CA Colmar, 3e ch. civ. A, 28 décembre 2020, n° 19/03708
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Rothelec (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mme Fabreguettes, M. Frey
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 13 septembre 2010, puis le 23 octobre 2010, Monsieur Patrick G. a signé avec la Sas Rothelec deux bons de commande portant sur des radiateurs électriques avec leurs accessoires, à titre de chauffage principal pour sa maison d'habitation, pour un montant total de 21 864,10 € TTC.
L'installation a été effectuée le 17 décembre 2010 et les factures correspondant aux deux bons de commande ont été intégralement réglées par Monsieur G..
Le 14 décembre 2012, Monsieur Patrick G. a assigné la Sas Rothelec devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin d'obtenir, à titre principal, la résolution des deux contrats, le remboursement des sommes payées à ce titre ainsi que des dommages-intérêts au titre du préjudice subi. Il a fondé sa demande à titre principal sur les articles L 111-1 et suivants du code de la consommation et 1134 et suivants du code civil, à titre subsidiaire, sur le fondement des articles L 211-1 et suivants du code de la consommation et a à titre très subsidiaire, sollicité l'annulation des deux contrats pour erreur.
Il a fait valoir que contrairement aux affirmations des commerciaux de la Sas Rothelec, il n'a pas bénéficié d'un bilan thermique ; que celui qu'il a fait réaliser précise que le remplacement de son système de chauffage au fioul par des radiateurs électriques n'était absolument pas pertinent du fait de l'insuffisance d'isolation et de ventilation de sa maison ; que la Sas Rothelec a violé son obligation de conseil et d'information ; que le système mis en place n'est pas conforme à l'usage auquel il était destiné et qu'il a commis une erreur sur les qualités substantielles de la chose puisqu'il n'a pas pu réaliser d'économies financières conséquentes avec le système de chauffage installé.
La Sas Rothelec a conclu au rejet des demandes et a sollicité paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a indiqué avoir rempli les obligations posées par l'article L 111-1 du code de la consommation et avoir réalisé une étude préalable. Elle a nié avoir promis un bilan thermique, qui n'était pas indispensable et a fait valoir qu'elle n'a commis aucun manquement et qu'elle n'avait pas promis d'économies particulières sur le système de chauffage du demandeur.
Par jugement du 25 février 2016, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté Monsieur Patrick G. de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la Sas Rothelec la somme de 1200 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Patrick G. a interjeté appel de cette décision le 21 mars 2016.
Il a repris intégralement ses dispositions et moyens de première instance, précisant que sa demande formulée à titre plus subsidiaire, tendant à l'annulation des contrats, était fondée sur les articles 1109 et suivants du code civil.
La Sas Rothelec a maintenu ses contestations et a sollicité paiement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Par arrêt du 15 décembre 2007, la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Colmar a :
- infirmé le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- annulé la vente conclue entre la Sas Rothelec et Monsieur Patrick G. suivant bon de commande des 13 septembre 2010 et 23 octobre 2010,
- condamné la Sas Rothelec à payer à Monsieur Patrick G. :
- la somme de 21 864,10 € au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2012,
- la somme de 4123 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
- rejeté le surplus des demandes de Monsieur G.,
- donné acte à Monsieur Patrick G. de ce qu'il tient l'installation de chauffage mise en place par la Sas Rothelec à la disposition de celle-ci,
- condamné la Sas Rothelec à payer à Monsieur Patrick G. la somme de 2 000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
- rejeté la demande de la Sas Rothelec fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sas Rothelec aux dépens de première instance et d'appel.
