CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 18 décembre 2020, n° 18/27629
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
NBB Lease France 1 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme Sentucq, Mme Paulmier-Cayol
La société NBB Lease France 1 a pour activité le financement des ventes et d'équipements à destination de professionnels, tandis que la société NJ Partners a pour activité la fourniture de solutions de téléphonie, d'informatique et de bureautique ; la société X est un garage dit hôtel qui propose à sa clientèle des places de stationnement.
Sur le démarchage d'un commercial de la société NJ Partners, la société X souscrivait le 9 mai 2017, un contrat de location financière d'une durée de 5 ans avec la société NBB Lease France 1 ayant pour objet le financement d'un ordinateur « PC fixe Lenovo » et une « imprimante Canon 623 CN », matériel fourni par la société NJ Partners ; le contrat de location financière était conclu pour une durée de 63 mois moyennant un loyer mensuel, assurance comprise, de 251,88 euros TTC.
Le 24 mai 2017, un procès-verbal de livraison du matériel était établi, signé par la société X qui n'émettait pas de réserves.
Après les doléances de la société X exprimées auprès de la société NJ Partners selon lesquelles le matériel livré ne correspondrait pas avec l'installation de téléphonie en remplacement de celle de marque Paritel et en l'absence d'accord, la société X par deux courriers du 9 novembre 2017 adressés à la société NBB Lease France 1 et à la société NJ Partners dénonçait le contrat de location financière et faisait cesser les prélèvements automatiques sur son compte bancaire. La mise en demeure que lui a adressé le 21 décembre 2017, la société NBB Lease France 1 d'avoir à régler, sous une huitaine, les échéances impayées des mois de novembre et décembre 2017 sous peine de résiliation étant restée infructueuse, cette dernière assigné la société X devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée à lui payer les loyers impayés et ceux à échoir jusqu'au terme du contrat, outre diverses autres sommes.
La société X n'ayant pas été représentée par un avocat, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement réputé contradictoire :
condamné la société X à payer la société NBB Lease France 1 la somme de 503,76 euros au titre des échéances impayées des mois de novembre 2017 au mois de janvier 2018, augmentée du taux d'intérêt légal majoré de 5 % à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2017,
prononcé la résiliation du contrat et condamné la société X à payer à la société NBB Lease France 1 la somme de 11.200 euros correspondant à la totalité des loyers restant à payer jusqu'au terme du contrat de location augmentée de la somme d'un euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de publication du jugement,
ordonné l'anatocisme,
condamné la société X aux dépens et à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil.
La société X a, par acte du 7 décembre 2018, relevé appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.
Par ses conclusions remises le 19 juin 2020, l'appelante demande à la cour qu'elle :
dise son appel recevable et bien fondé,
infirme en conséquence le jugement attaqué en ce qu'il a résilié le contrat de location à ses torts, l'a condamnée au paiement de la somme de 503,76 euros au titre des échéances impayées des mois de novembre 2017 au mois de janvier 2018, augmentée du taux d'intérêt légal majoré de 5 % à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2017, et de la somme de 11.200 euros correspondant à la totalité des loyers restant à payer jusqu'au terme du contrat de location augmentée d'un euro, a ordonné l'anatocisme et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
statue à nouveau :
à titre principal, en ordonnant la nullité du contrat de location conclu avec la société NBB Lease France 1,
en condamnant l'intimée à lui régler les échéance de loyers réglées par elle, représentant la somme de 1.486,09 euros, outre les intérêts au taux légal courant à compter du 9 novembre 2017, et ce à titre de dommages et intérêts,
à titre subsidiaire, en ordonnant la résiliation du contrat de location conclu avec l'intimée et à ses torts,
en condamnant l'intimée à lui restituer les échéance de loyer réglées par elle, représentant la somme de 1.486,09 euros, outre les intérêts au taux légal courant à compter du 9 novembre 2017,
en tout état de cause, en disant que l'appelante tient à la disposition de l'intimée le matériel, à charge pour cette dernière de supporter le coût de transport,
en condamnant l'intimée à lui régler la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en condamnant l'intimée aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par son avocat dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses écritures remises le 24 juin 2020, l'intimée demande à la cour :
de débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions,
de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de la somme de 503,76 euros augmentée des intérêts aux taux légal majoré de 5 % à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2017 et de la somme de 11.200 euros correspondant à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, outre une majoration contractuellement prévue de 10 %, soit 12.320 €, augmentée du taux d'intérêt légal majorée du taux contractuel de 5% depuis sa date d'exigibilité,
en infirmant le chef de jugement la déboutant de sa demande de restitution, d'ordonner à la société X de restituer le matériel au lieu de son siège social, aux frais exclusifs de cette dernière et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard,
d'ordonner l'anatocisme,
de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et y ajoutant en cause d'appel de condamner la société X au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de cet article,
de condamner l'appelante aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution forcée devant être réalisés par un huissier de justice en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.
