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Décisions

Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-22.377

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Paris, 8e ch. B, du 1er oct. 1998

1 octobre 1998

Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par ordonnance du 2 juin 1996, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société 0'Monde a autorisé le liquidateur à céder les droits issus de la licence d'exploitation de brevets et marques, dont Mme X... est en partie propriétaire, à M. Y... ou à toute personne physique ou morale substituée ; que, le 11 décembre 1996, la société Gutmann et A... (la société) a fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de Mme X..., entre les mains de la société Y... ; que le tiers saisi a déclaré à l'huissier instrumentaire que " vu l'importance de la procédure, M. Y..., gérant, prendra contact avec son avocat et une réponse sera faite ultérieurement" et lui a fait savoir, par lettre du 24 décembre 1996, qu'elle n'était redevable en l'état d'aucune somme à l'égard de Mme X... ; que soutenant qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation légale de renseignement, la société a demandé la condamnation de la société Y... à lui payer les causes de la saisie ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir dire et juger bien fondée la saisie-attribution et à voir condamner la société Y... à lui payer une certaine somme, alors, selon le moyen :

1°) que si la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui autorise la cession, et que l'exigibilité du prix de cette vente est subordonnée à l'établissement de ces actes, la cession n'en est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 155 et 156 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) que la substitution d'un cessionnaire par le liquidateur lors de la matérialisation des actes de cession opère rétroactivement à la date de l'ordonnance du juge-commissaire qui ordonne la vente avec faculté de substitution ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 155 et 156 de la loi du 25 janvier 1985 ;

3°) que la saisie peut porter sur une créance conditionnelle, à terme, ou à exécution successive ; que la saisie pouvait donc valablement porter sur les redevances dues à Mme X... en contrepartie des droits sur les brevets, même si, à la date de la saisie, ces redevances n'étaient pas encore exigibles ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 42, 43, 13 de la loi du 9 juillet 1991 et 55 du décret du 31 juillet 1992 ;

Mais attendu, en premier lieu, que la décision du juge-commissaire rendue sur le fondement de l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-18 du Code de commerce, ne vaut pas vente par elle-même ; que la cession ainsi ordonnée n'est réalisée que par les actes que doit passer le liquidateur après l'ordonnance, d'où il résulte que le transfert de propriété est subordonné à l'établissement des actes nécessaires à la réalisation de la cession ; qu'après avoir constaté que ces actes n'avaient été passés que le 17 février 1997, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à la date de la saisie-attribution, la société Y... ne détenait aucune somme au nom de Mme X... ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que la société ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'elle fait valoir dans la troisième branche du moyen qui est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable en sa troisième branche et mal fondé pour le surplus ;

Et sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la société Y... à lui payer une certaine somme, alors, selon le moyen :

1°) que le tiers saisi est tenu, sauf motif légitime, d'indiquer sur-le-champ à l'huissier de justice l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur, ainsi que les modalités qui pourraient les affecter, et de lui communiquer les pièces justificatives ; que ni la complexité de la question ni la nécessité de consulter préalablement son conseil ne peuvent être constitutives d'un motif légitime dispensant le tiers saisi de ces obligations, et en tous les cas de l'obligation de préciser sur-le-champ, en l'espèce, au moins la nature et l'objet de la transaction qu'il menait pourtant lui-même, et de communiquer les documents afférents à cette transaction ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 44 de la loi du 9 juillet 1991, 59 et 60 du décret du 31 juillet 1992 ;

2°) qu'il était acquis aux débats que le gérant de la société Y... interrogé par l'huissier était non seulement le cessionnaire d'origine des droits, désigné par l'ordonnance du juge-commissaire, mais encore copropriétaire de ces droits dès avant l'ordonnance et détenteur à hauteur de 49 % des actions de la société cédante liquidée, et que c'est lui qui menait avec le liquidateur la transaction concernant la cession des droits sur les brevets ; qu'en statuant de la sorte sans s'expliquer sur ces circonstances invoquées par la société, et qui étaient de nature à exclure que la complexité de la question puisse en l'espèce justifier le délai de treize jours pris par M. Y... pour répondre à l'huissier, la cour d'appel a encore violé les articles 44 de la loi du 9 juillet 1991, 59 et 60 du décret du 31 juillet 1992 ;

3°) que le tiers saisi doit fournir une réponse suffisamment précise sur l'étendue de ses obligations ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société qui faisait valoir que la réponse fournie treize jours après la date de la saisie par la société Y... ne satisfait toujours pas aux exigences légales dès lors qu'elle consiste, sans production d'un quelconque justificatif, à affirmer d'une manière vague et imprécise que la société ne serait pas redevable d'une quelconque somme "en l'état" à l'égard de Mme X..., la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4°) que l'exactitude prétendue de la réponse tardive et imprécise fournie sans motif légitime par le tiers saisi n'est pas de nature à constituer un obstacle à l'application de la sanction de l'inexécution de ses obligations de déclaration par le tiers saisi ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 60 du décret du 31 juillet 1992 ;

Mais attendu que le tiers saisi lorsqu'il n'est tenu, au jour de la saisie, à aucune obligation envers le débiteur, ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à son obligation de renseignement ; qu'ayant retenu que la société Y... ne détenait, au jour de la saisie-attribution, aucune somme au nom de Mme X..., la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société à payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts à la société Y..., l'arrêt retient que l'appel a un caractère abusif ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser quelle faute de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la société aurait commise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Gutmann et A... à payer à la société Y... la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 1er octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.