Livv
Décisions

Cass. com., 22 mars 2017, n° 15-13.290

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Yves et Blaise Capron

Nancy, du 19 nov. 2014

19 novembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lorraine camping-cars (la société), mise en redressement judiciaire le 8 juillet 2003, a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par un jugement du 6 juillet 2004 ; que pendant l'exécution de ce plan, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine (la Caisse) a consenti à la société, par actes des 9 juillet 2007 et 22 janvier 2009, deux prêts de 200 000 et 50 000 euros ; que M. X..., gérant et associé de la société, s'est rendu caution solidaire du premier prêt dans la limite de 260 000 euros et du second dans la limite de 60 000 euros, tandis que Mme Y..., associée de la société débitrice, s'est rendue caution solidaire du premier prêt dans la limite de 90 000 euros ; que la société ayant cessé de payer les mensualités, la Caisse a assigné les cautions en exécution de leurs engagements le 7 octobre 2009 ; que le plan de continuation de la société a été résolu par un jugement du 23 novembre 2010 qui a prononcé la liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, applicable aux procédures ouvertes après le 1er janvier 2006 même si les faits concernés sont antérieurs à cette date, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises en contrepartie de ces concours ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la Caisse envers les cautions, l'arrêt, après avoir relevé que l'octroi des prêts litigieux était intervenu en 2007 et 2009 pendant le cours du plan de continuation de la société débitrice principale, puis que ce plan avait été résolu et la société mise en liquidation judiciaire le 23 novembre 2010, retient qu'en se bornant à affirmer que l'augmentation du chiffre d'affaires de la société débitrice principale constatée au moment de l'octroi des deux prêts litigieux suffisait à écarter tout grief de soutien abusif, la Caisse, qui ne dément pas les allégations des cautions tendant à lui imputer l'initiative de l'octroi du second prêt et qui ne conteste pas les chiffres se rapportant aux résultats d'exploitation de l'entreprise cautionnée justifiés par les bilans produits aux débats, apparaît avoir nécessairement commis une faute d'immixtion répréhensible puisqu'elle s'est abstenue de tenir compte, par une analyse approfondie des résultats d'exploitation de la société bénéficiaire d'un plan de continuation, de la fragilité de la performance industrielle et commerciale de celle-ci avant de lui consentir deux crédits substantiels ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la Caisse dans la gestion de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte et dans le cas où une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, ou une disproportion des garanties prises en contrepartie de concours consentis, est établie à l'encontre du créancier, la responsabilité de ce dernier ne peut être retenue que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la Caisse, l'arrêt retient que la banque apparaît avoir nécessairement commis une faute d'immixtion répréhensible puisqu'elle s'est abstenue de tenir compte, par une analyse approfondie des résultats d'exploitation de la société bénéficiaire d'un plan de continuation, de la fragilité de la performance industrielle et commerciale de celle-ci avant de lui consentir deux crédits substantiels ;

Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir le caractère fautif des crédits accordés, tenant à la pratique d'une politique de crédit ruineux pour l'entreprise financée de nature à provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, eu égard à ses perspectives de rentabilité et à ses capacités de remboursement, ou tenant à l'apport d'un soutien artificiel à une entreprise dont la Caisse connaissait ou aurait dû connaître, si elle s'était informée, la situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.