CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 décembre 2020, n° 18/05224
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cuisine Plus France (SAS)
Défendeur :
Société d'Equipement de la Maison du Nord (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Cuisine Plus France (Cuisine Plus), franchiseur, a conclu le 24 janvier 2011 avec la société d'Equipement de la Maison du Nord (SEMN), franchisé, un contrat pour l'exploitation d'un magasin de cuisine à Leers, dans le département du Nord pour une durée de 5 ans.
Ce contrat est arrivé à terme le 31 décembre 2015, sans être renouvelé, avec paiement sans incident des redevances par SEMN jusqu'à l'échéance du contrat.
Ayant été informée le 10 mars 2015 de la fermeture de magasin de Leers et après avoir demandé à SEMN d'en poursuivre l'exploitation, Cuisine Plus a fait constater par huissier le 14 octobre 2015 que l'enseigne Cuisine Plus avait disparu pour laisser la place à une salle de sport du nom de Basic Fit.
Par acte du 26 juillet 2016, Cuisine Plus a saisi le tribunal de commerce de Paris pour faire prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de SEMN.
Par jugement du 21 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la résiliation du contrat à la date du 10 mars 2015 aux torts exclusifs de la Société d'Equipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN)
- condamné la Société d'Equipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN) (SA) à payer à la SAS Cuisine Plus France la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts
- débouté la SAS Cuisine Plus France de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation de l'article 8 du contrat sur le droit de préférence
- condamné la société d'équipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN) (SA) à payer à la SAS Cuisine Plus France la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC
- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir
- condamné la Société d'Equipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN) (SA) aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros, dont 12,85 de TVA.
Par déclaration du 9 mars 2018, la société Cuisine Plus a interjeté appel de ce jugement.
Par des dernières conclusions notifiées et déposées le 6 mars 2020, la société SAS Cuisine Plus, prie la Cour de :
Vu l'article 1134 ancien du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
- déclarer la société Cuisine plus France recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- constater que la société SEMN qui exploitait le point de vente <adresse> en vertu du contrat de franchise du 4 janvier 2011 a descendu l'enseigne Cuisine Plus au mois de mars 2015 et a en conséquence violé l'article 1 du contrat de franchise
- constater que la société SEMN en cessant l'exploitation du point <adresse> a également violé l'article 8.1.1 du contrat et a commis une faute
En conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société SEMN, à la date du 10 mars 2015 date de fermeture de point de vente litigieux
- infirmer le jugement en ce qu'il a ramené le montant de la clause pénale prévue à l'article 13.2.2 b) du contrat de franchise à la somme de 7500 euros et, statuant à nouveau, condamner la société SEN au paiement à la société Cuisine Plus France de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 13.2.2 b) du contrat de franchise,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Cuisine plus de sa demande d'indemnité par application de la clause pénale prévue à l'article 8 du contrat de franchise et, statuant à nouveau, condamner la société SEMN au paiement, à la société Cuisine Plus France, de la somme de 75.000 euros par application de l'article 8,
- condamner la société SEMN à payer à la société Cuisine Plus France la somme de 9.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société SEMN aux entiers dépends de première instance et d'appel
Par des dernières conclusions notifiées et déposées le 9 mars 2020, la société SEMN demande à la Cour de :
Vu le contrat de franchise du 24 janvier 2011,
Vu les anciens articles 1134, 1148 et 1152 du Code civil,
A titre principal :
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- débouter la société Cuisine Plus de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire :
- réduire de manière conséquente le montant de la clause pénale,
En tout état de cause :
- condamner la société Cuisine Plus à payer la somme de 10.000 euros à la société SEMN, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE, LA COUR,
Sur la résiliation du contrat aux torts du franchiseur
Les moyens soutenus par la société SEMN au soutien de son appel incident relatif à l'absence de faute grave, l'absence d'opposition du franchiseur à la fermeture du magasin et le paiement des redevances jusqu'au terme du contrat ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
La cour ajoute que :
- l'article 1er alinéa 2 du contrat de franchise fait obligation au franchisé d'utiliser l'enseigne pendant la durée du contrat, la circonstance que la dépose de l'enseigne ne figure pas comme constitutive d'une cause grave, ne fait pas obstacle à ce que le maintien de l'enseigne soit considéré comme une obligation essentielle du contrat s'agissant des modalités d'exploitation d'un magasin sous l'enseigne d'un réseau ;
- le point de vente a été fermé en mars 2015 par le franchisé sans l'autorisation du franchiseur ainsi qu'il résulte du courrier de ce denier du 4 juin 2015, la circonstance que le franchisé en ait informé son franchiseur le 10 mars 2015, étant à cet égard indifférente, de même que l'accord donné par le franchiseur pour un autre point de vente au regard du principe de l'effet relatif des contrats ;
- le paiement des redevances jusqu'au terme du contrat de franchise, de même que les causes de la fermeture anticipée du magasin sont sans incidence sur la gravité des manquements contractuels que constituent la dépose anticipée de l'enseigne et la cessation de l'exploitation du magasin, étant observé que la liquidation du régime matrimonial du dirigeant de la société SEMN qui aurait entraîné l'inexécution du contrat de franchise jusque son terme, ne constitue pas un cas de force majeure, en l'absence de caractère imprévisible.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé en raison de la fermeture définitive du magasin en cours de contrat et ce, à la date du 10 mars 2015, date de la dépose de l'enseigne.
