulés au prix de 16.000 euros TTC. La chaudière a été installée le 1er octobre 2014.

A la suite de dysfonctionnements, le service après-vente de la société Conseil Habitat Services est intervenu à plusieurs reprises entre janvier et mars 2015 pour tenter, en vain, de résoudre les problèmes.

Par acte d'huissier du 2 décembre 2015, les époux L. ont fait assigner la société Conseil Habitat Services devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne aux fins d'expertise, laquelle a été ordonnée et confiée à M. Alain P. par ordonnance de référé du 26 janvier 2016.

L'expert, M. P., a déposé son rapport le 30 décembre 2016.

Par acte d'huissier du 31 janvier 2017, les époux L. ont fait assigner la société Conseil Habitat Services devant le juge des référés aux fins de remboursement de la somme de 16.000 euros et indemnisation de leurs préjudices. Par ordonnance du 7 mars 2017, le juge des référés les a renvoyés à mieux se pourvoir s'agissant de la demande de remboursement du prix de vente et leur a accordé une provision de 1.000 euros.

Par acte d'huissier du 5 mai 2017, M. et Mme L. ont fait assigner la société Conseil Habitat Services devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne aux fins de résiliation de la vente, restitution du prix et indemnisation de leurs préjudices matériel, moral et de jouissance. Ils ont fondé leur action sur le défaut de conformité et sur la garantie des vices cachés.

La défenderesse a conclu à l'irrecevabilité de l'action, invoquant la prescription de l'action en garantie des vices cachés et le défaut d'intérêt à agir. Elle a également conclu au débouté et a demandé subsidiairement au tribunal d'ordonner le remplacement de la chaudière.

Par jugement en date du 15 mai 2019, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a :

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut d'intérêt à agir soulevées par la société Conseil Habitat Services,

- déclaré recevable l'action des époux L.,

- débouté M. et Mme L. de leur demande de résolution fondée sur un défaut de conformité,

- déclaré les époux L. bien fondés en leur action en garantie des vices cachés,

En conséquence,

- condamné la société Conseil Habitat Services à payer à M. et Mme L. la somme de 16.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2017,

- débouté la société Conseil Habitat Services de sa demande tendant au remplacement de la chaudière,

- ordonné à M. et Mme L. de restituer la chaudière à la société Conseil Habitat Services,

- condamné la société Conseil Habitat Services à payer aux époux L. les sommes de :

- 2.742,96 euros au titre du préjudice matériel,

- 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 1.000 euros au titre du préjudice moral,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Conseil Habitat Services à payer aux époux L. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour rejeter les fins de non-recevoir et déclarer l'action recevable, le tribunal a retenu que les époux L. avaient engagé leur action en garantie des vices cachés moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise, conformément à l'article 1648 du code civil, et qu'ils avaient un intérêt à agir en résolution de la vente même s'ils avaient antérieurement accepté le remplacement de la chaudière puisqu'au jour de l'expertise, cette chaudière n'était toujours pas remplacée. Il a écarté la demande de résolution fondée sur le défaut de conformité en ce que les époux L. avaient accepté la livraison d'une chaudière qui n'était pas celle commandée. Il a en revanche retenu l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil en ce que l'expert concluait que la chaudière ne pouvait assurer le chauffage de l'habitation en raison d'un mauvais fonctionnement de la régulation de la chaudière, que ce défaut était suffisamment grave pour rendre le bien inutilisable, qu'il était apparu à la mise en service de la chaudière, soit très rapidement après la vente, de sorte que le dysfonctionnement de la chaudière constituait un défaut non apparent antérieur à l'achat. Il a ensuite fait application des articles 1644 et 1645 du code civil pour les restitutions et les dommages-intérêts, retenant que la société Conseil Habitat Services était un vendeur professionnel, assimilé au vendeur de mauvaise foi tenu de réparer les préjudices.

Par déclaration du 27 juin 2019, la société Conseil Habitat Services a fait appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

A la suite du décès de M. Michel L., Mme Sylvie L. est intervenue volontairement en représentation de son père par conclusions du 14 janvier 2020.