MOTIFS
Sur l'intérêt à agir de la société NBB Lease France 1
La société X ne discutant pas l'intérêt à agir de la société NBB Lease France 1, il n'y a pas lieu de statuer sur un point qui n'est pas litigieux.
Sur la demande de nullité du contrat de location financière
Alors qu'elle n'était pas satisfaite de son service de téléphonie, la société X relate avoir été démarchée par un commercial de la société NJ Partners qui lui a proposé en lui présentant une plaquette commerciale de remplacer son installation Paritel actuelle par une plus moderne, plus performante et moins onéreuse, lui précisant qu'il s'occuperait des formalités de résiliation de son installation actuelle et lui réglerait le montant de l'indemnité de résiliation dont elle était redevable à l'égard de Paritel ; elle ajoute que convaincue par le discours de ce commercial, elle a signé le contrat de location financière.
Au visa de l'article 1104 nouveau du code civil, invoquant le principe de bonne foi qui domine le droit des contrats, la société X présentant la société NJ Partners comme le prestataire de la société NBB Lease France 1, reproche à cette dernière un dol en ayant fait mentionner sur le contrat un matériel ne correspondant à celui sur lequel elle avait accepté de s'engager ; l'appelante précise que ce dol a provoqué chez elle une erreur ayant fait obstacle à son consentement, affirmant qu'elle ne serait jamais engagée si elle avait su que le contrat allait porter sur une petite imprimante et un ordinateur. Elle explique que les mentions figurant sur le contrat de location financière désignant le matériel en faisant l'objet ne sont pas apparues à son gérant ne pas correspondre à ce qu'elle croyait s'être engagée. (Je sais que moins par moins, cela fait plus, mais je préfère les deux négations qui sont quand même moins affirmatives que la formule : « sont apparues à son gérant correspondre à ce qu'elle croyait s'être engagée »)
La société X dénonce un abus de droit commis par la société NBB Lease France 1, consistant à lui faire supporter une somme représentant plus de 21 fois le montant de la valeur vénale des biens faisant l'objet du contrat de location financière.
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2°) du code de commerce, la société X fonde sa demande de résiliation sur le déséquilibre significatif créé par la société NBB Lease France 1 dans les droits et obligations des parties, ce déséquilibre pouvant consister en une inadéquation du prix au bien vendu.
L'article 1137 du code civil dans sa version applicable au présent litige définit le dol comme « le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des cocontractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. »
L'article 1138 prévoit que « le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant.
Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence. »
Selon l'article 1139 « l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».
La ligne de crédit figurant au Grand Livre Journal de la société X en date du 19 juin 2017 sous le libellé « Rachat crédit NJ Patner » portant sur la somme de 2.948,40 € paraît venir conforter les affirmations de la société X selon lesquelles, un commercial de la société NJ Partners lui aurait proposé de remplacer son installation de téléphonie Paritel par une nouvelle plus performante et que soient pris en charge les frais de résiliation ; il en est de même pour la plaquette publicitaire versée aux débats par l'appelante, aux noms de SFR Business Team et de DVI NJ Partners et faisant mention de l'adresse de cette dernière des coordonnées téléphoniques et de l'adresse mail d'un ingénieur commercial dont seul le prénom est fournie.
Pour autant, la demande de nullité présentée par la société X porte sur le contrat de location financière qu'elle a conclu avec la société NBB Lease France 1 ; si le nom de la société NJ Partners figure sur le contrat de location financière, c'est sous la rubrique de fournisseur ou de prestataire et non pas comme co-contractant de la société X qui n'a d'ailleurs pas appelé dans la cause la société NJ Partners.
Même à admettre que le commercial de la société NJ Partners soit au sens de l'article 1138 précité un tiers de connivence avec la société NBB Lease France 1, la remise d'une plaquette commerciale par celui-ci à une société qui exerce une activité commerciale est insuffisante à caractériser des manœuvres dolosives qui ne sont corroborées par aucun autre élément du dossier.
La société X, société commerciale dûment représentée par son gérant, n'est pas crédible en sa prétention selon laquelle elle n'aurait pas été avertie du matériel constituant l'objet du contrat de location financière alors qu'il est renseigné de façon exacte par ce même contrat par les mentions qui ont été rappelées en début du présent arrêt.
De plus, la société X qui verse elle-même au débat une copie du contrat de location financière revêtu de son cachet et de la signature de son gérant, ne conteste pas qu'un exemplaire lui a effectivement été remis lors de sa signature intervenue le 9 mai 2017, ayant ainsi disposé jusqu'à la livraison du matériel intervenue le 24 mai 2017 de quinze jours pour vérifier que la désignation des biens loués y figurant correspondait à ceux dont il avait été convenu.
