CA Lyon, 1re ch. civ. A, 3 décembre 2020, n° 17/03449
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Point S France (SA)
Défendeur :
Assistance Pneus Service (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Conseillers :
Mme Clément, Mme Isola
Monsieur et Madame X qui exploitaient une société de remorquage automobile depuis 2003, ont constitué le 19 avril 2011 la société Assistance pneus services (APS) qui avait signé un « contrat de réseau » avec la société Point S France le 14 avril précédent.
Par jugement du 16 août 2012, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société APS.
Les époux X qui s'étaient portés cautions solidaires d'un emprunt souscrit auprès de la société Banque populaire rives de Paris à hauteur de 165 000 euros, ayant pour objet le financement de travaux et l'achat de marchandises par la société APS, ont été assignés en paiement par la banque devant le tribunal de commerce de Bobigny le 26 septembre 2012 et ils ont attrait à la procédure la société Point S France, la société APS représentée par son liquidateur, étant intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement rendu le 18 février 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a débouté les époux X de leur appel en garantie dirigé à l'encontre de la société Point S France et les a condamnés à payer à la société Banque populaire rives de Paris la somme de 152 139,48 euros outre intérêts.
La cour d'appel de Paris, par un arrêt du 25 juin 2015, a, infirmant le jugement déféré en ses dispositions concernant les demandes formées à l'encontre de la société Point S France, déclaré irrecevable l'intervention forcée de la société Point S France, confirmant la condamnation des époux X aux dépens et à payer à cette dernière une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Par acte d'huissier de justice du 1er décembre 2015, Monsieur et Madame X avec Maître Y en qualité de liquidateur de la société APS, ont assigné la société Point S France devant le tribunal de commerce de Lyon en nullité du contrat de franchise et indemnisation des préjudices subis.
Par jugement rendu le 11 janvier 2017, rectifié aux termes d'un jugement du 13 avril suivant rendu sur requête en omission de statuer, le tribunal de commerce de Lyon a :
- déclaré recevables les demandes présentées par les époux X et Maître Y ès qualités, rejetant en cela la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée soulevée par la société Point S France,
- qualifié le contrat litigieux de contrat de franchise,
- dit que la société Point S France a commis une faute dans le cadre de la phase précontractuelle engageant sa responsabilité délictuelle,
- dit que la faute de la société Point S France a vicié le consentement de la société ASP lors de la signature du contrat de franchise signé le 14 avril 2011,
- prononcé la nullité du contrat de franchise,
- condamné la société Point S France à payer à Monsieur et Madame X la somme de 50 000 euros au titre du compte courant,
- condamné la société Point S France à relever et garantir les époux X contre toute condamnation passée et à venir en lien avec leur engagement de caution souscrit auprès de la banque populaire rives de Paris le 11 mai 2011,
- débouté Maître Y ès qualités de sa demande au titre des sommes investies dans le projet au titre de la formation, du droit d'entrée et des marchandises,
- ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal,
- condamné la société Point S France à payer à Monsieur et Madame X et Maître Y ès qualités, une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la société Point S France aux dépens.
Selon déclaration du 10 mai 2017, la société Point S France a formé appel à l'encontre des deux jugements susvisés.
Sur demande de la cour à son audience du 27 novembre 2019, il a été demandé aux parties de produire un extrait Kbis à jour et de mettre en cause un mandataire ad hoc pour représenter la société APS dont la liquidation judiciaire est clôturée ; l'affaire a alors été renvoyée à l'audience du 22 octobre 2020.
Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Bobigny en date du 19 juin 2020, Maître Y a été désigné en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société APS devant la cour d'appel de Lyon.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 29 juin 2018 par la société Point S France qui conclut :
- à titre principal à l'infirmation du jugement qui a déclaré recevables les demandes présentées par les époux X et la société APS demandant à la cour de déclarer ces derniers irrecevables pour cause d'autorité de chose jugée,
- à titre subsidiaire au débouté des époux X et de la société APS dans l'intégralité de leurs demandes,
- à la condamnation de ces derniers aux dépens et au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 avril 2018 par Monsieur et Madame X qui concluent en substance d'abord à l'irrecevabilité de la société Point S France en ses demandes, et sollicitent ensuite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté certaines de leurs demandes indemnitaires, demandant à la cour de condamner la société Point S France à leur payer les sommes de 20 000 euros au titre du manque à gagner et 50 000 euros au titre de leur préjudice moral ou à titre subsidiaire 150 000 euros toutes causes de préjudices confondues, sollicitant en tout état cause la condamnation de la société Point S France au paiement d'une indemnité procédure de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront, en cas d'absence d'exécution spontanée, le montant des frais d'huissier par application des articles A.444-31 et A.444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 relatif aux tarifs des du huissiers,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 29 septembre 2020, par Maître Y, ès qualités de mandataire ad litem de la société APS, intervenant volontaire à la procédure, qui conclut à la recevabilité de son intervention en indiquant reprendre à son compte la totalité des écritures déposées le 3 avril 2018 par la société APS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Me J., lesquelles concluent en substance à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté certaines des demandes indemnitaires présentées par la liquidation judiciaire de la société APS et demande à la cour de condamner la société Point S France à lui payer ès qualités les sommes de 70 189,90 euros au titre des sommes versées toutes causes confondues et 50 000 euros à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues ou à titre subsidiaire une somme de 250 000 euros toutes causes de préjudices confondues, sollicitant en tout état cause la condamnation de la société Point S France au paiement d'une indemnité procédure de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront, en cas d'absence d'exécution spontanée, le montant des frais d'huissier par application des articles A.444-31 et A.444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 relatif aux tarifs des huissiers,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 9 octobre 2018.
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS ET DECISION
A la demande de la cour lors de son audience du 27 novembre 2019, Me J. a été désigné, par ordonnance du vice-président du tribunal de commerce de Bobigny en date du 19 juin 2020, en qualité de mandataire ad'hoc pour représenter la société APS dont les opérations de liquidation avaient été clôturées, dans l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Lyon « ou toutes autres audiences à laquelle l'affaire pourrait être renvoyée comprenant l'exécution d'une décision définitive assortie de l'autorité de chose jugée ».
Aucune discussion ne s'élève entre les parties concernant la régularité de cette désignation et il convient de recevoir l'intervention volontaire en la cause de Me J. ès qualités lequel reprend à son compte l'intégralité des prétentions et moyens présentés par les époux X et la société APS qu'il représentait préalablement irrégulièrement en qualité de mandataire liquidateur.
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
I. Sur la recevabilité des demandes présentées par Monsieur et Madame X et Maître Y ès qualités :
La société Point S France soutient que l'action des demandeurs au regard du jugement et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 juin 2015 qui a statué sur les mêmes demandes et à l'égard des mêmes parties se heurte manifestement à l'autorité de la chose jugée au titre de ces précédentes décisions, la cour d'appel de Paris ayant définitivement jugé irrecevables les demandes de ces derniers.
Monsieur et Madame X et Maître Y ès qualités contestent toute possibilité d'autorité de chose jugée en la matière ; ils soutiennent que la cour d'appel de Paris s'est prononcée selon eux, en réponse à l'irrecevabilité soulevée par la société Point S France au motif d'absence d'un lien suffisant entre les différents contrats, seulement sur la question de l'irrecevabilité de l'intervention forcée avec appel en garantie de la société Point S France, initiée par les époux X et la liquidation judiciaire de la société APS.
Ils ajoutent que la présente procédure est engagée directement à l'encontre de la société Point S France par les époux X et la société APS pour faire constater les manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles et obtenir les indemnisations correspondantes.