Par acte d'huissier du 18 mars 2020, la société Conseil Habitat Services a fait assigner en intervention forcée M. Philippe L. devant la cour en sa qualité d'ayant-droit de Michel L., décédé.

Par conclusions du 19 mars 2020, la société Conseil Habitat Services demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer prescrite l'action en garantie des vices cachés des époux L.,

- en conséquence, les débouter de leur demande,

A titre subsidiaire,

- débouter les époux de leur action en garantie des vices cachés, faute de rapporter la preuve du vice,

- ordonner une nouvelle expertise avec la mission décrite dans l'ordonnance de référé du 26 janvier 2016, sauf à faire préciser par l'expert si les travaux réalisés par les demandeurs ont eu des répercussions sur le bon fonctionnement de la chaudière,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger qu'elle ne connaissait pas les vices inhérents à la chose,

En conséquence,

- constater l'accord intervenu le 15 novembre 2016 tendant au remplacement de la chaudière,

- débouter les consorts L. de leur demande d'indemnisation au titre de leurs préjudices matériels, moraux et de jouissance,

- condamner la société Conseil Habitat Services à restituer le seul prix de vente,

En tout état de cause,

- condamner les mêmes à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner les consorts L. au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions récapitulatives n°2 en date du 1er avril 2020, Mmes Annie et Sylvie L. demandent à la cour d'appel de :

- déclarer recevable et bien fondée Mme Annie L. en son intervention volontaire en sa qualité d'ayant-droit de son père décédé,

- surseoir à statuer jusqu'à ce que la société Conseil Habitat Services ait régularisé la procédure en appelant en intervention M. Philippe L. en sa qualité d'héritier de M. Michel L.,

- débouter la société Conseil Habitat Services de son appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celles ayant limité à 1.000 euros l'indemnité allouée au titre du préjudice de jouissance et ayant rejeté la demande de condamnation de la société Conseil Habitat Services aux frais d'expertise judiciaire au titre des dépens,

- infirmer en conséquence la décision entreprise et allouer à Mme Annie L. la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt,

- dire que les frais d'expertise taxés de M. P. ainsi que les frais de la procédure de référé doivent être inclus dans les dépens,

- condamner la société Conseil Habitat Services au paiement d'une somme de 4.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 3.221,70 euros, avec distraction.

Régulièrement cité à l'étude d'huissier, M. Philippe L. n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de déclarer Mme Sylvie L. recevable en son intervention volontaire, en sa qualité d'ayant-droit de son père décédé, M. Michel L., ce qui n'est pas contesté. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la mise en cause de M. Philippe L. en qualité d'ayant-droit de M. Michel L., puisqu'il a bien été assigné en intervention forcée par l'appelante.

I. Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés au regard de la prescription

Il résulte de l'article 1648 du code civil que l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

La société Conseil Habitat Services fait valoir que la chaudière a été installée le 1er octobre 2014 et que les époux L. ont admis devant l'expert qu'ils avaient connaissance du dysfonctionnement de la chaudière dès sa mise en service, de sorte que le délai de prescription commence à courir à compter du 1er octobre 2014 et que les époux L. avaient donc jusqu'au 1er octobre 2016 pour agir en garantie des vices cachés.

Mmes L. approuvent le tribunal d'avoir considéré que ce n'est qu'avec le dépôt du rapport d'expertise que la cause du mauvais fonctionnement de la chaudière a été établie et que les époux L. ont agi moins de deux ans après la date du dépôt du rapport d'expertise le 30 décembre 2016. Elles ajoutent que la découverte du vice procède de sa connaissance certaine aux termes du dépôt du rapport d'expertise, et qu'en tout état de cause, le délai aurait été interrompu conformément à l'article 2241 du code civil par les assignations en référé du 2 décembre 2015 puis du 31 janvier 2017.

La date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, le 30 décembre 2016, marque de façon certaine la découverte du vice affectant la chaudière dans toute son ampleur et ses conséquences, de sorte qu'elle constitue le point de départ du délai biennal de prescription.

