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Décisions

Cass. com., 17 décembre 2003, n° 01-10.692

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Richard de la Tour

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Hémery, SCP Boré, Xavier et Boré

Bastia, du 23 janv. 2001

23 janvier 2001

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, commun à tous les pourvois et rédigé en des termes identiques :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Bastia, 23 janvier 2001), que la société Haytor invesments limited (la société Haytor) a prêté à la société Compagnie des Iles Lavezzi pour l'aménagement de Cavallo (la société CODIL), une somme de quarante-cinq millions de francs ; que ce prêt était garanti par une hypothèque sur des parcelles de terrain ; que la société CODIL a vendu les parcelles hypothéquées à la société Faina et à quatorze autres sociétés (les sociétés) sans que les hypothèques soient purgées ; que, par acte du 14 mai 1993, la société Haytor a cédé sa créance sur la société CODIL à la société Markinter Aktiengesellschaft (société Markinter) ; qu'après délivrance d'un commandement de payer délivré à la société CODIL et demeuré infructueux, la société Markinter a délivré le 24 décembre 1997, à chacune des sociétés, une sommation de payer ou de délaisser le bien ; que, durant le déroulement de l'instance de saisie immobilière, la société CODIL a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par jugements des 30 août 1999 et 7 février 2000 ;

que les sociétés ont déposé un dire faisant valoir le prononcé du redressement et de la liquidation judiciaires ; que, par jugements du 11 mai 2000, le tribunal a rejeté le dire et a décidé que la procédure de saisie immobilière devait se poursuivre ; que les sociétés ont interjeté appel ;

Attendu que les sociétés font grief aux arrêts d'avoir rejeté leurs demandes tendant à voir constater que la société Markinter ne disposait pas d'une créance certaine, liquide et exigible lui permettant de poursuivre la saisie immobilière des parcelles leur appartenant et d'avoir, en conséquence, autorisé la poursuite de cette saisie, alors, selon le moyen :

1°) que le créancier hypothécaire, qui ne dispose pas plus de droits contre le tiers détenteur de l'immeuble grevé de l'hypothèque que contre le débiteur, qui a consenti l'hypothèque, ne peut exercer son droit de suite contre le tiers détenteur de l'immeuble que si sa créance contre le débiteur, qui a consenti l'hypothèque, existe et est certaine et exigible ; que l'hypothèque s'éteint par l'extinction de l'obligation qu'elle garantit ; que la déclaration de créance, qui équivaut à une demande en justice, ne peut être régulièrement faite par le seul envoi, au représentant des créanciers, d'une télécopie émanant de l'avocat du créancier d'un débiteur en redressement ou en liquidation judiciaires, en l'absence, à tout le moins, de production ultérieure de l'original du document télécopié, production qui aurait permis l'authentification de ladite déclaration ; qu'en considérant le contraire, pour débouter les sociétés de leurs demandes tendant à voir constater que la société Markinter ne disposait pas d'une créance certaine, liquide et exigible lui permettant de poursuivre la saisie immobilière des parcelles appartenant aux sociétés et en autorisant, en conséquence, la poursuite de cette saisie, la cour d'appel a violé les articles L. 621-43, L. 621-46 du Code de commerce, ensemble les articles 2166, 2167, 2169 et 2180 du Code civil ;

2°) qu'à titre subsidiaire, la déclaration de créance doit comporter, aux termes de l'article 67 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 relatif au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance ainsi que les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, et doit être accompagnée des documents justificatifs de la créance ; qu'en omettant de répondre au moyen péremptoire, soulevé par les sociétés, dans leurs conclusions d'appel, selon lequel la déclaration de créance, dont se prévalait la société Markinter, ne répondait pas aux exigences posées par l'article 67 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, en conséquence, l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) que le créancier hypothécaire, qui ne dispose pas plus de droits contre le tiers détenteur de l'immeuble grevé de l'hypothèque que contre le débiteur, qui a consenti l'hypothèque, ne peut exercer son droit de suite contre le tiers détenteur de l'immeuble que si sa créance contre le débiteur, qui a consenti l'hypothèque, existe et est certaine et exigible ; que l'hypothèque s'éteint par l'extinction de l'obligation qu'elle garantit ; qu'il en résulte que, lorsque le débiteur principal fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, le créancier hypothécaire ne peut exercer son droit de suite contre le tiers détenteur de l'immeuble qu'à la condition que sa créance ait été admise au passif du redressement ou de la liquidation judiciaires du débiteur, ayant consenti l'hypothèque ; qu'en déboutant les sociétés de leurs demandes tendant à voir constater que la société Markinter ne disposait pas d'une créance certaine, liquide et exigible lui permettant de poursuivre la saisie immobilière des parcelles appartenant aux sociétés et en autorisant, en conséquence, la poursuite de cette saisie, sans rechercher, comme le lui demandaient les sociétés dans leurs conclusions d'appel, si la créance de la société Markinter avait été admise au passif de la liquidation judiciaire de la société CODIL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 2166, 2167, 2169 et 2180 du Code civil, ensemble les articles L. 621-103 et L. 621-104 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que ni les articles 50 et 51 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-43 et L. 621-44 du Code de commerce, ni l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 ne prévoient la forme que doit revêtir la déclaration de créances, ce dont il résulte que la déclaration faite par télécopie n'est pas, en soi, irrégulière ; que la cour d'appel, qui a relevé que le représentant des créanciers avait accusé réception de la déclaration de créances dans le délai de trois jours, ce dont il ressortait qu'elle lui était bien parvenue, a pu décider que la créance avait été régulièrement déclarée ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'article 51 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-44 du Code de commerce, que la méconnaissance de ses dispositions et de celles des articles 67 et 68 du décret du 27 décembre 1985 pris pour son application soit sanctionnée par la nullité de la déclaration de créance lorsque celle-ci n'est pas accompagnée des pièces justificatives ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes ;

Et attendu, enfin, que, d'un côté, selon l'article L. 622-23 du Code de commerce, les créanciers titulaires d'une hypothèque peuvent, sous certaines conditions, exercer leur droit de poursuite individuelle même s'ils ne sont pas encore admis, et que, de l'autre, le tiers détenteur ne peut opposer au créancier qui exerce son droit de suite que l'extinction de la créance résultant du défaut de déclaration au passif du débiteur en procédure collective et non le fait qu'elle n'ait pas encore été admise par le juge-commissaire ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.