CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 9 décembre 2020, n° 19/07453
PARIS
Ordonnance
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Compagnie Financière Européenne de Prises de Participations (SA) , Copagef (SA), Marie Brizard Wine And Spirits France (SAS)
Défendeur :
Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Par requête assortie de 40 annexes déposées le 1er avril 2019, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence (« l'Autorité ») a saisi le juge des libertés et de la détention (« JLD ») du tribunal judiciaire de Paris d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire et de saisie documentaires dans les locaux de la société Compagnie financière européenne de prises de participation (« société Cofepp ») établie à Charenton-le-Pont, des sociétés Marie Brizard Wine § Spirits (« MBWS ») et Copagef, établies à Paris, ainsi que de ceux de la société X établie à Blanquefort, l'Autorité soupçonnant, en premier lieu, une prise de contrôle anticipée de la société MBWS par la société Cofepp avant l'autorisation préalable de l'Autorité pour une opération de contrôle, en deuxième lieu, des risques d'entente entre les sociétés Cofepp et MBWS sur la répartition des marchés du rhum et du whisky par l'échange d'informations prohibé et en troisième lieu, le risque d'entente sur les prix des boissons aromatisées à base de vin entre les sociétés Copagef et sa filiale X, et MBWS.
Par ordonnance du 3 avril 2019, le JLD de Paris a autorisé l'enquête sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce et les opérations ont été conduites à Paris, à Charenton-le-Pont sur ordonnance du JLD du tribunal judiciaire de Créteil du 8 avril 2019 et à Bordeaux sur ordonnance du JLD du tribunal judiciaire de Bordeaux du 4 avril 2019.
Les visites domiciliaires et les opérations de saisie documentaires ont donné lieu à des procès-verbaux des 10 avril, 14 mai, 15 mai et 28 mai 2019 en ce qui concerne la société Cofepp, du 10 avril en ce qui concerne la société MBWS, du 9 avril 2019 pour la société X et du 10 avril 2019 en ce qui concerne la société Copagef.
PROCÉDURE DEVANT LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ DE LA COUR D'APPEL
Vu l'appel de l'ordonnance du JLD de Paris du 3 avril 2019 interjeté le 18 avril 2019 par la société Cofepp enregistré sous le n° 19/07479 ;
Vu l'appel de l'ordonnance du JLD de Créteil du 8 avril 2019 interjeté le 18 avril 2019 par la société Cofepp enregistré sous le n° 19/07453 ;
Vu l'appel de l'ordonnance du JLD de Paris du 3 avril 2019 interjeté le 19 avril 2019 par la société MBWS enregistré sous le n° 19/07648 ;
Vu l'appel de l'ordonnance du JLD de Paris du 3 avril 2019 interjeté le 17 avril 2019 par la société X enregistré sous le n° 19/07638 ;
Vu l'appel de l'ordonnance du JLD de Bordeaux du 4 avril 2019 interjeté le 17 avril 2019 par la société X enregistré sous le n° 19/07641 ;
Vu l'appel de l'ordonnance du JLD de Paris du 3 avril 2019 interjeté le 17 avril 2019 par la société Copagef enregistré sous le n° 19/07628 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 9 avril 2019 à Charenton-le-Pont déposé par la société Cofepp le 18 avril 2019 enregistré sous le n° 19/07473 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 14 mai 2019 à Charenton-le-Pont déposé par la société Cofepp le 22 mai 2019 enregistré sous le n° 19/09108 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 15 mai 2019 à Charenton-le-Pont déposé par la société Cofepp le 22 mai 2019 enregistré sous le n° 19/09109 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 28 mai 2019 à Charenton-le-Pont déposé par la société Cofepp le 6 juin 2019 enregistré sous le n° 19/11078 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 28 mai 2019 à Paris déposé par la société MBWS le 9 avril 2019 enregistré sous le n° 19/07655 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 9 avril 2019 à Blanquefort déposé par la société X le 17 avril 2019 enregistré sous le n° 19/07645 ;
Vu le recours en annulation du procès-verbal établi le 10 avril 2019 à Paris déposé par la société Copagef le 17 avril 2019 enregistré sous le n° 19/07643 ;
Vu les conclusions sur appel déposées les 10 septembre 2019 et 7 janvier 2020 pour la société Cofepp ;
Vu les conclusions sur les recours en annulation des procès-verbaux déposées 10 septembre 2019 et 7 janvier 2020 pour la société Cofepp ;
Vu les conclusions sur appel déposées les 10 septembre 2019 et 29 mai 2020 pour la société MBWS ;
Vu les conclusions sur les recours en annulation des procès-verbaux déposées le 29 mai 2020 pour la société MBWS ;
Vu les conclusions sur appel déposées les 10 septembre 2019 et 29 mai 2020 pour la société X ;
Vu les conclusions sur les recours en annulation des procès-verbaux déposées les 11 septembre 2019 et 29 mai 2020 pour les sociétés X et Copagef ;
Vu les observations écrites de l'Autorité de la concurrence ;
Vu les avis du ministère public ;
Les sociétés Cofepp, MBWS, Copafeg et X, l'Autorité de la concurrence et le Ministère public ont été entendus à l'audience qui s'est tenue le 23 septembre 2020 et à l'issue de laquelle le magistrat délégué par le Premier président a fixé le délibéré au 18 novembre 2020 à 9 heures puis le délibéré a été prorogé au 9 décembre 2020 à 9 heures.
SUR CE,
1. En liminaire et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction de l'ensemble des appels et des recours visés ci-dessus.