L'assignation au fond en date du 5 mai 2017 ayant été délivrée moins de deux ans après le dépôt du rapport, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

En tout état de cause, à supposer que les époux L. connaissaient le vice caché dans toute son ampleur et ses conséquences dès l'installation et la mise en service de la chaudière le 1er octobre 2014 comme le soutient la société Conseil Habitat Services, le délai de deux ans courant à compter de cette date aurait été interrompu par l'assignation en référé expertise du 2 décembre 2015, puis suspendu pendant toute la durée de l'expertise, en application des articles 2241 et 2239 du code civil, de sorte que le nouveau délai deux ans aurait commencer à courir à compter du dépôt du rapport d'expertise. La solution aurait donc été identique.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action en garantie des vices cachés recevable.

II. Sur les demandes relatives à la garantie des vices cachés

1) Sur l'existence d'un vice caché et la demande d'expertise

Il résulte de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de garantir l'acheteur des défauts cachés du bien vendu qui le rendent impropre à son usage ou qui en diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou à un moindre prix s'il en avait eu connaissance.

La garantie des vices cachés suppose la réunion des conditions suivantes :

- existence d'un vice inhérent à la chose vendue,

- antériorité du vice par rapport à la vente,

- caractère non apparent du vice au moment de la vente pour l'acquéreur,

- caractère rédhibitoire du vice.

La société Conseil Habitat Services fait valoir que les conditions de la garantie des vices cachés résultant de l'article 1641 du code civil ne sont pas remplies en ce que l'existence d'un vice affectant la chaudière et antérieur à la vente est contestable. Elle soutient en premier lieu que l'expertise ne permet pas d'établir que les dysfonctionnements de la chaudière proviennent d'un vice inhérent à la chose'; que l'expert ne tire aucune conséquence de la modification de l'emplacement des ventilations haute et basse par les époux L. quant au fonctionnement de la chaudière et qu'il ne donne aucune explication sur les causes du mauvais fonctionnement de la régulation'; et qu'il retient à tort que les premiers dysfonctionnements ont été observés dès septembre 2014 alors que son service après-vente n'est intervenu qu'à compter de janvier 2015, soit après les travaux d'aménagement réalisés par les époux L.. Elle estime que pour qu'il y ait vice caché il ne suffit pas que l'objet soit impropre à son utilisation, il faut que le vice soit inhérent à la chose, ce sur quoi l'expert n'apporte aucune information. En second lieu, il rappelle qu'il faut établir que le vice existait avant la vente et fait valoir qu'en l'espèce, la chaudière a été installée le 1er octobre 2014, que ce n'est que quelques mois après la vente que les époux L. lui ont fait part de dysfonctionnements et la première intervention de son service après-vente a eu lieu le 26 janvier 2015, de sorte qu'au moment de la vente, la chaudière, qui fonctionnait normalement, n'était affectée d'aucun vice ; que les époux L. l'ont d'ailleurs réceptionnée sans réserve, ce qui purge l'ouvrage de ses défauts.

Elle sollicite donc la réformation du jugement et subsidiairement une nouvelle expertise.

Mmes L. font valoir que depuis son installation, la chaudière ne peut assurer le chauffage des locaux alors qu'il s'agit précisément de sa destination ; que de nombreux problèmes sont survenus dès son installation ayant nécessité plusieurs interventions du service après-vente de l'appelante les 26 janvier, 29 janvier, 10 février, 16 mars et 19 mars 2015 ; que la société Conseil Habitat Services avait reconnu une mauvaise combustion de la chaudière dans un courrier du 17 juin 2015 ; que selon les conclusions de l'expert, la société Conseil Habitat Services n'a pas fourni une chaudière capable d'assurer le chauffage de la maison ; qu'il n'est pas besoin d'une nouvelle expertise ; qu'il est clairement établi que les défauts existaient au jour de la vente. Elles concluent que les défauts cachés de la chose vendue la rendent impropre à l'usage auquel on la destine au sens de l'article 1641 du code civil.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté que la température de la chaudière ne dépassait pas 56°C alors que les besoins calorifiques étaient nuls (température extérieure de 22°C) et que le système de recyclage redescendait la température de la chaudière à 38°C, alors que le régime de fonctionnement de l'installation est de 80°C/60°C par -15°C de température extérieure, de sorte qu'en l'état la chaudière ne peut assurer le chauffage de la maison. L'expert indique que les désordres ont pour origine, à son avis, un mauvais fonctionnement de la régulation de la chaudière, que la société Conseil Habitat Services n'a pas fourni une chaudière capable d'assurer le chauffage de la maison de M. et Mme L., de sorte que ces derniers sont obligés d'avoir recours à un autre mode de chauffage pour maintenir leur maison habitable.

Même si l'expert n'indique pas d'où vient le mauvais fonctionnement de la régulation de la chaudière, il est évident qu'il s'agit d'un défaut interne à la chaudière.

L'expert indique avoir constaté la non-conformité des ventilations haute et basse car elles ne débouchent pas sur l'extérieur. Il est constant que lors de l'installation de la chaudière, les ventilations étaient conformes et que M. et Mme L. ont réalisé des travaux d'aménagement ayant conduit à modifier l'emplacement du débouché des ventilations haute et basse qui se trouve désormais à l'intérieur des locaux.

La société Conseil Habitat Services ne produit pas le moindre élément technique permettant d'affirmer que la modification de ces ventilations aurait pu conduire aux dysfonctionnements de la chaudière, notamment au mauvais fonctionnement de la régulation de celle-ci, ce qui apparaît peu plausible, les ventilations étant des éléments d'équipement du local et non pas des composants de la chaudière. Il est constant que la chaudière n'a subi après la vente aucune intervention, en dehors des interventions du service après-vente de la société Conseil Habitat Services en janvier, février et mars 2015 qui n'ont pas permis de résoudre le dysfonctionnement de la chaudière. Il est également constant que les ventilations du local n'ont pas vocation à participer au bon fonctionnement de la régulation de la chaudière.

Il en résulte que l'existence d'un vice inhérent à la chose vendue est bien établie, sans qu'il y ait lieu de recourir à une nouvelle expertise, laquelle ne saurait être ordonnée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, l'expertise réalisée étant suffisante pour établir l'existence du vice affectant la chaudière.

Par ailleurs, le fait que les époux L. aient réceptionné cette chaudière sans réserve ne saurait purger les vices cachés. Ce sont seulement les vices apparents lors de la livraison qui ne peuvent pas être couverts par la garantie des vices cachés. Il ressort des pièces produites par l'appelante que la chaudière a fonctionné normalement en octobre, novembre et décembre 2014 et a connu des dysfonctionnements à compter de janvier 2015, soit trois mois après sa mise en service. Il est ainsi établi que la chaudière fonctionnait lors de la réception de l'installation. Pour autant, il ne saurait être déduit de cette circonstance l'absence d'antériorité du vice à la vente. La chose vendue peut parfaitement être affectée d'un défaut tout en fonctionnant normalement pendant un certain temps, puis connaître des dysfonctionnements plus tard, révélant ainsi le vice qui était en germe dès la vente. Ainsi, la société Conseil Habitat Services confond la date de naissance du défaut et sa date d'apparition. En l'espèce, M. et Mme L. ont fait appel au service après-vente de la société Conseil Habitat Services quelques mois seulement après la vente puisque la première intervention de cette dernière a eu lieu le 26 janvier 2015 alors que la chaudière a été installée le 1er octobre 2014. Le fait que la chaudière ait très rapidement connu des problèmes de fonctionnement quelques mois après la vente fait présumer que le vice existait en germe avant la vente. En outre, le fait que le dysfonctionnement soit dû à un mauvais fonctionnement de la régulation de la chaudière montre que le défaut tient à la conception ou la fabrication de l'appareil, de sorte qu'il existait nécessairement avant la vente.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la chaudière était affectée d'un vice inhérent et antérieur à la vente.

Par ailleurs, il est constant que ce défaut était caché au moment de la livraison, puisque la chaudière a fonctionné les premiers mois.