Sur ce :
L'article 1351 ancien du code civil, devenu 1355 par l'application de l'ordonnance n° 2016'131 du 10 février 2016, dispose que « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit en les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; il n'est pas interdit cependant d'éclairer la portée de ce dispositif par les motifs de la décision.
Il s'avère en l'espèce que par son arrêt du 25 juin 2015, la cour d'appel de Paris a définitivement jugé, en l'absence de cassation sur ce point, que les demandes présentées par les époux X et le mandataire liquidateur de la société APS dirigées à l'encontre de la société Point S France étaient irrecevables en ce que l'intervention forcée de cette dernière n'était pas recevable dans le cadre du procès pendant entre la banque et les époux X pris en leur qualité de caution, à défaut de se rattacher aux prétentions des parties par un lien suffisant au sens de l'article 325 du code de procédure civile.
La question de la nullité du contrat liant la société APS et la société Point S France n'a donc jamais été tranchée et aucune autorité de chose jugée ne peut donc en l'espèce être retenue.
Il convient en conséquence de déclarer recevables les demandes présentées par les époux X et Me J., pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la société APS, confirmant en cela la décision du tribunal.
II. Sur les demandes présentées à l'encontre de la société Point S France :
La société Point S France prétend avoir développé un mode de distribution original ayant pris sa source dans un cadre juridique présentant des similitudes avec les accords de regroupement, pour évoluer vers un cadre juridique ayant des points communs avec la franchise et les centrales d'achat et de référencement ; elle explique que les actionnaires de la société sont les adhérents du réseau aux termes du contrat doté d'une indépendance tant juridique qu'économique, qui est une composante essentielle de la relation entre les parties.
Elle considère que les difficultés rencontrées par la société APS proviennent du comportement des époux X qui ont décidé de privilégier l'exploitation de leur autre société Fred auto-remorquage au détriment de la première alors même que, sauf le risque de se voir reprocher une gestion de fait, la société Point S France n'intervient jamais dans la gestion quotidienne de ses adhérents qui restent seuls responsables de leurs entreprises.
Elle considère n'être ainsi en rien responsable de la déconfiture de la société APS, conteste le lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés et les préjudices invoqués et prétend que soutenir l'inverse reviendrait à considérer qu'un franchiseur ou apparenté est désormais tenu à une obligation de résultat quant à la réussite économique et financière de son franchisé qui est pourtant une entité juridique totalement indépendante.
Monsieur et Madame X ainsi que Maître Y ès qualités, soutiennent qu'ainsi que l'a considéré le premier juge, le contrat liant les parties s'analyse en un contrat de franchise, peu important la dénomination donnée au contrat ; ils prétendent que la société APS a rempli toutes ses obligations sans privilégier notamment l'exploitation de la société Fred auto remorquage au détriment de celle de la société APS, alors même que la société Point S France a manqué gravement à ses obligations précontractuelles d'une part, notamment au titre de l'analyse de faisabilité remise (chiffre d'affaires réalisé inférieur de 61,5 % par rapport aux prévisions) et d'autre part à ses obligations de conseil et d'assistance pendant l'exécution du contrat.
Ils considèrent ainsi que la nullité du contrat de franchise doit être prononcée, celle-ci justifiant l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis tant par la société APS dont la liquidation judiciaire a été prononcée du fait de l'exploitation déficitaire que par les cautions dont l'engagement a alors été mis en œuvre par la banque.
Sur ce :
Le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise (franchiseur) confère à une ou plusieurs autres entreprises (franchisées) le droit de réitérer, sous l'enseigne du franchiseur, à l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables. Le contrat suppose par conséquent la réunion de trois éléments à savoir : l'existence d'un savoir-faire identifié, secret et substantiel, pouvant être transmis et permettant de réitérer la réussite du franchiseur en assurant au franchisé un avantage substantiel sur la concurrence, une assistance tant lors du lancement de l'activité qu'en cours d'exécution du contrat et une enseigne de nature à attirer une clientèle préexistante. En contrepartie, le franchisé contracte l'obligation de respecter les normes imposées par le franchiseur, est généralement tenu à une clause d'exclusivité et peut le cas échéant devoir une rémunération appelée redevance.