2. Il sera succinctement exposé qu'aux termes de sa requête en vue d'être autorisée à procéder à des enquêtes domiciliaires et des saisies dans les conditions de l'article L. 450-4 du code de commerce, l'Autorité s'est attachée aux comportements de sociétés dans le secteur des vins et spiritueux, mettant en cause, en premier lieu, la société Cofepp, holding familiale à la tête de sociétés produisant et distribuant des spiritueux et décrite comme le "n° 2 français" et dans le "le top 10 mondial" des groupes de spiritueux avec un large portefeuille de marques internationales, notamment Label 5, Cruz, Poliakov, Saint James, Negrita, Old Nick, Dillon et Gibson's. D'autre part, la société MBWS, décrite comme le troisième groupe français du secteur détenant notamment les marques William Peel, Sobieski, Krupnik, Marie Brizard, Cognac Gautier, Tequila San José, les sociétés MBWS et Cofepp étant présentées par l'Autorité comme de proches concurrents notamment sur les marchés de la vodka et du Whisky, la société Cofepp, par le biais de sa filiale La Martiniquaise, avec la marque Poliakov, étant depuis plusieurs années leader du marché de la vodka devant MBWS qui détient la marque Sobieski, la société MBWS qui détient la marque William Peel étant leader du marché du whisky devant la société Cofepp et sa marque Label 5.
3. L'Autorité relève d'une première part, que depuis 2015, la société Cofepp est montée progressivement au capital de la société MBWS pour en devenir premier actionnaire au 15 novembre 2018 avec 29,47 % du capital et que trois administrateurs originaires de la société Cofepp ont été nommés aux organes de la société MBWS : M. Y, président du directoire de la Cofepp, membre du conseil d'administration et du comité d'audit de MBWS depuis le 30 juin 2015, Mme Y, vice-présidente du conseil de surveillance de la Cofepp, nommée au conseil d'administration de MBWS le 21 juin 2016 et Mme Z, directrice générale et directrice marketing international de la Cofepp, nommée membre du conseil d'administration de MBWS depuis le 12 mai 2017.
4. Elle retient ensuite que le 29 mai 2018, la société Cofepp a accordé à la société MBWS une avance en compte courant d'un montant de 7,5 millions d'euros et que le 24 décembre 2018, la société MBWS a annoncé avoir signé un accord ferme avec la société Cofepp pour avoir les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de sa stratégie notamment son projet de cession de certaines de ses marques pour couvrir tout ou partie des pertes de l'exercice 2018.
5. L'Autorité retient encore que dès 2016, la société MBWS est parvenue à un accord avec la société La Martiniquaise, filiale de la Cofepp, pour développer son approvisionnement en scotch whisky auprès de son actionnaire principal, cet accord prévoyant que cet approvisionnement atteigne 50% dès 2019.
6. La rapporteure générale soupçonne de ces comportements la violation des dispositions des articles L. 430-3 et L. 430-8 I du code de commerce, alors que la société Cofepp a ultérieurement notifié le 3 janvier 2019 au service des concentrations de l'Autorité un projet de prise de contrôle de la société MBWS qui sera autorisé par décision du 28 février 2019 numéro 19-DCC-36.
7. De seconde part, l'Autorité rapporte que la société Cofepp, numéro 2 du marché du whisky, concourt au maintien de la société MBWS sur ce marché par son approvisionnement depuis 2016. Et tandis que pour le marché du rhum, sur lequel la société Cofepp détient plusieurs marques premium telles que Negrita, Old Nick et Dillon, l'Autorité relève la déclaration en janvier 2017 du directeur général de MBWS, M. W, indiquant : « Le rhum est le troisième segment du marché français. Donc, il est clair que nous devrons réaliser une acquisition dans le rhum (...). Après, il est clair qu'il ne faut pas se précipiter et acheter n'importe quoi, n'importe comment et à n'importe quel prix. Nous avons des idées très claires sur ce que nous cherchons. Il faut que ces activités soient relutives en termes de marge et complémentaires avec nos autres activités. Donc, nous ne ferons pas l'acquisition d'une marque premium », l'Autorité déduisant des accords d'approvisionnement sur le marché du Whisky et de la volonté de la société ne pas acquérir de marques premium de rhum la présomption d'une répartition de marchés entre les sociétés par l'échange d'informations entre les sociétés Cofepp et MBWS contraire aux articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
8. L'Autorité s'est en second lieu attachée aux relations de la société MBWS avec la société Copagef, exerçant principalement une activité de production, d'embouteillage et de distribution de différentes catégories de vins français et étrangers, détenant la marque VeRy Pamp, boisson aromatisée à base de vin à travers sa filiale la Confrérie des récoltants, et par ailleurs maison mère du groupe X basé à Blanquefort dont les sociétés DF Holding et Diana Holding font aussi partie.
9. Il est ainsi relevé que la société MBWS et le groupe X sont de proches concurrents dans le secteur des vins et qu'elles ont lancé respectivement en 2010 et 2011 leur marque de boissons aromatisées à base de vin, VeRy Pamp pour le groupe X leader du marché en 2012, et Fruits and Wine, pour MBWS leader du marché en 2013/2014
10. L'Autorité retient qu'en mai 2015 les sociétés DF Holding et Diana Holding du groupe X ont franchi ensemble le seuil de 20 % du capital et des droits de vote de la société MBWS, société DF Holding ayant obtenu un représentant au conseil d'administration en la personne de Mme B, laquelle exerçait depuis 1994 des fonctions au sein de la direction financière du groupe X et qui était membre du conseil d'administration de la société Copagef depuis août 2011 et dont en lien avec M. C, président du conseil d'administration de la société Copagef du 2 mai 2013 au 1er septembre 2016 et président de la Confrérie des récoltants.
