Cass. com., 16 décembre 2020, n° 18-25.196
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Faab Fabricauto (Sasu)
Défendeur :
M. Amos, M. Gosselet, Stick'air (SARL), Multi Passions Adhésif (Sté), Signalisation et Publicité (SAS), Mme de Lavenère-Lussan Laborde, Inter Actions (SA), La Superplaque (SA), M. Davy
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Debacq
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
1. Il est donné acte à la société Faab fabricauto du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Signalisation et publicité, Tiflex IM, Inter actions et La Superplaque.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2018) et les productions, la société Faab fabricauto, qui fabrique et commercialise des plaques d'immatriculation pour véhicules automobiles, a reproché aux sociétés Stick'air et MPA-Multipassion adhésif, ainsi qu'à Mme de Lavenère-Lussan Laborde, et à MM. Amos, Davy et Gosselet, qui vendent en ligne des autocollants (« stickers ») reproduisant le logo des départements et des régions pouvant être apposés en partie droite des plaques d'immatriculation automobiles, de ne pas respecter la réglementation et d'exercer une activité constitutive de concurrence déloyale. Elle les a, en conséquence, assignés en réparation de son préjudice et aux fins que soient prononcées différentes mesures d'interdiction et de publication.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. La société Faab fabricauto fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées contre M. Amos, M. Gosselet, M. Davy, Mme de Lavenère-Lussan Laborde et les sociétés Stick'air et MPA, alors « que commet une faute constitutive de concurrence déloyale celui qui exerce son activité commerciale en violation de dispositions réglementaires ; qu'aucune disposition claire, précise et inconditionnelle du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne fait obstacle à l'interdiction réglementaire française de modifier les plaques d'immatriculation des véhicules à moteur sans l'intervention de leur fabricant ; qu'en affirmant, pour écarter l'action en concurrence déloyale de la société Faab fabricauto du fait de la violation par les diffuseurs d'autocollants de la réglementation, que leur interdire, en application des articles 9 et 10 de l'arrêté NOR : DEVS0824974A du 9 février 2009 ainsi que de l'article R. 317-8 du code de la route, la commercialisation de "stickers" à apposer sur les plaques d'immatriculation des véhicules serait trop restrictif au regard du principe général du droit de la liberté du commerce et de la libre concurrence sur un marché donné, consacré par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la cour d'appel a violé le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble les articles 9 et 10 de l'arrêté du 9 février 2009, l'article R. 317-8 du code de la route et l'ancien article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article R. 317-8 du code de la route, les articles 9 et 10 de l'arrêté du 9 février 2009 fixant les caractéristiques et le mode de pose des plaques d'immatriculation des véhicules, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
4. L'interdiction issue de la réglementation française susvisée de modifier les plaques d'immatriculation des véhicules à moteur, sans l'intervention d'un fabricant homologué, ne méconnaît aucun principe ni disposition du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). La commercialisation de dispositifs destinés à se soustraire à cette réglementation est constitutive d'une faute de concurrence déloyale.
5. Pour rejeter les demandes de la société Faab fabricauto, l'arrêt retient qu'il n'est pas interdit au particulier titulaire du certificat d'immatriculation de modifier lui-même la partie droite de la plaque d'immatriculation, cependant que le défaut d'obligation du caractère rétro-réfléchissant de cette partie permet contrairement aux autres parties de la plaque, l'apposition de stickers sans l'intervention du fabricant, dès lors que le logo régional et le numéro du département sont conformes aux annexes de l'arrêté du 9 février 2009. Il retient également que cette interprétation de l'arrêté proposée par la société Faab fabricauto conduirait à lui donner un sens trop restrictif au regard du principe général du droit de la liberté du commerce et de la libre concurrence sur un marché donné, consacré par le TFUE dès lors que les éventuelles restrictions édictées à ces libertés doivent être nécessaires et proportionnées au but recherché pour la protection du consommateur sur ce marché.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen
7. La société Faab fabricauto fait encore le même grief à l'arrêt, alors « qu'elle faisait valoir que Mme de Lavenère-Lussan Laborde, qui ne commercialisait aucune plaque, s'était livrée à des actes de parasitisme en utilisant le nom de domaine "immatriculation-plaque" pour réorienter les internautes vers la vente de "stickers" ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce moyen pertinent, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour rejeter toutes les demandes de la société Faab fabricauto, l'arrêt retient que la preuve d'une violation des règles applicables par les diffuseurs de « stickers » auto-collants n'étant pas rapportée, la distorsion alléguée de concurrence en résultant ne l'est pas davantage.
10. En statuant ainsi, sans se prononcer sur le moyen pris de la concurrence parasitaire reprochée à Mme de Lavenère-Lussan Laborde, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
11. La société Faab fabricauto fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en écartant tout dénigrement commis par la société Stick'air et M. Amos sans examiner au moins sommairement les éléments invoqués par la société Faab fabricauto au soutien de sa demande en concurrence déloyale pour dénigrement, notamment les propos tenus sur leur site internet ainsi que le procès-verbal de constat d'huissier du 29 décembre 2016, la cour d'appel a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens et doit être motivé.
13. L'arrêt retient que la société Faab fabricauto ne justifie pas du prétendu dénigrement qu'elle allègue à l'encontre de la société Stick'air et de M. Amos sur leur site internet.
14. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments de fait et de droit invoqués par la société Faab fabricauto au soutien du dénigrement allégué, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
La Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.