Cass. com., 7 novembre 2018, n° 15-28.802
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Monod, Colin et Stoclet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, le 27 octobre 2015), que M. Y..., exerçait une activité de transport routier à titre individuel ; que, le 11 mars 2002, le camion nécessaire à cette activité, piloté par M. X..., a été saisi par les services douaniers britanniques, en raison de la découverte, à son bord, de tabac de contrebande ; que le 21 août 2002, M. Y... a été mis en liquidation judiciaire, la procédure étant clôturée pour insuffisance d'actif le 24 mai 2006 ; que reprochant à M. X... d'avoir commis une faute, M. Y... l'a assigné devant le tribunal de grande instance le 20 novembre 2012, afin d'obtenir réparation de ses préjudices, parmi lesquels une perte de revenus futurs ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de M. Y... au titre d'une perte de revenus personnels et de le condamner à indemniser ce préjudice alors, selon le moyen :
1°) qu'un débiteur contre lequel est ouvert une procédure de liquidation judiciaire est dessaisi de l'ensemble de ses biens et n'a plus, dès lors, qualité pour exercer toute action patrimoniale ; qu'en retenant, pour juger que l'action en paiement de dommages-intérêts exercée par M. Y... était recevable, que le préjudice né des pertes de revenus futurs constituait un préjudice personnel de M. Y..., distinct du préjudice collectif des créanciers, quand M. Y... était un entrepreneur individuel qui, dès lors qu'il avait été placé en liquidation judiciaire, n'était plus recevable à exercer une action en paiement de dommages et intérêts que seul le liquidateur pouvait mettre en oeuvre, la cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) que toute action tendant au recouvrement d'un élément d'actif d'un entrepreneur individuel dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs, qui n'aurait pu être exercée que par le seul liquidateur pendant le cours de la procédure, en raison du dessaisissement de l'entrepreneur, suppose, pour être exercée après sa clôture, une réouverture de la procédure ; qu'en retenant, pour juger que l'action en paiement de dommages et intérêts exercée par M. Y... était recevable, que le préjudice né des pertes de revenus futurs constituait un préjudice personnel de M. Y..., distinct du préjudice collectif des créanciers, quand ces revenus constituaient le gage commun des créanciers, de sorte que les dommages et intérêts venant compenser leur perte aussi et que l'exercice d'une telle action supposait la réouverture de la procédure, la cour d'appel a violé l'article L. 622-34 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
Mais attendu, d'une part, que, M. Y... ayant exercé son action en responsabilité le 20 novembre 2012, soit après la clôture de sa liquidation judiciaire, son dessaisissement avait pris fin à cette date, de sorte qu'il avait qualité pour exercer une action indemnitaire ;
Et attendu, d'autre part, que, contrairement à ce que postule le moyen, la perte, pour l'avenir, des rémunérations qu'un débiteur, entrepreneur individuel, aurait pu percevoir, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne relève pas du monopole du liquidateur, de sorte que l'action en réparation de ce préjudice n'est pas subordonnée à la reprise préalable de la procédure dans les conditions prévues par l'article L. 622-34 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises applicable en la cause ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.