11. Rapportant la publication sur Internet le 31 mai 2016 d'une information selon laquelle la réduction des ventes de boissons aromatisées à base de vin s'expliquerait notamment par une chute de l'activité promotionnelle, l'Autorité suspecte la possibilité d'échange d'informations stratégiques entre le groupe X par l'intermédiaire de la société DF Holding et de son représentant, Mme B, et la société MBWS et qui pourrait être à l'origine d'une entente sur les prix des boissons aromatisées à base de vin.
I. Sur les appels des ordonnances autorisant les visites domiciliaires et les opérations de saisie
12. Pour conclure à l'annulation des ordonnances des JLD de Paris et de Créteil autorisant les visites domiciliaires ainsi que les saisies documentaires qui s'en sont suivies, la société Cofepp oppose, en premier lieu, l'origine illicite des courriels qu'un actionnaire de la société MBWS dénonçant des informations selon lesquelles, en substance, « la COFEPP semble déjà diriger MBWS », a adressés les 17 avril, 5 et 30 mai 2018 au chef de service des concentrations de l'Autorité, et que celui-ci a communiqués au rapporteur général de l'Autorité avant que ce dernier ne les produisent en annexe n° 35 pour les invoquer au nombre des indices des pratiques illicites venant au soutien de la demande d'enquête, communication prohibée ainsi que M. D., adjoint au chef du service des concentrations de l'Autorité, l'a confirmé lors d'une conférence publique lors de laquelle il a indiqué que « les éléments transmis au service des concentrations ne peuvent fonder une procédure antitrust, en particulier une ordonnance de visite et saisies ».
13. Au demeurant, les propos précités de l'adjoint au chef du service concentrations de l'Autorité sont dépourvus d'autorité juridique, et tandis que les courriels de l'actionnaire de la société MBWS n'émanent pas de l'une des parties habilitées à saisir le service des concentrations d'une opération soumise à autorisation, que ces courriels ont été transmis avant que l'Autorité ne soit saisie le 3 janvier 2019 de la notification par les sociétés Cofepp et MBWS de leur opération de prise de contrôle et qu'enfin, le service des concentrations et celui de l'instruction des enquêtes de l'Autorité sont autonomes, aucune illicéité ne peut être déduite de l'opportunité du service des concentrations de communiquer ces courriels au rapporteur général de l'Autorité habilité à les produire au soutien de sa demande d'enquête.
14. En deuxième lieu, les sociétés Cofepp, MBWS, Copagef et X concluent que les indices invoqués au soutien de la demande d'enquête ne constituent pas, ensemble ou séparément, des présomptions sérieuses et font grief au JLD de Paris de n'avoir pas concrètement contrôlé celles-ci suivant l'obligation qui lui était faite par l'article L. 450-4, alinéa 2, du code de commerce.
15. Les sociétés Cofepp, Copagef et X soutiennent d'abord qu'il ne peut être retenu la présomption d'échange d'informations prohibé entre leurs représentants et ceux de la société MBWS alors qu'un règlement de cette dernière avait été adopté pour en prévenir le risque ainsi que cela a été mis en oeuvre à l'occasion du retrait des représentants de la société Cofepp lors des conseils d'administrations des 19 septembre 2017 et 13 mars 2018.
16. En ce qui concerne les indices rassemblés à l'encontre des sociétés MBWS et Cofepp, cette dernière relève, en liminaire, que sa montée progressive au capital de la société MBWS ainsi que sa représentation à ses conseils d'administration ont été préservées des risques d'échange d'information prohibée en matière de concurrence par la modification, dès juin 2015, du règlement du conseil d'administration obligeant les administrateurs concurrents de MBWS à quitter les séances où des sujets communs aux deux sociétés étaient exposés et devaient donner lieu à décision. A compter de 2017, la société MBWS a été confrontée à des difficultés financières auxquelles en raison du déclin de son activité en Pologne ainsi que de la perte de son cours de bourse et des solutions de refinancement ont été recherchées par des négociations et des conciliations autorisées par le tribunal de commerce de Paris en avril 2017 et avril 2018. Lors du conseil d'administration de MBWS du 29 août 2018, plusieurs options ont été envisagées pour redonner des perspectives à l'entreprise et il a décidé de donner mandat à la banque Rothschild & Cie d'étudier des projets de cessions de marques avec l'objectif « de couvrir tout ou partie des pertes de l'exercice 2018 ». Opposée à la cession de marques et poursuivant son intérêt légitime de préserver son investissement de 137 millions d'euros dans l'acquisition des parts sociales de la société MBWS, la société Cofepp a accepté d'apporter 7,5 millions d'euros en avance en compte courant avant que, avec l'approbation de l'administrateur ad hoc désigné par le juridiction commerciale, elle ne fasse l'offre de souscrire à une augmentation du capital de la société MBWS par l'acquisition d'au moins 47,08 % du capital et 47,51 % des droits de vote et retenue par la décision du conseil d'administration du 21 décembre 2018 à laquelle la société Cofepp n'a pas participé, et validée par le service des concentrations de l'Autorité dans sa décision du 28 février 2019.