Pour se déterminer ainsi, la cour a retenu que le non-respect de l'article L 111-1 du code de la consommation est constitutif d'un dol au sens de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, s'il apparaît que le consommateur, dûment informé des caractéristiques essentielles du bien, n'aurait pas contracté ; que s'agissant d'une installation de chauffage, la consommation énergétique est une caractéristique essentielle du bien vendu, ce d'autant que la maison de Monsieur G. était déjà équipée d'une chaudière au fioul qui fonctionnait correctement et que la perspective de réaliser des économies d'énergie était un motif déterminant du remplacement du système de chauffage ; que la Sas Rothelec ne justifie pas avoir fourni à son cocontractant la moindre information sur la consommation électrique des radiateurs ; que la vente a été conclue lors d'une foire au vu d'une étude préliminaire très sommaire, manifestement insuffisante pour faire un bilan thermique ; que Monsieur G. prouve qu'il n'a pas réalisé de gains mais qu'au contraire, ses frais de chauffage ont augmenté ; que s'il en avait été informé, il n'aurait pas contracté, de sorte que le contrat doit être annulée pour dol.
Par arrêt du 15 mai 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, au motif que la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile en relevant d'office le moyen tiré du dol que Monsieur G. n'avait pas invoqué, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point.
Reprenant l'instance après cassation par écritures du 14 août 2019, Monsieur Patrick G. a conclu le 25 novembre 2019 ainsi qu'il suit :
Vu les articles 1034, 1036 et 1037-1 du CPP,
- donner acte à Monsieur Patrick G. de sa reprise d'instance après cassation devant la cour d'appel de Colmar autrement composée,
Vu les articles L 111-1 et suivants du code de la consommation,
Vu les articles 1134 et suivants du code civil,
Vu les articles 1109 et suivants du code civil,
Vu les articles L 211-1 à L 211-18 du code civil, (lire code de la consommation),
Vu plus particulièrement l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,
- recevoir l'appel de Monsieur G.,
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- déclarer la demande recevable et bien fondée,
Y faisant droit,
- annuler pour dol la vente conclue entre la Sas Rothelec et Monsieur Patrick G. suivant bons de commande des 13 septembre 2010 et 23 octobre 2010,
- condamner la Sas Rothelec à payer à Monsieur Patrick G. :
- la somme de 21 864,10 € au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2012,
- les sommes de 7 000 € en réparation du préjudice moral et de 32 186,62 € en réparation du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- donner acte à Monsieur Patrick G. de ce qu'il tient l'installation de chauffage mis en place par la Sas Rothelec à la disposition de celle-ci,
- condamner la Sas Rothelec à payer à Monsieur Patrick G. la somme de 3 000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
- condamner la Sas Rothelec aux dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir qu'en changeant de mode de chauffage, il n'a pas réalisé les gains escomptés mais qu'au contraire, ses frais de chauffage ont augmenté ; « que s'il avait été informé d'une telle augmentation, il n'aurait pas contracté, son objectif étant d'acquérir une installation de chauffage plus économe » ; que la Sas Rothelec s'est rendue coupable de dol.
Par écritures notifiées le 25 octobre 2019, la Sas Rothelec a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 25 février 2016 par le tribunal de grande instance de Strasbourg. Elle demande condamnation de Monsieur G. aux dépens de l'instance, ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle a rempli ses obligations contractuelles, en ce qu'elle a parfaitement fait connaître les caractéristiques des biens vendus ; « qu'il ne peut lui être reproché un manquement à une obligation d'information, dans la mesure où une étude préalable a bien été réalisée, permettant de déterminer la puissance de chaque radiateur en fonction des pièces de la maison de l'appelant » ; qu'il n'a jamais été indiqué qu'un bilan thermique serait fait au domicile de Monsieur G. ; « que ce dernier n'a pas été trompé sur les conditions d'établissement de l'étude » ; qu'aucune règle n'impose la réalisation d'une étude thermique préalable.
Elle relève que le rapport du Cabinet Ex. Eco ne met en évidence aucun manquement de sa part, ni aucune contre-indication à l'emploi de radiateurs électriques ; « qu'alors que ce rapport a été réalisé le 18 octobre 2010, Monsieur G. a passé auprès d'elle une commande complémentaire le 23 octobre 2010 » ; qu'elle n'a pas annoncé à l'appelant des économies particulières sur son système de chauffage et que lui-même ne démontre pas que ses frais de chauffage seraient supérieurs à ceux qui auraient été annoncés.