Enfin, le caractère rédhibitoire du vice n'est pas contesté puisqu'il est constant que la chaudière ne remplit pas sa fonction de chauffage de la maison.

Dans ces conditions, il est établi que la chaudière vendue était au moment de la vente, atteinte d'un vice caché la rendant impropre à son usage au sens de l'article 1641 du code civil, de sorte que les conditions de la garantie des vices cachés sont remplies. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. et Mme L. bien fondés en leur action fondée sur la garantie des vices cachés et de rejeter la demande subsidiaire d'expertise de l'appelante.

2) Sur la résolution de la vente

L'article 1643 du code civil dispose que le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

En application de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Il est constant qu'en l'espèce, aucune clause de non garantie n'a été stipulée.

La société Conseil Habitat Services s'oppose à la résolution de la vente demandée par les époux L. au motif que Mme L. avait accepté le remplacement de la chaudière par courrier du 15 novembre 2016 de sorte que les parties avaient privilégié la voie amiable.

Mmes L. font valoir que le courrier du 15 novembre 2016 par lequel Mme L. a accepté le remplacement de la chaudière par une chaudière Vulcano V25 n'émane pas de M. Michel L. et ne peut donc engager ses ayants-droit ; que les conditions de remplacement n'ont jamais été définies, la société Conseil Habitat ne s'étant pas engagée sur la livraison d'une chaudière Vulcano ni sur une date ; que ce remplacement n'est d'ailleurs jamais intervenu ; que les pourparlers entre les conseils respectifs des parties n'ont pas abouti ; que l'acheteur est seul libre de choisir entre les options de l'article 1644 du code civil ; et que les époux L. n'ont jamais renoncé à leur réclamation indemnitaire.

La société Conseil Habitat Services produit effectivement un courrier manuscrit daté du 15 novembre 2016 émanant de Mme L. qui indique qu'elle accepte le remplacement de la chaudière Granulaugil installée par une chaudière Vulcano V25. Cependant, non seulement ce courrier n'est pas signé par M. L., mais surtout l'appelante ne justifie pas des suites qui ont été données à ce courrier rédigé juste avant le dépôt du rapport d'expertise. Il est constant que la chaudière Vulcano V25 n'a jamais été installée et la société Conseil Habitat Services ne justifie même pas avoir tenté de prendre rendez-vous avec les époux L. pour le remplacement de la chaudière. Ce début d'accord amiable, qui ne fait nullement état d'un engagement de la société Conseil Habitat Services, ne saurait en tout état de cause valoir accord transactionnel et faire obstacle à l'action judiciaire exercée finalement par les époux L. pour faire valoir leurs droits.

Par ailleurs, il est exact que l'option prévue par l'article 1644 du code civil n'appartient qu'à l'acquéreur.

Par conséquent, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que la résolution de la vente devait être prononcée. Toutefois, la résolution de la vente a été omise du dispositif du jugement. Il conviendra donc de réparer cette omission matérielle et de compléter le dispositif en prononçant la résolution de la vente.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution du prix et la restitution de la chaudière consécutive.

3) Sur les dommages-intérêts

a) Sur le principe de l'indemnisation

L'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il résulte de l'article 1646 du même code que si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à restitution du prix, et à remboursement des frais occasionnés par la vente.

Le vendeur professionnel est présumé avoir connaissance des vices affectant la chose vendue.

La société Conseil Habitat Services fait valoir que cette présomption créée par la jurisprudence n'est pas irréfragable et que s'agissant d'un défaut intrinsèque, elle ne pouvait déceler les vices et n'en avait aucunement connaissance lors de l'installation de la chaudière puisqu'ils sont apparus en janvier 2015. Elle souligne que plusieurs interventions ont été nécessaires et que les époux L. ont réalisé des travaux d'aménagement modifiant les ventilations et ont ainsi concouru à la réalisation de leur propre préjudice, et qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré qu'elle avait connaissance des vices affectant la chaudière, de sorte qu'il y a lieu de faire application de l'article 1646 du code civil.

Mmes L. font valoir que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices affectant la chose et doit donc réparer l'intégralité du préjudice provoqué par le vice, et que la société Conseil Habitat Services étant vendeur professionnel, elle doit indemniser les époux L. de leurs préjudices.

