CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 décembre 2020, n° 20/10853
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
France Galop (Association )
Défendeur :
Elpe Events (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
FAITS ET PROCÉDURE
L'association France Galop est une association à but non lucratif régie notamment par le décret 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel.
La société Elpe Events exerce une activité de prestations de services notamment pour des événements et manifestations.
Le 30 mars 2013 la société Elpe Events a conclu un contrat avec l'association France Galop pour l'organisation de courses de chevaux et pour l'étude de nouveaux projets.
L'échéance de ce contrat était fixée au 3 novembre 2013.
Ce contrat a fait l'objet d'un avenant pour se prolonger jusqu'au 31 décembre 2014, puis la relation s'est poursuivie sans contrat.
Sans en avertir formellement la société Elpe Events, l'association France Galop a mis un terme aux relations entre les parties à partir de 2016.
La société Elpe Events s'estime avoir subi un préjudice du fait d'une rupture brutale des relations commerciales établies.
Par acte extrajudiciaire du 11 avril 2019, la société Elpe Events a assigné l'association France Galop devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies.
L'association France Galop a excipé de l'incompétence du tribunal de commerce en désignant le tribunal judiciaire de Paris comme juridiction de renvoi.
C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 21 juillet 2020 :
- a dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par l'Association France Galop,
- s'est déclaré compétent,
- a renvoyé l'affaire, pour conclusion au fond,
- a réservé les autres demandes,
- a condamné l'association France Galop aux dépens de l'incident.
L'association France Galop a interjeté appel de ce jugement, par déclaration au greffe de la Cour reçue le 4 août 2020 et a été autorisée par le délégataire du Premier président à assigner l'intimée à jour fixe pour la date du 04 novembre 2020.
Vu les dernières conclusions de l'association France Galop, appelante, signifiées et notifiées le 3 novembre 2020, demandant à la Cour de :
Vu les articles 74, 75 et 78 du Code de procédure civile,
Vu les articles L. 110-2, L. 110-3, L. 721-3, L. 442-6 I, 5° et III, D. 442-3, D. 442-4 et les annexes 4-2-1 et 4-2-2 du code de commerce,.
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 21 juillet 2020 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par France Galop et s'est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par la SASU Elpe Events,
- dire que le tribunal de commerce de Paris est incompétent pour connaître des demandes formées par la SASU Elpe Events, au profit du tribunal judiciaire de Paris et renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris,
- condamner la SASU Elpe Events à verser à l'association France Galop la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SASU Elpe Events aux entiers dépens de l'instance.
Vu les dernières conclusions de la SASU Elpe Events signifiées et déposées le 28 Octobre 2020 sollicitant de la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter l'association France Galop de ses demandes,
- condamner celle-ci à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
- Sur la qualité alléguée de commerçant de fait de l'association France Galop
L'article 110-1, 6° du code de commerce répute actes de commerce toute entreprise de fournitures, d'agence, de bureaux d'affaires, établissements de vente à l'encan et spectacles publics.
Le tribunal de commerce de Paris a considéré que si l'association France Galop a un statut d'association à but non lucratif régie par les dispositions de la loi de 1901 et la loi du 2 juin 1891, ainsi que ses décrets d'application dont le décret 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, elle a fait appel aux services de la société Elpe Events depuis 2013 au sujet d'une activité permanente s'agissant de manifestations hippiques habituelles et récurrentes et que ces manifestations hippiques sont opérées à titre lucratif, que par conséquent il s'agit d'actes de commerce au sens de l'article L. 721-3 du code de commerce selon lequel les tribunaux de commerce sont compétents pour les contestations relatives aux actes de commerce.
La société Elpe Events soutient semblablement que la société France Galop effectue une activité commerciale au vu de l'importance de son budget, de celle de ses recettes issues des paris hippiques complétées par des contrats de parrainage, de sponsoring, de locations d'espaces sur les hippodromes, des droits de télévision en France et à l'international, et autres prestations de service.