Elle soutient que les montants réclamés en conséquence de la demande d'annulation sont au surplus mal fondés ; « que le coût du prêt ne peut être mis à sa charge alors qu'il est la contrepartie du financement auquel Monsieur G. a eu recours » ; qu'il ne peut non plus être octroyé à l'appelant un dédommagement de l'immobilisation du prix de vente, alors qu'il s'agit de la contrepartie de la remise des radiateurs et que le préjudice d'immobilisation d'une somme est sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts ; « que le différentiel de consommation ne peut lui être réclamé, à défaut de garantie par elle d'une consommation effective » ; que Monsieur G. ne rapporte pas la preuve d'une augmentation des frais d'électricité imputable à l'installation des radiateurs ; « qu'aucune comparaison n'est possible entre le prix de l'électricité et celui du fioul domestique, qui alimentait l'ancien système de chauffage de l'appelant, étant relevé que ce mode de chauffage est voué à disparaître à l'horizon 2030. »
Elle réfute toute manœuvre dolosive de sa part, relevant en tout état de cause que le simple manquement à une obligation pré contractuelle d'information ne suffit pas à caractériser un dol par réticence s'il ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement.
MOTIFS
Il sera relevé à titre liminaire qu'aux termes de ses écritures d'appel, Monsieur G. ne fonde sa demande que sur le dol, en lien avec un manquement aux obligations posées à l'article L 111-1 du code de la consommation et ne reprend pas les arguments soulevés devant le premier juge, qui tendaient à la résolution du contrat et à leur annulation pour erreur sur la substance.
En vertu des dispositions de l'article L 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, I. -Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien... III. - En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations.
Il ne résulte pas de ces dispositions, qui mettent à la charge du professionnel une obligation d'information du consommateur, que tout manquement à cette obligation soit sanctionné par la nullité du contrat, qui suppose la démonstration d'un vice du consentement, en l'espèce d'un dol.
Le dol, cause de nullité du contrat, peut être constitué par le silence d'une partie, dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter. Mais le dol n'est constitué que si le défaut d'information est intentionnel, ayant pour but de tromper le contractant en provoquant une erreur ou en profitant de celle-ci et de le déterminer ainsi à conclure le contrat. L'erreur commise doit avoir un caractère déterminant dans la conclusion de la convention.
Le vice du consentement s'apprécie à la date de conclusion du contrat.
En l'espèce, Monsieur G. soutient que la société Rothelec a sciemment menti sur les performances des radiateurs commandés pour obtenir son consentement.
L'examen des pièces contractuelles révèle que le 13 septembre 2010, Monsieur G. a souscrit la commande de radiateurs éco électriques pour le prix de 20 012,90 €, à titre de chauffage principal pour équiper sa maison d'habitation individuelle, en remplacement de son chauffage existant au fioul installé depuis 1997.
Une commande complémentaire de radiateurs a été souscrite le 23 octobre 2010, pour le prix de 1851,20 euros.
Le contrat a été conclu sur la base d'une étude préliminaire effectuée sur le stand de la société Rothelec à la foire européenne de Strasbourg, sur la base des renseignements donnés par Monsieur G. le 13 septembre 2010.
Il est ainsi précisé que sa maison individuelle est pourvue d'une isolation suffisante des combles, que les murs sont isolés, que les fenêtres sont pourvues d'un vitrage isolant ; qu'il n'y a pas de VMC et que la maison en général est bien isolée.
Monsieur G. s'est plaint des performances de l'installation, réalisée le 20 décembre 2010, par lettre du 5 novembre 2011, faisant valoir qu'il lui avait été promis que sa facture de chauffage s'élèverait à environ 800 € par an ; que la réalité est toute autre, car elle s'élève à 900 € pour quatre mois de chauffe, soit 1 600 € pour un hiver.