17. En suite, les sociétés Cofepp et MBWS se prévalent de la décision de l'Autorité du 28 février 2019 qui autorise la prise de contrôle en indiquant au point 9 que « à l'issue de l'augmentation de capital, la Cofepp disposera de la majorité des membres du conseil d'administration de MBWS qui se prononce à la majorité simple sur les décisions stratégiques de l'entreprise, telles que la nomination des dirigeants ou l'approbation du budget », et relevant que cette augmentation de capital est intervenue le 1er mars 2019, les appelantes en déduisent que les relations antérieures des sociétés Cofepp et MBWS échappaient par nature aux suspicions attachées aux indices, en particulier à celles dénoncées dans les courriels de l'actionnaire de la société MBWS dont le service des concentrations n'a manifestement pas tenu compte dans sa décision, la société MBWS ajoutant que pour autoriser l'opération de prise de contrôle, le service des concentrations s'était nécessairement livré à l'examen des relations passées des deux sociétés et au titre desquelles il ne leur a imputé aucun grief et la société Cofepp ajoutant qu'à les supposer avérés, les agissements reprochés sur la base de ces indices ont pris fin avant que le JLD de Paris, n'autorise l'enquête le 3 avril 2019.
18. Par ailleurs, les sociétés Cofepp et MBWS contestent la portée des indices tirés, d'une part, du projet de cession de marques secondaires de la société MBWS en vue de faciliter l'autorisation de la concentration par l'Autorité, alors que ce projet a été abandonné, d'autre part, l'indice tiré de l'avance en compte courant qu'elle a consentie, alors que celle-ci est modeste dans son montant par rapport au capital social de la société MBWS et relevait d'un comportement normal d'un actionnaire minoritaire de préserver son investissement en prévenant le risque de redressement judiciaire de la société MBWS. Elle réfute encore l'indice déduit d'une répartition illicite sur le marché du Whisky au moyen du contrat d'approvisionnement soutenant qu'il était économiquement justifié par l'intérêt de la société Cofepp d'optimiser son outil de production et celui de la société MBWS de sécuriser la distribution de son whisky alors qu'elle ne disposait pas de distillerie et qu'en outre aucun contrôle de fait ne peut être déduit de la portée de ce contrat alors que le marché du whisky est particulièrement concurrentiel, qu'il n'anticipait un approvisionnement de 50 % qu'à compter de 2019 et qu'après la prise de contrôle, il ne représentait en réalité pas plus de 20 % de la production de la société MBWS. Enfin, la société Cofepp dénie l'indice d'une répartition sur le marché du rhum tiré du refus de la société MBWS d'acquérir des marques premium, alors que la stratégie globale du groupe comme ses difficultés financières justifiaient qu'il se maintienne dans la vente de marques sur les segments de consommation de masse.
19. Enfin, la société Cofepp estime que son projet de vouloir acquérir la société MBWS de longue date est légitime et ne peut être retenu à son détriment.
20. S'agissant des indices relevés à l'encontre des sociétés Copagef et X, celles-ci estiment que la seule détention de parts sociales dans la société MBWS constitue un indice insuffisant pour justifier l'enquête validée par le JLD.
21. Les sociétés Copagef et X contestent de surcroît que la participation minoritaire de la société DF Holding était motivée par la volonté du groupe X d''obtenir un siège au conseil d'administration de l'un de ses plus proches concurrents « comme le prétend l'Autorité, soutenant que cette participation avait pour objet d'accompagner le groupe Diana Holding dans la mise en œuvre de sa stratégie visant à développer les ventes de spiritueux en Asie et en Afrique, continents sur lesquels le groupe X est implanté du fait de ses activités dans le secteur du vin (pour l'Asie) et de la bière (pour l'Afrique). Les concluantes relèvent que la société Confrerie des Récoltants, qui entretenait un rapport de concurrence avec la société MBWS, n'était détenue par les sociétés DF Holding et Copagef que de façon très indirecte, par l'intermédiaire de la société SIA Négoce » SVF et enfin, que le chiffre d'affaires de la production de boissons aromatisées à base de vin était anecdotique comparé à celui du groupe X.
22. Elles soutiennent par ailleurs que, au gré de ses nominations dans les sociétés du groupe X, Madame B n'a jamais exercé de fonctions dans le secteur des boissons aromatisées à base de vin.
23. Enfin, les sociétés Copagef et X contestent de l'information publiée le 31 mai 2017 sur internet l'indice d'un partage de marché avec la société MBWS, alors que cette même publication constate la crise de ce marché affectant plutôt la Confrerie des Récoltants au profit de la société MBWS et alors enfin que d'autres publications établissent que le retournement de ce marché a été antérieur à la participation de la société DF Holding au capital de MBWS et qu'il s'est poursuivi après la démission du représentant de la première au conseil d'administration de la seconde.
24. Au demeurant, si chacun des comportements des sociétés Cofepp et MBWS rapportés aux paragraphes 2 à 7 ci-dessus, ainsi que ceux des sociétés Copafeg, X et HD Holding rapportés aux paragraphes 8 à 11, est susceptible d'être justifié dans un débat au fond comme étant exempt de pratiques anticoncurrentielles ainsi que l'invoquent les appelantes au terme de leurs conclusions, ces comportements constituent prima facie dans leur combinaison, leur chronologie et leur convergence, un ensemble de présomptions cohérentes de l'influence déterminante et prohibée de la société Cofepp sur la société MBWS ainsi que du partage des marchés émergeants des boissons aromatisées à base de vin entre les sociétés MBWS et le groupe X au travers de ses filiales. Et ces présomptions étayées des informations concrètes produites en annexe de la requête, sont fondées sur l'observation des coopérations horizontales anormales entre entreprises concurrentes ainsi que sur la doctrine économique de l'Autorité sur les faisceaux d'indices en matière de contrôle des concentrations arrêtée aux paragraphes 44 et suivants de ses lignes directrices publiées le 10 juillet 2013.
