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Décisions

Cass. com., 8 septembre 2015, n° 14-14.192

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Arbellot

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocat :

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Aix-en-Provence, du 12 déc. 2013

12 décembre 2013

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2013), que, par un jugement du 29 août 2011, la SARL Concept Ingénierie (la société CI) et M. X... ont été solidairement condamnés à payer diverses sommes à M. et Mme Y... pour la mauvaise exécution d'un contrat du 25 juin 2004 portant sur des travaux immobiliers ; que la société CI et M. X... en ont relevé appel le 14 octobre 2011 ; que, le 26 octobre suivant, la société CI a été mise en liquidation judiciaire, M. A... (le liquidateur) étant désigné liquidateur ; que ce dernier, assigné le 9 avril 2013 en intervention forcée par M. et Mme Y... en cause d'appel, a fait savoir qu'il ne se constituerait pas pour le compte de la société CI, faute de trésorerie ;

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes dirigées contre la société CI et M. X... alors, selon le moyen :

1°) que dans les procédures contentieuses devant la cour d'appel, les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de constituer avocat ; que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire interrompt toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que dans ce cas, l'instance est reprise après mise en cause du liquidateur judiciaire qui a seul qualité pour exercer les droits et actions du débiteur dessaisi ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... avaient fait valoir que la société CI ne pouvait valablement conclure en suite de la liquidation judiciaire prononcée à son encontre ; que la cour d'appel a constaté que cette société (RCS 485 053 193) avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011 et que M. A..., liquidateur assigné en intervention forcée le 9 avril 2013 par M. et Mme Y..., n'avait pas constitué avocat, l'arrêt le qualifiant, pour cette raison, de « défaillant » ; que cependant, pour infirmer le jugement de première instance et débouter M. et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société CI, la cour d'appel a statué au visa de conclusions établies dans l'intérêt « de M. X... et de la SARL Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012 » ; qu'en procédant ainsi, quand il résultait de ses constatations que la société CI, dessaisie de ses droits et actions, n'était pas régulièrement représentée à hauteur d'appel faute pour M. A..., ès qualités, d'avoir constitué avocat et déposé des conclusions en qualité de liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 899 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 641-3, L. 641-9 I du code de commerce et L. 622-22 du code de commerce ;

2°) que l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ; que si l'appelant n'a pas conclu, la cour d'appel, qui n'est saisie d'aucun moyen, ne peut que rejeter le recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société CI avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011, et que M. A..., liquidateur assigné en intervention forcée le 9 avril 2013 par M. et Mme Y... n'avait pas constitué avocat ; qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société CI à les indemniser de leurs différents préjudices, au visa des conclusions « de M. X... et de la SARL Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012 » quand, en l'absence de conclusions régulièrement déposées par le mandataire liquidateur, elle n'était saisie d'aucun moyen par la société CI dessaisie de ses droits et actions, et devait de ce fait rejeter le recours formé par cette société, la cour d'appel a violé l'article 562 et 954 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce ;

3°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... faisaient valoir que la responsabilité de M. X... serait engagée, en tout état de cause, sur le fondement délictuel, à raison des nombreuses fautes commises par celui-ci dans l'accomplissement de sa mission, en lien de causalité directe avec leur préjudice ; qu'ils ajoutaient que M. X... avait sciemment entretenu la confusion dans l'esprit de M. et Mme Y... entre les différentes sociétés dont il était le gérant, ces derniers n'ayant jamais été en mesure de se rendre compte qu'ils avaient prétendument contracté avec une société de droit anglais, la société Corse Engineering Ltd, dont le nom ne figurait sur aucun document contractuel, et encore moins sur l'attestation d'assurance qui leur avait été remise, laquelle couvrait la responsabilité d'une « SARL Concept Ingenierie » ; qu'en infirmant le jugement entrepris, en indiquant qu'il y avait lieu de débouter M. et Mme Y... « de leurs demandes à l'encontre de la SARL Concept Ingenierie et de M. X... à titre personnel sur le fondement de l'article 1843 du code civil comme ayant agi pour le compte de la SARL Concept Ingenierie », la cour d'appel qui, ce faisant, a omis de répondre au moyen soulevé par M. et Mme Y... tiré de ce que M. X... avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 641-9 I du code de commerce que lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation ; qu'ayant relevé que la société CI avait relevé appel, le 14 octobre 2011, du jugement la condamnant solidairement avec M. X..., avant d'être mise en liquidation judiciaire le 26 octobre suivant, tandis que son liquidateur, assigné en intervention forcée par M. et Mme Y... en cause d'appel, avait fait savoir qu'il ne se constituerait pas pour le compte de la société CI, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées par la troisième branche, a décidé à bon droit de statuer sur l'appel formé, au titre de son droit propre, par la société CI, peu important l'absence de constitution de son liquidateur pourtant appelé en la cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.