Le premier juge a très justement considéré dans des termes pertinents que la cour adopte et qui répondent aux moyens d'appel, que le « contrat de réseau Point S » signé entre les parties le 14 avril 2011, constitue un contrat de franchise.
En application de l'article L. 330-3 du code de commerce, applicable au « contrat de réseau Point S » susvisé à supposer même que celui-ci ne constitue pas un contrat de franchise, en ce que son domaine d'application excède le seul contrat de franchise puisqu'il concerne aussi le contrat de concession, le gérant mandataire, le contrat d'affiliation, le contrat d'assistance et de fourniture, « Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat, ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués 20 jours minimum avant la signature du contrat ou le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. »
L'article R. 330-1 du code de commerce précise en outre que « Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation. »
Il n'est pas discuté en l'espèce qu'un document précontractuel d'information dénommé par la société Point S France elle-même "étude de faisabilité", a bien été remis à la société APS le 9 mars 2011, soit dans le délai de 20 jours exigé par les dispositions susvisées, avant la signature du contrat de réseau.
Il était indiqué aux termes de ce document d'information élaboré par la société Point S France que : « Nous constatons que celui-ci (Monsieur X) dispose d'une surface globale très satisfaisante pour la population environnante d'environ 500 m²... Nous avons réalisé le prévisionnel en nous appuyant sur des statistiques de points de vente équivalentes en termes de positionnement géographique et de marché. »
Le premier juge a très justement relevé que :
- l'étude ainsi présentée aux dirigeants de la société APS ne comportait aucune analyse locale de leur propre environnement économique de proximité, mais résultait, ainsi qu'il l'était indiqué, d'une statistique tirée de « points de vente équivalents en termes de positionnement géographique et de marché », la cour constatant que les localités prises pour références n'étaient pas identifiées ni les boutiques concernées,
- l'information donnée ne résultait donc que d'une statistique basée sur des chiffres hors secteur, aucun élément du document d'information ne permettant de constater qu'avaient été prises en compte par le franchiseur les spécificités de l'emplacement géographique du futur franchisé,
- la circonstance qu'il s'agissait de la création d'un fonds de commerce n'a jamais été prise en compte alors même qu'elle avait nécessairement un impact sur la rentabilité économique de la première année d'exploitation et les risques potentiels d'absence de rentabilité liée au démarrage de l'activité sur le secteur choisi, le chiffre d'affaires annoncé dès la première année d'exploitation à hauteur de 399 000 euros n'étant corroboré par aucun élément d'explication.
La loi, ainsi que l'obligation de contracter de bonne foi propre au droit commun des contrats, imposent au franchiseur une présentation sincère du marché local ainsi que l'établissement de budget raisonnable sur la base de chiffres non contestés.
Le franchiseur qui donne une information qui n'est pas exigée par les textes, notamment en ce qu'il fournit des comptes prévisionnels, doit néanmoins satisfaire à l'obligation de sincérité prévue à l'article L. 330-3 du code de commerce.
Ainsi, le franchiseur, tenu d'une simple obligation de moyens lorsqu'il établit un compte prévisionnel, doit, du fait des contingences commerciales et des aléas inhérents à la prospective, mettre en œuvre les moyens statistiques, financiers et économiques qu'il possède en sa qualité de professionnel de la franchise dans le commerce envisagé ainsi que les moyens d'investigation suffisants pour la connaissance du marché local, aux fins de proposer une étude prévisionnelle prudente et sérieuse, tous éléments qui ne sont pas nécessairement de la compétence du futur franchisé ou de son expert-comptable.