25. Et alors d'une part, que le simple règlement de la société MBWS stipulant l'obligation des représentants de sociétés extérieures de ne pas participer aux discussions et aux décisions intéressant les entités concurrentes n'est pas de nature à établir, par lui-même, les conditions dans lesquelles les représentants des sociétés MBWS, Cofepp, ou DH Holding pour le compte du groupe X, s'y sont conformés, et tandis d'autre part, que les indices rapportés au soutien de la demande d'enquête sont antérieurs à la notification de la prise de contrôle au service des concentrations, que celui-ci n'est pas compétent pour apprécier et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles des entreprises et que le pouvoir du rapporteur général de l'Autorité et du service des enquêtes sont autonomes, ainsi que cela est relevé au paragraphe 13 ci-dessus, l'ordonnance du JLD est dûment motivée, exempte de contradiction et n'encourt pas les griefs qui seront écartés.
26. En troisième lieu, les sociétés Cofepp, MBWS, Copagef et X estiment, au visa de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH) relatif au droit au respect de la vie privée et du domicile, que l'enquête ordonnée dans le cadre de l'article L. 450-4 du code de commerce ne pouvait être décidée sur la base de simples indices permettant de présumer les atteintes au livre IV du code, qu'elle est disproportionnée avec l'objectif recherché par l'Autorité mais aussi déloyale, alors d'une part, que pour autant que ces infractions soient établies, elles n'étaient non seulement pas en train de se commettre, mais elles étaient éteintes après que l'Autorité a autorisé la prise de contrôle, que d'autre part, le grief tiré de la violation de l'article L. 450-8 I. du code de commerce est procédural et sans rapport avec les risques de marché encourus par la constitution des cartels, et qu'enfin, d'autres moyens de preuve des agissements reprochés que celui de la visite domiciliaire étaient offerts à l'Autorité pour conduire son enquête dans le cadre de la procédure de l'article L. 450-3 du code de commerce, par la communication de pièces ou l'envoi de questionnaires, en particulier sur les interrogations soulevées par les courriels de l'actionnaire de la société MBWS, ou à l'occasion de la procédure de pré-notification puis de notification de l'opération de prise de contrôle, l'essentiel des indices étant au surplus alimenté à partir de données publiques.
27. Cependant, si les sources des indices rapportés en annexe au soutien de la demande d'enquête sont pour l'essentiel publiques, leur origine est hétérogène et les comportements qui leur correspondent sont multiples, de sorte que la présomption qui en résulte de la volonté apparente des sociétés MBWS, Cofepp, Copagef et X de se soustraire aux règles de la concurrence ne peut être mise en rapport, et les indices qui leurs sont attachés, combattus par les entreprises, que sur la base d'éventuels agissements secrets dont la divulgation par leur auteurs n'est par nature pas spontanée. Et tandis qu'au stade de la demande d'enquête, le JLD n'est pas saisi de l'appréciation au fond des comportements des entreprises, ni a fortiori de celle de leur gravité, il a dûment estimé l'adéquation de l'enquête autorisée sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce avec le faisceau des indices que lui a soumis l'Autorité.
28. Par ces motifs, les ordonnances des JLD de Paris, de Créteil et de Bordeaux seront confirmées.
II. Sur les recours en annulation des procès-verbaux de saisie de documents et en expurgation
29. Aux termes de leur recours, les requérantes demandent l'annulation des procès-verbaux établis pour les opérations de saisie de documents établis à l'occasion des visites domiciliaires dans leurs locaux les 10 avril, 14 mai, 15 mai et 28 mai 2019 en ce qui concerne la société Cofepp, le 10 avril en ce qui concerne la société MBWS, le 9 avril 2019 pour la société X et le 10 avril en ce qui concerne la société Copagef. Elles demandent subsidiairement d'enjoindre à l'Autorité la destruction immédiate des documents saisis ou que interdiction lui soit faite d'en user.
30. Les requérantes soutiennent, en premier lieu ensemble, que leurs documents papiers ou leurs courriels ne pouvaient être saisis alors qu'ils entraient dans les prévisions des articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ainsi que 2-2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat à la suite desquels en toute matière, que ce soit dans le domaine du conseil ou de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci sont couvertes par le secret professionnel.
31. Si effectivement les conseils des avocats à leurs clients sont protégés par le secret professionnel et par principe insaisissables quel que soit le circuit de leur échange ou leur support, c'est cependant, en matière d'atteinte à l'ordre public économique, à la condition que soit caractérisée la preuve qu'ils sont émis ou adressés par un avocat indépendant de l'entreprise et pour l'exercice des droits de la défense en rapport avec l'objet même de l'enquête déterminée d'après les indices d'infraction au droit de la concurrence.
Sur les griefs invoqués par la société Cofepp
32. Pour prétendre écarter les documents produits en pièces n° 2.01 à 2.74, n° 13.00001 à 13.08365, n° 16.00001 à 16.00757 et n°23.00001 à 23.00074 ainsi que n° 1.00001 à 1.19325, la société Cofepp met aux débats un tableau ainsi que certaines correspondances à la suite desquels elle fait grief aux agents des services d'instruction de l'Autorité, d'abord de n'avoir pas mis l'entreprise en mesure d'apprécier elle-même l'adéquation des moyens techniques mis en œuvre pour la saisie des documents au regard du but poursuivi.
33. Toutefois, les agents n'ont pas l'obligation de révéler les fonctionnalités des moteurs de recherche, les mots-clefs ou les modalités techniques des saisies qu'ils mettent en œuvre, dès lors que les parties ont été informées des fichiers qui ont été saisis.
