Cass. 3e civ., 31 mars 1978, n° 75-13.989
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Costa
Rapporteur :
M. Giffard
Avocat général :
M. Laguerre
Avocat :
M. Nicolay
Sur le premier moyen : attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaque (Bastia, 29 avril 1975) que, par acte du 16 janvier 1967, dame veuve Z... Et sa sœur, dame Y..., ont donné en location à Bertocci, qualifie à l'acte d' "artisan", une "parcelle de terre d'une contenance d'un hectare, en nature de maquis et de chêne-liège" ;
Que le bail autorisait le locataire a "édifier sur ledit terrain toutes constructions utiles et nécessaires pour l'exploitation de son "commerce", et lui interdisait, en revanche, "toute cession ou sous-location a un tiers", sauf autorisation préalable des bailleresses ;
Que, par lettre du 9 juin 1972, dame veuve Z..., devenue seule propriétaire de la parcelle louée, a fait savoir a Bertocci qu'elle se refuserait à renouveler le bail ou a en consentir un nouveau ;
Qu'a cette époque, Bertocci avait déjà quitte les lieux, après s'être fait radier du registre des métiers avec effet du 31 décembre 1970, mais qu'il avait installé dans lesdits lieux, sans autorisation, sa fille, dame X..., qui y avait ouvert un fonds de commerce pour lequel elle s'était fait immatriculer au registre du commerce à compter du 1er janvier 1972 ;
Que, dame X... Ayant alors invoque les dispositions du décret du 30 septembre 1953, dame veuve Z... L'a assignée, ainsi que Bertocci, devant le tribunal de grande instance, soutenant que ni la fille, ni le père ne pouvait prétendre au bénéfice desdites dispositions et concluant, subsidiairement, a la résiliation du bail pour sous-location ou cession non autorisée ;
Attendu que dame Z... Fait grief à l'arrêt attaque d'avoir décidé que le contrat du 16 janvier 1967 était un bail commercial soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, alors, selon le moyen, que, d'une part, les baux des terrains nus ne sont soumis auxdites dispositions que si des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal y ont été édifiées, qu'en l'espèce, le bail ne portait que sur une parcelle de terre en nature de maquis et chêne-liège, sans qu'il ait été constaté ou allégé que des constructions y aient jamais été élevées et que, d'autre part, l'article 1er du décret susvisé exige qu'un fonds soit exploite dans les lieux et que le propriétaire de ce fonds soit inscrit au registre du commerce ou au registre des métiers et qu'en l'espèce, le preneur s'était fait radier du registre des métiers à dater du 31 décembre 1970, pour cessation d'activité et fermeture de son fonds, sans que, depuis lors, aucune sous-location ou aucune cession du bail ait été notifiée a la bailleresse ;
Mais attendu, d'abord, que, devant les juges du fond, dame veuve Z... Ne s'est pas prévalue des dispositions particulières du décret du 30 septembre 1953 régissant la location des terrains nus et n'a pas soutenu qu'il n'aurait pas été fait application, en l'espèce, de la disposition du bail autorisant le preneur à édifier sur le terrain loue toutes constructions utiles et nécessaires pour l'exploitation de son commerce ;
Qu'il s'ensuit qu'en sa première branche, le moyen est nouveau, mélange de fait et de droit, et, partant, irrecevable ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt attaque constate qu'au 16 janvier 1967, date de la conclusion du bail, Bertocci était régulièrement inscrit au registre des métiers en qualité de cimentier, que l'acte a été rédigé selon les usages des baux commerciaux, que l'une de ses clauses prévoit que le preneur pourra édifier sur le terrain toutes constructions utiles et nécessaires pour l'exploitation de son commerce et qu'il ajoute, à bon droit, que l'interruption de l'activité du preneur ne peut avoir fait perdre au bail son caractère initial ;
Que, par ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision qualifiant le contrat du 16 janvier 1967 de bail commercial soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ;
Qu'ainsi, en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen : vu les articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article 9 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu que la mise en demeure prévue au dernier de ces textes ne concerne que le refus de renouvellement du bail sans indemnité et qu'elle est sans application dans le cas d'une demande en résiliation judiciaire ;
Attendu que pour débouter dame Z... De toutes ses demandes et dire le bail "proroge pour une nouvelle période légale à compter du 15 janvier 1973, à charge pour la dame X... De respecter à son tour les prescriptions légales", l'arrêt attaque retient que si le contrat interdit toute cession ou sous-location a un tiers, sauf autorisation préalable, il y a lieu de remarquer que, d'une part, "il s'agit de la propre fille du preneur" et que, d'autre part, en vertu de l'article 9 du décret précité, le bailleur ne peut se prévaloir de l'inexécution par le preneur d'une obligation a la charge de celui-ci que si cette infraction s'est poursuivie plus d'un mois après une mise en demeure ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une demande en résiliation judiciaire du bail et que celui-ci, en interdisant toute cession ou sous-location non autorisée, ne réservait pas le cas où la cession ou sous-location interviendrait au profit d'un enfant du preneur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième, quatrième, cinquièmes et sixièmes moyens : casse et annule, sauf en ce qu'il a dit que le contrat du 16 janvier 1967 est un bail commercial soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, l'arrêt rendu entre les parties le 29 avril 1975 par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, en conséquence, quant a ce, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.