Cass. com., 14 juin 2017, n° 15-26.953
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article L. 622-20 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 17 octobre 2008, M. Y... et la société Evacom BV (la société Evacom) ont cédé à la société LSO international (la société LSO), filiale des sociétés BCD et BCD Management et dirigée par M. A..., les titres qu'ils détenaient dans la société D... Y... E... (la société MMA) pour un prix payable pour moitié à la signature de l'acte, le solde devant être réglé les 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 selon des modalités déterminées ; qu'en application du protocole d'accord signé à cette occasion, la société MMA a été absorbée par la société LSO et M. Y... a été désigné en qualité de dirigeant de cette dernière ; qu'en raison de difficultés de trésorerie révélées immédiatement après la réalisation de la cession, M. Y... a déclaré la cessation des paiements de la société LSO, laquelle a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 13 février 2008 et 27 mars 2009 ; que l'expert, désigné aux fins de déterminer la date réelle de la cessation des paiements et les causes de celle-ci, a relevé que, dès 2004, la société LSO était dans une situation structurellement déficitaire, et que l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le troisième trimestre 2007, avait été causé, d'une part, par la mauvaise gestion de M. A..., lequel faisait payer par la société la quasi-totalité de ses frais personnels, d'autre part, par la société Ersnt & Young, commissaire aux comptes, qui avait artificiellement augmenté les résultats de la société et n'avait pas révélé aux actionnaires le comportement de M. A..., et enfin, par la société BCD qui, non seulement, n'avait pas soutenu sa filiale, mais s'était fait verser des dividendes de façon anormale ; qu'après avoir régulièrement déclaré leur créance de complément du prix de cession au passif de la procédure collective, M. Y... et la société Evacom ont assigné M. A..., les sociétés Ernst & Young et BCD en paiement de dommages-intérêts, pour le solde impayé du prix de vente et la perte de la possibilité d'un complément de prix, outre la perte de la rémunération garantie à M. Y... ;
Attendu que, pour déclarer ces demandes irrecevables, l'arrêt retient que les réclamations portent sur des sommes qui ont été déclarées au passif de la procédure collective de la société LSO et trouvent leur cause dans la mise en liquidation judiciaire de la société qui n'a pu payer ses dettes ; qu'il en déduit que le préjudice allégué, qui n'a pu naître indépendamment de toute procédure collective, est identique à celui qui a été subi indistinctement et collectivement par tous les créanciers ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans distinguer entre le préjudice résultant de l'impossibilité pour les cédants de se faire payer par la société LSO leur créance résultant du solde du prix de cession, lequel ne constitue qu'une fraction du passif collectif dont l'apurement est assuré par le gage commun des créanciers, qu'il appartient au seul mandataire judiciaire de reconstituer, et la perte de la chance des cédants de percevoir pour l'avenir un complément de prix, ainsi que, pour M. Y..., la perte, pour l'avenir, des rémunérations qu'il aurait pu percevoir en tant que dirigeant social, préjudices dont la réparation est étrangère à la reconstitution du gage commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.