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Décisions

Cass. com., 11 juin 2003, n° 00-11.913

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, Me. Choucroy

Lyon, du 23 sept. 1999

23 septembre 1999

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 septembre 1999), que la société Omnibanque, aux droits de laquelle se trouvent la société Fideimur, et la société Batimur (les crédit-bailleresses) ont conclu avec la SCI Doma (la SCI) un contrat de crédit-bail immobilier pour l'acquisition d'un terrain et la construction d'un hôtel-restaurant ; que les associés de la SCI, M. et Mme X... et M. et Mme Y... (les cautions), se sont portés cautions solidaires des engagements de cette société envers les crédit-bailleresses ; que le SCI a été mise en redressement judiciaire le 12 juillet 1995, tandis que les loyers étaient impayés depuis le quatrième trimestre 1992 ; que les crédit-bailleresses ont déclaré leur créance au passif de la SCI, puis ont assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; que la cour d'appel a déclaré irrecevables les demandes des crédit-bailleresses et a condamné les cautions à leur payer une certaine somme ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que les cautions font grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1°) que le pouvoir donné au mandataire ou au préposé d'une personne morale pour procéder à une déclaration de créance doit accompagner l'acte ou être produit dans le délai de celui-ci ; qu'en décidant que M. Z..., préposé de la société Batimur, avait régulièrement déclaré la créance des crédit-bailleresses au passif de la débitrice le 25 novembre 1994 et qu'il pouvait être justifié d'un pouvoir avant que le juge ne statuât sur l'admission de la créance, sans rechercher si la délégation invoquée par les crédit-bailleresses avait été produite entre les mains des organes de la procédure collective dans les délais qui leur étaient impartis pour procéder à la déclaration de la créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 416 et 853 du nouveau Code de procédure civile, 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985 ainsi que 175 du décret du 31 décembre 1985 ;

2°) que si la déclaration de créance au passif du débiteur peut être faite au nom d'une personne morale par l'un de ses préposés titulaire d'une délégation de pouvoir lui permettant d'accomplir un tel acte, c'est à la condition de justifier de cette délégation par la production de documents attestant de sa réalité avant que le juge ne statue sur l'admission de la créance ; qu'en se bornant à rappeler le principe applicable sans rechercher si, en l'espèce, la délégation du 28 décembre 1994 dont se prévalait les crédit-bailleresses avait été effectivement produite entre les mains des organes de la procédure collective de la débitrice avant que le juge ne statuât sur l'admission de la créance, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la déclaration de créance avait été faite le 25 novembre 1995 par M. Z... et que le co-gérant de la société Batimur avait donné procuration à ce préposé le 28 décembre 1994 pour toute l'année 1995 à l'effet de représenter cette société dans toute procédure contentieuse et notamment de déclaration de créance, l'arrêt retient qu'il peut être justifié de l'existence d'une délégation de pouvoirs jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production d'un document attestant de sa réalité et en déduit que la déclaration faite au nom de la société Batimur par une personne dont il a été justifié qu'elle bénéficiait d'une délégation de pouvoir était régulière ; que la cour d'appel ayant ainsi légalement justifié sa décision, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que les cautions font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le pouvoir donné à un mandataire par une personne morale pour procéder en son nom à des déclarations de créance, qui équivalent à une demande en justice, doit être spécial ; qu'en retenant, pour décider que la société Batimur avait qualité pour déclarer la créance de la société Fideimur que, pour l'opération de crédit-bail immobilier, les deux personnes morales avaient conclu une convention d'indivision par laquelle la première avait été habilitée par la seconde à représenter l'indivision dans les actes d'administration et de gestion tant pour son compte qu'en vertu du mandat qui lui était conféré par sa coïndivisaire, se fondant ainsi sur un mandat général d'administration et de gestion quand un pouvoir spécial de représentation en justice ou de déclarer des créances s'avérait nécessaire, la cour d'appel a violé les articles 416 et 853 du nouveau Code de procédure civile, 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985 ainsi que 175 du décret du 31 décembre 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 815 et suivants du Code civil que tout indivisaire peut déclarer une créance de l'indivision à la procédure collective du débiteur de l'indivision ;

Attendu qu'ayant constaté que les crédit-bailleresses étaient liées par une convention d'indivision, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les cautions font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°) que commet une faute de nature à engager sa responsabilité envers la caution l'établissement financier qui consent à l'emprunteur un crédit dont la charge est excessive par rapport tant à ses capacités de remboursement qu'aux facultés contributives de son garant ; qu'en se contentant d'affirmer que le projet aurait été fiable parce que le chiffre d'affaires de la première année d'exploitation avait été conforme aux prévisions et qu'une activité de ce type ne pouvait générer de profits avant plusieurs années, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, que, même si les chiffres prévisionnels s'étaient révélés exacts, il apparaissait dès l'origine que la charge de la dette avoisinant 20 000 000 francs était disproportionnée tant avec les capacités de remboursement de la débitrice en raison des pertes inévitables prévues les premières années qu'avec le patrimoine et les ressources des cautions qui, ayant investi tout ce qu'elles possédaient dans l'opération et se trouvant démunies, n'avaient plus aucun moyen, sur leurs deniers personnels, de financer la moindre perte ni de garantir la moindre défaillance de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1382 du Code civil ;

2°) que le prêteur de deniers est tenu, envers les cautions, d'un devoir de conseil sur la rentabilité de l'opération projetée et les risques encourus ; qu'en décidant que les cautions ne pouvaient invoquer leur manque d'expérience, dispensant ainsi les crédit-bailleresses de toute obligation de conseil, au prétexte qu'ils n'auraient pas été étrangers au monde des affaires puisque l'un avait dirigé une société tandis qu'un autre avait exploité un débit de boissons et qu'ensemble ils avaient apporté 2 000 000 francs dans l'affaire, sans s'assurer que les intéressés étaient familiarisés avec le milieu de l'hôtellerie et de la restauration de grande envergure, la cour d'appel n'a pas conféré à sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu, d'une part, que les cautions s'étant bornées à se prétendre insolvables sans alléguer que la charge de la dette était manifestement disproportionnée avec leur patrimoine et leurs ressources à l'époque des cautionnements, le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le montant des investissements était important mais en rapport avec la création d'un hôtel de quarante deux chambres, que les documents produits démontrent que le projet était fiable et que le chiffre d'affaires réalisé lors la première année d'exploitation avait été conforme aux prévisions, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante évoquée à la deuxième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.