La signature par la société X accompagnée de l'apposition de son cachet du procès-verbal de livraison sur lequel figure à nouveau la désignation des biens donnés en location et par lequel elle reconnaît que « les biens correspondent à la description figurant au contrat de location ci-dessus référencé » et sur lequel elle n'a émis aucune réserve vient ainsi ruiner l'existence d'un dol commis par un tiers de connivence ayant déterminé son consentement, étant de surcroît relevé que le courrier du 9 novembre 2017 par lequel la société X a dénoncé à la société NBB Lease France 1 le contrat de location financière ne motive aucunement cette dénonciation par le dol dont elle se prétend avoir été victime.
En application de l'article 1136 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, l'erreur sur la valeur par laquelle un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation inexacte n'est pas une cause de nullité.
Pour les motifs qui précèdent, la cour déboute la société X de sa demande en nullité du contrat fondée sur le dol.
La notion de partenaire commercial visée à l'article L. 442-6 du code de commerce (devenu l'article L. 442-1) implique une volonté commune entre des acteurs économiques de développer ensemble une activité commerciale ; elle ne se confond pas avec celle de cocontractant de sorte que la conclusion d'un contrat faisant l'objet même de cette activité commerciale ne relève de l'application de l'article précité.
En conséquence, la société X qui n'est pas un partenaire commercial de la société NBB Lease France 1 au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce est déboutée de sa demande subsidiaire en résiliation du contrat sur le fondement de l'article susvisé.
La mise en demeure adressée par la société NBB Lease France 1 le 21 septembre 2017 stipule expressément que le contrat sera résilié de plein droit dans un délai de huit jours après cette mise en demeure en cas de non-règlement des échéances de retard ; il n'est pas contesté qu'aucun règlement n'est intervenu à sa suite. Le contrat s'est donc trouvé résilié.
Sur les demandes en paiement :
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société X à payer la somme de 503,76 € représentant le montant des échéances de loyers impayées, cette dernière ne contestant pas ne pas s'en être acquittée alors que la preuve du paiement repose sur elle.
Les premiers juges ont fait une juste application de l'article 14.2 des conditions générales du contrat de location financière, en faisant droit à la demande de la société NBB Lease France 1 tendant à la condamnation de la société X à lui verser l'indemnité de résiliation fixée par cet article à la totalité des loyers restant à échoir, soit la somme de 11.200 €.
L'article 1343-2 du code civil applicable à la présente espèce prévoit que « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ». En l'occurrence, les intérêts étant échus depuis une année entière, ils produisent intérêts comme l'ont à raison retenu les premiers juges.
L'article 14.2 des conditions générales prévoit en sus de l'indemnité de résiliation, une majoration de 10% du montant des loyers restant dus ; une majoration de cinq points du taux d'intérêt légal est prévue par l'article 5.2 sur toutes les sommes restant dues à compter de leur exigibilité. Ces deux majorations en ce qu'elles visent à procurer au bailleur un gain supérieur à celui qu'il aurait obtenu si le contrat s'était exécuté jusqu'à son terme sans avoir à subir un étalement dans le temps, présentent un caractère comminatoire destiné à contraindre le locataire défaillant à s'exécuter et constituent en conséquence des clauses pénales soumises en application de l'article 1231-5 du code civil au pouvoir réducteur du juge pour le cas où elles seraient manifestement excessives ; en l'espèce, ces majorations en ce qu'elles s'ajoutent au montant de l'indemnité de résiliation, à l'anatocisme et à la faculté pour la société NBB Lease France 1 de continuer à valoriser le matériel dont elle réclame la restitution, présentent un caractère manifestement excessif par rapport au préjudice subi par le bailleur qui ne serait pas couvert par le paiement des loyers ; pour les motifs qui précèdent complétant ceux retenus par les premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il a ramené le montant de ces clauses pénales à la somme de 1 €.
La société X échouant dans ses prétentions supporte les dépens de l'instance ; les frais d'exécution du présent arrêt restent conformément à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution à la charge du débiteur sans qu'il n'y ait lieu de statuer spécialement sur une question déjà réglée par le seul effet de la loi ; les considérations d'équité commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il suit.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu le 27 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions à l'exception de ses chefs ayant écarté la demande de restitution présentée par la société NBB Lease France 1 ;
Statuant à nouveau :
Condamne la société X à restituer à l'adresse du siège social de la société NBB Lease France 1 les biens faisant l'objet du contrat de location financière souscrit le 9 mai 2017 ;
Y ajoutant :
Condamne la société X à payer à la société NBB Lease France 1 la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société X aux dépens d'appel.