Livv
Décisions

ADLC, 17 décembre 2020, n° 20-D-22

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire par les groupes Carrefour et Tesco

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Charlotte Noury, Mme Gabrielle Rostand et M. Erwann Kerguelen, rapporteurs et l’intervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, par Mme Isabelle de Silva, présidente, Mme Fabienne Siredey-Garnier, Mme Irène Luc, M. Emmanuel Combe et M. Henri Piffaut, vice-présidents.

ADLC n° 20-D-22

17 décembre 2020

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la décision n° 19-SO-06 du 2 mai 2019, enregistrée sous le numéro 19/0023 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire concernant les groupes Carrefour et Tesco résultant de l’enquête 18/0096 E ;

Vu la décision n° 19-SO-19 du 19 septembre 2019, enregistrée sous le numéro 19/0059 M, relative à une saisine d’office concernant l’examen du bien-fondé du prononcé de mesures conservatoires en matière d’accords de coopération à l’achat relatifs aux produits de marque de distributeur (MDD) dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire ;

Vu l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le livre IV du code de commerce, et notamment ses articles L. 420-1, L. 462-10 et L. 464-1 ;

Vu la note des services d’instruction proposant l’adoption de mesures conservatoires, notifiée aux parties et au commissaire du Gouvernement le 4 septembre 2020 ;

Vu la proposition d’engagements des groupes Carrefour et Tesco du 17 septembre 2020, mise en ligne le 8 octobre 2020 sur le site internet de l’Autorité de la concurrence pour un test de marché ;

Vu les observations de la société Tesco PLC et des sociétés Carrefour SA et Carrefour World Trade en date du 21 septembre 2020 ;

Vu les observations du 9 novembre 2020 présentées par le GEFeL (association de Gouvernance Économique des Fruits et Légumes), l’AIM (Association des Industries de Marque), l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires) et les sociétés Lactalis et Edgewell Personal Care dans le cadre du test de marché ;

Vu la proposition d’engagements modifiée des groupes Carrefour et Tesco du 25 novembre 2020 ;

Vu les décisions de secret des affaires n° 19-DSA-280 du 30 juillet 2019 ; n° 19-DSA-281 du 30 juillet 2019 ; n° 19-DSA-282 du 30 juillet 2019 ; n° 19-DSA-531 du 14 août 2019 ; n° 19-DSA-288 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-300 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-305 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-307 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-312 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-315 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-317 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-321 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-327 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-330 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-334 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-337 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-340 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-343 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-347 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-351 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-355 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-358 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-362 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-365 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-368 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-371 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-392 du 26 août 2019 ; n° 19-DSA-374 du 27 août 2019 ; n° 19-DSA-383 du 27 août 2019 ; n° 19-DSA-387 du 28 août 2019 ; n° 19-DSA-390 du 28 août 2019 ; n° 19-DSA-394 du 29 août 2019 ; n° 19-DSA-397 du 29 août 2019 ; n° 19-DSA-400 du 30 août 2019 ; n° 19-DSA-403 du 30 août 2019 ; n° 19-DSA-410 du 02 septembre 2019 ; n° 19-DSA-413 du 02 septembre 2019 ; n° 19-DSA-417 du 03 septembre 2019 ; n° 19-DSA-420 du 04 septembre 2019 ; n° 19-DSA-424 du 04 septembre 2019 ; n° 19-DSA-427 du 04 septembre 2019 ; n° 19-DSA-430 du 04 septembre 2019 ; n° 19-DSA-433 du 05 septembre 2019 ; n° 19-DSA-437 du 05 septembre 2019 ; n° 19-DSA-443 du 09 septembre 2019 ; n° 19-DSA-446 du 09 septembre 2019 ; n° 19-DSA-449 du 09 septembre 2019 ; n° 19-DSA-455 du 10 septembre 2019 ; n° 19-DSA-459 du 11 septembre 2019 ; n° 19-DSA-462 du 12 septembre 2019 ; n° 19-DSA-465 du 12 septembre 2019 ; n° 19-DSA-466 du 12 septembre 2019 ; n° 19-DSA-468 du 12 septembre 2019 ; n° 19-DSA-471 du 13 septembre 2019 ; n° 19-DSA-473 du 13 septembre 2019 ; n° 19-DSA-475 du 13 septembre 2019 ; n° 19-DSA-478 du 16 septembre 2019 ; n° 19-DSA-481 du 16 septembre 2019 ; n° 19-DSA-485 du 16 septembre 2019 ; n° 19-DSA-489 du 17 septembre 2019 ; n° 19-DSA-492 du 18 septembre 2019 ; n° 19-DSA-495 du 18 septembre 2019 ; n° 19-DSA-499 du 19 septembre 2019 ; n° 19-DSA-504 du 29 octobre 2019 ; n° 19-DSA-507 du 19 septembre 2019 ; n° 19-DSA-510 du 20 septembre 2019 ; n° 19-DSA-513 du 20 septembre 2019 ; n° 19-DSA-516 du 20 septembre 2019 ; n° 19-DSA-526 du 24 septembre 2019 ; n° 19-DSA-531 du 25 septembre 2019 ; n° 19-DSA-535 du 25 septembre 2019 ; n° 19-DSA-541 du 01 octobre 2019 ; n° 19-DSA-542 du 01 octobre 2019 ; n° 19-DSA-552 du 09 octobre 2019 ; n° 19-DSA-559 du 10 octobre 2019 ; n° 19-DSA-560 du 10 octobre 2019 ; n° 19-DSA-567 du 14 octobre 2019 ; n° 19-DSA-568 du 14 octobre 2019 ; n° 19-DSA-573 du 15 octobre 2019 ; n° 19-DSA-594 du 29 octobre 2019 ; n° 19-DSA-603 du 30 octobre 2019 ; n° 19-DSA-606 du 30 octobre 2019 ; ; n° 19-DSA-610 du 30 octobre 2019 ; n° 19-DSA-613 du 31 octobre 2019 ; n° 19-DSA-616 du 31 octobre 2019 ; n° 19-DSA-619 du 31 octobre 2019 ; n° 19-DSA-621 du 31 octobre 2019 ; n° 19-DSA-623 du 04 novembre 2019 ; n° 19-DSA-625 du 04 novembre 2019 ; n° 19-DSA-629 du 04 novembre 2019 ; n° 19-DSA-632 du 04 novembre 2019 ; n° 19-DSA-634 du 04 novembre 2019 ; n° 19-DSA-639 du 04 novembre 2019 ; n° 19-DSA-641 du 05 novembre 2019 ; n° 19-DSA-644 du 05 novembre 2019 ; n° 19-DSA-647 du 05 novembre 2019 ; n° 19-DSA-652 du 06 novembre 2019 ; n° 19-DSA-654 du 06 novembre 2019 ; n° 19-DSA-656 du 06 novembre 2019 ; n° 19-DSA-658 du 06 novembre 2019 ; n° 19-DSA-660 du 07 novembre 2019 ; n° 20-DSA-021 du 13 janvier 2020 ; n° 20-DSA-132 du 19 février 2020 ; n° 20-DSA-235 du 06 mai 2020 ; n° 20-DSA-236 du 11 mai 2020 ; n° 20-DSA-238 du 13 mai 2020 ; n° 20-DSA-240 du 13 mai 2020 ; n° 20-DSA-241 du 13 mai 2020 ; n° 20-DSA-242 du 14 mai 2020 ; n° 20-DSA-245 du 15 mai 2020 ; n° 20-DSA-246 du 15 mai 2020 ; n° 20-DSA-248 du 15 mai 2020 ; n° 20-DSA-250 du 20 mai 2020 ; n° 20-DSA-253 du 27 mai 2020 ; n° 20-DSA-255 du 29 mai 2020 ; n° 20-DSA-475 du 25 septembre 2020 ; n° 20-DSA-569 du 16 novembre 2020 ;n° 20-DECR-270 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-271 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-272 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-274 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-275 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-276 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-277 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-278 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-279 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-280 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-281 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-282 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-283 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-284 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-285 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-286 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-287 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-288 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-289 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-290 du 08 juin 2020 ; n° 20-DECR-305 du 08 juin 2020 ; n° 20-DEC-342 du 01 juillet 2020 ; n° 20-DEC-343 du 01 juillet 2020 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Carrefour et Tesco entendus lors des séances de l’Autorité de la concurrence du 5 octobre et du 25 novembre 2020 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Dans la décision ci-après, qui constitue la deuxième décision relative à des centrales d’achats depuis l’adoption de la loi « Egalim » du 30 octobre 2018 accordant à l’Autorité de la concurrence de nouvelles compétences en matière de rapprochement de centrales d’achat2, l’Autorité rend obligatoires les engagements des groupes Carrefour et Tesco (ci-après, « les Parties ») souscrits dans le cadre de la mise en œuvre de leur accord de coopération.

Le 4 août 2018, les Parties ont communiqué à l’Autorité, en application de l’article L. 462-10 du code de commerce, un accord de coopération portant sur l’achat de produits à marque de distributeurs et sur la vente de services internationaux à certains de leurs fournisseurs communs.

L’Autorité s’est saisie d’office le 2 mai 2019, comme le lui permet désormais le II de l’article L. 462-10, en vue d’examiner si ces différents accords de coopération risquaient de porter une atteinte sensible à la concurrence.

Quelques mois après, le 19 septembre 2019, elle s’est par ailleurs, saisie d’office en mesures conservatoires, sur le fondement du III de l’article L. 462-10, pour examiner le bien-fondé du prononcé de telles mesures s’agissant du volet de la coopération entre Carrefour et Tesco portant sur les produits à MDD.

Les services d’instruction ont, dans ce cadre, procédé à l’évaluation des pratiques entrant dans le champ de l’auto-saisine, puis ont adressé une note aux Parties, le 4 septembre 2020, dans laquelle ils ont identifié des atteintes aux articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce susceptibles d’être constatées sur les marchés concernés, du fait de l’accord entre les Parties.

Les risques concurrentiels identifiés portaient principalement sur le marché amont de l’approvisionnement en produits MDD, en raison de la diminution possible de la capacité des fournisseurs à investir et à innover sur ce marché, ce qui pourrait conduire à une diminution de la qualité et la diversité de l’offre dont bénéficient les consommateurs.

À la suite de cette note, les Parties ont adressé aux services d’instruction, le 17 septembre 2020, une proposition d’engagements, sur le fondement du I de l’article L.  464-2 du code de commerce. Elles s’engagent, en substance, à :

- exclure certaines familles de produits du périmètre de la coopération ;

- limiter, pour les autres catégories de produits, la coopération à 15 % du marché amont si les caractéristiques du marché le justifient, et si la part de marché de Carrefour dépasse 15 %.

Elles continueront à coopérer librement lorsque la part de marché cumulée de Carrefour ne dépasse pas 15 % ou que les caractéristiques du marché ne justifient pas d’engagements.

Aux termes de sa décision, l’Autorité considère que les engagements proposés par les Parties à l’issue du test de marché, et améliorés par la suite, constituant une réponse nécessaire, efficace et proportionnée aux préoccupations de concurrence formulées par les services d’instruction.

I. Constatations

A. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

1. Le 4 août 2018, les groupes Carrefour et Tesco (ci-après, « les Parties ») ont communiqué à l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité »), en application de l’article L. 462-10 du code de commerce, un accord de coopération conclu entre elles le même jour, portant sur :

- la négociation, le référencement et la conclusion, via des appels d’offres menés par l’une ou par l’autre pour leur compte commun, de contrats de fabrication de produits à marque de distributeurs (ci-après, « MDD »), premier prix ou destinés à la vente sans marque et des achats non marchands3 ; et

- la vente de services internationaux à certains de leurs fournisseurs communs4 .

2. Pour mettre en œuvre leur coopération, les Parties ont instauré plusieurs comités, composés à parts égales de membres issus de l’une et de l’autre d’entre elles :

- un comité de pilotage (ou « Steering Committee »), chargé de superviser les deux volets de leur coopération ;

- un comité opérationnel chargé de mener à bien l’achat des produits à MDD ; et

- un comité opérationnel chargé de mener à bien la vente des services internationaux.

3. En plus de ces comités, les Parties ont mis en place deux équipes dédiées (ou « Clean Teams »), responsables du traitement des données confidentielles reçues de l’une et de l’autre d’entre elles, dans le respect de règles strictes de confidentialité, pour chacun des deux volets de la coopération.

4. L’Autorité s’est saisie d’office le 2 mai 2019, sous le numéro 19/0023 F, en vue d’examiner si l’accord de coopération précité portait atteinte à la concurrence. Le 19 septembre 2019, l’Autorité s’est saisie d’office, sous le numéro 19/0059 M, sur le fondement du troisième alinéa de l’article L. 462-10 du code de commerce, en vue d’examiner le bien-fondé de mesures conservatoires s’agissant du volet de la coopération portant sur les produits à MDD.

5. Le 4 septembre 2020, les services d’instruction ont adressé aux Parties une note proposant l’adoption de mesures conservatoires5, également fondée sur le troisième alinéa de l’article

L. 462-10 du code de commerce. À la suite de cette notification, les Parties ont adressé aux services d’instruction le 17 septembre 2020 une proposition d’engagements, sur le fondement du I de l’article L. 464-2 du code de commerce6 (ci-après « la Proposition d’Engagements »).

B. LES PARTIES CONCERNEES

1. CARREFOUR

6. Carrefour est un groupe français de dimension mondiale, actif principalement dans le secteur de la grande distribution en France et en Europe, mais également en Amérique latine et, de manière plus marginale, en Afrique et au Moyen-Orient.

