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Décisions

Cass. com., 27 janvier 1998, n° 96-11.695

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

SC Galec (Sté), Scarmor (Sté), Scaouest (Sté), Socamaine (Sté), Scanormande (Sté), Scaso (Sté), Scadif (Sté), Socara (Sté), Scapalsace (Sté)

Défendeur :

Scachap (Sté), ITM France (SA), Ministre de l'Economie, Colgate Palmolive (SA), Procter et Gamble France (SNC), Henkel France (SNC), Lever (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Tiffreau, SCP Defrenois et Levis, SCP Delaporte et Briard, SCP Piwnica et Molinié, Me Ricard, Me Thomas-Raquin

Cass. com. n° 96-11.695

27 janvier 1998

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 1995) que le Conseil de la concurrence a été saisi en 1992 par le ministre de l'Economie de pratiques mises en oeuvre sur le marché des lessives par les sociétés Henkel France, Lever, Procter et Gamble. France, et Colgate Palmolive, fournissant ensemble près de 90 % des produits vendus en France ; que ces lessives sont vendues à hauteur de 30 % par deux distributeurs regroupés sous les enseignes de Leclerc et Intermarché ; qu'en ce qui concerne les commerçants arborant l'enseigne Leclerc ceux-ci se groupent au sein de sociétés coopératives d'achat régionales au nombre de 16, elles-mêmes étant réunies à l'échelon national au sein de la société coopérative Galec ; que les magasins Intermarché sont liés par des contrats de franchise à la société ITM entreprises ; que le Conseil ayant estimé constitutif d'ententes prohibées un certain nombre de pratiques liées au référencement de produits lessiviers, émanant notamment de la société coopérative Galec, a prononcé à l'encontre des auteurs de ces pratiques illicites des sanctions pécuniaires ;

Attendu que la société Galec fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable le recours incident formé par le Ministre de l'Economie à son encontre, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en déclarant recevable le "recours incident" formé par le ministre de l'Economie contre la société Galec, au motif que cette voie de recours était prévue par l'article 6 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, sans rechercher si ce règlement était conforme à la loi n° 87-499 du 6 juillet 1987 pour l'application de laquelle il était pris et qui n'instituait qu'un recours principal, la cour d'appel a violé les articles 12 du nouveau Code de procédure civile et 15 de la loi précitée ; alors, d'autre part, au surplus que dérogatoire au droit commun du nouveau Code de procédure civile, le régime des recours exercés devant la cour d'appel de Paris contre les décisions du Conseil de la concurrence n'institue pas de recours incident provoqué que par suite, un recours incident ne peut être formé contre une personne ayant été partie en première instance, contre laquelle n'a pas été formé de recours principal et qui n'a pas elle-même formé de recours principal contre l'auteur du recours incident ; que dès lors, en déclarant recevable le recours incident formé par le ministre de l'Economie contre la société Galec, qui n'avait elle-même formé, et contre laquelle n'avait été formé, aucun recours principal, la cour d'appel a violé les articles 1er, 6 et 7 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, pris pour l'application de la loi n° 87-499 du 6 juillet 1987, 12 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'à supposer par hypothèse que l'article 6 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 ait pu légalement instituer un recours incident provoqué, la recevabilité du recours incident provoqué du ministre de l'Economie contre la société Galec postulait, en l'absence de tout recours principal d'une autre partie contre cette société, qu'elle disposât elle-même d'une voie de recours propre à lui conférer le droit de contester la sanction pécuniaire prononcée à son encontre par le Conseil de la concurrence sur les conclusions du ministre de l'Economie ; que tel n'étant pas le cas, ou bien le décret était illégal en ce qu'il méconnaissait les principes d'égalité des justiciables et de droit de recours effectif à un juge, ou bien le recours incident provoqué du ministre devait s'analyser en un recours principal tardif, comme ayant été formé après l'expiration du délai correspondant, ainsi que le faisait valoir la société Galec dans ses conclusions ; qu'en écartant ces conclusions, aux motifs inopérants que cette société, qui avait eu la faculté de former un recours principal ou de se joindre volontairement à l'instance, avait ultérieurement été mise en cause d'office par le magistrat chargé d'instruire la procédure, et au motif erroné que la société Galec s'était ainsi trouvée en mesure de faire valoir contradictoirement ses droits, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2 et 3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, entré en vigueur à l'égard de la France le 4 février 1981, 15 de la loi n° 87-499 du 6 juillet 1987, 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que transposant en la matière les règles de procédure civile, le décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 n'a fait qu'appliquer le principe de la contradiction tel qu'imposé par l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel ayant relevé que la société Galec, qui disposait du droit de faire un recours principal contre la décision du Conseil de la concurrence l'ayant condamnée ou de se pourvoir contre cette décision, conformément aux dispositions de l'article 6 du décret du 19 octobre 1987 après l'appel incident du Ministre qui lui avait été régulièrement dénoncé, n'avait pas usé de cette faculté, cette entreprise ne saurait prétendre qu'il a été porté atteinte à ses droits, la décision prise par le magistrat chargé d'instruire la procédure en application de l'article 7 du décret précité l'ayant mise "d'office en cause", et ayant eu pour objet de lui permettre de répondre à l'argumentation du Ministre tendant à l'aggravation de la décision du Conseil de la concurrence ; que, dès lors, la société Galec, dont le montant de la sanction pécuniaire prononcée à son égard n'a pas été aggravée, est sans intérêt à critiquer ce chef de l'arrêt qui ne lui fait pas grief ; d'où il suit que le moyen irrecevable en sa troisième branche est non fondé en ses deux premières ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.