Cass. com., 27 septembre 2017, n° 16-16.414
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Leduc et Vigand, SCP Marc Lévis
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 2 mars 2010, la société Gonfreville, aux droits de laquelle vient la société CL investissements, a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 3 mai 2011 et Mme Y... nommée liquidateur ; que la société Sogelease France (la société Sogelease) a déclaré sa créance au titre d'un crédit-bail portant sur la mise à disposition d'un tunnel de lavage, puis procédé à une déclaration rectificative réduisant sa créance à la somme de 365 703,56 euros ; qu'à la suite de la contestation de cette créance, le juge-commissaire l'a partiellement admise ; que le matériel objet du crédit-bail, qui avait subi des dégradations, a été cédé par la société Sogelease au prix de 1,20 euro ; qu'en appel, la société débitrice a demandé la reconnaissance de sa créance indemnitaire envers la société Sogelease à concurrence de la somme de 100 000 euros, au titre d'une perte de chance de revendre le matériel à un meilleur prix en raison des manquements du crédit-bailleur, et la compensation de cette somme avec la créance déclarée ;
Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :
Attendu que la société Sogelease soutient que le moyen par lequel la société débitrice et son liquidateur font valoir qu'en l'état d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, la cour d'appel devait surseoir à statuer sur l'admission de la créance déclarée après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, est irrecevable comme n'ayant pas été soumis aux juges du fond ;
Mais attendu que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel statuant dans la procédure de vérification des créances constitue une fin de non-recevoir qui doit être relevé d'office par les juges du fond ; que le moyen, qui est de pur droit, est donc recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 ;
Attendu que, lorsque le juge de la vérification des créances constate que la contestation présente un caractère sérieux et se trouve susceptible d'avoir une influence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée, la contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel ; qu'il est alors tenu de relever d'office cette fin de non-recevoir et de surseoir à statuer sur l'admission de la créance, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ;
Attendu que, pour admettre la créance de la société Sogelease et déclarer irrecevable la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par la société débitrice, l'arrêt, après avoir énoncé que la procédure de vérification des créances n'a pour objet que de déterminer l'existence, le montant, ou la nature de la créance déclarée, retient qu'il n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire et, partant, de la cour d'appel statuant en matière d'admission des créances, de se prononcer sur la responsabilité encourue par la société Sogelease à l'occasion de l'exécution du contrat de crédit-bail ;
Qu'en statuant ainsi, sans se prononcer au préalable sur le caractère sérieux de la contestation du débiteur et son incidence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée, alors que, si tel était le cas, elle devait surseoir à statuer sur l'admission après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ou, à l'inverse, si la contestation n'était pas sérieuse ou sans influence sur l'admission, elle devait l'écarter et admettre la créance déclarée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.