7. En France, Carrefour exploite des hypermarchés sous l’enseigne Carrefour (près de 250), des supermarchés sous l’enseigne Carrefour Market (un peu plus de 1 000), des magasins de proximité sous les enseignes Proxi, Carrefour Bio, Carrefour Contact, Carrefour Express et Carrefour City (près de 4 000) et des magasins de libre-service de gros (dits « cash and carry » ou « payer et emporter ») sous l’enseigne Promocash (près de 150)7.

8. Carrefour propose à la vente ses produits à MDD notamment sous les catégories de marques Carrefour Classic ; Carrefour Extra ; Carrefour Original ; Carrefour Sensation et Carrefour le Marché8.

9. La répartition du chiffre d’affaires réalisé par le groupe Carrefour au premier trimestre 2019 par zone géographique et par format de magasin (pour la France) est la suivante :

Répartition du CA du groupe Carrefour au 1er trimestre 2019

 

Zone

CA (Mds €)

% du CA

France

9,034

45.1 %

Hypermarchés

4,659

23,3 %

Supermarchés

3,003

15,0 %

Proximité / autres formats

1,372

6,9 %

Autres pays UE

5,358

26,8 %

Autres pays hors UE

5,624

28,1 %

TOTAL

20,016

100 %

 

Source : Carrefour9

10. Carrefour S.A., la société holding du groupe Carrefour, et Carrefour World Trade (ci-après,

« CWT »), sont les signataires, pour le groupe Carrefour, de l’accord de coopération conclu avec Tesco objet de la présente décision.

a) Carrefour S.A.

11. Carrefour S.A. est la société holding du groupe Carrefour, société mère consolidante du groupe Carrefour ayant un rôle de holding et gérant, à ce titre, des participations en France et à l’étranger10.

b) CWT

12. CWT est une filiale à 100 % de Carrefour S.A. et constitue, selon le groupe Carrefour, la division internationale de Carrefour, qui propose aux grands fournisseurs internationaux de produits de marque des services internationaux depuis 1997.

2. TESCO

13. Le groupe Tesco est un groupe britannique de dimension mondiale, comme le groupe Carrefour, actif pour sa part principalement dans le secteur de la grande distribution au Royaume-Uni, en Europe et en Asie. Au Royaume-Uni, son principal marché, le groupe Tesco est leader, avec 3 438 magasins, dont la majorité de format supérette (plus de 2 500)11.

14. La répartition géographique du chiffre d’affaires réalisé par le groupe Tesco au cours de l’exercice 2018/2019 est la suivante :

Répartition du CA du groupe Tesco au cours de l’exercice 2018-2019

 

Zone

CA (Mds £)

% du CA

Royaume-Uni et République d’Irlande

44,883

80,46 %

Europe centrale

6,03

10,81 %

Asie

4,873

8,74 %

TOTAL

55,786

100 %

 

Source : Tesco12

15. Tesco PLC, la société holding du groupe Tesco, est la signataire pour le groupe de l’accord de coopération conclu avec le groupe Carrefour et qui fait l’objet de la présente décision.

C. L’ACCORD DE COOPERATION NOTIFIE PAR LES PARTIES

16. En août 2018, les Parties ont conclu l'accord de coopération susvisé, qui porte notamment sur l'approvisionnement en produits à MDD, mais aussi sur l'approvisionnement en produits non marchands et la fourniture de services internationaux. Cet accord, qui a pour échéance le 31 décembre 2021, est soumis à reconduction tacite.

17. S'agissant de l'approvisionnement en produits à MDD, cet accord consiste, pour le comité de pilotage ou Steering Committee mis en place par les Parties, à organiser, avec l'aide de la Clean Team dédiée à l'approvisionnement en MDD, des appels d'offres conduits par Carrefour ou Tesco pour le compte des Parties en vue de faire fabriquer en commun des produits à MDD déterminés.

18. Le périmètre de la coopération entre les Parties concerne plus de 130 familles de produits à MDD13, identifiés contractuellement comme pouvant faire l'objet d'un approvisionnement en commun dans le cadre de la coopération. On trouve parmi ces produits des produits alimentaires et non alimentaires dont, parmi les premiers, des produits frais non transformés, comme les fruits et légumes.

D. LE CONTEXTE ECONOMIQUE ET JURIDIQUE

19. Depuis plusieurs années, les rapprochements à l'achat dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire se sont, notamment en France, multipliés et ont gagné en ampleur. À la fin de l'année 2014, dans un contexte déflationniste, trois rapprochements à l'achat ont été conclus dans un délai extrêmement court, peu de temps avant l'ouverture des négociations annuelles, entre Auchan et Système U, Intermarché et Casino, ainsi que Carrefour et Provera.

20. Saisie pour avis par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et par la Commission des affaires économiques du Sénat sur la question de l'impact concurrentiel des rapprochements de centrales d'achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, l'Autorité a rendu un avis en 201514. Dans cet avis, l’Autorité a établi une grille d'analyse générale et une cartographie des risques qu'ils peuvent soulever, tant sur les marchés aval que sur les marchés amont de la grande distribution à dominante alimentaire. L'Autorité a également appelé de ses vœux une intervention du législateur afin de soumettre les acteurs de la grande distribution à une obligation d’informer l’Autorité des rapprochements à l’achat dépassant certains seuils, préalablement à leur entrée en vigueur.

21. Cette proposition a été retenue par le législateur, qui a instauré une obligation de communication préalable des projets d'accord à l'achat de produits ou de vente de services, deux mois avant la mise en œuvre des accords. L'article L. 462-10 du code de commerce, initialement introduit par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi « Macron » dispose, dans sa version initiale, que

« Doit être communiqué à l'Autorité de la concurrence, à titre d'information, au moins deux mois avant sa mise en œuvre, tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d'achat d'entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l'achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs. Le premier alinéa s'applique lorsque le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales parties à l'accord et le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé à l’achat en France dans le cadre de l'accord par l'ensemble des parties à l'accord excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'État ».

22. En 2018, un mouvement de recomposition des alliances à l'achat a été constaté : en effet, les entreprises parties à ces accords ont décidé de mettre un terme aux accords entre Auchan et Système U, du 10 septembre 2014, et entre Casino et Intermarché, du 7 novembre 2014 ; (l'accord entre Carrefour et Provera (qui est la centrale d'achat des magasins sous enseigne Cora et Match), conclu le 22 décembre 2014, est quant à lui encore en vigueur à la date de la présente décision. De nouveaux rapprochements ont vu le jour, avec un changement de stratégie, notamment entre Auchan, Casino, Metro et Schiever ; Carrefour et Tesco ; Carrefour et Système U. Le périmètre de ces deux premiers rapprochements à l'achat est d'une nouvelle envergure, puisqu'il porte notamment, sur des accords à l'achat concernant les produits à MDD, tandis que les accords à l'achat « première génération » portaient essentiellement sur les produits à marque de fournisseurs (ci-après, « MDF »).

23. Par ailleurs, les États Généraux de l'Alimentation (ci-après, « EGA »), tenus durant le deuxième semestre de l'année 2017, ont permis une concertation entre les différents acteurs des filières agro-alimentaires (producteurs, industriels, distributeurs, consommateurs), sous l'égide du Gouvernement. La feuille de route de ces EGA visait à formuler un diagnostic sur la création de valeur dans les filières agro-alimentaires et sur les moyens d'en assurer une répartition équitable, notamment pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail. Les principales actions retenues consistent à établir des indicateurs de marché sur les coûts de production dans chaque filière, à renforcer l'organisation collective de l'amont agricole et enfin, à rénover les relations économiques entre les acteurs des filières agro- alimentaires.

24. L’atelier numéro 7 des EGA était spécifiquement dévolu à la question de la rénovation des relations commerciales entre les acteurs des filières agro-alimentaires. Dans le cadre de cet atelier, présidé par M. Guy Canivet, premier président honoraire de la Cour de cassation, les parties prenantes ont fait le constat du déséquilibre qui caractérise les relations commerciales dans le secteur agroalimentaire, en ces termes : « sur le plan économique et structurel, les filières agricoles et alimentaires sont caractérisées par un secteur amont (production) très atomisé et par un secteur aval (distribution) très concentré, ce qui conduit à une répartition de la valeur défavorable au producteur, qui ne bénéficie pas, au sein de ces différentes filières, d’un pouvoir de négociation équilibré »15.

25. À la suite des EGA, et parallèlement à la réorganisation des rapprochements à l'achat entre acteurs du secteur en 2018, le législateur a souhaité compléter le dispositif encadrant ces rapprochements et renforcer, à cette fin, les pouvoirs conférés à l'Autorité sur ces accords, pour qu'elle puisse en assurer un suivi plus approfondi et qu'elle dispose, par ailleurs, d'outils d'intervention rapide en cas d'urgence. La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim », a ainsi introduit trois nouveaux dispositifs, insérés à l'article L. 462-10 du code de commerce.

26. Le premier dispositif renforce la procédure d'information préalable de l'Autorité, déjà prévue à l'alinéa I de l'article L. 462-10 du code de commerce, en portant de deux à quatre mois le délai devant être observé entre la communication d'un accord à l'Autorité et son entrée en vigueur. De plus, le contenu du dossier d'information devant être communiqué à l'Autorité simultanément à la communication de l'accord, qui n'était pas jusqu'alors légalement défini, est désormais, en application de l'alinéa IV de l'article L. 462-10, fixé par arrêté16. Il s'agit, par ces dispositions, de donner à l'Autorité les moyens et le temps nécessaires pour effectuer un contrôle approfondi de ces accords avant leur entrée en vigueur.

27. Le deuxième dispositif instaure, au II de l'article L. 462-10 du code de commerce, une procédure de bilan concurrentiel, qui permet à l'Autorité d'effectuer, de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de l'économie, le bilan d'un accord déjà mis en œuvre, afin de déterminer si ses bénéfices compensent une éventuelle atteinte à la concurrence, à défaut de quoi les parties à l'accord pourront s'engager à prendre des mesures pour y remédier :

« II.-Un bilan concurrentiel de la mise en œuvre d'un accord défini au premier alinéa du I est effectué par l'Autorité de la concurrence, de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de l'économie. A cet effet, l'Autorité de la concurrence peut demander aux parties à l'accord de lui transmettre un rapport présentant l'effet sur la concurrence de cet accord.

L'engagement de la procédure de bilan concurrentiel est rendu public par l'Autorité de la concurrence, afin de permettre aux tiers intéressés de lui adresser leurs observations. La procédure applicable est celle prévue au deuxième alinéa de l'article L. 463-2 et aux articles

L. 463-4, L. 463-6 et L. 463-7. Avant de statuer, l'Autorité de la concurrence peut entendre des tiers en l'absence des parties à l'accord en cause.

Afin de réaliser le bilan concurrentiel, l'Autorité de la concurrence examine si cet accord, tel qu'il a été mis en œuvre, est de nature à porter une atteinte sensible à la concurrence au sens des articles L. 420-1 et L. 420-2. A cette occasion, elle apprécie si l'accord apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser d'éventuelles atteintes à la concurrence, en prenant en compte son impact tant pour les producteurs, les transformateurs et les distributeurs que pour les consommateurs.

Si des atteintes à la concurrence telles que mentionnées au troisième alinéa du présent II ou des effets anticoncurrentiels ont été identifiés, les parties à l'accord s'engagent à prendre des mesures visant à y remédier dans un délai fixé par l'Autorité de la concurrence. L'Autorité de la concurrence peut également se saisir d'office en application du III de l'article L. 462-5 ou être saisie par le ministre chargé de l'économie en application du I du même article L. 462-5 ».

28. Le contenu du rapport que les parties doivent présenter à l’Autorité en application de ce dispositif est, au même titre que celui du dossier d’information susvisé, fixé par arrêté17.

29. Le troisième dispositif introduit, à l'alinéa III de l'article L. 462-10 du code de commerce, la possibilité pour l'Autorité de s'auto-saisir pour prendre des mesures conservatoires, lorsque l'accord entraîne ou est susceptible d'entraîner immédiatement après son entrée en vigueur une atteinte à la concurrence présentant un caractère suffisant de gravité, en vue d'obtenir la résiliation ou la modification de l'accord concerné :

« III.-L'Autorité de la concurrence peut prendre des mesures conservatoires selon les modalités et dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 464-1 pour tout accord mentionné au I du présent article dès lors que l'une des atteintes à la concurrence mentionnées au II, que cet accord entraîne ou est susceptible d'entraîner immédiatement après son entrée en vigueur, présente un caractère suffisant de gravité.

Elles peuvent comporter une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur ou demander une modification dudit accord ».

II. Sur l’analyse des risques d’atteinte à la concurrence résultant de l’accord de coopération notifié par les parties

A. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE

1. PRINCIPES

30. L'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après, « TFUE ») dispose : « Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur ».

31. Conformément à une jurisprudence constante, et à la lumière des Lignes directrices de la Commission européenne relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité [désormais 101 et 102 du TFUE], l'Autorité considère que trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres :

- l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause ;

- l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges, et ;

- le caractère sensible de cette possible affectation.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

a) L’existence d’échanges entre États membres

32. Les pratiques concernées concernent la conclusion d'accords entre distributeurs actifs dans le secteur de la distribution de produits de grande consommation, portant sur l'achat de produits à marque de distributeurs à destination non seulement du marché français mais également des autres marchés sur lesquels sont implantés les distributeurs.

33. Plusieurs des entreprises concernées sont des groupes de dimension internationale, disposant d'unités de distribution et de filiales implantées dans différents États membres de l'Union.

34. Les accords objet de la présente décision génèrent donc un courant d'échanges intra-communautaires.

b) L’affectation des échanges entre États membres

35. Les accords conclus par les entreprises impactent directement les modalités suivant lesquelles les produits sont achetés non seulement en vue d'être commercialisés en France, mais également dans plusieurs pays de l'Union européenne. Ils sont donc susceptibles d'affecter le marché amont de l'approvisionnement en produits MDD.

36. Il résulte de ce qui précède que le courant d'échanges entre États membres est susceptible d'être affecté.

c) Le caractère sensible de l’affectation

37. Le caractère sensible de cette affectation potentielle doit être regardé comme établi, dès lors que le chiffre d'affaires réalisé par les parties est supérieur à 40 millions d'euros, et que leurs parts de marché sont supérieures à 5 %18, ce qui est le cas en l'espèce.

38. Par conséquent, les pratiques en cause peuvent donc être considérées comme « susceptibles d'affecter le commerce entre États membres » au sens de l'article 3 du Règlement n° 1/200319.

39. Ces pratiques doivent ainsi être examinées non seulement au regard du droit national, notamment des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, mais également au regard du droit de la concurrence de l'Union, et notamment des articles 101 et 102 du TFUE.

B. SUR LES MARCHES PERTINENTS ET LA POSITION DES PARTIES SUR CES MARCHES

40. De manière classique, la délimitation de ces marchés, fondée sur la notion de « substituabilité », qui vise à tenir compte des pressions concurrentielles exercées, a une double dimension : une dimension produit et une dimension géographique20.

1. LES MARCHES AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

41. S'agissant des marchés amont de l'approvisionnement, la substituabilité doit être définie du point de vue de l'offre21. En d'autres termes, pour identifier les pressions concurrentielles qui s'exercent sur les acheteurs (les parties à l'accord de coopération), il convient d'examiner les solutions de remplacement dont disposent leurs fournisseurs.

a) Dimension produit

42. À ce titre, l'Autorité, suivie en cela par les parties, considère comme pertinente la segmentation générale des marchés amont de l'approvisionnement établie par la Commission dans sa décision sur le rachat de Meinl par Rewe22, sur la base de 23 catégories de produits retenues. Si cette délimitation demeure globalement pertinente, l'Autorité considère toutefois, de manière constante, qu'une délimitation plus fine de certaines catégories peut s'avérer nécessaire dans certains cas, au vu notamment des conditions dans lesquelles se déroulent les négociations sur les produits considérés23. Les accords de coopération portant sur une grande variété de produits, une délimitation plus fine pourrait être justifiée pour certains d'entre eux :

- une sous-segmentation en fonction des canaux de distribution, en distinguant par exemple la GSA (« grandes surfaces alimentaires ») de la restauration hors domicile (ci-après, « RHD »)24 ou en excluant les ventes relatives à l'export du périmètre du marché25 ;

- une sous-segmentation en fonction du positionnement commercial des produits en distinguant par exemple les produits MDF des produits MDD26.

43. Les parties ne se sont pas explicitement prononcées sur ces points. En tout état de cause, ces deux sous-segmentations demeurent pertinentes dans la présente analyse.

44. S'agissant de la sous-segmentation en fonction des canaux de distribution, les fournisseurs interrogés sur les possibilités d'export lors de la présente instruction relèvent des contraintes réglementaires, logistiques, de ressources humaines, de connaissance des marchés, ainsi que des spécificités locales et de fragilité ou de durée de vie du produit.

45. De plus, concernant la RHD, les mêmes fournisseurs mettent en avant la nécessité de recettes spécifiques, et de conditionnements de produits particuliers, par rapport à ceux de la grande distribution, une logistique de distribution différente, la nécessité de ressources humaines supplémentaires, et des volumes plus faibles, voire même les tensions qu'une tentative de diversification vers ces autres canaux de vente pourrait engendrer avec leurs clients distributeurs en GMS.

46. S’agissant de la sous-segmentation entre MDF et MDD, les particularités de certaines catégories de produits peuvent justifier une délimitation de marché spécifique aux produits MDD. En effet, les conditions de commercialisation des produits MDD sont différentes de celles des produits MDF : contrats plus courts, processus d'appels d'offres (voir paragraphes 64 et suivants). À ce titre, si, pour les produits MDF, le fabricant conçoit, élabore et produit lui-même le produit, la MDD répond à une commande du distributeur, les fournisseurs étant sélectionnés à l'issue d'appels d'offres prévoyant des spécifications très précises sur les produits (composition, caractéristiques organoleptiques, conditionnement, etc.). Mais surtout, une telle délimitation apparait d'autant plus justifiée que les distributeurs eux-mêmes ont conclu des accords de coopération spécifiquement pour ces produits. Ces différents éléments sont de nature à justifier qu'une distinction soit opérée pour un nombre significatif de produits.

47. Par conséquent, une analyse globale sans distinction entre MDD et MDF pourrait ne pas être adaptée à l'évaluation d'accords de coopération portant sur les MDD, qui portent sur un grand nombre de catégories de produits pour lesquelles une sous-segmentation pourrait être justifiée.

b) Dimension géographique

48. S'agissant de la dimension géographique des marchés de l'approvisionnement, l'Autorité, tout comme la Commission européenne, retient en principe des marchés de dimension nationale27.

49. Sans se prononcer spécifiquement sur le périmètre géographique du marché pertinent, les parties indiquent que seuls les grands fournisseurs ont la capacité de traiter les exigences de livraison transfrontalière28.

50. Pour autant, les achats de produits MDD par les parties demeurent majoritairement liés à leur marché domestique principal (la France pour Carrefour, la Grande-Bretagne pour Tesco). Pour Carrefour, les achats de produits MDD à destination du territoire français représentaient en 2018 [60 – 70] % des achats de produits MDD totaux pour les catégories de produits entrant dans le champ de la coopération, avec des variations importantes suivant les catégories. Cette proportion allait de 6 à 100 % selon les catégories, mais pouvait dépasser 50 % pour les trois quarts d’entre elles. Pour Tesco, dans la mesure où les ventes au Royaume-Uni et Irlande représentent plus de 80 % des ventes de Tesco dans ses magasins, il est probable que la part de ses achats en produits MDD susceptible d’entrer dans le périmètre des accords de coopération pour le marché domestique soit également prépondérante.

51. Au-delà de ces éléments, les produits concernés comportent des spécificités nationales, que ce soit en termes de formulation ou de packaging, compte tenu tant des réglementations nationales que des habitudes de consommation. Aussi, et indépendamment de la fixation d’un prix commun, le cahier des charges des produits dans le cadre des accords de coopération peut être différent et propre à chaque distributeur. Ces éléments sont de nature à corroborer la dimension nationale des marchés considérés.

c) La position des parties sur le marché amont de l’approvisionnement

52. Les Parties ont cherché à apprécier l’impact concurrentiel de leurs accords en effectuant un calcul de leurs parts de marché cumulées à l’achat sur le marché amont en France. Le tableau ci-après fait apparaître la part cumulée des achats réalisés par les entreprises concernées sur les marchés de l’approvisionnement, pour les familles de produits entrant dans le périmètre des accords de coopération29, parmi celles retenues par la Commission européenne dans l’affaire Carrefour/Promodès. Les parties n’ayant pas communiqué sur les parts de marché limitées aux MDD, les chiffres présentés ci-dessous portent donc sur l’ensemble des produits MDF et MDD inclus dans les accords de coopération.

Poids des accords de coopération par catégorie de produits30

53..

 

Part d’achat combinée sur le marché limité à l’approvisionnem ent des GSA

Part d’achat combinée sur le marché global

Périmètre d’analyse Catégorie de produits

MDF + MDD

MDF + MDD

Liquides

[> 15 %]

[< 15 %]

Droguerie

[> 15 %]

[< 15 %]

Parfumerie – Hygiène

[> 15 %]

[< 15 %]

Épicerie sèche

[> 15 %]

[< 15 %]

Produits périssables en libre-service

[< 15 %]

[< 15 %]

Bricolage

[< 15 %]

[< 15 %]

Culture

[< 15 %]

[< 15 %]

Jouets, loisirs et détente

[< 15 %]

[< 15 %]

Textile – chaussure

[< 15 %]

[< 15 %]

 

Source : Données fournies par les parties31.

Note de lecture : en gris les catégories de produits pour lesquelles la part de marché est potentiellement supérieure à 15 %.

2. LES MARCHES AVAL

a) Dimension produit

54. Classiquement, lorsque plus d'un tiers du chiffre d'affaires d'un magasin provient de produits alimentaires, le commerce est réputé « à dominante alimentaire »32. Bien que les seuils de parts de marché doivent être utilisés avec précaution33, la pratique décisionnelle de l'Autorité distingue six marchés au sein du commerce de détail à dominante alimentaire, en utilisant plusieurs critères, tels que la taille des magasins, leurs techniques de ventes, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés34 : (1) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d'une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²) ; (2) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²) ; (3) le commerce spécialisé ; (4) le petit commerce de détail ou les supérettes (moins de 400 m²) ; (5) les maxi-discompteurs et (6) la vente à distance.

b) Dimension géographique

55. Pour apprécier l'impact d'opérations de concentration dans le secteur de la grande distribution, l'Autorité retient des marchés de dimension locale correspondant à la zone de chalandise associée à chaque magasin, et dont l'étendue est fonction du temps de déplacement des clients des magasins. Les temps de référence sont des temps généralement constatés ; ils varient en fonction de la taille des magasins, mais également de la densité de l'équipement commercial de chaque zone35. L'évaluation du temps de parcours peut aussi être réalisée en suivant la méthode de l'empreinte réelle, désignant la zone qui regroupe les clients représentant 80 % du chiffre d'affaires du magasin ou 80 % des clients du magasin, en fonction des données disponibles36.

56. Il convient toutefois de souligner que les distributeurs peuvent également être en concurrence sur des marchés plus étendus, d'échelle nationale. Dans une telle configuration, l'intensité de la concurrence résulte de la configuration de marché prévalant au niveau local, mais aussi au niveau national37. L'analyse concurrentielle d'accords tels que celui objet de la présente décision doit donc s'effectuer à la fois au niveau local et au niveau national.

c) Estimation des parts de marché à l’aval

57. L’Autorité relève que les parties à l’accord objet de la présente décision ont un poids significatif sur le marché aval, dès lors qu’elles représentent 20,2 % du marché de détail de la distribution à dominante alimentaire en France, dans un contexte où ce marché est encore un peu plus concentré que ce qui prévalait en 2014.

C. SUR L’ANALYSE PRÉLIMINAIRE DE L’ACCORD NOTIFIE PAR LES PARTIES

58. L’analyse préliminaire de l’accord de coopération, notifiée par les services d’instruction dans le cadre de la demande de mesures conservatoires sur le fondement de l’article L. 462-10 du code de commerce, (1) repose sur le constat que les accords en cause sont susceptibles, en l’état de l’instruction, d’engendrer des atteintes à la concurrence au sens de cette disposition, et ce, (2) sur le marché amont de l’approvisionnement en produits MDD.

1. LE CADRE JURIDIQUE

59. Les rapprochements à l'achat sont souvent conclus entre des entreprises concurrentes sur des marchés amont (les marchés d'achat des produits concernés), et parfois également sur des marchés aval (les marchés de vente des produits concernés). En tant que tels, ces accords doivent être appréciés au regard des articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

60. Au niveau européen, les rapprochements à l'achat font l'objet d'un chapitre dédié des lignes directrices de la Commission européenne sur l'applicabilité de l'article 101 du TFUE aux accords de coopération horizontale38. Selon les lignes directrices, « [l]es accords d'achat groupé visent généralement à créer une puissance d'achat susceptible de conduire à une baisse des prix ou à une amélioration de la qualité des produits ou des services pour les consommateurs. Toutefois, la puissance d'achat peut aussi, dans certains cas, poser des problèmes de concurrence »39. Ces problèmes peuvent se manifester sur les marchés amont et aval concernés par les accords.

61. Sur le plan procédural, comme exposé précédemment, l'article L. 462-10 du code de commerce issu de la loi « Egalim » vise les accords de coopération eux-mêmes et définit un cadre juridique spécifique, s'agissant des atteintes à la concurrence susceptibles d'être constituées. Cette disposition précise également les conditions propres pour le prononcé de mesures en cas d'atteintes à la concurrence identifiées par l'Autorité.

62. L'Autorité s'est saisie d'office le 19 septembre 2019 sur le fondement du III de l'article L. 462-10 du code de commerce en vue d'examiner le bien-fondé de mesures conservatoires s'agissant du volet de la coopération entre les Parties portant sur les produits à MDD.

63. Les services d'instruction ont, dans ce cadre, notifié aux parties, le 4 septembre 2020, une note dans laquelle ils ont analysé les accords concernés au regard des articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, et identifié les principales atteintes à la concurrence susceptibles d'être constituées sur les marchés concernés. Ces risques concurrentiels sont détaillés ci-après.

2. LES ATTEINTES A LA CONCURRENCE SUSCEPTIBLES D’ETRE CONSTITUEES

a) Le constat d’un pouvoir de marché souvent limité des fournisseurs de produits MDD

Les caractéristiques contractuelles limitant le pouvoir de marché des fournisseurs

64. En limitant la substituabilité entre MDF, l'image de marque associée à la commercialisation des produits MDF contribue à accroître le pouvoir de marché de l'offreur. Au contraire, la MDD répond à un besoin générique, qui peut être satisfait par de multiples produits interchangeables, ce qui contribue à réduire le pouvoir de marché dont bénéficient les fabricants de produits MDD.

65. Par ailleurs, à la différence des fabricants de MDF, les fournisseurs ne contrôlent pas les conditions de commercialisation des références MDD achetées par le distributeur, ce qu'illustre le fait que dans un nombre significatif de cas40, la même référence MDD peut être produite par plusieurs fournisseurs différents. Ce point ne changera pas avec la mise en œuvre des accords de coopération, en l'absence d'exclusivité d'approvisionnement au bénéfice du fournisseur sélectionné41.