34. La société Cofepp fait ensuite grief aux agents d'avoir refusé d'examiner et d'exclure du scellé fermé provisoire toutes les correspondances avocat-client ne concernant pas un dossier de concurrence, en particulier tous les documents de la liste 2 comprenant 8365 correspondances avocat-client.
35. La Cofepp fait ensuite grief aux agents d'avoir examiné mais refusé d'exclure du scellé fermé provisoire certaines correspondances avocat-client en lien avec un dossier concurrence puis a refusé de restituer, sans explication, 72766 correspondances avocat-client relatives à un dossier concurrence sur un total de 19739 présentes dans la liste 1, soit que certains documents sont échangés dans une chaînes de courriels dans laquelle des avocats sont expéditeurs ou destinataires, soit que certains courriels sont échangés au sein de la société qui retranscrivent une stratégie de défense entre Cofepp et ses conseils, soit que certains courriels se rapportent à la procédure de notification du contrôle de la société MBWS au service des concentrations de l'Autorité, soit que des courriels sont accompagnés de pièces jointes correspondant à de documents rédigés par des avocats, échangés au sein de Cofepp ou avec la société MBWS transférés et où l'avocat interrogé est en copie du courriel et faisant état d'une stratégie concernant directement les avocats qui sont invités à intervenir, soit enfin que certains documents sont des fiches de contact d'avocat, des confirmations de lecture de courriels expédiés par un avocat ou des invitations à une conférence téléphonique/réunion reçue ou envoyée par un avocat et étaient de nature à renseigner sur la stratégie de défense de la société Cofepp.
36. La société Cofepp fait encore grief aux agents d'avoir refusé d'exclure du scellé fermé provisoire des correspondances avocat-client dans un dossier concurrence au motif qu'elle n'a pas réussi à les « localiser » et lors des opérations d'expurgation des 14, 15 et 28 mai, les enquêteurs rapporteurs n'ont pas réussi à identifier 155 documents qui relèvent du secret des correspondances avocat-client dont la société Cofepp avait demandé le retrait du scellé fermé provisoire par courrier du 24 avril 2019, de sorte que ces documents sont aujourd'hui dans le scellé définitif.
37. Enfin, la société Cofepp fait grief aux agents de s'être livrés irrégulièrement à une saisie massive et indifférenciée de 950 000 documents informatiques et étrangers à l'objet et aux indices sur le fondement desquels l'enquête a été autorisée par les JLD, plusieurs centaines d'entre-eux concernant la vie privée de leurs auteurs et des destinataires, certains datant de 1997, les documents papiers produits en pièces n° 2.01 à 2.74 ne mentionnant pas la société MBWS, la société Cofepp n'étant pas matériellement en mesure de soumettre au débat contradictoire l'intégralité des documents hors champ ni la juridiction davantage en mesure de contrôler ceux-ci.
38. Au demeurant, les agents autorisés à rechercher les preuves des indices de pratiques anticoncurrentielles ne peuvent être restreints, a priori, par le volume des documents générés par les entreprises pour leur activité, et que celles-ci désignent comme étant en rapport avec l'objet de l'enquête, ce dont il résulte qu'au stade de la visite domiciliaire et des opérations de saisie, il appartient aux entreprises de coopérer avec les agents pour désigner avec suffisamment de précision ceux des documents dont l'objet relève du secret avocat- client qu'elles entendent opposer.
39. Il en résulte, d'une part, que les agents pouvaient au regard du nombre des documents, les saisir sur procès-verbal de scellé fermé provisoire approuvé par le représentant de la société Cofepp, puis après que l'agent a régulièrement indiqué que la demande d'expurgation de ceux des documents couverts par le secret avocat-client dans des affaires de concurrence pourra être exercée par la société Cofepp avant le 24 avril 2019, et notifié le 29 avril 2019 un nouveau délai jusqu'au 6 mai pour établir cette liste, l'Autorité était fondée à refuser d'examiner et d'exclure du scellé les listes communiquées le 6 mai 2019 par la société Cofepp qui ne mentionnaient pas précisément la nature des documents concurrence susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances avocat-client.
40. D'autre part, en suite de l'observation au paragraphe 31 ci-dessus et connaissance prise des tableaux « excel » produits par la société Cofepp recensant les courriels n° 13.00001 à 13.08365 et n° 16.00001 à 16.00757, il est relevé que les indications recensées dans la colonne « dossier concurrence » ne précisent pas l'objet dans la défense des droits de l'entreprise en matière de concurrence visée par l'ordonnance du JLD, et tandis que, connaissance prise par la juridiction, les courriels extraits d'après les mots clefs issus des indices ou de la mention « confidentiel » ne permettent pas davantage d'identifier l'existence d'échanges avocat-client couverts par le secret avocat-client, et alors encore que la société Cofepp ne contredit pas les observations de l'Autorité sur le sondage auquel elle s'est aussi livrée établissant l'absence de courriels en rapport avec la défense de l'entreprise dans la matière de l'enquête, la demande d'expurgation de ces documents sera écartée.
41. Il en sera de même des pièces n° 14, 15, 17, 18, 19, 21, 22 ainsi que des 74 documents référencés sous les n°23.00001 à 23.00074 conservés au scellé définitif et dont il est établi qu’ils n’ont pas été localisés, alors que, connaissance prise par la juridiction, ils ne correspondent pas non plus à un échange avocat-client concernant la défense de la société Cofepp dans l'enquête.