L'association France Galop soutient au contraire que :
- n'ayant pas la qualité de commerçant, le contrat qu'elle a conclu avec la société Elpe Events est un acte mixte, au regard duquel la société Elpe Events ne peut pas la poursuivre devant un tribunal de commerce, en application de l'article L. 721-3, 1° et 3° du code de commerce ; selon elle, la société Elpe Events aurait dû l'assigner devant un tribunal judiciaire ;
- le tribunal n'a pas établi sa qualité de commerçant ; elle ajoute que son objet, au regard de ses statuts, est l'organisation de courses de chevaux au galop, ainsi que les activités directement liées à cet objet, en l'organisation de la prise de paris et à plusieurs activités destinées à contrôler la filière des courses de galop et à améliorer les races de chevaux de course ; elle ajoute encore qu'elle n'est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, qu'elle n'accomplit pas d'actes de commerce à titre habituel, qu'elle ne développe aucune activité artisanale et qu'elle n'exerce aucune activité lucrative ;
- que le tribunal n'a pas établi que le contrat qu'elle a conclu avec la société Elpe Events constitue un acte de commerce au sens des articles L. 110-2 et L 110-3 du code de commerce ; elle précise que les manifestations hippiques relèvent de ses missions de service public conférées par la loi.
Sur ce, la Cour retient que si le contrat litigieux est postérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 qui a conféré à l'association France Galop une mission de service public, cela est sans préjudice de l'application des règles de compétence de la juridiction commerciale au sein de l'ordre judiciaire, dès lors que la compétence du juge administratif n'est pas invoquée.
En outre, bien qu'une association de la loi de 1901 relève en principe des tribunaux civils, la juridiction commerciale peut être compétente lorsque les actes de commerce qu'elle accomplit deviennent habituels.
Or, en l'espèce, il est établi par les documents émanant de l'association France Galop, en particulier les données intitulées « Chiffres clés » qu'elle a publiées sur son site internet, que celle-ci effectue à titre habituel, à titre lucratif et auprès d'autres personnes que ses sociétaires, des actes tels que la souscription de contrats de parrainage, de sponsoring, de locations d'espaces sur les hippodromes pour des événements et d'exploitation de droits télévisuels. En outre, l'association France Galop organise de manière permanente des courses de chevaux, la relation commerciale litigieuse dénotant également, par le contenu des missions attendues de la société Elpe Events une recherche constante de nouveaux projets tenant à l'organisation de concerts et de spectacles.
Par conséquent, le tribunal de commerce doit être approuvé d'avoir dit que l'association avait une activité commerciale à l'occasion de laquelle s'était nouée la relation commerciale litigieuse.
- Sur l'application de la clause attributive de juridiction
Le contrat initial conclu entre les parties comme son avenant prévoient que : « Le présent contrat est régi par la loi française./ Tout différend entre les Parties relatif à l'existence, la validité, l'interprétation, la résiliation du présent contrat que les parties ne pourront pas résoudre amiablement sera soumis à la compétence des Tribunaux Civils de Nanterre nonobstant pluralité de défendeurs ou tout appel en garantie. »
Alors que la validité de la clause n'a pas été contestée, la Cour retiendra qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer au-delà de ce qu'elle prévoit.
Or, force est de constater que la rupture brutale des relations commerciales établies envisagée sous l'angle, comme en l'espèce, de la responsabilité délictuelle n'est pas envisagée, ne serait-ce que tacitement, par la dite clause.
Les deux personnes morales en cause ont leur siège social à Boulogne-Billancourt.
Il s'en déduit que le tribunal de commerce de Paris est compétent par l'effet de la loi pour juger de la contestation, en vertu des articles L.. 442-6, I, 5° et D. 442-3 du code de commerce.
- Sur les autres demandes et les frais
Sous réserve de corriger le jugement entrepris qui par erreur matérielle mentionne dans son dispositif que l'exception d'incompétence était bien fondée, alors qu'il l'a rejetée, ce jugement sera confirmé.
Au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, l'association versera à la société Elpe Events une somme qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
L'association France Galop sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris sauf à préciser qu'il affirme par erreur matérielle dans son dispositif que l'exception d'incompétence est bien fondée alors qu'en réalité il l'écarte,
CONDAMNE l'association France Galop à payer à la société Elpe Events une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
CONDAMNE l'association France Galop aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
REJETTE toute autre demande.