66. De plus, les marchés de fourniture de produits MDD sont souvent attribués à l'issue de procédures d'appels d'offres42, entraînant des relations commerciales d'une durée limitée, rarement supérieure à un an43. Si les parties ont indiqué qu'elles entendaient développer de façon significative les contrats pluriannuels dans le cadre des accords de coopération, il y a lieu de relever que cette intention ne fait pas l’objet d’objectifs spécifiques. En outre, l'allongement de la durée de l'engagement contractuel avec les fournisseurs, lorsque l'appel d'offres passera par la centrale commune, n'aura pas forcément une incidence significative sur le pouvoir de marché du fournisseur, dans la mesure où par exemple il n’existe pas d'engagement ferme de volumes. Sur ce dernier point, la proportion de contrats de fourniture de produits MDD comportant des engagements fermes de volumes demeure marginale44.

67. Par conséquent, l'analyse des mécanismes contractuels présents au cas d'espèce confirme que les fournisseurs, dans leur ensemble, ne bénéficient pas d'un pouvoir de marché significatif vis-à-vis de leurs clients distributeurs.

Les caractéristiques économiques limitant le pouvoir de marché des fournisseurs

68. Aux caractéristiques contractuelles limitant le pouvoir de marché des fournisseurs de produits MDD s'ajoutent des éléments économiques.

69. Premièrement, le secteur a été marqué, jusqu'à une date récente, par une baisse générale et significative des ventes depuis plusieurs années, comme l'illustre le graphique suivant :

Part de marché des marques de distributeurs en GSA en France

Source : Xerfi, « Les grandes surfaces alimentaires », septembre 2019, page 31.

70. Cette baisse est essentiellement due à la baisse de parts de marché des MDD standards et 1er prix, soit précisément celles qui sont visées à titre principal par les accords de coopération à l'achat45. Cette diminution a notamment pu contribuer à fragiliser économiquement un nombre important de fournisseurs MDD.

71. Deuxièmement, la baisse des ventes de produits à MDD pourrait être renforcée par la mise en œuvre du volet MDF des accords de coopération. En effet, les accords de coopération à l'achat portant sur les produits MDF visent à faire baisser le prix d'achat de ces produits et devraient avoir pour effet d'en répercuter une partie significative auprès des consommateurs. La baisse des prix des produits MDF peut ainsi avoir pour conséquence de faire davantage converger les prix des produits MDF avec ceux des produits MDD, ce qui réduirait d'autant l'avantage prix dont bénéficient traditionnellement ces derniers. Suivant son ampleur, ce phénomène pourrait réduire l'attractivité des produits MDD, ce qui serait susceptible d'accentuer les baisses de volumes constatées par le passé pour ces produits. Cet effet est regardé comme probable par de nombreux fournisseurs46, et plusieurs éléments empiriques liés à l'analyse rétrospective des alliances passées semblent le corroborer. Des éléments communiqués par d’autres distributeurs sur les effets des accords à l'achat passés démontrent en effet qu’en ce qui les concerne, la part de marché des produits MDF a augmenté, au détriment des produits MDD, et que les achats de MDD ont moins progressé entre 2012 et 2016 que les achats MDF et ce, que les produits MDF soient achetés ou non par le biais d'une alliance à l'achat47. Or, compte tenu de l'ampleur de l'accord de coopération MDF conclu en parallèle par Carrefour et Tesco, les mêmes produits peuvent être concernés par les accords à l'achat, aussi bien pour le volet MDF que MDD. À l'instar de ce qui a pu être constaté par le passé, il est donc probable que, toutes choses égales par ailleurs, cela contribue à diminuer la part que représente la MDD dans le total des ventes.

72. Troisièmement, la typologie de fournisseurs potentiellement affectés par la mise en œuvre des accords de coopération MDD est très différente de celle concernée par les accords de coopération MDF, qui s'appliquent très majoritairement à de grandes multinationales fortement diversifiées. Les accords MDD sont en effet susceptibles d'affecter un nombre significatif d'entreprises de taille plus modeste, comme par exemple les PME et les TPE, la part que ces entreprises représentent dans l'offre de produits MDD étant significative, au niveau national (représentant 77 % des références mises en rayon et 72 % des ventes en valeur)48, mais aussi pour les parties elles-mêmes (les entreprises de moins de 250 salariés représentaient en effet en 2017 plus de 60 % des fournisseurs des produits MDD entrant dans le périmètre actuel des accords de coopération, et elles fournissent plus de 50 % des besoins des parties en volumes)49.

73. Quatrièmement, la pression sur les prix sur le marché amont de l'approvisionnement des produits MDD devrait se renforcer, en raison des enjeux stratégiques que revêtent ces produits pour les distributeurs. Il est en effet très important pour eux, en termes de construction de l'identité de leur enseigne et de fidélisation de leur clientèle, de disposer de ces produits dans leur assortiment et que leurs gammes soient attractives et bon marché. Le renforcement de l'attractivité des produits MDD pourrait conduire à nuancer les baisses de volumes globalement constatées ces dernières années. Cette évolution doit toutefois être prise avec précaution, en raison des hétérogénéités (notamment en fonction du positionnement de gamme) qui peuvent être constatées sur le marché, notamment entre les produits MDD basiques et les produits MDD à positionnement premium ou spécifique, tels que les produits bio. En tout état de cause, si la baisse des prix de détail de produits MDD50 se maintenait dans le temps, elle confirmerait que la pression exercée par les distributeurs pour baisser les prix d'achat, loin de s'atténuer, va être encore plus importante à l'avenir, compte tenu de l'intérêt stratégique de ces produits pour les distributeurs. En dégradant davantage une rentabilité qui est d'ores et déjà très faible pour certaines familles, les distributeurs vont ainsi rendre d'autant moins attractive pour les fournisseurs la vente de ces produits.

74. Enfin, le faible pouvoir de marché des fournisseurs de produits MDD peut être illustré par le fait que le secteur est souvent marqué par une rentabilité limitée. Même si cela peut dépendre des familles de produits, et être moins le cas pour des gammes de produits MDD positionnées sur des créneaux plus haut de gamme ou plus rémunérateurs (MDD bio ou

premium), de nombreux fournisseurs interrogés au cours de l'instruction ont souligné la rentabilité limitée de leurs ventes à la grande distribution (fournisseurs actifs dans les secteurs des pâtes alimentaires, des conserves de légumes, des huiles alimentaires, des produits diététiques, des produits d'hygiène, des produits laitiers, des produits de snacking, des produits de confiserie, des produits d'alimentation pour animaux, et des produits de panification)51. Plusieurs fournisseurs ont par ailleurs indiqué que la commercialisation de produits MDD leur sert essentiellement à couvrir leurs coûts fixes (fournisseurs actifs dans des secteurs de la parfumerie, des jus de fruits, et de la charcuterie)52 et plusieurs d'entre eux ont même déclaré avoir choisi de ne pas commercialiser ce type de produits, ou bien avoir décidé d'arrêter de le faire, en raison de leur trop faible niveau de rentabilité (fournisseurs actifs dans les secteurs de l'entretien, des pâtes alimentaires, des produits laitiers, des légumes secs, des produits de confiserie, du café, et de l'alimentation animale)53.

75. Tous ces éléments concourent à diminuer la probabilité que les fournisseurs puissent exercer un pouvoir de marché compensateur, leur permettant de contrebalancer l'accroissement du pouvoir de négociation des distributeurs, ce qu'illustrent les faibles niveaux de marge des fournisseurs de produits MDD. Ils concourent également à démontrer que les accords de coopération portant sur les produits MDD s'insèrent dans un contexte économique plutôt défavorable aux fournisseurs.

b) L’analyse des conséquences possibles de la mise en œuvre des accords de coopération

76. Alors même qu'il s'agit d'un marché marqué par une rentabilité limitée, la mise en œuvre des accords de coopération est susceptible, suivant l'exposition des fournisseurs au marché en cause, de déstabiliser de manière significative leur activité. Cette déstabilisation peut résulter de la perte subite de volumes que les fournisseurs pourraient supporter, dont l'impact serait démultiplié par l'effet des accords de coopération à l'achat. Elle peut aussi résulter des baisses de prix qui seront consenties par le fournisseur pour garder et/ou obtenir le marché, dont l'impact pourrait être d'autant plus important que le contexte économique est déjà défavorable, avec des volumes en baisse récurrente.

77. En diminuant la marge des fournisseurs, les accords pourraient en outre diminuer à court et à moyen terme leur capacité à investir et à innover, qu'il s'agisse de fournisseurs commercialisant exclusivement des produits MDD54 ou de fournisseurs plus diversifiés55. Au-delà de l'incitation à investir, la mise en œuvre des accords est également susceptible de réduire l'incitation même des fournisseurs à demeurer sur le marché. Ce risque semble d'autant plus grand que d'autres distributeurs ont également mis en œuvre de manière concomitante d'autres accords de coopération portant sur les produits MDD56, et que dans le cadre de l'instruction, plusieurs fournisseurs ont expressément indiqué que leur incitation à demeurer ou à aller sur le marché de la fourniture de MDD était faible (voir paragraphe 67). La conclusion d'accords à l'achat portant sur les MDD est ainsi susceptible, dans les circonstances de l'espèce, de diminuer non seulement l'offre de produits dont bénéficieraient les consommateurs, mais également celle dont pourraient bénéficier les autres distributeurs ne participant pas à l'accord de coopération à l'achat. Un tel effet atténuerait la diversité de l'offre sur le marché amont de l'approvisionnement, élément crucial pour faire pleinement jouer la concurrence entre fournisseurs.

78. Les effets de cette déstabilisation du marché de l'offre de produits MDD seront d'autant plus importants que le marché amont de l'approvisionnement pour les produits MDD concernés par les accords de coopération est composé, pour une part significative, d'entreprises de taille modeste, notamment de TPE et de PME (voir paragraphe 72), et que la nouvelle alliance à l'achat va représenter une part importante des débouchés totaux pour certains fournisseurs57.

79. Or, à la différence de groupes plus importants et plus diversifiés, ces acteurs sont moins susceptibles de supporter une dégradation des conditions d'exercice de leur activité économique. Ils risquent ainsi d'être impactés négativement par ces accords de coopération, que ce soit à travers les baisses de prix qu'ils devront concéder, ou par les pertes de volumes qu'ils sont susceptibles de subir.

80. Dans le même temps, les PME et les TPE contribuent de manière significative et croissante à la dynamique d’innovation des distributeurs58, en ce compris les ventes de produits MDD59. Loin de limiter leur rôle à la simple participation à des appels d'offres qui seraient définis unilatéralement par les distributeurs, les fournisseurs de MDD, en ce compris les entreprises potentiellement les plus impactées par les accords de coopération, comme les TPE et les PME, peuvent jouer dans certains cas un rôle proactif dans l'innovation produit. Par exemple, LAITA, une coopérative fabricant des produits laitiers, a déclaré dans la presse spécialisée que « la MDD est au cœur du business, car elle représente 50 % de l'activité PGC de la coopérative, soit 100 000 tonnes de produits et 350 millions d'euros de chiffre d'affaires. La coopérative a ainsi mis en place des équipes dédiées à la MDD pour proposer des innovations plus réfléchies aux distributeurs et des produits cocréés. Dans ce cadre, Laïta a conçu des produits plus premium avec une forte valeur ajoutée. Par ailleurs, il y a trois ans, elle a constitué des équipes de category management dédiées à sa MDD, et fait figure de pionnier en proposant aux enseignes des plans merchandising spécifique à la MDD ». Ce fournisseur indique « répondre à des demandes de distributeurs mais être également force de propositions sur de nouveaux produits, des recettes, des packagings éco- conçus, les relations avec le monde agricole »60.

81. Même si c'est le distributeur qui décide in fine du cahier des charges des produits MDD, les processus d'élaboration de ces produits sont plus complexes et sont loin d'être unilatéraux : le fournisseur y joue souvent un rôle important, en étant, comme l'illustre l'exemple ci-dessus, force de proposition et moteur de création pour proposer de nouveaux produits, qu'il s'agisse de nouvelles formulations ou encore de nouveaux packagings. Cela est par ailleurs illustré par le fait que les étapes de négociation peuvent par exemple passer par un panel de sélection préalable sur le produit avant le lancement de l'appel d'offres proprement dit.

3. CONCLUSION GENERALE

82. La mise en œuvre de l’accord de coopération examiné en l’espèce est susceptible de diminuer le nombre d'offreurs sur le marché amont de l'approvisionnement en produits MDD, voire l’incitation de ces derniers à investir pour proposer des innovations. L’accord pourrait donc impacter directement la qualité de l'offre dont sont susceptibles de bénéficier les consommateurs, et, dès lors, potentiellement diminuer leur bien-être.

III. Les engagements

A. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LES PARTIES LE 17 SEPTEMBRE 2020

83. À la suite de l’envoi de la note établie par les services d’instruction et proposant l’adoption de mesures conservatoires, Carrefour et Tesco ont transmis à l’Autorité une proposition d’engagements.

84. Les engagements soumis par les Parties ont pour objectif de répondre aux risques d’atteintes à la concurrence identifiés par les services d’instruction et détaillés ci-avant. Ils aboutissent à réduire le périmètre de l’alliance à l’achat sur les produits MDD entre Carrefour et Tesco. Parmi les plus de 130 catégories de produits MDD identifiées par les Parties comme susceptibles d’être négociées et achetées conjointement, certaines font l’objet d’un engagement d’exclusion de la coopération (1), d’autres font l’objet d’un engagement de limitation des achats réalisés dans le cadre de la coopération (2). Les Parties restent libres de coopérer pour une partie substantielle de ces catégories de produits (3). Carrefour et Tesco s’engagent, par ailleurs, à réintégrer les petits fournisseurs dans le champ d’application de l’alliance (4). Les engagements prévoient, en outre, un dispositif de suivi et de contrôle de l’application des engagements par un mandataire (5).

