Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-15.978
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 janvier 2017), que la société Holding AA-OC a déclaré le 23 décembre 2013 une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SN Trans hélicoptère services, ouverte le 9 octobre 2013, la société Alliance MJ étant désignée liquidateur ; que la créance ayant été contestée, le juge-commissaire, par une ordonnance du 29 septembre 2014, s'est déclaré incompétent pour trancher la contestation, a sursis à statuer et invité les parties à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ; que la société Holding AA-OC a assigné le liquidateur le 30 octobre 2014 devant le tribunal de commerce de Lyon en reconnaissance de sa créance ;
Attendu que la société Holding AA-OC fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable alors, selon le moyen :
1°) que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur ; que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont, sauf exception expresse, exercés par le liquidateur, qui le représente ; que l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, applicable en la cause, ne prévoyait aucune exception à ce principe de dessaisissement ; qu'il en résultait que le créancier ne devait assigner, dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, que le liquidateur et non le débiteur lui-même ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 et R. 624-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 applicable en la cause ;
2°) qu'à supposer même que le débiteur dispose d'un droit propre à saisir le juge du contrat d'une action au fond consécutive à une décision d'incompétence du juge-commissaire, ce droit propre n'implique pas l'irrecevabilité de la même action au fond dirigée par le créancier contre le seul liquidateur judiciaire ; qu'en déduisant de la circonstance que l'article R. 624-5 du code de commerce permettrait au débiteur d'agir lui-même au fond, l'irrecevabilité de l'action introduite par la société Holding AA-OC contre le seul liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 et R. 624-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 applicable en la cause ;
3°) qu'aucune disposition légale, ni aucune jurisprudence, ne prévoyait l'obligation pour le créancier d'assigner à la fois le liquidateur et le débiteur à la procédure au fond devant le juge du contrat consécutive à une décision d'incompétence du juge-commissaire ; qu'à supposer que la Cour de cassation entende faire évoluer le droit sur ce point, l'application de ce principe aux faits de l'espèce aurait pour effet de priver rétrospectivement la société Holding AA-OC de son droit effectif d'accès à un juge et de son droit au respect de ses biens ; qu'ainsi, en appliquant au cas présent une nouvelle exception au principe du dessaisissement, la cour d'appel a violé les articles 1er du premier Protocole additionnel et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de la société Holding AA-OC qui, saisissant le tribunal compétent dans le délai imparti, n'a cependant pas assigné le débiteur, partie nécessaire à l'instance devant le juge du fond en tant que titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif, non atteint par le dessaisissement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.