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Décisions

Cass. com., 19 septembre 2018, n° 16-21.443

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret,, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Amiens, du 24 mai 2016

24 mai 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 mai 2016), que le 15 novembre 1996, M. Y... a été mis en liquidation judiciaire ; que par une convention du 29 juin 2007, la Caisse de Crédit mutuel de Corbie (la Caisse) a consenti à M. Y..., dans l'attente de la cession d'un immeuble lui appartenant en commun avec son épouse, Mme Z..., un prêt de 150 000 euros, remboursable en une échéance, le 30 juin 2008 ; que cette échéance n'a pas été réglée ; que l'immeuble commun a été vendu le 30 janvier 2009, dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, et une somme de 141 671,95 euros représentant le solde du prix de vente a été remise au notaire chargé de la vente, M. A..., après paiement des créanciers par le liquidateur ; que la clôture de la liquidation judiciaire de M. Y... a été publiée au Bodacc le 9 juillet 2010 ; que par assignations des 23 et 29 décembre 2011, la Caisse a demandé la condamnation de M. Y... à payer les sommes dues au titre du prêt, et la condamnation de M. A... à lui remettre le solde du prix de vente en exécution d'un ordre de paiement signé en sa faveur par M. Y... et Mme Z... le 3 mars 2007 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de déclarer la Caisse recevable et fondée en son action et de le condamner à lui payer la somme de 160 177,50 euros avec intérêts conventionnels pour solde de son prêt alors, selon le moyen :

1°/ que sous l'empire des dispositions antérieures à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, le principe de suspension des poursuites individuelles ne s'appliquait pas au créancier hors procédure ; que le délai de prescription biennale prévu par l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, n'était pas suspendu jusqu' à la clôture de la liquidation judiciaire, lorsque le prêt avait été consenti dans des conditions irrégulières, sans l'intervention du liquidateur, postérieurement au jugement d'ouverture, le créancier n'étant pas dans l'impossibilité d'agir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Caisse a consenti un prêt à M. Y... le 29 juin 2007, soit postérieurement à sa mise en liquidation judiciaire le 15 novembre 1996, sans l'intervention du mandataire judiciaire, « les parties ne pouvant ignorer que, ce faisant, elles enfreignaient les dispositions d'ordre public relatives à la liquidation judiciaire» ; qu'en considérant pourtant, pour retenir que le délai de prescription biennale s'était trouvé suspendu jusqu'au 9 juillet 2010, que le prêt était inopposable à la procédure collective de sorte que la Caisse, créancier « hors » procédure collective, ne disposait d'aucun droit à agir en recouvrement de sa créance à l'encontre de M. Y..., avant qu'intervienne la clôture de la liquidation judiciaire et qu'il s'était trouvé dans l'impossibilité d'agir, la cour d'appel a violé l'article L 621-40 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ainsi que les articles 2251 du code civil et L.137-2 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige;

2°/ que les actes juridiques accomplis par le débiteur en liquidation judiciaire dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens ne sont pas frappés de nullité mais d'inopposabilité à la procédure collective du débiteur, ce dont seul le liquidateur judiciaire peut se prévaloir ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, la Caisse ne pouvait se prévaloir de ce que le prêt souscrit postérieurement à la mise en liquidation judiciaire de M. Y... était inopposable à la procédure, pour prétendre qu'elle était dans l'impossibilité d'agir avant la clôture de la procédure collective et que le délai de prescription s'était trouvé suspendu jusqu'au 9 juillet 2010 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble les articles 2251 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige ;

3°/ que le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que le fait que les fonds remis par la banque aient été appréhendés par le liquidateur judiciaire n'était pas de nature à dispenser M. Y... de son obligation de paiement, sans constater que les sommes prêtées avaient effectivement été remises entre les mains de ce dernier, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicable, le créancier, dont la créance était inopposable à la procédure de liquidation judiciaire de son débiteur pour être née d'un acte accompli au mépris de la règle du dessaisissement, ne peut en obtenir le paiement pendant la durée de la procédure ; qu'après avoir constaté que l'acte de prêt avait été irrégulièrement conclu par la Caisse avec M. Y... pendant la durée de sa liquidation judiciaire, sans l'intervention du liquidateur, et que la clôture pour extinction de passif de cette procédure avait été publiée le 9 juillet 2010, l'arrêt retient exactement que la Caisse s'est trouvée dans l'impossibilité d'agir avant cette date, que le délai biennal de prescription prévu par l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, a été suspendu jusqu'à cette date et que l'action en paiement exercée dans les deux ans de la clôture de la procédure collective est recevable ;

Attendu, d'autre part, que la Caisse était recevable à opposer à M. Y... toute cause de suspension du cours de la prescription que ce dernier invoquait ;

Et attendu, enfin, que l'arrêt retient que le prêt a été souscrit par M. Y... en pleine connaissance de son dessaisissement et que le fait que les fonds prêtés par la Caisse ont été appréhendés par le liquidateur, pour régler les créanciers de M. Y..., n'est pas de nature à dispenser celui-ci de son obligation de paiement, ce dont il résulte que le prêt n'était pas dépourvu de cause ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'ordonner la libération au profit de la Caisse des fonds détenus par M. A... pour le compte de M. Y... et de Mme Z... au titre de la vente du 30 janvier 2009 en exécution de leur ordre du 3 mars 2007 alors, selon le moyen :

1°/ que l'exécution de l'ordre irrévocable de verser la somme de 180 000 euros à la Caisse, donné à leur notaire par les anciens époux Y..., en garantie de remboursement du prêt souscrit, suppose que la créance de la banque ne soit pas prescrite et que l'obligation de rembourser le prêt ne soit pas dépourvue de cause ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif visé par le second moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que l'action de la Caisse tendant à l'exécution de l'ordre de lui verser la somme de 180 000 euros, donné à leur notaire par les anciens époux Y..., en garantie de remboursement du prêt souscrit, est soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige ; qu'en considérant qu'elle était assujettie à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code ;

Mais attendu, d'une part, que le rejet du premier moyen rend le grief de la première branche sans portée ;

Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de M. Y... que celui-ci ait soutenu devant la cour d'appel que l'action de la Caisse tendant à l'exécution de l'ordre de lui verser une certaine somme donnée par lui-même et Mme Z... à leur notaire, M. A..., était soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que le moyen, nouveau, et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.