Cass. 1re civ., 7 mai 2002, n° 99-21.088
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aubert
Rapporteur :
Mme Cassuto-Teytaud
Avocat général :
M. Roehrich
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Boré, Xavier et Boré
Attendu que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Lorraine-Nord (la banque) a consenti à la société Avenir auto, concessionnaire de la société France motors, d'une part, un cautionnement d'un montant de 1 200 000 francs destinée à garantir les sommes susceptibles d'être dues à la société France motors, ce cautionnement étant contre-garanti par des sous-cautionnements, d'autre part, un prêt de 700 000 francs remboursable sur 10 ans garanti par un cautionnement solidaire et hypothécaire ; qu'à la suite de premières difficultés de paiement, survenues en 1993, la banque a demandé, à plusieurs reprises, à son avocat, M. Jean-Luc X..., de prendre les mesures conservatoires et d'exécution nécessaires à la sauvegarde de ses intérêts ; que ces demandes sont restées sans effet ; que la société Avenir Auto ayant été mise en règlement judiciaire puis en liquidation judiciaire, la banque a demandé à son conseil de déclarer sa créance au passif de la société, ce qui n'a pas été fait et qu'elle a été obligée d'honorer son engagement de caution envers la société France motors, qui avait déclaré sa créance ; que la banque a, alors, fait assigner son avocat et l'assureur de celui-ci pour obtenir la réparation de son préjudice ; que l'arrêt attaqué a condamné l'avocat et son assureur à lui payer la somme de 713 652,11 francs avec intérêts au taux légal à compter du jugement concernant le prêt de 700 000 francs et l'a déboutée du surplus de sa demande concernant le cautionnement de 1 200 000 francs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Caisse d'épargne de Lorraine-Nord reproche à l'arrêt d'avoir décidé que sa créance de dommages-intérêts à l'encontre de son avocat n'incluait pas les intérêts au taux légal courus sur le prêt de 700 000 francs, faute de mise en demeure préalable, alors que l'avocat de la banque qui, par courrier du 16 août 1993 suivi de plusieurs rappels, avait reçu mission de prendre toutes mesures à l'égard des cautions et qui avait failli à cette mission, ne pouvait se prévaloir du fait qu'il n'avait pas mis les cautions en demeure de payer les sommes dues à sa cliente pour s'exonérer de sa responsabilité envers celle-ci ; qu'ainsi la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que la banque ne justifiait d'aucune mise en demeure des cautions, c'est à bon droit que la cour d'appel n'a pas inclus dans les dommages-intérêts des intérêts qui n'avaient pas pu courir ; que le premier moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 1251,3° du Code civil ;
Attendu que pour débouter la banque de sa demande en paiement des sommes qu'elle avait versées à la société France motors en sa qualité de caution du débiteur principal, l'arrêt considère que la créance régulièrement déclarée par France motors a été conservée au profit de la banque après paiement et que, dès lors, celle-ci pouvait exercer ses propres droits contre les sous-cautions ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de déclaration de la créance de la banque, celle-ci était éteinte à l'égard des sous-cautions qui garantissaient non la créance de la société France motors, à l'égard du débiteur principal mais celle de la banque à l'égard de la société France motors, laquelle n'étant titulaire d'aucun droit à l'égard des sous-cautions n'a pu en transmettre le bénéfice par l'effet de la subrogation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a rejeté la demande de la Caisse d'épargne de Lorraine-Nord, en réparation du préjudice résultant du paiement qu'elle a effectué au profit de la société France motors en exécution de son engagement de caution de la société Avenir autos, l'arrêt rendu le 10 septembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.