La société Conseil Habitat Services ne conteste pas être un vendeur professionnel en matière d'énergie, de sorte qu'elle est présumée connaître le vice affectant la chaudière.

Cette présomption de connaissance du vice par le vendeur professionnel repose sur l'idée que celui-ci, du fait de sa profession, ne pouvait ignorer le vice et était même tenu de le connaître.

Ainsi, le fait que la chaudière est affectée d'un défaut intrinsèque et le fait d'avoir tenté plusieurs interventions sans succès ne permettent pas à la société Conseil Habitat Services de renverser la présomption de connaissance du vice puisqu'en sa qualité de vendeur professionnel, elle est tenue de connaître les vices de la chaudière qu'elle a installée. C'est en outre en vain que l'appelante soutient qu'il n'est pas démontré qu'elle avait connaissance du vice, puisque la présomption dispense par nature l'acquéreur d'apporter une telle preuve.

Enfin, comme il a déjà été jugé, il n'est pas établi que la modification des ventilations du local par les époux L. puisse être en lien avec le dysfonctionnement de la chaudière, de sorte que c'est à tort que la société Conseil Habitat Services soutient que ces derniers ont concouru à la réalisation de leur propre préjudice.

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la société Conseil Habitat Services était tenue de réparer les préjudices des époux L..

b) Sur le montant des dommages-intérêts

Le tribunal a retenu une somme de 2.742,96 euros au titre du préjudice matériel correspondant à la facture d'achat d'un poêle à granulés d'occasion en date du 30 octobre 2017.

La société Conseil Habitat Services conteste cette condamnation, estimant qu'il s'agit d'un poêle de confort que le couple aurait vraisemblablement installé même si la chaudière avait fonctionné puisque la facture est du 30 octobre 2017, soit trois ans après l'installation de la chaudière litigieuse.

Mmes L. expliquent que le contentieux s'est éternisé et que les époux L. ont dû trouver une solution de fortune en achetant un ancien poêle à granulés au prix de 2.742,96 euros.

L'expert judiciaire a chiffré le coût de la remise en état de la chaudière à la somme de 1.700 euros TTC. Il a indiqué que la société Conseil Habitat Services n'avait pas fourni une chaudière capable d'assurer le chauffage de la maison de M. et Mme L., et que ces derniers étaient obligés d'avoir recours à un autre mode de chauffage pour maintenir leur maison habitable. Il n'a toutefois pas constaté le type de chauffage éventuellement utilisé ni le coût supporté par les époux L. à ce titre. La facture du 30 octobre 2017 relative à l'achat d'un poêle à granulés d'occasion est postérieure au dépôt du rapport d'expertise.

Même si l'expert n'indique pas quel mode de chauffage a éventuellement été utilisé en complément de la chaudière défectueuse, il n'en reste pas moins que les époux L. ont fini par acheter un poêle à granulés pour chauffer leur maison. Cette solution a été trouvée alors que l'action au fond était déjà engagée depuis plusieurs mois. S'agissant d'un poêle d'occasion peu coûteux par rapport au prix de vente de la chaudière défectueuse, il s'agit manifestement d'une solution provisoire en attendant le remboursement du prix de chaudière pour pouvoir en acheter une autre. Dès lors, il s'agit bien d'un préjudice matériel découlant du vice affectant la chaudière installée par la société Conseil Habitat Services.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement de la somme de 2.742,96 euros en réparation du préjudice matériel des époux L..

S'agissant du préjudice de jouissance, Mmes L. demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il ne leur a alloué qu'une somme de 1.000 euros pour plusieurs mois sans chauffage au cours de l'hiver 2015. Elles expliquent que les époux L. sont restés sans chauffage pendant quatre hivers de 2015 à 2018, de sorte qu'il convient de leur allouer la somme de 8.000 euros.

