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Décisions

CE, 8e sous-sect., 15 février 2012, n° 338059

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachelier

Rapporteur :

Mme Nicolazo de Barmon

Rapporteur public :

Mme Escaut

Avocats :

SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON , SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, MEIER-BOURDEAU

CE n° 338059

15 février 2012

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 29 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par action simplifiée (SAS) TDLC, dont le siège est 14 T rue du Ratrait à Suresnes (92150) ; la SAS TDLC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0814705 du 28 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris, statuant sur la question préjudicielle soulevée par l'ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 20 février 2007, a déclaré que la convention conclue entre elle et la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) le 7 novembre 1996 portait sur une autorisation d'occupation du domaine public ferroviaire et a rejeté ses conclusions tendant à ce que la juridiction administrative déclare la soumission de ce contrat au droit privé des baux commerciaux ;

2°) de déclarer que l'emplacement qu'elle occupait au titre de la convention conclue avec la SNCF était rattaché au domaine privé de la SNCF ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF) la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ; Vu loi n° 97-135 du 13 février 1997 ; Vu le décret n° 83-816 du 13 septembre 1983 ; Vu le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 ; Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique : le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE TDLC et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de Réseau Ferré de France, les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE TDLC et à la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de Réseau Ferré de France ;

Considérant que, par ordonnance du 20 février 2007, le tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer dans l'instance pendante entre la SAS TDLC et l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF) jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur le point de savoir si l'emplacement occupé par cette société dans la gare de Paris-Batignolles en vertu d'une convention du 7 novembre 1996 conclue avec la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) appartenait au domaine public ferroviaire avant la décision de déclassement du 24 février 2005 ; que la SAS TDLC fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, statuant sur cette question préjudicielle, a déclaré que la convention portait sur une autorisation d'occupation d'une dépendance du domaine public ;

Considérant qu'indépendamment de la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d'occuper un bien dont elle est propriétaire, l'appartenance au domaine public d'un tel bien était, avant la date d'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SAS TDLC, qui exerce une activité de transport routier de marchandises et de location de véhicules, a occupé à partir de 1981 dans la gare de Paris-Batignolles un emplacement de 375 mètres carrés constitué d'un quai couvert pour le trafic ferroviaire de marchandises d'une surface de 300 mètres carrés et d'un entrepôt attenant de 75 mètres carrés muni d'un auvent ; que, le 7 novembre 1996, elle a signé une nouvelle convention pour l'occupation de cet emplacement avec la SNCF alors gestionnaire de ce domaine, laquelle a été résiliée par RFF le 30 septembre 2004 ; qu'antérieurement à la date de signature de la convention d'occupation entre la SAS TDLC et la SNCF en 1996, l'emplacement en litige, propriété de l'Etat dont la gestion était confiée à la SNCF par la loi, a été utilisé pour les besoins du service public du chemin de fer et a fait l'objet, à cet effet, d'aménagements spéciaux ; que, dans ces conditions, d'une part, il s'est trouvé incorporé au domaine public et, d'autre part, le moyen tiré de ce que l'emplacement en cause serait dissociable de l'ensemble de la gare est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que cet emplacement n'était plus affecté au service public à la date de la création de l'établissement public de la SNCF en 1982 n'a pu avoir pour effet, en l'absence de toute mesure de déclassement intervenue avant la résiliation du contrat, de faire sortir ce bien du domaine public ; qu'aucune disposition de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ni du décret du 13 septembre 1983 relatif au domaine confié à la SNCF n'ont eu pour objet ou pour effet de modifier les affectations domaniales antérieures ou d'opérer des déclassements ; qu'il résulte notamment de l'article 20, alinéa 6 de cette loi et de l'ensemble des dispositions du décret qu'en l'absence d'une mesure de déclassement prononcée par le ministre compétent, les biens immobiliers dépendant du domaine public ferroviaire et gérés par la SNCF ne peuvent être incorporés dans son domaine privé ; que l'emplacement en litige fait partie des immeubles apportés en pleine propriété à RFF en vertu des articles 1, 5 et 16 de la loi du 13 février 1997 et du paragraphe D intitulé Autres actifs de l'annexe au décret du 5 mai 1997 ainsi que d'une décision rendue par trois arbitres le 28 juillet 2006 ; que son appartenance au domaine public ferroviaire n'a pas été modifiée par l'intervention de cette loi dont le premier alinéa de l'article 11, dans sa version applicable à la date des faits, dispose que les biens immobiliers appartenant à Réseau Ferré de France, affectés au transport ferroviaire et spécialement aménagés à cet effet, ont le caractère de domaine public ;

Considérant, en troisième lieu, que si la SAS TDLC a exercé sur l'emplacement qui avait fait l'objet du contrat son activité commerciale et y a construit des équipements destinés à cette activité et si, temporairement, l'emplacement n'a plus été affecté à un service public, cette circonstance n'a pu avoir pour effet, à elle seule, de modifier l'appartenance du terrain au domaine public ferroviaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la convention en litige a le caractère d'une convention d'occupation du domaine public ; que les contrats portant occupation du domaine public sont des contrats administratifs ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer à cet égard les circonstances, à les supposer même avérées, que la convention ne serait pas précaire, qu'elle ne comporterait pas de clauses exorbitantes du droit commun et que la redevance qu'elle prévoit serait caractéristique des baux commerciaux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS TDLC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déclaré que la convention du 7 novembre 1996 portait sur une occupation du domaine public ferroviaire ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de RFF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS TDLC la somme de 3 000 euros à verser à RFF au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS TDLC est rejetée.
Article 2 : La SAS TDLC versera à l'établissement public Réseau Ferré de France une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS TDLC et à l'établissement public Réseau Ferré de France.