Si les époux X exploitaient une société de remorquage automobile depuis 2003, ils ne pouvaient être considérés en cela comme expérimentés dans le secteur d'activité de ventes et services en matière de distribution de pneumatiques.
L'ampleur des différences constatées entre le chiffre d'affaire prévisionnel annoncé pour la première année d'exploitation et le chiffre d'affaires réalisé à hauteur de 73 524 euros, pour sept mois d'activité, (de 2/3 à la baisse), qui a entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire, démontre le manque de sérieux de l'étude de faisabilité remise aux intéressés, alors même qu'aucune faute de gestion n'est démontrée à leur encontre par la société Point S France qui soutient, sans le justifier par aucun élément du dossier, qu'ils auraient privilégié l'activité de leur autre société de remorquage automobile et auraient rencontré des difficultés relationnelles accentuées par des problèmes de santé du gérant.
La cour constate, en effet et au contraire, à la lecture des liasses fiscales de la société Fred auto remorquage pour les exercices clos les 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012, que les chiffres d'affaires et résultats d'exploitation enregistrés par cette dernière n'ont cessé de baisser au cours de ces exercices, enregistrant un bénéfice de 19 733 euros en 2011 et une perte de 7 489 euros en 2012 alors même qu'un bénéfice de 38 626 euros avait été enregistré en 2010, situation tendant à démontrer que l'activité de cette société n'avait pas été privilégiée.
En remettant au candidat futur franchisé, une information précontractuelle exagérément optimiste, sans rapport avec la réalité du marché local et manifestement surévaluée quant à la rentabilité de l'exploitation sur le secteur géographique considéré, la société Point S France a par sa faute, provoqué l'erreur du futur candidat sur une qualité substantielle du contrat projeté, tenant à la possibilité d'assurer une exploitation bénéficiaire ou au moins équilibrée ; elle a vicié en cela le consentement de son futur cocontractant et le « contrat de réseau point S » doit donc être annulé, confirmant en cela la décision critiquée.
Me J. ès qualités soutient que la faute précontractuelle de la société Point S France n'est pas la seule à l'origine de la déconfiture de la société APS ; il prétend ainsi que parmi les engagements pris par le franchiseur, il était prévu le référencement du franchisé dans l'intranet, lui permettant en cela de bénéficier d'une visibilité accrue et d'une clientèle dite grand compte ; il explique n'avoir jamais pu bénéficier de ce référencement qui lui aurait permis de vendre des pneus aux entreprises référencées.
Aucun élément du dossier ne permet à la cour de constater que le référencement de la société APS avait été prévu au bénéfice des entreprises faisant partie des « grands comptes », ni aux termes du document précontractuel d'information ni aux termes du contrat de franchise ; aucun élément ne permet non plus de constater que la société APS s'est plainte en cours d'exécution du contrat, d'une absence de référencement.
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, aucun manquement de la société Point S France n'est donc caractérisée en la matière.
La faute commise par la société Point S France dans son obligation précontractuelle d'étude et de renseignement à l'égard du futur franchisé a privé celui-ci des éléments d'appréciation lui permettant de se former valablement une opinion sur l'opportunité de son investissement ; elle a un lien de causalité direct avec la liquidation judiciaire de la société APS prononcée quelques mois après le début de son activité et donc les préjudices subis par les époux X du fait de la mise en œuvre de leur cautionnement auprès de la société Banque populaire rives de Paris.
L'annulation du contrat de franchise a pour conséquence de remettre les parties en l'état antérieur à sa conclusion ; la société Point S France doit donc être condamnée à payer à Maître Y ès qualités, la somme de 70 189,90 euros HT correspondant aux droits d'entrée (6 000 euros HT), frais de formation (2 150 euros HT) et coût des marchandises (62 039,90 euros HT) consistant dans des investissements réalisés en pure perte.