85. Afin de mettre l’accord de coopération en conformité avec les engagements présentés ci-dessous, les Parties s’engagent, à l’article 7.1 de leurs engagements, à modifier par voie d’avenant, les dispositions contractuelles de l’accord d’achat conjoint, dans un délai de 20 jours ouvrables à compter de la date de la décision. Cet avenant modifiera les clauses concernées et permettra à l’alliance d’être conforme aux engagements souscrits.

86. Les Parties s’engagent à ce que les engagements prennent effet à partir de la date de la décision et pour une durée de cinq ans. Toutefois si le volet MDD de l’alliance est résilié avant la période de cinq ans, les engagements prennent fin à la date de la résiliation (article 6).

87. Les engagements s’appliquent (i) à tout nouveau contrat négocié en commun conclu postérieurement à l’entrée en vigueur des engagements et (ii) aux contrats d’approvisionnement en cours négociés en commun à la date de leur première reconduction ou de leur premier renouvellement à compter de la date de la décision (article 7.2).

1. L’ENGAGEMENT D’EXCLUSION DE CERTAINES CATEGORIES DE PRODUITS DU CHAMP D’APPLICATION DE L’ACCORD (ARTICLE 3)

88. À l’article 3, les Parties s’engagent à exclure du champ de la coopération à l’achat certaines familles de produits MDD qui y étaient initialement intégrées. Pour ces familles de produits, s’agissant des achats en provenance de l’Union européenne, les négociations avec les fournisseurs et les achats proprement dits seront conduits et réalisés séparément par Carrefour et Tesco.

89. Les catégories de produits concernées comprennent des produits agricoles bruts d’origine nationale ou communautaire, achetés principalement auprès des producteurs français et européens.

90. Les familles de produits couvertes par cet engagement sont les suivantes :

· les fruits et les légumes suivants en provenance de l’Union européenne :

- agrumes ;

- aubergines ;

- concombres ;

- courgettes ;

- fruits rouges ;

- fruits secs ;

- kiwis ;

- melons ;

- pastèques ;

- poivrons ;

- pêches et nectarines ;

- raisins ;

- tomates ;

· les plantes et fleurs d’intérieur originaires de l’Union européenne ;

· l’agneau originaire de l’Union européenne.

91. Pour chacune de ces catégories de produits, Carrefour s’engage à ne pas diminuer la part actuelle des achats annuels en provenance de l’Union européenne de plus de 20 %, sauf circonstances de marché objectives et imprévisibles restreignant la capacité de Carrefour à s’approvisionner en produits en provenance de l’Union européenne.

2. L’ENGAGEMENT DE PLAFONNEMENT DES APPROVISIONNEMENTS CONJOINTS

(ARTICLE 4)

92. Huit catégories de produits ont été identifiées par les distributeurs comme répondant au double critère de dépassement du seuil de 15 % issu des Lignes directrices de la Commission européenne sur les accords de coopération horizontale, et de sensibilité particulière à l’amont. La sensibilité à l’amont se caractérise par la sensibilité du secteur de la catégorie de produits à un accroissement de la part de marché des distributeurs. Elle a été analysée par les Parties au regard des critères issus des lignes directrices précitées, c’est-à-dire la concentration du marché, l’existence d’un éventuel pouvoir compensateur de la part des fournisseurs, et de l’avis de l’Autorité n° 15-A-06, en se référant notamment à l’existence de débouchés alternatifs auxquels les fournisseurs pourraient avoir recours en cas d’échec de leurs négociations. Une absence de contrepouvoir des fournisseurs ou de débouchés alternatifs caractérisent un marché amont plus sensible.

93. Au terme de l’analyse des différents critères, les catégories de produits suivantes ont été identifiées et sont concernées par l’engagement de limitation de la coopération :

- la panification sèche ;

- le coton ;

- le coton et les bâtonnets bébé ;

- les fromages persillés ;

- les autres pâtes pressées ;

- le fromage frais ;

- le cheddar ;

- les conserves de tomate.

94. Les Parties s’engagent, pour ces catégories de produits, à limiter les volumes négociés et achetés par l’intermédiaire de l’alliance, aux besoins de Tesco (non plafonnés), et aux besoins de Carrefour (dans la limite d’un volume correspondant à 15 % de part de marché sur le marché amont pour la famille concernée). Au-delà de cette limite, pour satisfaire le solde de ses besoins, Carrefour conclura des accords individuels avec les fournisseurs, distincts de ceux négociés dans le cadre de l’alliance.

3. LES CATEGORIES DE PRODUITS POUR LESQUELLES LES PARTIES RESTERONT LIBRES DE COOPERER

95. Carrefour et Tesco restent libres de coopérer sur l’ensemble des catégories de produits pour lesquelles la part de marché de Carrefour ne dépasse pas 15 %, ou lorsque les caractéristiques du marché ne justifient pas d’engagement, compte tenu (i) de la part de marché de Carrefour,

(ii) de la concentration du marché et (iii) de l’existence éventuelle d’un pouvoir compensateur de la part des fournisseurs ou des débouchés alternatifs à leur disposition.

4. L’ENGAGEMENT RELATIF AUX PME (ARTICLE 5)

96. À l’article 5, Carrefour et Tesco s’engagent à rétablir la possibilité pour les plus petits fournisseurs de répondre aux appels d’offres organisés dans le cadre de la coopération. Aucun fournisseur ne sera ainsi exclu ab initio du champ d’application de l’alliance.

97. Sont concernés, pour Carrefour, les fournisseurs qui remplissent les conditions requises pour être considérés comme des PME au sens de la Recommandation de la Commission du

6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (2003/361/CE), c’est-à-dire moins de 250 salariés, un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros et/ou un bilan inférieur à 43 millions d’euros et pour Tesco, les fournisseurs auprès desquels Tesco achète moins de 3 millions de livres sterling par an dans les catégories de produits sélectionnées.

5. LE SUIVI ET LA REVISION DES ENGAGEMENTS

a) Le suivi et la vérification de la mise en œuvre des engagements (article 8)

98. L’avenant modifiant les dispositions contractuelles de l’alliance sera transmis à l’Autorité dans un délai de dix jours à compter de sa conclusion.

99. Les engagements prévoient les modalités de désignation d’un mandataire indépendant des Parties, qui assurera le suivi et la vérification du respect des engagements par les distributeurs.

100. La procédure de désignation du mandataire est prévue à l’article 8.1. Les Parties devront soumettre à l’acceptation de l’Autorité le nom de la personne ou institution qu’elles proposent comme mandataire, dans un délai d’un mois après la date de la notification de la décision. Si le mandataire proposé est rejeté, les Parties soumettront les noms d’au moins deux autres personnes ou institutions dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle elles sont informées du rejet par l’Autorité. En cas de refus d’agrément des candidats, l’Autorité désignera elle-même un ou plusieurs mandataires que les Parties nommeront ou feront nommer.

101. Chaque proposition de candidat devra inclure le texte intégral du projet de mandat, comprenant toutes les dispositions nécessaires pour permettre au mandataire d’accomplir ses fonctions et l’ébauche de plan de travail décrivant la façon dont ce dernier compte exécuter sa mission. L’Autorité dispose d’un pouvoir d’appréciation pour l’approbation des mandats proposés et peut prescrire toute modification qu’elle estime nécessaire pour l’accomplissement des obligations du mandataire.

102. Le mandataire aura pour mission de rendre compte à l’Autorité de l’application de l’ensemble des engagements souscrits par les Parties dans le cadre de leur accord de coopération à l’achat sur les produits MDD. Il élaborera un plan de travail précisant la manière dont il entend suivre et vérifier le respect des engagements, dans un délai d’un mois après la signature du contrat de mandat. Il devra être en mesure de contrôler annuellement les volumes d’achats réalisés par les Parties auprès des fournisseurs pour chacune des familles de produits concernées par les engagements. Il communiquera à l’Autorité un rapport qu’il établira en mai de chaque année, sur l’exécution des engagements par Carrefour et Tesco. En plus de ce rapport annuel, il établira un rapport destiné à l’Autorité à chaque fois que les circonstances le justifient. Enfin, dans l’hypothèse où les engagements pendraient fin autrement qu’à l’expiration du délai de cinq ans, il établira un ultime rapport dans un délai de deux mois à l’issue de la durée d’exécution des engagements.

103. Pour établir ses rapports, le mandataire recevra les informations suivantes :

- un tableau des familles de produits concernées par les engagements, mentionnant l’ensemble des appels d’offres lancés ou attribués en commun au cours de l’année N-1 pour les produits concernés (et précisant les volumes d’achat prévisionnels pour Carrefour, les fournisseurs retenus, la valeur et le volume des achats prévisionnels attribués à Carrefour et la date d’entrée en vigueur des contrats d’approvisionnement) ;

- la valeur et le volume des achats de produits MDD réalisés par Carrefour, en distinguant les nouveaux contrats d’approvisionnement et les contrats d’approvisionnement en cours ainsi que sa part de marché amont correspondante dans chaque famille de produits concernés par les engagements ; et

- pour les familles visées à l’article 3 des engagements, la répartition des achats de Carrefour entre produits d’origine communautaire et non communautaire.

b) La révision des engagements (article 9)

104. L’Autorité pourra accorder une prolongation des délais prévus par les engagements et/ou lever, modifier ou remplacer un ou plusieurs des engagements souscrits en réponse à une demande des Parties exposant des motifs légitimes, notamment en cas de circonstances nouvelles ou exceptionnelles, comme toute évolution de la structure concurrentielle du marché.

B. LE TEST DE MARCHE

105. Conformément au troisième alinéa de l’article R. 464-2 du code de commerce, un résumé de l’affaire et les engagements soumis par les Parties ont été publiés le 8 octobre 2020, pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations sur le contenu de la Proposition d’Engagements.

106. Lors de ce test de marché, l’Autorité a recueilli les observations de trois associations : l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ci-après, l’« ANIA »), l’Association de Gouvernance Économique des Fruits et Légumes (ci-après, « GEFeL »), l’Association des Industries de Marque (ci-après, « AIM ») et de deux sociétés, Lactalis et Edgewell Personal Care.

107. Les différentes contributions portent principalement sur les thématiques suivantes : la pertinence de recourir à la procédure d’engagements (1), le périmètre des engagements (2), le risque d’échanges d’informations sensibles (3) et la portée des engagements (4).

1. SUR LA PERTINENCE DE RECOURIR A LA PROCEDURE D’ENGAGEMENTS

108. L’ANIA et Lactalis soulignent, dans leur contribution, que l’instruction du volet de l’alliance relatif à la mutualisation de services internationaux devrait être poursuivie. Elles mettent notamment en avant l’alignement des conditions commerciales des distributeurs dans le cadre de ces accords, sans justification économique ou contrepartie de leur part, et soulignent en outre l’augmentation des rémunérations versées par les fournisseurs dans le cadre des accords de services internationaux.

2. SUR LE PERIMETRE DES ENGAGEMENTS

109. Le GEFeL estime que les engagements tenant à l’exclusion des produits agricoles et notamment des fruits et légumes frais, de l’accord à l’achat conclu entre Carrefour et Tesco, constituent « l’unique mesure de nature à prévenir tout risque sérieux d’atteinte à la concurrence sur les marchés concernés », le rapprochement à l’achat accentuant le déséquilibre de la relation commerciale entre la production et la distribution. Il souligne en effet la faible rentabilité du secteur des fruits et légumes frais, la volatilité des prix, ainsi qu’un déséquilibre entre l’amont et l’aval et la puissance d’achat des distributeurs leur permettant de dicter leurs conditions et d’exercer une pression à la baisse sur les prix.

110. L’ANIA et Lactalis s’interrogent sur le maintien de certains produits agricoles, tels que les fromages, dans le champ de la coopération. Ils soulignent à cet égard le risque auquel seront confrontés les producteurs, de recevoir des membres de l’accord, des demandes d’alignement des prix d’achat de l’alliance sur la base du prix le plus bas.

111. L’AIM soulève que l’analyse du pouvoir de marché de l’alliance entre Carrefour et Tesco devrait prendre en compte le pouvoir cumulatif dont disposent les distributeurs, qui sont aussi partie à d’autres accords de coopération. Elle estime nécessaire de prendre en considération non seulement la part de marché des distributeurs, mais également les alliances dans lesquelles Carrefour est impliqué, tant au niveau national qu’international, ainsi que les partenaires d’affaires de ces alliances, et ce sur un marché de produits comprenant les MDD et les MDF.

112. L’ANIA s’interroge sur la façon dont les familles soumises à plafonnement d’approvisionnement et listées à l’article 4.2 des engagements, ont été établies. Elle souhaiterait que l’examen des critères réalisé pour déterminer les familles plafonnées (pour rappel : la part de marché de Carrefour, la concentration du marché et l’existence d’un éventuel pouvoir compensateur des fournisseurs) soit revu chaque année. Elle désapprouve l’absence de limitation pour Tesco et suggère que l’intégralité des familles de produits pour lesquelles les Parties détiennent (ou viendraient à détenir) une part de marché supérieure à 15 % devraient être exclues du champ de l’alliance.

3. SUR LE RISQUE D’ECHANGES D’INFORMATIONS SENSIBLES

113. Plusieurs contributions relèvent le risque d’échanges d’informations commercialement sensibles et stratégiques au sein de l’alliance.

114. Afin de garantir la confidentialité des négociations, l’ANIA sollicite un engagement de la part des Parties, sur la mise en place d’équipes distinctes et d’accords de confidentialité afin de garantir la stricte étanchéité entre les différentes familles de produits et entre les différentes entités.