S'agissant d'une installation de chauffage, il doit être retenu que sa consommation énergétique est une caractéristique essentielle du bien vendu ; qu'en changeant son système de chauffage, Monsieur G. entendait clairement opter pour un équipement plus performant.
Si la brochure de la société Rothelec indique qu'un bilan thermique gratuit et sans engagement, est réalisé par un technicien, pour aboutir à la solution de chauffage la mieux adaptée, il doit être constaté en l'espèce qu'une telle étude préliminaire n'a pas été effectuée, la société ayant bâti le projet à partir des renseignements donnés par le client. Pour autant, ainsi que l'a retenu le premier juge, aucune disposition ne rend obligatoire un tel bilan technique préalable, avant la conclusion du contrat et aucune preuve n'est rapportée de ce qu'un tel bilan aurait été promis à l'appelant avant que la signature des contrats soit effective.
Le 12 octobre 2010, soit antérieurement à la commande complémentaire de radiateur le 23 octobre 2010, Monsieur G. a d'ailleurs fait effectuer un rapport de visite énergétique par la société Ex. Eco Conseils, au motif qu'il comptait engager des travaux de rénovation en vue de réduire sa consommation énergétique. Il ressort du rapport déposé par cette société que la maison est cotée en catégorie F pour l'étiquette Energie ; que remplacer le système de chauffage actuel par des radiateurs électriques ne semble pas pertinent, car les gains escomptés seraient seulement de l'ordre de 150 € par an ; que l'emploi de radiateurs électriques comme mode de chauffage nécessite une habitation très bien isolée et ventilée, ce qui n'est pas le cas actuellement ; que la priorité devrait être donnée à l'amélioration de l'isolation des combles, du plancher bas et des canalisations hors volume chauffé ; que la ventilation est le deuxième poste à améliorer avec l'installation d'une VMC, le troisième poste important étant d'optimiser l'installation de chauffage avec la mise en place d'une régulation et d'une programmation réellement efficace.
Il ne résulte pas de ce document que des économies sur la consommation d'énergie ne sont pas à attendre de l'installation de radiateurs électriques en remplacement du chauffage au fioul, puisqu'au contraire, les gains escomptés sont chiffrés.
Il ne résulte pas non plus des pièces contractuelles souscrites entre Monsieur G. et la société Rothelec que cette dernière se soit engagée sur une performance précise et ait fait espérer à l'appelant des économies quantifiées. Elle ne lui a communiqué aucune pièce, ni information dont la preuve serait rapportée, l'ayant incité à croire en de telles performances ou économies chiffrées.
Monsieur G. n'explique par ailleurs ni ne démontre l'intention de l'intimée de le tromper, par réticence dolosive, en manquant à son obligation d'information, étant relevé que les biens commandés sont parfaitement spécifiés dans les deux bons de commande, qui sont conformes aux dispositions de l'article L 211-1 du code de la consommation.
Au demeurant, les factures d'électricité versées aux débats par l'appelant, ainsi que les factures de fioul qu'il acquittait antérieurement, ne permettent pas de déterminer, ainsi qu'il l'affirme, une augmentation de ses frais de chauffage, la consommation électrique dépendant de l'utilisation faite des radiateurs et du degré de chauffage programmé.
En conséquence, en l'absence de preuve d'une intention dolosive de la société Rothelec, la demande de Monsieur G. tendant à l'annulation du contrat pour dol doit être rejetée et le jugement déféré sera confirmé.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, Monsieur G. sera condamné aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du même code.
Il sera en revanche fait droit à la demande de l'intimée sur le même fondement, à hauteur de la somme de 1 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
DEBOUTE Monsieur Patrick G. de sa demande tendant à l'annulation des contrats souscrits avec la Sas Rothelec pour dol,
CONDAMNE Monsieur Patrick G. à payer à la Sas Rothelec la somme de 1 000 € (mille euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur Patrick G. aux dépens de l'instance d'appel.