42. En ce qui concerne d'autre part ceux des courriels référencés sous les n° 1.00001 à 1.19325 comprenant des informations étrangères à l'objet de l'enquête, mais enchaînées à un échange de courriels se rapportant aux mots clefs de cet objet, l'Autorité relève dûment qu'elle n'était pas contrainte de les expurger en particulier pour ne pas porter atteinte à l'intégrité du fichier qui correspond à la chaîne des messages, et tandis que les agents de l'Autorité sont tenus au secret de l'enquête et qu'il n'est pas démontré, ni même allégué l'atteinte que la saisie de ces données a pu entraîner à leur auteurs, la contestation de ce chef sera tout autant écartée.
43. Enfin, le fait soutenu par la société Cofepp que les documents papier produits en pièces n° 2.01 à 2.74 ne portent pas la mention « MBWS » n'est de nature à les exclure de l'objet de l'enquête de sorte qu'à l'exception des pièces n° 2.20, un post-it dépourvu de référence à l'enquête, n°2.23 représentant une lettre avec le seul entête d'un cabinet d'avocat et n°2.51 indiquant les coordonnées d'une personne sans lien apparent avec l'enquête et dont la restitution peut être ordonnée, il convient là aussi d'écarter le grief.
Sur les griefs invoqués par la société MBWS
44. La société MBWS fait grief à l'Autorité d'avoir violé les droits de la défense dans le cadre de la procédure de saisie, d'abord lors de la mise sous scellé fermé provisoire à l'occasion de laquelle les agents ont refusé d'examiner les documents couverts par le secret des relations avocat-client et ont aussi réquisitionné des documents étrangers à l'objet de l'enquête, puis n'ont laissé à l'entreprise que 9 jours pour contrôler l'étendue des documents susceptibles d'être expurgés, ensuite, lorsque les agents ont refusé le 18 avril 2019 d'octroyer un délai supplémentaire pour l'examen des documents, encore lors de la procédure d'ouverture du scellé fermé à l'occasion de laquelle les agents ont refusé aux représentants de la société de contrôler le mode opératoire de sélection et de retenue des documents, et enfin les 14 et 15 mai 2019 lorsque les agents ont procédé, dans les locaux de MBWS, en présence notamment de ses conseils, à l'ouverture des scellés provisoires, puis examiné chaque documents et accédé au secret avocat-client.
45. La société MBWS fait par ailleurs grief aux agents d'avoir d'abord conservé dans le scellé provisoire des courriels, des chaînes de courriels et de leurs documents attachés et dont l'objet désignait un avocat en destinataire ou en émetteur ou dont l'entête du cabinet d'avocat apparaissait ou la mention confidentielle ou visait encore « l'Autorité de la concurrence » et « demande d'information », les projets « Mojito » ou « Montblanc AMF », des factures, et en suite d'avoir pris connaissance de leur contenu lors de l'ouverture du scellé, alors que cette consultation est prohibée ainsi que l'a notamment jugé le Tribunal de l'Union européenne dans sa décision du 17 septembre 2007 (Akzo Nobel Chemical Ltd et Akcros Chemical Ltd c/ Commission, aff. T 125/03 et T 253/03) ;
46. Au demeurant, il résulte des termes des procès-verbaux que les agents ont régulièrement invité le représentant de la société MBWS à désigner ceux des documents couverts par la confidentialité des communications entre avocats et clients et il ne se déduit pas de la conduite de la procédure et de ses délais que les agents n'ont pas adapté leurs demandes de désignation de documents, ou leurs refus, aux conditions de coopération de la société MBWS rappelées au paragraphe 33 ci-dessus et les agents se sont par ailleurs conformés à l'accès des données rappelées au paragraphe 38 de la décision.
47. Enfin, la décision précitée du Tribunal de l'Union européenne n'interdit pas les agents de la Commission de se livrer à un examen sommaire des documents, et la société MBWS ne fait ni la preuve ni même n'allègue des circonstances avec lesquelles les agents ont excédé cet examen avant de décider de la saisie des correspondances, de leur conservation ni du refus qu'ils auraient opposé à une demande précise de retrait de documents, et tandis que, connaissance prise par la juridiction, il ne s'évince pas des correspondances produites par la société MBWS en pièces 13, 13.1, 13.2 et 14 la preuve que ces documents entrent dans la protection du secret de l'échange avocat-client suivant leur objet retenu au paragraphe 31 ci-dessus et dans la limite de l'objet de l'enquête retenue aux paragraphes 2 à 11, il convient d'écarter la demande de ce chef.
48. La société MBWS conclut au visa des articles L. 611-15 du Code de commerce et L. 621-9-3 du code monétaire et financier à l'expurgation des documents adressés par des auxiliaires de justice que sont les négociateurs et mandataires ad hoc ainsi que les administrateurs judiciaires désignés par la juridiction commerciale pour la procédure de conciliation sur les difficultés de trésorerie de l'entreprise.
49. Toutefois, la procédure de l'article L. 450-4 du code de commerce dans le cadre de laquelle les documents de ces auxiliaires de justice ont été saisis n'investit pas les entreprises de la qualité pour opposer ce secret professionnel, de sorte que la société MBWS n'est pas recevable à l'invoquer.
50. Enfin, la société MBWS réclame l'expurgation des documents dont elle soutient qu'ils sont hors du champ de l'enquête ordonnée par les JLD produites en pièces 14, 15 et 18 et qui concernent des sociétés non visées par l'enquête et la comptabilité interne de la société MBWS, des contentieux en concurrence déloyales sur des opérations promotion une consultation relative à un salarié expatrié des mémorandums pour l'approbation des comptes ou l'application de règles fiscales.