115. Lactalis suggère que les Parties s’engagent sur l’organisation de l’accord et sur les relations entre Carrefour et Tesco vis-à-vis des produits qui demeurent dans le périmètre, afin d’éviter le risque d’échange d’informations stratégiques ou des demandes de compensations abusives.

116. L’AIM indique également qu’il conviendrait de préciser les moyens mis en œuvre par les distributeurs pour garantir l’absence d’échanges d’informations commercialement sensibles.

4. SUR LA PORTEE DES ENGAGEMENTS

117. Afin de prévenir l’augmentation du pouvoir de négociation des Parties et leur position de force par rapport à la filière amont ainsi que le manque de visibilité des répondants aux appels d’offre, l’ANIA demande que les distributeurs s’engagent, pour les familles de produits entrant dans le champ de la coopération, à suivre une procédure établie d’appel d’offres plus transparente à chaque stade de la procédure. Elle suggère que les Parties informent précisément les candidats sur la procédure d’appel d’offres et notamment, la durée, le nombre de tours, les volumes concernés par l’appel d’offres, etc.

118. Par ailleurs, l’ANIA considère que l’absence de remise en cause des contrats en cours, pourrait empêcher la mise en place effective des engagements par Carrefour et Tesco. Elle soulève que ces contrats peuvent avoir été conclus pour une durée indéterminée ou pour une durée pluriannuelle, ce qui risquerait de bloquer la conclusion d’un nouveau contrat d’approvisionnement.

C. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LES PARTIES LE 25 NOVEMBRE 2020

119. Les éléments apportés par certains tiers à l’issue du test de marché ont conduit les Parties à modifier leurs engagements sur certains points. Ces modifications concernent l’article 3 sur les achats séparés et l’article 8 sur le suivi et la mise en œuvre des engagements.

120. Dans une dernière version du 25 novembre 2020, les Parties ont apporté, à l’article 3, une précision sur le seuil de 20 % que Carrefour s’engage à respecter pour ses achats annuels en provenance de l’Union européenne. Au titre des circonstances de marché objectives et imprévisibles permettant à Carrefour de déroger au seuil de 20 %, les Parties ont ajouté la mention « très significative » devant la variation des cours de change en note de bas de page.

121. Les Parties s’engagent à soumettre à l’Autorité le nom d’au moins trois personnes ou institutions qu’elles proposent de désigner comme mandataire chargé du contrôle de l’application des engagements.

122. Elles s’engagent à communiquer au mandataire, en plus de ce qui était prévu dans la version antérieure au test de marché, la liste des fournisseurs consultés dans le cadre des appels d'offres lancés ou attribués en commun au cours de l'année N-1, indiquant, au sein de cette liste, les PME, le montant des achats effectivement réalisés auprès de ces dernières, ainsi que les contrats concernés (contrats en cours ou contrats à durée déterminée).

123. Enfin, il ressort de la dernière version des engagements que le mandataire pourra transmettre à l’Autorité, à la demande de cette dernière, les informations qui lui ont été communiquées par les Parties. Par ailleurs, il devra intégrer dans son rapport annuel, une section relative à l’intégration des PME dans les appels d’offres lancés par les Parties.

IV. Discussion

A. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE D’ENGAGEMENTS

124. Les dispositions de l'article L. 462-10 du code de commerce permettent à l'Autorité de prendre des mesures conservatoires dès lors qu'un accord à l'achat est susceptible d'entraîner des atteintes à la concurrence :

« Si des atteintes à la concurrence telles que mentionnées au troisième alinéa du présent II ou des effets anticoncurrentiels ont été identifiés, les parties à l'accord s'engagent à prendre des mesures visant à y remédier dans un délai fixé par l'Autorité de la concurrence. […]

III.-L'Autorité de la concurrence peut prendre des mesures conservatoires selon les modalités et dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 464-1 pour tout accord mentionné au I du présent article dès lors que l'une des atteintes à la concurrence mentionnées au II, que cet accord entraîne ou est susceptible d'entraîner immédiatement après son entrée en vigueur, présente un caractère suffisant de gravité.

Elles peuvent comporter une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur ou demander une modification dudit accord » (soulignements ajoutés).

125. Ce dispositif vise à neutraliser rapidement les effets potentiellement nuisibles pour la concurrence des accords de coopération entre distributeurs, s'il s'avère qu'ils présentent ou sont susceptibles d'entraîner des risques de concurrence suffisamment significatifs.

126. La procédure de mesures conservatoires a ainsi pour objectif de répondre à des pratiques et des situations d'urgence particulières. La procédure d'engagements prévue par l'article

L. 464-2 du code de commerce permet pour sa part à l'Autorité d'accepter des engagements proposés par des entreprises, lorsque ceux-ci sont de nature à mettre un terme à des préoccupations de concurrence.

127. Au cas d'espèce, l'instruction menée dans le cadre de la procédure de mesures conservatoires de l'article L. 462-10 du code de commerce a révélé des préoccupations de concurrence (voir ci-avant paragraphes 64 et suivants), auxquels il est possible de mettre un terme par une procédure d'engagements.

128. Le I de l'article L. 464-2 du code de commerce permet en effet à l'Autorité d' « accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ».

129. Par ailleurs, la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 décembre 2013, société Cogent Communications France, a relevé que « la procédure d'engagements constitue l'un des outils qui permet à une autorité de concurrence d'exécuter sa mission consistant à garantir le fonctionnement de la concurrence sur les marchés, cette mission de défense de l'ordre public économique habilitant ladite autorité à rendre des décisions d'engagements, non pour satisfaire la demande d'une partie plaignante mais pour mettre fin à des situations susceptibles d'être préjudiciables à la concurrence ».

130. Il appartient ainsi à l'Autorité, dans le cadre de la présente décision, de s'assurer que les engagements proposés par les Parties, à la suite de la note des services d'instruction proposant des mesures conservatoires, sont nécessaires, proportionnés et suffisants pour mettre un terme aux risques concurrentiels identifiés.

B. SUR LE CARACTERE PROPORTIONNE ET SUFFISANT DES ENGAGEMENTS POUR REPONDRE AUX PREOCCUPATIONS DE CONCURRENCE

131. Les engagements portent uniquement sur l'un des volets de l’accord de coopération, celui qui concerne les achats en commun de produits MDD. Ils sont donc sans incidence sur les autres volets de l’accord portant sur les achats en commun de produits et de services non marchands61 et sur la fourniture en commun de services internationaux.

132. Concernant la partie relative à l'achat en commun de produits MDD, les engagements sont proportionnés tant au poids que représente la coopération sur le marché amont de l'approvisionnement, qu'aux caractéristiques des différentes catégories de produits visés par l'accord. Ils n'affectent qu'une partie des catégories de produits concernées par l'accord de coopération, celles qui soulèvent des préoccupations de concurrence, laissant les distributeurs libres d'acheter en commun dans les autres cas.

133. Les risques concurrentiels mis en avant par les services d'instruction dans leur note proposant l'adoption de mesures conservatoires portaient sur le marché amont de l'approvisionnement. La version définitive des engagements des parties permet ainsi de réduire les effets potentiellement négatifs de l’accord sur ce marché, et donc de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées et aux points soulevés dans le test de marché.

134. Les engagements présentent également un caractère crédible et vérifiable, compte tenu de leur formulation, de leur suivi par un mandataire, et de la durée de leur mise en œuvre alignée sur celle des accords, dans la limite de 5 ans.

1. DES ENGAGEMENTS PERMETTANT DE REPONDRE AUX RISQUES CONCURRENTIELS RELATIFS AU MARCHE AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

135. Premièrement, les engagements proposés permettent d'écarter du périmètre de la coopération la plupart des catégories de produits agricoles peu transformés (fruits et légumes notamment). Si les parties gardent toutefois la possibilité d'acheter en commun certains de ces produits en dehors de l’Union européenne, Carrefour s’engage à ne pas diminuer la part actuelle des achats annuels en provenance de l’Union européenne de plus de 20 %, sauf circonstances de marché objectives et imprévisibles restreignant sa capacité à s’approvisionner en produits en provenance de l’Union européenne.

136. Deuxièmement, les engagements proposés permettent également, lorsque cela est justifié tant par le poids des parties sur le marché, que par les caractéristiques du secteur, de limiter à 15 % le poids de la coopération sur le marché français de l'approvisionnement en produits MDD. Cette limitation concerne les catégories de produits suivantes : la panification sèche, le coton, les bâtonnets bébé, les fromages persillés, les autres pâtes pressées, le fromage frais, le cheddar, et les conserves de tomates. Les engagements répondent ainsi aux préoccupations de concurrence analysées ci-dessus et concernant l'impact des accords à l'amont sur la situation des producteurs de MDD.

137. Compte tenu de ces éléments, les engagements des parties visant à répondre aux risques concurrentiels relatifs au marché amont de l'approvisionnement en produits MDD sont suffisants.

2. DES ENGAGEMENTS CONTROLES ET VERIFIES PAR UN MANDATAIRE

138. Les parties se sont engagées à fournir les informations pertinentes à un mandataire pour lui permettre de suivre la mise en œuvre des engagements, qu'il s'agisse par exemple des exclusions ou des limitations des achats en commun.

139. Les parties se sont ainsi engagées à communiquer notamment un tableau des familles de produits concernées par les engagements, qui mentionnera l’ensemble des appels d’offres lancés ou attribués en commun au cours de l’année N-1, en précisant les produits concernés, et la valeur et le volume des achats prévisionnels attribués à Carrefour.

140. Ces éléments permettront au mandataire de réaliser un rapport annuel sur la mise en œuvre des engagements, qui sera communiqué à l'Autorité chaque année.

3. DES ENGAGEMENTS PRIS POUR UNE DUREE IDENTIQUE AUX ACCORDS

141. Les engagements ont été souscrits pour une durée alignée sur celle de l’accord, dans la limite de 5 ans.

142. Ils devront être mis en œuvre dès la publication de la décision, et s'appliqueront aux nouveaux contrats d'approvisionnement conclus postérieurement à la décision ou, pour les contrats déjà en cours à la date de la décision, à la date de leur première reconduction ou de leur premier renouvellement.

V. Conclusion

143. Dans la version définitive de leur proposition, les parties ont complété leurs engagements de façon à répondre tant aux principaux points relevés lors du test de marché qu'aux observations de l'Autorité lors de la séance.

144. Les engagements définitifs pris par les parties permettent ainsi de répondre, de façon crédible, proportionnée et suffisante, aux préoccupations de concurrence exprimées par les services d'instruction.

DÉCISION

Article 1er : L’Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par les groupes Carrefour et Tesco qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.

Article 2 : Les saisines enregistrées sous les numéros 19/0023 F et 19/0059 M sont closes.

NOTES :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Après la décision n° 20-D-13 du 22 octobre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire par les groupes Auchan, Casino, Metro et Schiever.

3 Cotes 1213 et suivantes. Les achats non marchands sont des produits ou services nécessaires aux Parties pour leur activité et non destinés à la revente.

4 Cotes 1213 et suivantes.

5 Cotes 8 et suivantes.

6 Cotes 252 et suivantes.

7 Document d’enregistrement universel 2019 du groupe Carrefour, p. 6.

8 Rapport annuel 2019 du groupe Carrefour, p. 32.

9 Rapport annuel 2018 du groupe Carrefour, p. 179 et p. 181.

10 Cote 13 307, 19/0023 F.

11 Rapport annuel 2019 du groupe Tesco, p. 174. Parmi ces 3 438 magasins, on compte plus de 2 500 magasins d’une taille inférieure à 3 000 pieds carrés (« square feet »), correspondant au format de la supérette telle qu’entendue dans la pratique décisionnelle de l’Autorité (moins de 400 m²), plus de 500 magasins dont la taille est comprise entre 3 001 et 40 000 pieds carrés, pouvant être assimilés pour partie au format du supermarché (entre 400 et 2 500 m²), les autres magasins étant d’une taille supérieure à 40 000 pieds carrés et pouvant être assimilés pour partie au format de l’hypermarché (à partir de 2 501 m²).

12 Rapport annuel 2019 du groupe Tesco, p. 18 et p. 19.

13 La coopération initialement communiquée à l’Autorité, en août 2018, portait dans un premier temps sur une vingtaine de familles de produits, auxquelles les Parties ont ajouté dans un deuxième temps environ 80 familles de produits en mars 2019, avant d’en ajouter, dans un troisième temps, une quarantaine d’autres en décembre 2019.

14 Avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution.

15 États généraux de l’alimentation, Fiche conclusive de l’atelier 7, 29 septembre 2017, « Comment améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ? », page 1 ; Liste des participants à l’atelier 7 : ANIA, APCA et chambres d'agriculture, AVRIL, BIOCOOP, CLIAA, CNPMEM, CRC Bretagne Sud, CGI, CGAD, Confédération paysanne, Coop de France, Coordination rurale, FEEF, FCD, FNAB, FNSEA, Intermarché IPTA, Jeunes Agriculteurs, Leclerc, UNELL, CLCV, Greenpeace, UFC-Que choisir, Régions de France, Agence BIO, FranceAgriMer, INAO, INC, MAA, Médiation des relations commerciales agricoles, MEF, MAA, SD, CGAAER, ILEC, CFDT, CFTC, CFE-CGC, CPME, U2P, DGCCRF, DGPE, coordonnateur EGA, chargé de mission auprès du coordonnateur – CGAAER, CAP COLLECTIF

16 Arrêté du 9 septembre 2020 relatif au contenu du dossier d’information et du rapport prévus à l’article

L. 462-10 du code de commerce.

17 Arrêté du 9 septembre 2020 précité.

18 Voir par exemple affaire 19/77, Miller, Recueil 1978, p. 131, points 9 et 10, et affaire 107/82, AEG, Recueil 1983, p. 3151, point 58. Voir également les Lignes directrices de la Commission relatives à la notion d’affectation du commerce, paragraphe 53. Voir, enfin, décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques et cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 5-7 Arrêt du 29 octobre 2009 Pierre Fabre et affaire Festina.