Sur le préjudice
Sur l'article 13.2.2 du contrat de franchise.
La société Cuisines plus France sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a ramené à 7 500 euros le montant de la clause pénale prévue à l'article 13.2.2 b) du contrat et de le fixer à 30 000 euros
L'article 13.2.2 b) du contrat de franchise dispose : « En cas de résiliation anticipée imputable au Franchisé, ce dernier versera au Franchiseur, à titre d'indemnité forfaitaire, une somme égale au double du montant des redevances qu'il aurait dû payer jusqu'au terme du contrat, sans que cette somme puisse être inférieure à la somme de 30 000 (trente mille) euros ».
Contrairement à ce que soutient la société franchisée, cet article intitulé « Conséquences de la résiliation imputable au Franchisé » est applicable en l'espèce, peu important que la société SEMN se soit acquittée de l'intégralité des redevances jusqu'au terme du contrat, dès lors que la résiliation du contrat aux torts du franchisé a été prononcée et peu important le mode de calcul de cette indemnité.
S'agissant du préjudice, le franchiseur soutient que la dépose anticipée de l'enseigne lui a causé plusieurs préjudices : une atteinte à l'image de la marque avec la perte immédiate d'un magasin Cuisine Plus à Lys Lez Lannoy et la zone d'exclusivité associée au contrat, une perte financière et une perte de clientèle.
Le franchisé rétorque que le franchiseur n'a pas subi de préjudice, en ce que Cuisine Plus n'a de toute façon pas trouvé de repreneur ; que le point de vente ex-franchisé Cuisine Plus ne poursuit pas la même activité (salle de sport) ce qui permet à Cuisine Plus de se réimplanter sur place en l'absence de concurrence ; que Cuisine Plus n'a pas voulu ou pu (par un manque de candidat) implanter un nouveau point de vente sur la zone en question.
Il ajoute que s'agissant de la perte financière faute d'obtenir la régularisation de fin d'année en fonction du chiffre d'affaires, seule une perte de chance d'obtenir la régularisation pourrait être retenue, observant que ce préjudice est purement hypothétique et que le franchiseur ne produit aucune preuve sur ce point.
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, le préjudice de la société Cuisines Plus réside essentiellement dans l'absence de réévaluation de la redevance sur les neuf derniers mois de l'année et à une perte de notoriété sur la zone de chalandise de Leers,
En revanche, le franchisé justifie s'être acquitté des redevances jusqu'au 31 décembre 2015 et ainsi avoir versé une somme de 39 760,38 euros.
Au vu de ces éléments, la clause pénale qui ne peut être inférieure à la somme de 30 000 euros, présente un caractère manifestement excessif. Il convient de la modérer en la ramenant à la somme de 3 000 euros.
Sur l'article 8 du contrat de franchise
La société Cuisines plus France sollicite l'infirmation du jugement en ce que le tribunal l'a déboutée de sa demande en paiement fondée sur l'article 8 du contrat de franchise et sollicite la condamnation de la société SEMN à lui verser la somme de 75 000 euros sur ce fondement.
La société appelante soutient que la lettre du 10 mars 2015 de la société SEMN l'informant de la fermeture du point de vente Cuisines Plus en raison de « la liquidation du patrimoine conjugal », ne comporte aucune information sur la date effective de fermeture, sur les conditions dans lesquelles est intervenue la fermeture, notamment aux termes de l'article 8.1.1. et sur la transmission à un tiers de l'emplacement.
Elle ajoute que, selon les conclusions de première instance de SEMN, le propriétaire des murs a rompu le contrat de bail commercial moyennant le paiement d'une indemnité d'éviction, changeant ainsi de justification, sans produire aucune pièce relative à cette résiliation du bail. Enfin, elle reproche à SEMN de se prétendre « victime » de la résiliation anticipée du bail commercial, pour justifier la fermeture anticipée du magasin, sans préciser s'y être opposée.
Mais, ainsi que le fait valoir l'intimée, la clause 8.2.1 du contrat prévoit un droit de préférence du franchiseur en cas de cession du fonds de commerce, cession du droit au bail, cession totale/partielle des parts de la société franchisée, ce qui ne résulte pas de la situation en cause.
En effet, la SCI Lys-Motelette, propriétaire des murs dans lesquels la société SEMN exploitait le point de vente Cuisine Plus, a vendu l'immeuble et a, en conséquence, résilié de manière anticipée le contrat de bail commercial de la société SEMN avec paiement d'une indemnité d'éviction.
La société franchisée SEMN n'a accompli aucune des opérations définies contractuellement qui pourrait justifier la concession d'un droit de préférence au bénéfice du franchiseur et la preuve d'une manœuvre frauduleuse n'est pas rapportée. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Cuisine Plus de sa demande en paiement fondée sur le droit de préférence visé à l'article 8 du contrat.
Sur les autres demandes
La société Cuisine Plus qui succombe en son appel est condamnée aux dépens, d'appel, débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et est condamnée à payer à la société SEMN la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la Société d'Equipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN) (SA) à payer à la SAS Cuisine Plus France la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la Société d'Equipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN) (SA) à payer à la SAS Cuisine Plus France la somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts
CONDAMNE la SAS Cuisine Plus France aux dépens d'appel et à payer à la Société d'Equipement de la Maison du Nord en abrégé (SEMN) (SA) la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE toute autre demande.