Cass. 3e civ., 30 octobre 1984, n° 83-11.178
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monégier du Sorbier
Rapporteur :
M. Garbit
Avocat général :
M. Marcelli
Avocat :
SCP Lyon-Caen Fabiani Liard
Sur les trois moyens réunis : attendu, selon l'arrêt attaque (Reims, 23 novembre 1982), statuant sur renvoi après cassation, que par acte du 25 novembre 1947, m. L. X..., aux droits duquel se trouve Mme veuve x..., a donné à bail à la S.A.R.L. transports r.g. un terrain sur lequel la société locataire était autorisée a élever toutes constructions, étant précisé a l'acte que celle-ci avait déjà fait édifier sur ce terrain un atelier a usage de réparation pour véhicules automobiles ;
Que la société transports r.g. ayant construit en 1970 aux lieu et place de l'atelier divers boxes à usage de garage pour automobiles, loues au mois, et un logement de gardien, Mme veuve x... A refuse le renouvellement du bail et soutenu que la société locataire ne pouvait bénéficier des dispositions du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu que Mme veuve x... Fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société transports r.g. avait droit à une indemnité d'éviction, alors, selon le moyen, que "premièrement, aux termes de l'article 1-2° du décret du 30 septembre 1953, les dispositions de ce décret ne s'appliquent qu'aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial et à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire ;
Que la cour d'appel qui, tout en retenant qu'aucune destination - et partant aucune destination commerciale - n'était prévue par le bail, a décidé que la société transports r.g. avait droit à une indemnité d'éviction, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en déduisaient nécessairement et a ainsi prive de base légale sa décision au regard de l'article 1.2° du décret susvisé ;
Que, deuxièmement, selon les dispositions des articles 4 et 9 du décret du 30 septembre 1953, le changement d'activité en cours du bail effectue sans accord du bailleur prive le preneur de son droit à renouvellement ;
Qu'en ne recherchant pas, ainsi que l'y invitait Mme veuve x... Dans ses conclusions délaissées, si a tout le moins la destination commerciale sans laquelle le bail ne pouvait être soumis au statut des baux commerciaux n'était pas celle conforme à l'objet social, à savoir : le transport de personnes et de marchandises et, par suite, s'il n'y avait pas eu changement de destination des lieux, l'activité unique de la société étant celle de loueur de boxes pour voitures, la cour d'appel a 1°) viole l'article 455 du nouveau code de procédure civile, 2°) prive sa décision de base légale au regard des articles 4, 8 et 9 du décret du 30 septembre 1953 ;
Que, troisièmement, parmi les différents paragraphes définissant les obligations du preneur, les baux des 27 novembre 1947, 24 septembre 1941 et les actes de renouvellement des 27 novembre 1956 et 16 décembre 1965 était inséré le paragraphe suivant : "la société transports r.g. reste autorisée à élever sur ledit terrain toutes constructions dans les règles de l'art et en se conformant à tous les règlements de police et de voirie. La société preneuse déclare avoir fait élever sur le terrain un atelier de réparations pour automobiles et poids lourds et que son travail n'occasionne aucune gêne ni trouble de jouissance pour les autres locataires ou voisins", qu'en décidant que ces actes autorisaient toutes constructions sans aucune restriction que la gêne occasionnée aux voisins, la déclaration du preneur ne constituant pas une clause du contrat, la cour d'appel a dénaturé les baux et actes de renouvellement susvisés et ainsi viole l'article 1134 du code civil ;
Que, quatrièmement, en déniant toute valeur a la y... Claire et précisé insérée dans une convention signée par les deux parties selon laquelle la convention a été consentie pour y exercer le commerce suivant : atelier de réparations pour automobiles et poids lourds sous prétexte que cette convention avait pour objet la révision du loyer, la cour d'appel a, de plus fort, viole l'article 1134 du code civil ;
Que, cinquièmement, la location à des particuliers, moyennant un loyer mensuel, de boxes pour voitures avec pour seul service : la présence d'une gardienne qui nettoie les cours et allées, effectuée par une société locataire en dehors du cadre de son objet social et sans rapport avec l'activité pour laquelle elle est inscrite au registre du commerce, transports de personnes et de marchandises, constitue une activité purement civile, peu important qu'elle paie les impôts afférents a une activité commerciale, qu'en reconnaissant a une telle activité un caractère commercial, la cour d'appel a violé les articles 631, 632 et 633 du code de commerce ;
Que, sixièmement, la seule existence d'une clientèle constituée par des particuliers qui louent des boxes pour voitures et d'un nom commercial "transports r.g." insusceptible d'attirer et de conserver de tels clients et qui, de plus, ne figure pas sur les lieux loues, ne peut constituer un fonds de commerce, qu'en décidant qu'il existait un fonds de commerce de loueur de boxes pour voitures, la cour d'appel a violé l'article 1° de la loi du 17 mars 1909 ;
Que, septièmement, pour qu'un fonds soit commercial, il est nécessaire que l'objet du fonds soit de faire des actes de commerce ;
Que la location d'immeubles est un acte purement civil de sorte qu'en décidant que la société transports r.g. exploitait "un fonds de commerce de loueur de boxes pour voitures" et avait par suite droit à une indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé, d'une part, de plus fort, l'article 1° de la loi du 17 mars 1909 et, d'autre part, prive de base légale sa décision au regard des articles 1, 4 et 9 du décret du 30 septembre 1953, et alors, en outre, que il résulte tant du rapport de l'expert et des propres conclusions d'instance de la société transports r.g. que d'une lettre produite aux débats en date du 12 mars 1973 de la direction départementale de l'équipement que la demande de permis de construire a été rejetée par décision du maire de Clichy en date du 2 décembre 1969, qu'en déclarant non établi ce rejet, la cour d'appel a dénaturé les documents susvisés et viole l'article 1134 du code civil, et alors, enfin, que selon l'article 1.2° du décret du 30 septembre 1953, pour que le bail d'un terrain nu soit soumis aux dispositions dudit décret, il faut non seulement que des constructions aient été édifiées mais encore qu'elles soient à usage commercial, qu'en se bornant à affirmer et de façon incidente que les boxes constituaient l'élément déterminant de l'exploitation, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1.2° dudit décret" ;
Mais attendu, d'une part, que Mme x... N'a soutenu dans ses conclusions prises devant la cour d'appel ni qu'aucune destination commerciale n'était prévue au bail ni que cette destination devait être définie par référence exclusive a l'objet social de la société locataire ;
Que le moyen, pris en ses deux premières branches, est nouveau, mélange de fait et de droit ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir souverainement retenu par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des clauses imprécises des différents actes intervenus entre les parties, que la destination contractuelle des lieux n'était pas limitée a l'activité de réparations pour véhicules automobiles, l'arrêt constate que pendant plus de trois ans avant l'expiration du bail, la société locataire, qui est immatriculée au registre du commerce, possède un nom commercial et remplit les obligations imposées aux commerçants, a eu pour activité unique la locataire de boxes, qui sont des constructions en dur non aisément démontables, a des particuliers qui constituent une clientèle ;
Que de ces constatations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples arguments, a pu en déduire que la société locataire exploitait un fonds de commerce dans les lieux loues ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fonde pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 23 novembre 1982 par la cour d'appel de Reims.