51. Ces moyens seront écartés, alors qu'ils ne renvoient pas à l'une des causes de protection du secret de la relation avocat-client rappelées au paragraphe 31 ci-dessus.
Sur les griefs invoqués par la société Copagef
52. Pour sa part, la société Copagef soutient d'abord que les agents se sont livrés à une opération de saisie déloyale des données électroniques de Mme B en son absence dans les locaux, alors que la copie de ses messages n'était pas instantanément disponible pour être hébergé sur un réseau basé au Luxembourg, et que l'Autorité a refusé le 18 avril 2019 la possibilité d'expurgation de messages saisis à laquelle elle s'était pourtant engagée lors des opération de saisie et qu'elle a par ailleurs reconnue aux autres entreprises.
53. Au demeurant l'affirmation de cet engagement n'est pas établi, et tandis que l'Autorité n'était pas tenue de ménager cette faculté pour la préservation de droits qui sont garantis par les voies de recours auprès du JLD et de la présente juridiction et qu'enfin, la société Copagef ne démontre ni même n'allègue le préjudice que la procédure du scellé provisoire adoptée avec les autres entreprises lui aurait personnellement causé, le moyen sera écarté.
54. La société Copagef conclut d'autre part, que le procès-verbal établi le 9 avril 2019, rapporte des constatations mensongères et qualifiables de faux en écriture publique et usage en indiquant que « L'entreprise s'est engagée à remettre cette copie non cryptée (ou sur un support crypté accompagné des clés d'identification nécessaires à leur analyse), sur un support informatique mobile (disque dur, clé USB), au service investigations de l'Autorité de la concurrence le jeudi 11 avril 2019 avant 19h », alors que cette mention est contraire aux réserves que la société Copagef avait faites énonçant que « Le procès-verbal indique que la Société Copagef se serait engagée à remettre à l'autorité une copie de l'extraction du fichier de messagerie de Mme B, d'ici le jeudi 11 avril 2019. La Société COPAGEF n'ayant pas la maîtrise des opérations d'extraction qui seront réalisées par la société SOPRASTERIA, elle ne peut s'engager à le faire dans un délai contraint. Elle fournira ces informations dans les meilleurs délais et sous réserve de tout retard qui serait imputable à la Société SOPRASTERIA ».
55. Toutefois, les mentions symétriquement opposées au procès-verbal des agents et aux réserves du représentant de la société Copagef ne permettent pas, par elles-mêmes, de trancher la valeur mensongère du premier sur les secondes et il ne s'en évince en outre aucun grief pour l'entreprise dans la conduite de l'enquête ou la saisie documentaire, en sorte que ce moyen sera aussi écarté.
56. La société Copafeg fait encore grief aux agents leur opportunité non justifiée avec laquelle ils ont décidé ou non d'expurger du scellé fermé provisoire des documents, alors sur les 550 courriels de Mme B saisis, nombre d'entre-eux recensés dans un tableau excel et produits en pièce n° 12-l étaient protégés par la confidentialité avocat-client pour réclamer ainsi qu'ils soient expurgés du scellé.
57. Au demeurant, connaissance prise par la juridiction, et ainsi que l'observe l'Autorité, ces documents ne concernent pas la matière du droit de la concurrence ou ne se rapportent pas à l'exercice des droits de la défense relatif à l'objet de l'enquête, à l'exception de ceux numérotés 253, 271, 305, 312, 314 et 509, de sorte que sous cette seule réserve, il convient de rejeter le recours.
Sur les griefs invoqués par la société X
58. La société X critique quant à elle les agents en ce qu'ils n'ont expurgé que 143 documents sur les 702 courriels dont elle soutient qu'ils sont couverts par le secret avocat-client, outre un courriel que les enquêteurs ont déclaré ne pas être en mesure de retrouver et d'autre part rejeté d'office les demandes de retraits de 558 correspondances sans les avoir examinés alors qu'elles avaient trait à des échanges des avocats de la société X sur des litiges de nature commerciale, des problématiques de droit fiscal, de droit social, de droit de la distribution ou encore de droit des sociétés.
59. Au demeurant, connaissance prise par la juridiction, et ainsi que l'observe l'Autorité, ces documents ne concernent pas la matière du droit de la concurrence ou ne se rapportent pas à l'exercice des droits de la défense relatif à l'objet de l'enquête.
60. Par ces motifs, les recours seront rejetés à l'exception des restitutions relevées aux paragraphes 43 et 57 ci-dessus.
61. Aucune considération tenant à l'équité dans la conduite de la procédure et dont l'objet est limité à des contestations sur l'engagement et la conduite d'une enquête ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
62. Les sociétés qui succombent dans leurs appels et leurs recours supporteront les dépens.
PAR CES MOTIFS :
Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros de registre 19/07479, 19/07453, 19/07648, 19/07638, 19/07641, 19/07628, 19/07473, 19/09108, 19/09109, 19/11078, 19/07655, 19/07645 et 19/07643 ;
I. Sur les appels :
Confirme les ordonnances des juges des libertés et de la détention de Paris du 3 avril 2019 de Créteil du 8 avril 2019 et de Bordeaux du 4 avril 2019 ;
II. Sur les recours :
Ordonne à l'Autorité de la concurrence la restitution,
À la société Compagnie financière européenne de prises de participation, les pièces numérotées 2.20, 2.23, 2.51,
À la société société Copagef, les documents numérotés 253, 271, 305, 312, 314 et 509 ;
Rejette le surplus des recours ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les sociétés Compagnie financière européenne de prises de participation, Marie Brizard Wine § Spirits, Copagef et X aux dépens partagés.