Cass. com., 14 juin 2017, n° 15-24.188
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Bertrand, Me Le Prado
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2015), que M. Y..., chirurgien-dentiste, a souscrit auprès de la société Axeria prévoyance, par l'intermédiaire de la société April santé prévoyance, un contrat de prévoyance lui garantissant le versement d'indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire de travail ; que l'une des clauses de ce contrat précisait que les garanties n'étaient plus dues si l'assuré cessait d'appartenir à l'effectif assurable ; que M. Y..., ayant été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 9 décembre 2010, a formé appel et obtenu du premier président de la cour d'appel une ordonnance du 28 janvier 2011 arrêtant l'exécution provisoire du jugement ; que par un arrêt du 23 juin 2011, la cour d'appel a confirmé la liquidation judiciaire ; qu'invoquant une incapacité de travail depuis le 3 juin 2011, M. Y... a assigné la société Axeria en paiement d'indemnités journalières ;
Attendu que les sociétés April santé prévoyance et Axeria prévoyance font grief à l'arrêt de la condamnation de cette dernière à prendre en charge les conséquences financières de l'arrêt de travail de M. Y... du 3 juin 2011 au 11 juillet 2012 alors, selon le moyen :
1°/ que le jugement de liquidation judiciaire, exécutoire de plein droit, met fin à l'activité du débiteur qui, lorsqu'il est une personne physique, ne peut plus exercer son activité au cours de la liquidation judiciaire, et que la suspension de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement de liquidation judiciaire ne met pas fin au dessaisissement du débiteur ; qu'en l'espèce, M. Y... demandant le paiement "d'indemnités journalières contractuellement dues [...] à compter du 3 juin 2011 et durant toute la période de son incapacité de travail conformément aux dispositions contractuelles", devait à la fois justifier de la réalité de cette incapacité temporaire de travail et du fait qu'il était en exercice au moment où il en avait fait l'objet ; que pour faire droit à sa demande, la cour d'appel, qui a constaté que M. Y..., qui avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 9 décembre 2010 confirmé par arrêt en date du 23 juin 2011, se prévalait d'un "premier arrêt de travail" en date du 3 juin 2011, a déclaré qu'en raison de l'appel interjeté à l'encontre du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire et de l'ordonnance du 28 janvier 2011 ayant suspendu l'exécution provisoire attachée à ce jugement, M. Y... n'était pas en situation de liquidation judiciaire et avait donc, au 3 juin 2011, le droit d'exercer sa profession, de sorte qu'il faisait partie de l'effectif assurable tel que déterminé par la convention d'assurance, s'il poursuivait son activité comme il justifiait l'avoir fait en mai et jusqu'au 1er juin 2011 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 640-1, L. 640-2, L. 640-9-III et R. 661-1, alinéa 1, du code de commerce ;
2°/ qu'il incombait à M. Y..., demandeur au paiement d'indemnités journalières prévues en cas d'incapacité temporaire de travail par la convention d'assurance de groupe à adhésion facultative à laquelle il avait souscrite, d'établir qu'il remplissait les conditions de versement des indemnités journalières contractuellement prévues, et donc notamment de démontrer à la fois la réalité de cette incapacité temporaire de travail et le fait qu'il était en exercice au moment où il en avait fait l'objet ; qu'en l'espèce, pour affirmer que M. Y... justifiait avoir exercé son activité professionnelle jusqu'à la date du 3 juin 2011, la cour d'appel a relevé qu'il versait au débat un décompte du mois de juin 2011 de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône faisant état d'actes réalisés en son cabinet en mai et jusqu'au 1er juin 2011 ; qu'en affirmant ainsi, au seul regard d'un relevé du mois de mai 2011, que M. Y..., qui avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 9 décembre 2010, justifiait avoir exercé son activité professionnelle jusqu'au 3 juin 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;
3°/ que le jugement de liquidation judiciaire met fin à l'activité du débiteur qui, lorsqu'il est une personne physique, ne peut plus exercer son activité au cours de la liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le jugement de liquidation judiciaire de M. Y... en date du 9 décembre 2010 avait été confirmé par arrêt en date du 23 juin 2011, et a constaté que l'incapacité temporaire de travail de M. Y... avait été retenue par le docteur D... du 15 juillet 2011 au 15 juillet 2012 dans le cadre de l'expertise réalisée conformément à la convention d'assurance ; que dès lors, à supposer même que la cour d'appel ait pu considérer que, du fait de la suspension du jugement de liquidation judiciaire, M. Y... avait le droit d'exercer sa profession, et à supposer même que la cour d'appel ait pu retenir que M. Y... justifiait d'un arrêt de travail à compter du 3 juin 2011, au vu d'arrêts de travail du 3 juin au 4 juillet 2011 et du 1er juillet au 15 juillet 2011, en condamnant la société Axeria prévoyance à prendre en charge les conséquences financières de l'incapacité temporaire de travail de M. Y... du 15 juillet 2011 au 15 juillet 2012, et éventuellement, suivant expertise, au titre de la période postérieure au 15 juillet 2012, cependant que cette période d'incapacité temporaire de travail était postérieure à l'arrêt du 23 juin 2011 ayant confirmé le jugement de liquidation judiciaire de M. Y..., qui privait nécessairement ce dernier du droit d'exercer sa profession et l'excluait de l'effectif assurable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a derechef violé les articles L. 640-1, L. 640-2, L. 640-9-III et R. 661-1, alinéa 1, du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que c'est à bon droit que l'arrêt retient que l'ordonnance de référé ayant arrêté l'exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire a suspendu l'interdiction pour M. Y... d'exercer son activité professionnelle indépendante jusqu'à l'arrêt du 23 juin 2011 confirmant le jugement de liquidation ;
Attendu, d'autre part, que c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits que la cour d'appel a estimé que M. Y... justifiait, par un décompte établi par la caisse primaire d'assurance maladie, avoir exercé son activité professionnelle jusqu'à la date de son arrêt de travail ;
Attendu, enfin, que l'arrêt de travail, fait générateur des prestations dues en application du contrat de prévoyance, étant antérieur à la cessation d'activité provoquée par la liquidation judiciaire, cette dernière était sans effet sur le versement de ces prestations ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa dernière branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.