Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-19.787
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouin-Palat et Boucard
Joint les pourvois n° B 13-19. 787 et K 13-24. 349, qui attaquent le même arrêt ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° B 13-19. 787, relevée d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 613 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;
Attendu que M. B..., ès qualités, s'est pourvu en cassation le 18 juin 2013 contre un arrêt rendu par défaut à l'égard de M. X..., signifié à ce dernier le 9 juillet 2013 ; que le délai d'opposition n'avait pas couru à la date du pourvoi ;
D'où il suit que ce pourvoi est irrecevable ;
Sur le pourvoi n° K 13-24. 349 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 avril 2013), que la société Génération LTB (la société) ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 19 mars et 18 avril 2007, M. B..., (le liquidateur) a assigné en comblement de l'insuffisance d'actif MM. X... et Y..., présidents successifs du conseil d'administration de la société, et M. Z..., directeur général ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. X... et M. Y... chacun à payer la somme de 240 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une faute de gestion de nature à aggraver le passif le fait de verser des loyers au titre de l'occupation de locaux commerciaux sans conclusion préalable d'un bail écrit ; que la cour d'appel qui, pour limiter à 240 000 euros chacun les condamnations de MM. X... et Y... à combler l'insuffisance d'actif de la société, a jugé que le versement de loyers malgré le défaut de conclusion d'un bail écrit n'était pas constitutif d'une faute de gestion de nature à aggraver le passif, a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ que l'utilisation à des fins personnelles par le gérant des fonds de la société constitue une faute de gestion de nature à contribuer à l'aggravation de l'insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la responsabilité de M. X... à raison de l'utilisation par lui, à des fins personnelles, des fonds de la société, que compte tenu du remboursement effectué par lui, cette faute de gestion n'avait pas contribué à l'aggravation du passif, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, avant qu'il ne soit procédé au remboursement, le manque de trésorerie généré par le détournement des fonds de la société n'avait pas contribué à l'accroissement de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
3°/ que dans un courrier du 22 avril 2009, le Crédit lyonnais, dans les livres duquel était ouvert le compte de la société, attestait de ce que M. X... était seul titulaire de la signature sur le compte, sans qu'aucune procuration au profit d'un tiers n'ait été trouvée ; qu'en retenant néanmoins, pour juger qu'après sa démission des fonctions de président de la société M. X... n'était pas devenu gérant de fait, que le courrier de la banque ne suffisait pas à établir que le dirigeant était resté seul titulaire de la signature du compte bancaire, la cour d'appel, qui a dénaturé ce courrier, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que constitue une faute de gestion de nature à aggraver l'insuffisance d'actif le fait d'organiser frauduleusement le transfert des actifs d'une société avant la déclaration de cessation des paiements ; qu'en se bornant à relever, pour juger que M. Y... n'avait pas commis de faute de gestion en abandonnant au profit d'une société dirigée par M. X... les droits de la société sur la gestion d'une résidence de tourisme à Super Besse, que la convention conclue le 1er septembre 2005 entre la société et la société Les Hauts-de-Sancy avait été résiliée à l'initiative de cette dernière avant que ne soit signée une nouvelle convention avec la société Elite Premier, dont M. X... était le président, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, nonobstant les apparences de régularité formelle de l'opération, le transfert des droits pour la gestion de la résidence de Super Besse ne résultait pas d'une collusion frauduleuse entre les différentes parties, de sorte qu'une faute de gestion devait être retenue à l'encontre de M. Y..., alors président de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale a regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
5°/ que le défaut de libération du capital social constitue une faute de gestion de nature à contribuer à l'insuffisance d'actif ; que la cour d'appel qui, après avoir retenu que faute d'avoir provoqué la libération du solde du capital social M. Y... avait commis une faute de gestion, s'est contentée, pour limiter à 240 000 euros sa condamnation à combler l'insuffisance d'actif, de retenir, par voie de simple affirmation, que cette faute n'avait pas contribué à l'augmentation du passif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a considéré que, ni le défaut de conclusion d'un bail écrit ni la conclusion de la convention du 1er septembre 2005, dont il n'était pas établi qu'elle résultât d'une collusion frauduleuse, ne caractérisaient des fautes de gestion ;
Attendu, en deuxième lieu, que c'est sans dénaturer le courrier du 22 avril 2009, que la cour d'appel a pu déduire qu'il n'était pas établi que M. X... avait, après sa démission, continué à exercer en toute indépendance une activité positive de direction de la société ;
Attendu, en troisième lieu, qu'en retenant que, du fait du remboursement du montant des sommes détournées, la faute de gestion en cause n'avait pas contribué à l'aggravation du passif, la cour d'appel qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a fait la recherche prétendument omise ;
Attendu, enfin, que loin de se borner à affirmer que le défaut de libération des apports n'avait pas contribué à l'augmentation du passif, la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé que le montant de ces apports (environ 15 000 euros) n'aurait pas permis de remédier au manque de trésorerie et aux difficultés structurelles de la société ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche et qui manque en fait en sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la qualité de dirigeant de fait de M. Z... n'était pas établie et d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la qualité de directeur général d'une société se prouve par tous moyens ; que la cour d'appel qui, pour écarter la qualité de dirigeant de droit de M. Z..., a retenu qu'à défaut de production du procès-verbal de l'assemblée générale le désignant directeur général, il n'était pas justifié de sa nomination à ces fonctions, limitant ainsi les modes de preuve admissibles, a violé les articles 1315 du code civil et L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ que le défaut de publicité de la désignation d'un dirigeant ne pouvait pas avoir pour effet de soustraire celui-ci aux responsabilités attachées aux fonctions qu'il avait acceptées et exercées ; qu'en se fondant, pour dire que le liquidateur ne pouvait se prévaloir de la qualité de dirigeant de droit de M. Z..., sur la circonstance inopérante que sa nomination n'avait pas fait l'objet d'une publication au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu que c'est sans encourir le grief des première et deuxième branches que la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, et qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les modes de preuve qu'elle décidait d'écarter, a retenu qu'en l'absence de production du procès-verbal de l'assemblée générale du 14 juin 2006 qui l'aurait désigné directeur général ou de la publication de cette nomination, la qualité de dirigeant de droit de M. Z... n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° B 13-19. 787 ; REJETTE le pourvoi n° K 13-24. 349.