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Décisions

Cass. com., 21 octobre 2020, n° 18-19.702

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Célice, Texidor, Périer

Rennes, 3e ch. com., du 5 mai 2015

5 mai 2015

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 26 avril 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 4 mai 2017, pourvoi n° 15-20.689), le 25 octobre 1996, Mme X a conclu avec la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société Yves Rocher) un contrat de franchise d'une durée de cinq ans, portant sur l'exploitation d'un institut de beauté sous l'enseigne Yves Rocher. Cette relation contractuelle a pris fin le 29 novembre 2002.

2. La société Yves Rocher a assigné Mme X devant un tribunal de commerce afin d'obtenir le paiement d'un solde de factures de marchandises impayées. Mme X s'est opposée à cette demande en soulevant, notamment, la nullité du contrat de franchise et de la créance invoquée par la société Yves Rocher.

3. Parallèlement, Mme X a saisi un conseil de prud'hommes de demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 781-1, 2°, devenu L. 7321-2 du code du travail. Un arrêt du 29 juin 2010, devenu irrévocable, lui a reconnu la qualité de gérante de succursale et, en conséquence, accordé des rappels de salaires, indemnités et dommages-intérêts.

4. Dans le cadre de l'instance introduite par la société Yves Rocher, l'arrêt du 5 mai 2015, rejetant la demande de cette société, a été cassé par l'arrêt précité de la Cour de cassation, au visa des articles 1234 et 1300 du code civil, et L. 7321-2 du code du travail, aux motifs que « le statut de gérante de succursale reconnu à Mme X, bien que caractérisé par la dépendance économique de celle-ci à l'égard de la société Yves Rocher, laissait subsister entre ces deux personnes distinctes l'existence de relations commerciales, excluant l'extinction des créances de la société Yves Rocher sur Mme X par la confusion des qualités de créancier et débiteur. »

5. Devant la cour de renvoi, Mme X a demandé le rejet des demandes en paiement formée par la société Yves Rocher, en invoquant, notamment, la nullité de la créance de cette société.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Mme X fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Yves Rocher les sommes de 35 190,15 euros, outre les intérêts, au titre de marchandises impayées et de 1 603,23 euros au titre des intérêts échus au 23 juillet 2004, alors :

« 1°) que le dol entraîne la nullité du contrat lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que les manoeuvres dolosives de la société Yves Rocher qui a dissimulé la réalité de la situation juridique et économique du contrat de franchise qu'elle a soumis à l'accord de Mme X, lui faisant croire qu'elle disposerait d'une totale liberté de gestion du centre de beauté quand elle imposait à celle-ci tous les paramètres de l'exploitation et de la gestion de l'institut, prélevant jusqu'à 70 % du chiffre d'affaires de l'institut à son profit au titre des marchandises qu'elle fabrique et sur lesquelles elle prélève une marge conséquente, des redevances qu'elle prélève sur la revente de ces marchandises et sur les soins dispensés en cabines et sur le coût des prestations qu'elle lui fournit de manière forcée, emportent la nullité des ventes de marchandises intervenues entre Mme X et la société Yves Rocher dans le cadre et l'exécution du contrat de franchise ; qu'en énonçant que le litige avait pour objet l'exécution non du contrat de franchise par Mme X mais celui des contrats de vente de marchandises dont la société Yves Rocher poursuivait le paiement par l'intimée pour écarter la nullité de ces derniers, alors même que les contrats de ventes étaient imposés par le contrat de franchise, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, alors en vigueur ;

2°) que dans ses conclusions d'appel, Mme X a invoqué les manoeuvres dolosives de la société Yves Rocher ayant présidé au montage l'ayant conduite à conclure le contrat de franchise et, par voie de conséquence, les contrats de vente de marchandises conclus en application de ce contrat ; qu'en énonçant que Mme X n'alléguait ni a fortiori ne démontrait le dol de la société Yves Rocher dans la conclusion des contrats de vente de marchandises, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) que le statut de gérante de succursale reconnu à Mme X, bien que caractérisé par la dépendance économique de celle-ci à l'égard de la société Yves Rocher laisse subsister entre ces deux personnes distinctes l'existence de relations commerciales ; qu'en considérant, pour écarter la nullité pour dol des contrats de vente de marchandises intervenus entre la société Yves Rocher et Mme X que celle-ci ne pouvait sans contradiction exciper de la nullité d'un contrat dont elle avait demandé la requalification et l'exécution une fois requalifié devant la juridiction sociale, la cour d'appel a violé les articles 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 7321-2, 2° du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, contrairement à ce que postule le moyen, le seul constat de l'existence de manoeuvres dolosives commises par la société Yves Rocher lors de la conclusion du contrat de franchise ne serait pas, en lui-même, de nature à entraîner la nullité des contrats de vente conclus pendant l'exécution du contrat de franchise, dès lors que, dans ses conclusions d'appel, Mme X n'a ni demandé l'annulation du contrat de franchise pour dol, ni invoqué l'existence, entre le contrat de franchise et les contrats de vente, d'un lien juridique, tel qu'une indivisibilité, une interdépendance ou un rapport d'accessoire et de principal, ayant pour conséquence que l'anéantissement du premier entraînerait l'anéantissement des autres.

9. En second lieu, ayant constaté que Mme X invoquait un dol commis par la société Yves Rocher et subi lors de la conclusion du contrat de franchise sur la nature duquel elle aurait été trompée, l'arrêt retient, d'abord, que le litige n'a pas pour objet l'exécution du contrat de franchise par Mme X, mais celle des contrats de vente de marchandises dont la société Yves Rocher poursuit le paiement. Il en déduit que les moyens développés sur le dol qu'aurait commis la société Yves Rocher au moment de la conclusion du contrat de franchise sont inopérants. L'arrêt relève, ensuite, que Mme X n'allègue ni ne rapporte la preuve d'un dol imputable à sa cocontractante lors de la conclusion des contrats de vente de marchandises.

10. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, sans méconnaître l'objet du litige, déduire que Mme X était tenue de s'acquitter du solde du prix des factures de marchandises demeuré impayé.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.