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Décisions

Cass. com., 1 décembre 2015, n° 14-20.668

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Zanoto

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Bourges, du 15 mai 2014

15 mai 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société GCI Laudier (la société débitrice), dont M. X... était président-directeur général, a été mise en redressement judiciaire le 12 avril 2011 ; que le jugement du 6 décembre suivant convertissant la procédure en liquidation judiciaire a été annulé par un arrêt du 24 mai 2012 ; que, le 26 juin 2012, le tribunal a prononcé à nouveau la liquidation judiciaire de la société, avec effet rétroactif à compter du 6 décembre 2011 ; que cette décision a été confirmée par la cour d'appel, le 8 novembre 2012, sauf en ce qu'elle avait assorti d'un effet rétroactif le prononcé de la liquidation judiciaire ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remboursement de ses frais de déplacement alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 622-17, I, du code de commerce dispose uniquement que « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance » ; qu'en retenant que le remboursement de frais de déplacement est subordonné à la poursuite de l'activité de la société, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, en violation de l'article précité ;

2°/ que la preuve d'un fait juridique est libre, quelle que soit la personne dont elle émane, et que la réalité d'un paiement est un fait juridique ; qu'en rejetant l'ensemble des preuves relatives aux frais de déplacement avancés par le demandeur, notamment un récapitulatif détaillé de ses déplacements pour le compte de l'entreprise, comportant les dates et lieux de ceux-ci, motif pris que « cette demande de remboursement n'est justifiée que par des documents établis par M. X... », la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ que l'article L. 622-17, I, du code de commerce dispose uniquement que « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance » ; qu'en retenant que ce règlement est subordonné au fait que lesdits frais de déplacement aient été exposés dans l'intérêt des créanciers, les juges du fond ont ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, et violé les dispositions de l'article précité ;

4°/ que le juge doit motiver sa décision, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motifs ; que le demandeur faisait valoir dans ses conclusions que les frais de déplacement litigieux « ont été engagés durant la période d'observation, à une date située entre le premier jugement de liquidation annulé et le second » et que « M. X... a malgré tout pris le soin de les déclarer auprès du mandataire judiciaire, lequel ne les a pas contesté, ni n'a procédé à une quelconque vérification ; que le tribunal ne pouvait dès lors reprocher au concluant la carence du mandataire judiciaire, dans la vérification des dépenses qu'il a réalisées pour le compte de l'entreprise pour rejeter sa demande » ; qu'en se contentant d'affirmer que « ces frais, dont paiement peut être réclamé au juge-commissaire de la procédure, sont soumis à la vérification préalable du mandataire judiciaire » et « que cette vérification n'a pas eu lieu », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en retenant que la société débitrice n'avait, pendant la période considérée, plus d'activité, la cour d'appel, qui n'a pas exclu, par principe, que des frais de déplacement puissent relever des dispositions de l'article L. 622-17, I, du code de commerce et qui n'a pas adopté le motif critiqué par la quatrième branche, s'est bornée, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, à estimer que M. X... n'avait, en tant que dirigeant de la société débitrice, exposé aucun frais de déplacement pouvant être mis à la charge de celle-ci ; que le moyen, qui, en sa deuxième branche, critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;

Et sur le premier et le deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 622-17, I du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance ;

Attendu que pour rejeter la demande de remboursement des honoraires de l'avocat chargé d'assister la société débitrice en liquidation judiciaire dans l'exercice de ses droits propres, l'arrêt retient que ces honoraires ne peuvent être considérés comme étant une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture et ne peuvent être supportés par l'actif de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi, en excluant par principe que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres puisse naître pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... tendant au remboursement des honoraires d'avocat, l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom.