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Décisions

Cass. com., 19 décembre 2018, n° 17-15.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocats :

SCP Gadiou et Chevallier, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Aix-en-Provence, du 29 juin 2017

29 juin 2017

Vu leur connexité, joint les pourvois n° R 17-15.883 et H 17-26.501 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que par un jugement du 18 mai 2010, un tribunal a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Sifas, M. Y... étant désigné mandataire judiciaire ; que la société HSBC France (la société HSBC) a déclaré plusieurs créances qui ont été contestées ; que par deux ordonnances des 25 juillet 2013 et 4 mars 2014, le juge-commissaire a constaté que les contestations ne relevaient pas de sa compétence et, par l'une d'elles, renvoyé les parties à se mieux pourvoir ; que les 6 août 2013 et 17 mars 2014, la société HSBC a assigné la société Sifas et M. Y..., ès qualités, devant le tribunal aux fins de statuer sur les contestations élevées par le mandataire judiciaire et dire que les créances s'élevaient à certains montants ; que par un jugement du 18 décembre 2014, le tribunal a dit que la déclaration de créance effectuée par la société HSBC était invalide et qu'il n'y avait pas lieu d'admettre la créance ainsi déclarée au passif de la procédure de sauvegarde de la société Sifas ; que la société HSBC a fait appel du jugement ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° R 17-15.883 :

Attendu que la société Sifas et M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt du 5 janvier 2017 de dire que le tribunal, saisi du fond du litige, n'était pas compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance alors, selon le moyen :

1°) que l'autorité de la chose jugée, qui s'attache à la décision du juge-commissaire, n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que par deux ordonnances en date des 25 juillet 2013 et 4 décembre 2014, le juge-commissaire à la procédure collective de la société Sifas s'était déclaré incompétent pour trancher les contestations portant sur la déclaration de créances de la société HSBC en date du 19 juillet 2010, sans se prononcer, dans le dispositif de ses décisions, sur la régularité de cette déclaration au regard d'une contestation née du défaut de pouvoir de son signataire ; qu'en retenant, pour considérer que le juge du fond n'était pas compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance, que la décision d'incompétence induisait obligatoirement que le juge-commissaire avait considéré que la déclaration de créance était régulière et non entachée de nullité pour défaut de pouvoir de son déclarant, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

2°) que le juge-commissaire qui se déclare incompétent pour trancher une contestation relative à une déclaration de créances sans surseoir à statuer, investit le juge compétent du pouvoir de statuer, non seulement sur la contestation mais aussi sur la demande en admission de la créance et donc sur la régularité de la déclaration de créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par deux ordonnances en date des 25 juillet 2013 et 4 décembre 2014, le juge-commissaire à la procédure collective de la société Sifas, s'était déclaré incompétent pour trancher les contestations portant sur la déclaration de créances de la société HSBC en date du 19 juillet 2010, sans pour autant prononcer un sursis à statuer ni se prononcer dans le dispositif de ses décisions sur la régularité de la déclaration de créance ; qu'en jugeant que le défaut de prononcé d'un sursis à statuer sur l'admission des créances avait eu pour seul effet d'investir le tribunal jugeant au fond de l'ensemble des contestations à l'exception de la régularité de la déclaration des créances de la société HSBC, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce ;

3°) que les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office que M. Y... et la société Sifas avaient abandonné, lors des audiences devant le juge-commissaire, la contestation élevée sur la régularité de la déclaration de créances, et s'étaient ensuite contredits devant le juge du fond au détriment de la banque, quand la société HSBC, qui ne discutait pas de leur droit à contester la régularité de la créance devant les juges du fond ni ne dénonçait leur comportement procédural, n'invoquait nullement un tel moyen, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur le moyen qu'elle entendait relever d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) qu'en retenant que la société Sifas et M. Y... avaient abandonné, lors des audiences devant le juge-commissaire, la contestation élevée sur la régularité de la déclaration de créances au vu des éléments justificatifs produits par la banque, quand le juge-commissaire qui se borne à se déclarer incompétent pour trancher une contestation relative à une déclaration de créances sans surseoir à statuer, investit le juge compétent du pouvoir de statuer, non seulement sur la contestation mais aussi sur la demande en admission de la créance et donc sur la régularité de la déclaration de créance, en sorte que cette circonstance était totalement inopérante et que M. Y..., ès qualités, et la société Sifas étaient recevables en leur contestation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 624-2 du code de commerce ;

5°) qu'en retenant que la société Sifas avait abandonné, lors des audiences devant le juge-commissaire, la contestation élevée sur la régularité de la déclaration de créances au vu des éléments justificatifs produits par la banque, quand il ne résulte pas de l'ordonnance du 25 juillet 2013 relative à la créance portant sur le prêt de 750 000 euros qu'elle y avait renoncé, la cour a dénaturé cette ordonnance et violé l'article 1134 ancien du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le juge-commissaire s'était déclaré incompétent sur les seules contestations élevées sur les pratiques qualifiées d'illicites de la banque, l'arrêt, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première, troisième, quatrième et cinquième branches, retient exactement que le défaut de prononcé du sursis à statuer sur l'admission des créances n'avait pas eu pour effet de conférer au tribunal jugeant au fond le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi n° R 17-15.883, et sur le moyen unique du pourvoi n° H 17-26.501 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, dans les conditions de l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ;

Attendu que pour infirmer le jugement et prononcer successivement l'admission des créances de la société HSBC au titre de deux prêts, et la fixation au passif de la créance de celle-ci au titre du solde débiteur d'un compte courant, l'arrêt du 5 janvier 2017 retient que le défaut de prononcé du sursis à statuer sur l'admission des créances a eu pour effet d'investir le tribunal jugeant au fond du pouvoir de statuer sur les contestations et sur la demande d'admission des créances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par la société HSBC ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce l'admission des créances de la société HSBC France au passif de la société Sifas au titre du prêt de 750 000 euros et du prêt de 300 000 euros et ordonne l'inscription de ces créances sur l'état des créances, l'arrêt rendu le 5 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de la société HSBC France au passif de cette société au titre du solde débiteur du compte courant, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les mêmes parties, par la même cour d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.