La société Conseil Habitat Services estime que le préjudice de jouissance est exclusivement imputable au comportement des époux L. qui sont de mauvaise foi puisqu'ils ont refusé l'intervention du fournisseur en septembre 2015, ce qui aurait réglé leur problème, et qu'ils se sont rétractés de leur accord sur le remplacement de la chaudière.

Elle produit deux courriers qu'elle a adressés respectivement aux époux L. et à leur assureur protection juridique le 1er septembre 2015 par lesquels elle leur reproche d'avoir annulé le rendez-vous du 3 septembre avec le fournisseur au motif qu'ils partaient en week-end. Toutefois, rien ne permet d'affirmer que l'intervention du fournisseur le 3 septembre 2015 aurait permis de résoudre le problème de chauffage. Il n'est nullement établi qu'il était convenu que ce fournisseur devait changer la chaudière. En outre, il est constant qu'aucun autre rendez-vous n'a été proposé aux époux L., y compris après le dépôt du rapport d'expertise en décembre 2016.

Par ailleurs, l'expert indique que les époux L. étaient obligés d'avoir recours à un autre mode de chauffage pour maintenir leur maison habitable, sans constater qu'ils avaient réellement un autre mode de chauffage.

Dès lors, il convient d'allouer à Mmes L. la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice de jouissance pour les trois hivers sans chauffage, étant rappelé qu'un poêle a finalement été acheté en octobre 2017. Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Conseil Habitat Services à payer à M. et Mme L. la somme de 1.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et de la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros à ce titre.

Le montant du préjudice moral, fixé à 1.000 euros par le tribunal, n'est pas discuté devant la cour. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

III. Sur la demande de dommages-intérêts de la société Conseil Habitat Services

La société Conseil Habitat Services demande à la cour de condamner les consorts L. au paiement de dommages-intérêts suite à la résolution de la vente pour inexécution fautive des époux L.. Elle fonde sa demande sur les dispositions des articles 1113, 1193 et 1231-1 du code civil et fait valoir que M. et Mme L. avaient accepté le remplacement de la chaudière et ont refusé d'exécuter cet accord.

Cependant, elle n'apporte pas la preuve de la conclusion d'un accord ferme et définitif sur le remplacement de la chaudière, engageant les deux parties et qui n'aurait pas été exécuté par la faute des époux L..

Il convient donc de débouter la société Conseil Habitat de Services de sa demande de dommages-intérêts.

IV. Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient de confirmer les condamnations de la société Conseil Habitat Services sur les frais irrépétibles et les dépens, et de la condamner aux entiers dépens d'appel. Il y a lieu d'inclure les frais de la procédure de référé expertise et les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 3.221,70 euros selon ordonnance du 23 janvier 2017, qui contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ne constituent pas des frais irrépétibles. Il convient également de faire droit à la demande de distraction au profit de l'avocat des consorts L. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mmes L. et de condamner la société Conseil Habitat Services à leur payer la somme de 2.000 euros à ce titre pour leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,

Déclare Mme Sylvie L. recevable en son intervention volontaire en sa qualité d'ayant-droit de M. Michel L., décédé,

Confirme le jugement rendu le 15 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne en toutes ses dispositions, SAUF ce qu'il a condamné la SAS Conseil Habitat Services à payer M. Michel L. et Mme Annie M. épouse L. la somme de 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau sur ce seul point, complétant le jugement et y ajoutant,

Prononce la résolution de la vente conclue le 4 septembre 2014 entre la SAS Conseil Habitat Services et M. Michel L. et Mme Annie M. épouse L.,

Déboute la SAS Conseil Habitat Services de sa demande d'expertise,

Condamne la SAS Conseil Habitat Services à payer à Mme Annie M. veuve L. et Mme Sylvie L., en sa qualité d'ayant-droit de M. Michel L., la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance,

Déboute la SAS Conseil Habitat Services de sa demande de dommages-intérêts,

Condamne la SAS Conseil Habitat Services à payer à Mme Annie M. veuve L. et Mme Sylvie L. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Conseil Habitat Service aux entiers dépens d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 3.221,70 euros et les frais de la procédure de référé expertise, avec distraction au profit de Me Pierre D., avocat membre de la Selas D. Associés Grand Est, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.