Cass. com., 6 février 1979, n° 77-13.264
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Portemer
Rapporteur :
M. Perdriau
Avocat général :
M. Robin
Avocat :
M. Boullez
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 14 avril 1977) d'avoir, à la fois, prononcé l'extension à Alfred X... de la liquidation des biens commune de la société SOGICO et à la société SERI, condamné Pierre X... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de cette liquidation des biens, et condamné les dames Alfred X... et Pierre X... à payer des dommages-intérêts au syndic, alors, selon le pourvoi, que cette extension et ces condamnations ont accordé à la masse des créanciers une réparation supérieure au préjudice réellement subi ;
Mais attendu que, les décisions dont le cumul est ainsi critiqué ayant été rendues par le jugement entrepris, il ne résulte ni des conclusions produites, ni de l'arrêt, que Pierre X..., ALfred X..., dame Pierre X... et dame Alfred X... aient formulé devant les juges d'appel le moyen qu'ils présentent pour la première fois à la Cour de cassation ;
Que celui-ci est donc nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt déféré, par les dames Alfred et Pierre X..., de les avoir condamnées à payer des dommages-intérêts au syndic de la liquidation des biens des sociétés SOGICO-SERI aux motifs qu'elles n'avaient pas critiqué devant la Cour d'appel la décision des premiers juges qui avaient déjà prononcé cette condamnation et qu'elles avaient commis des fautes dans l'exercice de leurs fonctions respectives de présidente et de vice-présidente du conseil de surveillance de la société SOGICO, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le Tribunal ayant prononcé la condamnation uniquement pour faute de surveillance et comme corolaire des sanctions personnelles ordonnées, les dames X... avaient soutenu dans leurs conclusions d'appel qu'elles ne pouvaient subir aucune sanction et avaient demandé à être déchargées de toute condamnation, de sorte que leurs conclusions ont été dénaturées, alors, d'autre part, que la responsabilité des membres du conseil de surveillance est uniquement contractuelle et n'est pas engagée vis-à-vis des tiers, de sorte que ceux-ci ne peuvent invoquer l'existence d'un préjudice né d'un défaut de surveillance de la gestion imputable aux membres du directoire, puisque la responsabilité des membres du conseil de surveillance est celle du mandataire vis-à-vis du mandant, c'est à dire de l'assemblée générale des actionnaires, et alors enfin, que les juges du fond même s'ils ont relevé des fautes dans l'exercice de la mission de surveillance, n'ont pas déterminé le lien de causalité avec le préjudice qu'auraient subi les créanciers ;
Mais attendu, en premier lieu, que les dames X... n'avaient institué dans leurs écritures aucune discussion concernant les condamnations pécuniaires prononcées contre elles ; que la Cour d'appel, après en avoir fait l'observation a déclaré, par une disposition motivée, que ces condamnations étaient justifiées et répondu par là-même, sans les dénaturer, aux conclusions dont elle était saisie ;
Que le moyen manque en fait en sa première branche ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, à la charge du conseil de surveillance de la société SOGICO, de n'avoir signalé ni la disproportion entre le capital social et le chiffre d'affaires, ni le défaut d'adhésion pour une entreprise de construction à la Caisse des congés payés du bâtiment, ni le défaut d'assurance de la garantie décennale, ni le non paiement de la TVA, ni le fait que, pendant neuf mois, Alfred X... était débiteur envers la société SOGICO au titre d'une avance au personnel, consentie en violation de l'article 148 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'il relève aussi, par adoption des motifs non contraires des premiers juges, que les agissements des consorts X... ont "mis en coupe" les sociétés SERI et SOGICO ; qu'il a pu en déduire que la responsabilité des dames Alfred et Pierre X... se trouvait engagée vis-à-vis de la masse des créanciers, abstraction faite de la référence surabondante à l'article 250 de la loi précitée ;
Que le moyen n'est pas fondé en ses deuxième et troisième branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à la Cour d'appel d'avoir décidé que la liquidation des biens commune aux sociétés SOGICO et SERI faisait apparaître une insuffisance d'actif alors, selon le pourvoi, que, d'une part, l'insuffisance d'actif devant s'apprécier à la date du jugement ouvrant la procédure collective, il appartenait à la Cour d'appel de déterminer le montant du passif dans la mesure de ses connaissances, ne serait-ce que pour apprécier la part qui devait être laissée à la charge du dirigeant social, et alors que, d'autre part, l'actif s'appréciait à la date de l'ouverture de la procédure collective, les éléments postérieurs ne pouvant être retenus pour déterminer cette insuffisance, que les travaux en cours devaient être évalués à leur valeur de facturation et non à leur valeur purement comptable, que même si certains travaux avaient été réglés par anticipation, il est nécessaire, comme les consorts X... le demandaient dans des conclusions délaissées, de reconnaître la véritable situation active, compte tenu de la valeur réelle et des paiements effectués ; que le terrain de Fécamp ayant été loti en vue d'une vente par lots, son évaluation ne pouvait être effectuée que dans cette perspective, même si les frais de vente devaient être imputés sur le prix, que les consorts X... avaient apporté des éléments reconnus justes par le juge-commissaire, ainsi qu'ils le soutenaient dans leurs conclusions, peu importait le prix de vente du terrain dans son ensemble à un seul acquéreur six mois après la liquidation des biens, qu'enfin, la valeur du portefeuille des constructions en commande devait être retenue, abstraction faite des résiliations postérieures qui ont dû donner lieu à des indemnités contractuelles dont il devait être tenu compte et du détournement de clientèle qui a été l'occasion d'un jugement au profit de la masse, qu'ainsi en l'état des conclusions sollicitant une mesure d'expertise pour déterminer l'existence et le montant d'une insuffisance d'actif, les juges du fond ont méconnu les principes applicables et n'ont pas donné de base légale à leur décision ;
Mais attendu que la Cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a apprécié souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis en considérant qu'une insuffisance d'actif existait à la date du jugement ayant prononcé la liquidation des biens des sociétés SOGECO et SERI.
Que le moyen est dénué de fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 14 avril 1977 par la Cour d'appel de Rouen.