19 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO, L 1, p. 8).

20 Pour plus de précisions à ce sujet, voir notamment la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (Journal officiel C 372 du 09/12/1997), ainsi que le rapport annuel de l’Autorité de la concurrence 2001, Étude thématique « Les marchés pertinents » et le rapport annuel de l’Autorité de la concurrence 2013, Étude thématique « Les marchés locaux ».

21 Lignes directrices horizontales, paragraphe 198.

22 Affaire COMP/M.1221 Rewe/Meinl.

23 Voir avis n° 97-A-04 du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution et avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution.

24 Voir par exemple décision n° 18-DCC-95 du 14 juin 2018, paragraphes 23-26.

25 Voir par exemple décision de la Commission du 25 janvier 2001, affaire COMP/M.1684 Carrefour/Promodes, paragraphe 20.

26 Voir par exemples décision de la Commission du 21 juin 1994, affaire IV/M.430, Procter et Gamble/Schickedanz ; décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Quartier français spiritueux par la Compagnie financière européenne de prise de participation ; décision de la Commission du 5 septembre 2007, affaire COMP/M.4533, SCA/ P&G (European Tissue Business) ; et affaire COMP/M.4761 Bongrain / Sodiaal / JV. Voir également l’affaire COMP/M.2097 SCA / Metsa Tissue.

27 Voir en dernier lieu la décision n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS. Pour la Commission européenne, voir décisions de la Commission du 3 février 1999, affaire COMP/M.1221 Rewe/Meinl ; du 25 janvier 2000, affaire COMP/M.1684, Carrefour/Promodès et du 28 septembre 2000, affaire COMP/M.2115, Carrefour/GB.

28 Cotes 1206, 1207 et 13 358, 19/0023 F.

29 Soit uniquement les catégories suivantes liquides : liquides, droguerie, parfumerie – hygiène, épicerie sèche, produits périssables libre-service, bricolage, culture, jouets loisirs et détente, textile et chaussures (cotes 14 108 et 14 109, 19/0023 F).

30 Les données incluent les achats réalisés pour le compte du groupe PROVERA, ce dernier s’étant allié pour ses achats avec le groupe CARREFOUR fin 2014.

31 Cotes 14 108 et 14 109, 19/0023 F.

32 Voir, en dernier lieu, décision n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS.

33 L’Autorité a également considéré l’existence d’une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories : entre les hypermarchés d’une part et les supermarchés et les autres formes de commerce équivalentes d’autre part (voir, notamment, décision n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA ; décision n° 14-DCC-173 du    21 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS) ; ou encore entre la vente à distance incluant la livraison à domicile et le « drive » (décision  n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon et décision n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS). Elle a également considéré l’existence d’un marché aval spécifique à Paris compte tenu des spécificités du territoire et du comportement des consommateurs (décision n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon).

34 Voir, notamment, décision n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.

35 Voir en dernier lieu la décision n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS.

36 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-21 du 23 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société DVMM par le groupe But, n° 11-DCC-78 du 18 mai 2011 relative à l'acquisition du groupe Titouan par le groupe Conforama et n° 14-DCC-71 du 4 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nocibé par Advent International Corporation.

37 Pour un exposé de l’approche de l’Autorité en matière de délimitation des marchés locaux, voir l’Étude thématique de son rapport annuel 2013 « Les marchés locaux » et en particulier les pages 74 et 38 2011/C 11/01.

39 Paragraphe 194.suivantes.

40 Carrefour indique ainsi que 162 références parmi les catégories de produits susceptibles d’être concernées par l’accord de coopération (parmi les 20 catégories initialement envisagées pour l’accord) sont fournies par au moins deux fournisseurs, et que c’est globalement le cas pour 885 références de produits MDD (cotes 1350 et 1351, 19/0023 F). Tesco indique que globalement [0 – 10] % de ses références MDD sont fournies par au moins deux fournisseurs (cote 14 122, 19/0023 F).

41 Déclarations des parties (cotes 1352 et 14 122, 19/0023 F).

42 À titre d’illustration, la part de marchés passés par appels d’offres pour Carrefour est de 80 % pour les 20 catégories initialement envisagées dans l’accord de coopération (cotes 1350 et 1351, 19/0023 F) et de [0 – 100] % pour Tesco (cote 14 121, 19/0023 F).

43 À titre d’illustration, la durée moyenne des contrats passés par Carrefour est d’un an et aucun contrat n’est a priori conclu pour une durée supérieure à un an (cote 1351, 19/0023 F). Tesco pour sa part indique que la durée moyenne des contrats est de [1-3] ans (cote 14 121, 19/0023 F).

44 S’agissant de Carrefour, les contrats ne contiennent généralement pas d’engagement ferme de commande, cela se limitant aux « produits dits de "campagnes" (fruits et légumes par exemple) et des produits sujets aux cours mondiaux des matières premières (huiles, cacao, etc.) » (cote 1351, 19/0023 F). Ils ne contiennent pas non plus d’engagement indicatif, seul l’appel d’offres initial prévoyant un volume estimatif « afin de permettre aux fournisseurs de positionner leur offre » (cote 1351, 19/0023 F).

45 Xerfi, « Les grandes surfaces alimentaires », septembre 2019, page 31. Cette tendance est confirmée par l’évolution des volumes de ventes des parties pour les catégories de produits visées par les accords qui ont plutôt tendance à baisser entre 2014 et 2018.

46 Déclarations de fournisseurs actifs dans les secteurs des produits d’hygiène et d’entretien, des produits laitiers, des desserts à base de fruits, de la charcuterie, des produits festifs, des boissons, des produits de panification, des condiments, des produits de confiserie, des plats cuisinés (cotes 11 827 ; 13 409 ; 13 552 ; 13 570 ; 7844 ; 13 555 ; 6245 ; 11 971 ; 1674 ; 5717 ; 7350 ; 11 071 ; 2090 ; 4416 ; 8453 ; 2264 ; 9349 ;      13 574 ; 10 677 ; 4395 ; 13 584 ; 3761 ; 13 586 ; 4146 ; 4445 ; 13 588 ; 7923 ; 13 594 ; 11 843 ; 11 827 et 5062, 19/0023 F).

47 Voir décision n° 20-D-13, paragraphe 90.

48 Baromètres FEEF-FCD 2016 et 2018.

49 Données des parties, traitement des services d’instruction.

50 IRI Impact EGE, édition P6 2019, données arrêtées au 26 juin 2019.

51 Cotes 3873 ; 13 561 ; 13 330 ; 3185 ; 490 ; 7789 ; 10 157 ; 2371 ; 2489 ; 3032 ; 13 596 et 2432, 19/0023 F.

52 Cotes 1883 ; 13 592 et 13 566, 19/0023 F.

53 Cotes 13 553 ; 13 557 ; 13 563 – 13 564 ; 1764 ; 2171 ; 13 572 et 13 578, 19/0023 F.

54 Dans le cas de fournisseurs commercialisant uniquement des produits MDD, compte tenu de la marge réduite réalisée avec la commercialisation des produits, et sauf à ce qu’elle soit compensée par une augmentation de volumes, ce qui n’est pas garanti, il est probable que la baisse de prix consentie à la nouvelle alliance diminue la capacité d’investissement du fournisseur dont le niveau est a priori moins élevé que pour un fournisseur essentiellement centré sur la commercialisation de produits MDF.

55 Dans le cas de fournisseurs commercialisant à la fois des produits MDF et des produits MDD, il paraît tout autant probable qu’une baisse de prix diminuera la capacité d’investissement et/ou d’innovation de ces derniers. En effet, il paraît peu probable, compte tenu du pouvoir de négociation significatif des distributeurs, qu’un fournisseur récupère ce qu’il concède pour la commercialisation de produits MDD en augmentant ses prix pour les produits MDF. En outre, toutes choses égales par ailleurs, si son pouvoir de marché lui permettait déjà d’augmenter ses prix, il est probable qu’il n’aurait pas attendu une baisse de rentabilité sur la gamme MDD pour augmenter les prix de ses produits MDF. Enfin, dans certains cas, ces fournisseurs peuvent également être inclus dans le périmètre de l’accord de coopération à l’achat portant sur les produits MDF, rendant plus improbable encore toute possibilité de report de marge.

56 C’est le cas notamment d’Auchan, Casino, Métro et Schiever qui ont conclu mi-2018 un accord de coopération à l’achat portant sur leur approvisionnement global en produits MDD.

57 La part de marché seule de Carrefour sur le marché de l’approvisionnement des produits MDD en France est supérieure à 15 % pour 53 catégories sur plus de 130 (données des parties, traitement des services d’instruction).

58 Les baromètres de la FEEF indiquent que les produits commercialisés par ces entreprises comptent pour une part non négligeable de la croissance des distributeurs via notamment des innovations. Ainsi, les TPE et PME ont contribué à 39 % de la croissance des GMS en 2015 tous segments confondus, et 34 % en 2018 (baromètre FEEF-FCD 2016, p. 10 et baromètre FEEF-FCD 2018, p. 12).

59 En termes de nombre de références, le poids des TPE/PME/ETI dans l’assortiment MDD est resté constant pour les PGC à 25,6 % entre 2014 et 2017 et a augmenté de 21,2 à 28,6 % sur la même période pour les produits Bio (baromètres FEEF-FCD 2016 et 2018).

60 « Les fabricants de MDD retrouvent des couleurs », article publié dans la revue LSA du 27 juin 2019.

61 Les produits et services non marchands sont ceux qui ne sont pas revendus ni offerts aux consommateurs et/ou aux clients professionnels. Il s’agit par exemple des achats relatifs aux matériels de caisse, à l’approvisionnement en énergie, aux services de gardiennage, de gestion des déchets, aux services télécoms, de sécurité incendie ou des licences informatiques.

 

Freshfields Bruckhaus Deringer

VERSION NON CONFIDENTIELLE

25 novembre 2020

AFFAIRE 19/0023F

PROPOSITION D’ENGAGEMENTS SOUMISE PAR CARREFOUR ET TESCO

OBSERVATIONS LIMINAIRES

A Par décision n°1 9-SO-07 du 2 mai 2019 enregistrée sous le numéro 1 9/0023F, l’Autorité de la concurrence (ci-après, l’Autorité) s’est saisie d’office de l’accord d’achat conjoint (l’Alliance”) conclu entre Carrefour et Tesco (ci-après, les “Parties”). L’Alliance comporte un volet portant sur l’achat conjoint de produits de marque de distributeur (ci-après, “MDD”). Ce volet couvre potentiellement 138 familles de produits (la liste de ces familles est jointe en Annexe). Dans le cadre de cette saisine, conformément à l’article L.462-10 du Code de commerce, les services d’instruction de l’Autorité ont adressé aux Parties, le 4 septembre 2020, une note de demande de mesures conservatoires portant sur le volet MDD de l’Alliance. Cette demande comporte des propositions d’injonctions justifiées, selon les services d’instruction, par le caractère suffisant de gravité des atteintes à la concurrence que ce volet de l’Alliance entraînerait. B Conformément à l’article L.464-2 du Code de Commerce, le Groupe Carrefour et le Groupe Tesco soumettent au Collège de l’Autorité la présente proposition d’engagements (ci-après, les “Engagements”) visant à remédier aux risques concurrentiels identifiés par les services d’instruction et à éviter les mesures d’injonctions proposées. Cette proposition ne constitue pas et ne saurait être interprétée comme une reconnaissance de la part des Groupes Carrefour et Tesco (j) d’une violation de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, le “TFUE”), de l’article L.420-1 du Code de commerce ou de toute autre règle de droit ou (ii) d’une responsabilité de quelque nature que ce soit, en lien avec l’Alliance susvisée et les faits allégués. Les Parties précisent également que cette proposition, qui répond à des préoccupations exprimées par les services d’instruction portant exclusivement sur leur coopération relative aux produits MDD, vise à ce que la saisine enregistrée sous le numéro l9/0023F soit clôturée dans son intégralité.

Sans titre.png

Sans titre2.png

3. ENGAGEMENT RELATIF A L’EXCLUSION DE CERTAINES FAMILLES DE PRODUITS DU CHAMP DE L’ALLIANCE - ACHATS ET NEGOCIATION SEPARES

3.1 Portée de l’Engagement d’Approvisionnement Séparé

Les Parties s’engagent à exclure du champ de l’Alliance certaines familles de produits MDD qui y étaient initialement intégrées (ci-après, “l’Engagement d’Approvisionnement Séparé”). Pour ces familles de produits, s’agissant des achats en provenance de l’Union européenne, les négociations avec les fournisseurs et les achats proprement dits, seront conduits et réalisés séparément par Carrefour et Tesco. Les Parties soulignent également quelles ont fait le choix de ne pas inclure dans l’Alliance certaines familles, comme les oeufs, le lait (frais et de consommation), la viande de boeuf fraîche vendue crue et la volaille fraîche.

3.2 Périmètre de l’Engagement d’Approvisionnement Séparé Les familles de produits couvertes par l’Engagement d’Approvisionnement Séparé comprennent des produits bruts agricoles d’origine nationale ou communautaire, achetés directement auprès des producteurs français et européens et dont les filières présenteraient des fragilités qui se sont accrues en raison de la crise liée au COVID-19. Les familles concernées par l’Engagement d’Approvisionnement Séparé sont les Suivantes

• les fruits et légumes suivants en provenance de l’Union européenne

- agrumes

- aubergines

- concombres

- courgettes

- fruits rouges

- fruits secs

- kiwis

- melons

- pastèques

- poivrons

- pêches et nectarines

- raisins

- tomates

• les plantes et fleurs d’intérieur originaires de l’Union européenne

• l’agneau originaire de l’Union européenne.