La demande indemnitaire supplémentaire présentée par le mandataire de la société APS à hauteur de 50 000 euros n'est justifiée par aucun élément du dossier, Maître Y ès qualités se bornant à alléguer à ce titre l'existence « d'autres préjudices subis » par la société sans pour autant les identifier ; sa demande sera rejetée.
Il n'est pas discuté que Monsieur et Madame X ont versé la somme de 10 000 euros pour constituer le capital social de la société APS et qu'ils ont apporté des apports en compte courant à hauteur de 50 000 euros ; la liquidation de la société APS est aujourd'hui impécunieuse et il est impossible à ces derniers d'espérer recouvrer un jour les sommes apportées pour l'exploitation de la franchise.
Il convient en conséquence de condamner la société Point S France à leur payer la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en la matière.
Il s'avère par ailleurs que les intéressés ont été précédemment condamnés, en leur qualité de cautions, à rembourser à la société Banque populaire rives de Paris, la somme de 153 139,48 euros outre intérêts au taux conventionnel de 3,65 % et une indemnité de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient dès lors de condamner la société Point S France à relever les intéressés du montant de ces condamnations, sans pour autant les relever et garantir comme l'a fait le premier juge, de toute condamnation passée et à venir en lien avec leur engagement de caution souscrit auprès de la société banque populaires rives de Paris le 11 mai 2011.
Il n'est pas établi enfin que Monsieur et Madame X auraient pu avec certitude percevoir, les salaires définis par l'étude de faisabilité établie par la société Point S France ; leur demande indemnitaire au titre du manque à gagner doit donc être rejetée.
Ils justifient enfin avoir subi un préjudice moral alors même qu'ils se sont investis réellement dans la constitution de leur nouvelle société, qu'ils ont hypothéqué leur résidence principale et pris le risque de mettre en péril leur avenir et celui de leur famille.
Une somme de 5 000 euros doit leur être allouée en réparation de ce préjudice à la charge de la société Point S France.
III. Sur les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties commandent l'octroi à Maître Y ès qualités d'une part d'une indemnité de 3 500 euros et d'autre part d'une indemnité de 5 000 euros à Monsieur et Madame X ensemble, à la charge de la société Point S France qui doit être déboutée de sa demande à ce titre.
Il n'y a pas lieu à mettre à la charge de la société Point S France les frais d'exécution forcée qui incombent au créancier.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître Y en qualité de mandataire ad' hoc de la société liquidée APS,
Confirme le jugement rendu le 11 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :
- Déclaré recevables les demandes de Maître Y ès qualités et de Monsieur et Madame X,
- Dit que le contrat conclu entre la société Point S France et la société APS constitue un contrat de franchise,
- Dit que la société Point S France a commis une faute dans le cadre de la phase précontractuelle engageant sa responsabilité délictuelle,
- Dit que la faute de la société Point S France a vicié le consentement de la société APS lors de la signature du contrat de franchise signé entre les parties le 14 avril 2011,
- Prononcé la nullité de ce contrat de franchise,
- Condamné la société Point S France à payer à Monsieur et Madame X une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en remboursement de leur compte courant,
- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 ancien du code civil,
- Dit que le taux d'intérêt applicable est le taux d'intérêt légal,
- Condamné la société Point S France à payer à Monsieur et Madame X et à Maître Y ès qualités, une somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Point S France aux dépens,
Infirmant ce jugement pour le surplus, infirmant le jugement rectificatif du 13 avril 2017 et y ajoutant,
- Condamne la société Point S France à payer à Maître Y ès qualités les sommes de :
- 70 189,90 euros à titre de dommages-intérêts,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Point S France à payer à Monsieur et Madame X les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en remboursement de l'apport constitutif de la société et 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- Condamne la société Point S France à payer à Monsieur et Madame X la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Point S France à relever et garantir Monsieur et Madame X des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la société Banque populaire rives de Paris aux termes du jugement rendu le 18 février 2014 par le tribunal de commerce de Bobigny,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Point S France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.