3.3 Répartition des achats pour les familles visées par l’Engagement d’Approvisionnement Séparé

Pour toute la durée des Engagements, et pour chacune des familles concernées par l’Engagement d’Approvisionnement Séparé, Carrefour s’engage à ne pas diminuer la part actuelle des achats annuels en provenance de l’Union européenne de plus dc 20%, sauf circonstances de marché objectives et imprévisibles’ restreignant la capacité de Carrefour à s’approvisionner en produits en provenance de l’Union européenne.

4. ENGAGEMENT DE PLAFONNEMENT DES APPROVISIONNEMENTS CONJOINTS

4.1 Portée de l’Engagement de plafonnement des approvisionnements conjoints Pour un certain nombre de familles de produits couvertes par l’Alliance, les Parties s’engagent à limiter les volumes négociés et achetés par l’intermédiaire de l’Alliance (ci-après, 1’ “Engagement de Plafonnement des Approvisionnements conjoints”) à un seuil correspondant à la somme des deux tenues suivants (ci-après, la “Limite des Approvisionnements Conjoints”)

• les besoins de Tesco ;

• Et les besoins de Carrefour dans la limite d’un volume correspondant à 15% de Part de Marché sur le marché amont pour la famille concernée, calculé sur la base de la Part de Marché aval de Carrefour sur les produits MDD en France pour l’année 2019.

Au-delà de la Limite des Approvisionnements Conjoints, et pour satisfaire le solde de ses besoins, Carrefour conclura des accords individuels, distincts de ceux négociés dans le cadre de l’Alliance avec les fournisseurs.

Il est précisé que :

• les volumes achetés dans le cadre de l’Alliance (et donc couverts par la Limite des Approvisionnements Conjoints) pourront être attribués (i) Tesco sans limite de volume et (ii) à Carrefour dans la limite d’un volume d’achat prévisionnel correspondant à 15% du marché amont pour la famille concernée, calculé sur base de la Part de Marché aval de Carrefour sur les produits MDD en France pour l’année 2019 ;

• Carrefour demeurera libre de conclure des accords individuels avec les fournisseurs de son choix pour les volumes excédant la Limite des Approvisionnements Conjoints. Ces accords pourront être conclus avec des fournisseurs couverts par l’Alliance, y compris pour des produits faisant l’objet d’achats négociés conjointement par les Parties. Ils seront conclus à des conditions librement négociées.

4.2 Périmètre de l’Engagement de Plafonnement des Approvisionnements Conjoints L’Engagement de Plafonnement des Approvisionnements Conjoints porte sur un certain nombre de familles déterminées selon la méthodologie suivante

• Les familles concernées par l’Engagement de Plafonnement des Approvisionnements Conjoints ont été identifiées parmi celles où la Part de Marché de Carrefour sur le marché aval français excède 15%. Cette approche se fonde sur le fait que selon les Lignes Directrices, il est peu probable, en deçà de ce seuil, que l’Alliance ait des effets restrictifs sur la concurrence.

• Au sein de ces familles, ont été exclues du périmètre de l’Engagement de Plafonnement des Approvisionnements Conjoints, l’ensemble des familles pour lesquelles tout risque d’atteinte à la concurrence pouvait également être exclu, compte tenu (j) de la Part de Marché dc Carrefour, (ii) de la concentration du marché et (iii) de l’existence éventuelle d’un pouvoir compensateur dc la part des fournisseurs.

L’Engagement de Plafonnement des Approvisionnements Conjoints porte ainsi sur les familles suivantes

- la panification sèche,

- le coton,

- le coton et les bâtonnets bébé,

- les fromages persillés,

- les autres pâtes pressées,

- le fromage frais,

- le cheddar,

- les conserves de tomates.

5. ENGAGEMENT RELATIF AUX PME

Les Parties s’engagent à ne pas exclure les petits fournisseurs du champ d’application de l’Alliance, à savoir notamment (j) pour Carrefour, les fournisseurs qui remplissent les conditions requises pour être considérés comme des PME au sens de la Recommandation (UE) 2003/36 1 (c’est-à-dire les entreprises de moins dc 250 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur â 50 millions d’euros ou dont le bilan est inférieur à 43 millions d’euros); (ii) pour Tesco, les fournisseurs auprès desquels Tesco achète moins de 3 millions de livres sterling par an dans les catégories de produits sélectionnées.

Plus particulièrement, les Parties s’engagent à n’exclure ces petits fournisseurs, tels que décrits dans le paragraphe précédent, d’aucun appel d’offre mené en commun par les Parties dans le cadre de l’Alliance.

6. ENTRÉE EN VIGUEUR ET DURÉE DES ENGAGEMENTS

Les Engagements prennent effet à la Date de la Décision et sont souscrits pour une durée expirant à la plus proche des deux dates suivantes (a) cinq (5) années à compter de la Date de la Décision ou (b) la date à laquelle le volet MDD de l’Alliance sera résilié.

7. PORTEE DES ENGAGEMENTS

7.1 Mise en conformité de l’Alliance

Dans un délai de vingt (20) jours ouvrables à compter de la Date de la Décision, les Parties s’engagent à modifier, par voie d’avenant, les dispositions contractuelles de l’Alliance afin d’assurer sa conformité aux Engagements. Cet avenant sera transmis à l’Autorité de la concurrence, dans un délai de dix (10) jours à compter de sa conclusion.

7.2 Sort des Contrats d’Approvisionnement En Cours Négociés en Commun Les Engagements n’emportent pour les Parties aucune obligation de remettre en cause les Contrats d’Approvisionnement En Cours Négociés en Commun de Produits MDD ou de restreindre les volumes des achats réalisés en application de ces Contrats d’Approvisionnement En Cours Négociés en Commun. Dès lors, les Engagements ne préjudicient pas aux contrats en cours mais s’appliquent en revanche en cas de reconduction ou de renouvellement postérieur à la Décision et ce, dès le lendemain de la date d’échéance contractuelle (date de fin du contrat ou de renouvellement ou reconduction, expresse ou tacite).

Les Engagements s’appliquent (j) à tout nouveau contrat négocié en commun conclu postérieurement à l’entrée en vigueur des Engagements et (ii) aux Contrats d’Approvisionnement En Cours Négociés en Commun à la date de leur première reconduction ou de leur premier renouvellement à compter de la Date de la Décision, et ce à compter de la date d’échéance contractuelle.

8. LE SUIVI DE LA MISE EN OEUVRE DES ENGAGEMENTS

Un mandataire indépendant assurera le suivi du respect des Engagements par les Parties (ci-après, le “Mandataire”).

8.1 Procédure de désignation du Mandataire

Les Parties désigneront un Mandataire pour accomplir les missions décrites ci-dessous dans le cadre des présents Engagements.

Le Mandataire devra être indépendant des Parties, posséder les qualifications requises pour remplir son mandat et ne devra pas faire ou devenir l’objet d’un conflit d’intérêts. Le Mandataire sera rémunéré par les Parties selon des modalités qui ne porteront pas atteinte à l’accomplissement indépendant et effectif de ses missions.

Le Mandataire chargé du contrôle sera désigné selon la procédure exposée ci-après. Au plus tard un (1) mois après la Date de la Décision, les Parties soumettront à l’Autorité, pour approbation, une liste d’au moins trois (3) noms de personnes ou institutions que les Parties proposent de désigner comme Mandataire chargé du contrôle.

La proposition devra comprendre les informations suffisantes pour permettre à l’Autorité de vérifier que le Mandataire proposé est indépendant des Parties, possède les qualifications requises pour remplir son mandat et ne fait pas l’objet d’un conflit d’intérêts.

Elle devra inclure (a) le texte intégral du projet de mandat, comprenant toutes les dispositions nécessaires pour permettre au Mandataire d’accomplir ses fonctions au titre des Engagements ; et (b) l’ébauche de plan de travail décrivant la façon dont le Mandataire entend mener sa mission.

L’Autorité disposera d’un pouvoir d’appréciation pour l’approbation ou le rejet du Mandataire proposé et pour l’approbation du mandat proposé, sous réserve de toutes modifications qu’elle estime nécessaires pour l’accomplissement de ses obligations. Si un seul nom est approuvé, les Parties devront désigner ou faire désigner la personne ou l’institution concernée comme Mandataire chargé du contrôle, selon les termes du mandat approuvé par l’Autorité, Si plusieurs noms sont approuvés, les Parties seront libres de choisir le Mandataire à désigner parmi les noms approuvés. Si les noms proposés sont rejetés, les Parties soumettront les noms d’au moins deux (2) autres personnes ou institutions dans un délai d’un (1) mois à compter de la date à laquelle elle est informée du rejet par l’Autorité, selon les conditions et la procédure décrites précédemment.

Si tous les Mandataires proposés dans cette nouvelle proposition sont rejetés par l’Autorité, cette dernière désignera elle-même un ou plusieurs Mandataire(s) que les Parties nommeront ou feront nommer selon les termes d’un mandat approuvé par l’Autorité.

8.2 Rôle du Mandataire

Le Mandataire aura pour mission de suivre la mise en œuvre par les Parties de l’ensemble des Engagements. Le contrat de mandat précisera les missions du Mandataire pour chaque engagement.

A cet effet, un mois après la signature du contrat de mandat, le Mandataire élaborera un plan de travail précisant les modalités selon lesquelles il entend accomplir sa mission. Une copie de ce plan de travail sera transmise aux Parties. Les Parties rendront compte chaque année au Mandataire, dès lors qu’il aura été désigné, de l’état d’avancement de la mise en œuvre des Engagements, au cours d’une réunion annuelle.

Le Mandataire exerce les missions et possède les prérogatives suivantes

• il se fait communiquer, à sa demande, par les Parties toute information relative à la mise en œuvre des Engagements, et notamment :

- un tableau des familles de produits concernées par les Engagements mentionnant tous les appel d’offres lancés ou attribués en commun au cours de l’année N-1, indiquant les produits concernés, les volumes d’achat prévisionnels pour Carrefour, les fournisseurs retenus, la valeur et le volume des achats prévisionnels attribués à Carrefour et la date d’entrée en vigueur des contrats d’approvisionnement

- la liste des fournisseurs consultés dans le cadre des appels d’offres lancés ou attribués en commun au cours de l’année N-l, indiquant, au sein de cette liste, les PME, le montant des achats effectivement réalisés auprès de ces dernières, ainsi que les contrats concernés (contrats en cours, contrats à durée déterminée) ;

- la valeur et le volume des achats de produits MDD réalisés en année N- 1 par Carrefour dans chaque famille de produits concernés par les Engagements, en distinguant les nouveaux contrats d’approvisionnement et les Contrats d’Approvisionnement en Cours Négociés en Commun ;

- la valeur et le volume total des achats de produits MDD réalisés en année N-l par Carrefour et sa Part de Marché amont correspondante dans chacune des familles de produits concernée par les Engagements (calculée sur la base de la Part de Marché aval)

- s’agissant des familles visées par l’Engagement d’Approvisionnement Séparé, la répartition des achats de Carrefour entre produits d’origine communautaire et non communautaire.

Le Mandataire

• devra pouvoir contrôler annuellement les volumes d’achats réalisés par les Parties auprès des fournisseurs pour chacune des familles concernées par les Engagements, à partir des informations communiquées par les Parties ;

• transmettra à l’Autorité, à la demande de cette dernière, les informations que les Parties lui ont communiquées ;

• devra établir, en mai de chaque année pendant la durée d’exécution des Engagements, un rapport écrit à l’Autorité sur le respect par les Parties de leurs obligations au titre des Engagements. Ce rapport écrit comportera une section relative à l’intégration des PME dans les appels d’offres lancés par les Parties. Il établira également un ultime rapport dans un délai de deux (2) mois à l’issue de la durée d’exécution des Engagements dans l’hypothèse où ces derniers venaient à prendre fin autrement qu’à l’expiration du délai de cinq (5) années à compter de la Date de la Décision ;

• transmettra, parallèlement et dans les mêmes délais, une version de ce rapport aux Parties

• devra établir un rapport à l’Autorité de son initiative, à chaque fois que les circonstances le justifient.

Un correspondant chargé d’assurer l’interface avec le Mandataire sera désigné au sein de Carrefour et de Tesco. Le Mandataire pourra, à sa discrétion, consulter toutes les personnes qui seront en charge de la mise en œuvre des engagements.

9. REVISION

L’Autorité pourra, le cas échéant et en réponse à une demande écrite des Parties exposant des motifs légitimes

• accorder une prolongation des délais prévus par les Engagements ; et/ou

• lever, modifier ou remplacer un ou plusieurs des Engagements, en cas de circonstances nouvelles ou exceptionnelles.

Parmi les circonstances nouvelles ou exceptionnelles qui, à la demande des Parties, pourront être examinées au cas par cas par l’Autorité afin d’apprécier, après avoir entendu les Parties, la pertinence d’une éventuelle demande de levée, modification ou remplacement de l’un ou des Engagements au vu de l’analyse de la situation concurrentielle dans le marché pertinent menée par l’Autorité, figurent notamment toute évolution de la structure concurrentielle du marché.

Fait à Paris, le 25 novembre 2020

Signature Pour CARREFOUR David Tayar / Emily Xueref-Poviac Avocats à la Cour

Signature Pour TESCO Jérôme Philippe / Petya Katsarska / Charles Meteaut Avocats à la Cour